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04/05/2016

Donnez-moi encore trois sous, disait une brave Allemande

... prénommée Angela .

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

[vers le 6 juin 1761] 1

Fi les vilains hommes qui boivent de ça . Donnez-moi encore trois sous, disait une brave Allemande .

Vous en voulez donc encore, mes divins anges ! En voici et grand bien vous fasse . Toute la cargaison est pour le petit troupeau des honnêtes gens . Les libraires n'en doivent point tâter, et le pain des forts ne doit pas être jeté aux chiens 2.

Laissez là vos procès ; donnez-nous des tragédies . C'est bientôt dit ; voici mes divins anges le commentaire de votre texte . Vous faites des dépenses considérables pour rebâtir une église, des prêtres vous font un procès criminel pour des os de morts dérangés dans un cimetière , et ils veulent que vous soyez puni de vos bienfaits . Vous êtes uni avec vos vassaux et avec votre curé . Vous avez une procuration d'eux tous pour en appeler comme d'abus au parlement . Les entrepreneurs restent les bras croisés et demandent des dommages . Abandonnez là les entrepreneurs, votre curé, vos vassaux . Laissez là les intérêts du corps de la noblesse qu'elle vous a fait l'honneur de vous confier . Voyez périr une malheureuse petite province que vous commenciez à tirer de la plus horrible misère . Laissez là les défrichements, les dessèchements des marais, le tout pour nous faire vite une mauvaise tragédie qui ne pourra certainement être que détestable au milieu de tous ces tracas .

Ô anges que me demandez-vous ? Pour Dieu laissez- moi achever mes affaires . Je me suis fait une patrie et des devoirs . Qui m'exhortera mieux que vous à les remplir ? Il faut avoir l'esprit net pour faire une tragédie . Laissez-moi nettoyer ma tête .

À propos de scandale du texte en avez-vous jamais vu un qui approche de celui d'Oola et Ooliba 3dans la lettre de ce cher M. Eratou 4 à ce cher M. Clokpicre ?

On dit qu'il y a trois jeunes gens qui s'élèvent, un Eratou, un Clokpicre et un Dardelle, et qu'ils promettent beaucoup . Je ne connaissais que l'eau d'Ardelle . Je ne sais si elle est bonne pour la brûlure 5.

Quoi , Térée honni ? Philomèle sifflée au printemps 6? Cela n'est pas juste .

Faire payer le magasin de Vezel à messieurs de Prusse, voilà ce qui me paraît juste ou du moins très bien fait .

Mais ce pauvre Lekain ! Ah quand il serait beau comme le jour, il n'aurait rien eu 7.

Et l'ami Pompignan qui fait la vie du feu duc de Bourgogne 8! et qui a prononcé un beau discours sur l'amour de Dieu !

Dieu conserve longtemps le roi ! »

 

1 Le manuscrit est daté par l'éditeur »avril ou mai 1761 », et l'édition Kehl place la lettre fin mai 1761, suivie par les autres éditions ; mais la lettre est presque certainement contemporaine de celle du 6 juin 1761 à Lekain .

2 Dans le rituel de l'Eucharistie on lit

Ecce panibus angelorum […]

Non mittendus canibus .

3 Voir lettre du 15 janvier 1761 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/01/13/je-le-supplie-tres-instamment-de-vouloir-bien-s-en-rapporter-5744265.html

L'histoire d'Olla et d'Ooliba est une des « scies » les pus connues de V* .

4 Anagramme d'Arouet .

5 Cette phrase et la suivante , rayées sur la copie Beaumarchais-Kehl manquent dans toutes les éditions .

7 On lui refusait sa part entière .

8 Jean-Jacques Lefranc de Pompignan avait composé l’Éloge historique de Mgr le duc de Bourgogne, 1761 . Voir : http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=lyon2.1998.oferret&part=4808

 

03/05/2016

je ne crois pas que je doive faire un procès à mes chevaux s'ils ruent dans l’écurie que je leur ai fait bâtir

... Ainsi pourquoi perdre du temps à la tête du PS à critiquer et descendre en flammes les députés frondeurs qui eux-mêmes ruent contre leurs chefs d'origine . Carottes de promotions et bâtons de rétrogradations ont bien cours dans cette cour de chefaillons , tout comme dans tous les autres partis avouons-le .

