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27/10/2022

On n'imprime point un livre comme on vend de la morue au marché . Un libraire doit être un homme instruit et attentif

... Dans ce monde littéraire actuel, les vendeurs de "morue" sont légion, mais le moyen de faire autrement , ils auraient tort de se gêner, quand tant de gogos sont capables d'acheter des mémoires et réflexions d'ex-présidents , politiciens de tous bords, y compris extrêmes, ou pire de minables  candidats blackboulés .

Reste à attendre le nom du lauréat/lauréate Goncourt : https://www.tf1info.fr/culture/prix-goncourt-2022-guilian...

On aura alors le livre - cadeau banal , offert par qui n'a pas de connaissance des goûts du récipiendaire .

 

 

« A madame Nicolas-Bonaventure Duchesne 1

Celui qui a dicté la lettre à Mme Duchesne ne l'a pas trop bien servie . Quand le sieur Duchesne imprima le recueil de théâtre en question, il devait consulter l'auteur, qui aurait eu la complaisance de lui fournir de quoi faire une bonne édition. Il devait au moins prendre pour modèle l'édition des frères Cramer ; il devait surtout consulter quelque homme de lettres qui lui aurait épargné les fautes les plus grossières ; il ne devait pas imprimer sur des manuscrits informes d'un souffleur de la comédie ; il ne devait pas déshonorer la littérature et la librairie . On n'imprime point un livre comme on vend de la morue au marché . Un libraire doit être un homme instruit et attentif .

Si Mme Duchesne veut, en se conformant à la dernière édition de MM. Cramer, faire des cartons et corriger tant de sottises, elle fera très bien ; mais il faut choisir un homme versé dans cet art qui puisse la conduire ; elle peut s'adresser à M. Thieriot .

On lui envoya le tome de La Henriade in-4° il y a plus d'un an ; elle n'en a pas seulement accusé la réception ; ce n'est pas avec cette négligence et cette ingratitude qu'on réussit . m. de Voltaire a les plus justes raisons de se plaindre . Ses ouvrages lui appartiennent . Le temps de tous les privilèges est expiré ; il en peu gratifier qui il voudra . Il favorisera Mme Duchesne s'il est content de sa conduite, sinon il fera présent de ses œuvres à d'autres qui le serviront mieux .

A Ferney , 22 avril 1767 2. »

2 V* répond à une longue lettre de la veuve Duchesne, du 12 avril 1767, dont voici un extrait :

« Je commence, monsieur, par vous attester sur de que j'ai de plus cher, c'est-à-dire votre estime, et vos bontés elles-mêmes, que mon mari a toujours été dans le principe de ne jamais rien imprimer de vos ouvrages, ni même aucun de ceux qui se trouvent chez moi, qu'il n'y ait été formellement autorisé par le droit le plus légitime, et les titres qu'il m'a laissés en sont la preuve incontestable .

Je n'ai pas oublié qu'il y a trois ou quatre ans qu'il eut l'honneur de vous écrire pour vous faire part qu'il avait acquis de MM. Prault le père et fils, Barèche, Lambert, etc., le droit que vous avez bien voulu leur donner d'imprimer vos pièces de théâtre, et qu'en conséquence il se proposait sous votre bon plaisir d'en faire un corps complet . Vous eûtes la générosité de lui répondre, et de lui donner votre agrément . Vous poussâtes même la complaisance jusqu'à lui marquer que rien ne vous était plus agréable que la réunion de vos pièces dans une seule maison .

Depuis ce temps-là il reçut de Manheim l'Olympie ; de Genève, L’Écossaise et Le Droit du Seigneur . De plus M. Lekain m'a vendu Adélaïde Du Guesclin sous le titre de Duc de Foix . Tout cela nous a couté plus de 20 020 francs . Je sais bien que vous n'avez pas touché cet argent, mais je ne l'ai pas moins compté à gens qui vous représentaient ou du moins qui tenaient ces ouvrages de votre générosité . Eh ! Qui ne croira pas ( puisque rien n'est si beau que le don ) qu'ils étaient en droit de traiter avec moi de vos présents ?

D'après cet exposé, vous entrevoyez, monsieur, qu'on n'a pas plus épargné mon nom que mes intérêts et la mémoire même de mon mari . Je mériterais seule l’infamie dont on s'efforce de le couvrir, si je n'intéressais ici votre équité naturelle à me faire justice . Les expressions honnêtes dont on se sert pour le qualifier équivalent à eu près aux épithètes de voleur, de coquin qui ne se serait pas fait scrupule de tromper le roi, son ministre, et vous-même, en demandant un privilège, quoique vous sachiez, monsieur, que loin d'établir une droit de propriété, il se réduit à la permission d'imprimer, qu’on n'exerce qu’après avoir fait preuve de l'acquisition de l'ouvrage qu'on publie . »

En conclusion, la veuve Duchesne demande à V* de supprimer l'avis au lecteur des Scythes qui est ainsi conçu : « L'auteur est obligé d'avertir que la plupart de ses tragédies imprimées à Paris chez Duchesne, au Temple du Goût, en 1764, avec privilège du roi, ne sont point du tout conformes à l'original ; il ne sait pas pourquoi le libraire a obtenu un privilège sans le consulter . »

Voir : http://theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=..%2Fdocuments%2FVOLTAIRE_SCYTHES.xml

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