Nos vieux chevaux de retour politiques sont dans les écuries d'Augias, allons Hercule un bon coup de balai dans tout ça !

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« A Jean-Marie Arnoult 1

A Ferney le 5 juin 1761

J'ai peur, monsieur, de vous avoir fait envisager l'aventure de mon église comme une affaire plus considérable qu'elle ne l'est en effet . Je pense que nous ne serions réduits le curé, les paroissiens et moi, à en appeler comme d'abus qu'en cas que notre official de village nous fît signifier quelque grimoire, comme je le craignais dans les premiers mouvements de cette sottise .

J'ai fait venir de Paris le seul livre qui traite, dit-on, de ces besognes, c'est la Pratique de la juridiction ecclésiastique 2 de Ducasse, grand vicaire en son vivant . Ce livre assez mauvais ne m'a donné aucune lumière , et c'est ce qui arrive presque toujours en affaires . Le bruit public dans le petit pays de Gex est qu'on se repent de cette équipée, mais qui paiera les frais de leur procédure ? On ne m'a rien fait signifier, mais je présume que je n'ai d'autre chose à faire qu'à continuer mon bâtiment . Quand j’aurai achevé mon église, il faudra bien qu'on la bénisse ; et je ne vois pas, quand je suis d'accord avec tous les paroissiens, qu'on puisse me faire de chicane . Je sens bien qu'il est désagréable d'avoir été si mal payé de mes bienfaits, mais je ne crois pas que je doive faire un procès à mes chevaux s'ils ruent dans l’écurie que je leur ai fait bâtir .

Pour l'affaire du curé de Moëns la sentence de Gex me paraît ridicule . Je ne sais si vous êtes chargé de cette affaire ; je le souhaite au moins pour apprendre aux curés de ce canton barbare à ne pas employer leur temps à distribuer des coups de bâton aux hommes, aux femmes, et aux petits garçons . Le zèle de la maison du Seigneur ne doit pas aller jusqu'à assommer les gens .

J'ai l'honneur d'être etc. »

 

 

02/05/2016

Et confusion aux fanatiques ennemis de la raison et de l’État

... Eh Oh la Gauche dans Une France apaisée ( ou à baiser ) ! quel pied !!

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« A Etienne-Noël Damilaville

[vers le 2 juin 1761] 1

Autant que je peux me souvenir de Paris, la rue Simon-le-Franc 2 n'est pas loin du logis de monsieur Thieriot . Il me rendra un vrai service de vouloir bien faire parvenir l'incluse à mon avocat conseil . Il ne s'agit pas ici de M. Dardelle, mais bien d'un procès pour une haute justice .

Je plains ce pauvre Térée .

Il est triste que Philomèle 3 soit mal reçue au mois de mai .

On disait que ce M. Lemierre était un bon ennemi de l'infâme . Courage ; qu'il ne se rebute pas .

Et confusion aux fanatiques ennemis de la raison et de l’État . »

1 Sur le manuscrit, suivi par toutes les éditions, une partie de cette lettre et d'une lettre de juin à Damilaville ont été fondues pour donner la lettre du 15 juin 1761 à Damilaville ; le même sort avait déjà été réservé aux précédentes lettres à Damilaville .

2 Où habitait Mariette , avocat au conseil que l'on retrouvera lors de l'affaire Calas .

 

Il faut plaire au grand nombre des lecteurs, et ce n'est qu'en sachant jeter de l'intérêt et de la vérité dans son ouvrage qu'on peut se faire lire

 ... Et pour tous les politiciens plumitifs, un simple semblant de vérité  leur suffit amplement , "le roi est nu" n'est pas la phrase qu'ils préfèrent entendre .

"Les carnets secrets du pouvoir" de Jean-Louis Debré sont édifiants et ce livre a le mérite des qualités reconnues par Voltaire .

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« A Ivan Ivanovitch Schouvalov

Au château de Ferney 1er juin 1761 1

Monsieur, j'ai l'honneur d'envoyer à Votre Excellence un second cahier, c'est-à-dire un second essai qui a besoin de vos lumières et de vos bontés . Ce sont plutôt des matériaux, d'un édifice commencé, et c'est à vous à daigner me dire si ces matériaux doivent être employés ; et à m'indiquer les nouveaux qui pourraient me servir . J'ai été obligé de me servir de tout ce que j'ai pu découvrir . Il y a un an que je fais des recherches dans toute l'Europe . La matière est bien belle ; mais les secours sont bien rares . Presque tous ceux qui pouvaient m'instruire de bouche sont morts ; et il est difficile de démêler la vérité dans la foule des mémoires contradictoires qui me sont parvenus . On m'a communiqué beaucoup de petits détails indignes de la majesté de l'histoire, et du héros dont j’écris la vie . Je marche toujours à travers des broussailles 2 et des épines pour arriver jusqu'à la personne de Pierre le Grand . C'est lui que je songe à rendre toujours plus grand, jusque dans les plus petites choses , et il me semble que cette grandeur rejaillit sur son épouse l'impératrice Catherine .

J'ai pensé qu'il fallait un peu adoucir quelquefois le style sévère qu'imposent les grands objets de la politique et de la guerre, varier son sujet, l'égayer même avec discrétion et avec mesure , lui ôter l'air insipide d'annales, l'air rebutant de la compilation, l'air sec que donnent les petits faits rangés scrupuleusement suivant leurs dates . Il faut plaire au grand nombre des lecteurs, et ce n'est qu'en sachant jeter de l'intérêt et de la vérité dans son ouvrage qu'on peut se faire lire, ou plutôt monsieur ce n'est qu'en vous consultant .

Il y aura des défauts qu'il faudra imputer à la faiblesse de ma santé, à mon age avancé, et non au défaut de mon zèle . Je reprendrais de nouvelles forces si je pouvais me flatter de satisfaire votre cour par mon travail et surtout l'auguste fille du héros dont j'écris l'histoire . Peut-être en lisant les deux essais que je vous soumets, il vous viendra quelque idée nouvelle, vous pourrez  monsieur me faire fournir quelque pièce utile . Disposez de moi et du peu de temps qui me reste à travailler et à vivre .

J'ai l’honneur d'être avec le zèle le plus empressé et les plus respectueux sentiments

monsieur

de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

 

1 Sur le manuscrit il y a un post scriptum de la main de V* ; « Le cahier a été envoyé à M. de Soltikoff près de Genève ».

2 V* se sert d'une ancienne forme du mot dérivé de brosse, buisson, mot aussi employé dans des noms géographiques ( comme celui du président De Brosses .)

 

01/05/2016

J'ai été accablé de mille petites affaires qui font mourir en détail

... Le diable est dans les détails , c'est bien connu ! pour autant qu'on croie au diable et au bon Dieu . Pour conjurer tout ça, un bon brin de muguet et la coupe de la superstition sera pleine pour ce jour .

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« A François de Chennevières

On dit, mon cher ami, que Mme de Paulmy 1 mérite les jolis vers que vous avez faits pour elle . Je ne crois pas qu'elle en reçoive de pareils des palatins et des starostes . Il y a bien longtemps que je ne vous ai donné signe de vie ; mais c'est que je ne suis pas en vie . J'ai été accablé de mille petites affaires qui font mourir en détail, des procès inévitables quand on a des terres, des défrichements, des dessèchements de marais . Est-il bien vrai que M. de Bussy 2 est parti pour l'Angleterre ? Nous aurons donc la paix, et nous en aurons l'obligation à M. le duc de Choiseul ; que de fêtes ! et que de mauvais vers il essuiera ! du moins de ma part !

Adieu cher ami et sœur du pot . Je vous suis tendrement attaché pour la vie .

Voulez-vous bien donner cours à l'incluse ? Vous voyez que vous faites plaisir à toute la famille .

A Ferney 1er juin [1761].3 »

2 Le premier commis des affaires étrangères avait quitté la France pour l'Angleterre le 23 mai 1761 ; de son côté lord Hans Stanley, l'un des lords de l'Amirauté , s'était embarqué le même jour pour Paris ; mais les négociations entamées n'aboutirent pas . Voir : https://books.google.fr/books?id=w_mewj4PbmEC&pg=PP4&lpg=PP4&dq=m.+de+BUssy+1761&source=bl&ots=Z6v65qRz3u&sig=3K-nAI1FfXdKdublxGFRnnbJti4&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwj8xPPMm7jMAhXLXBQKHY99C7MQ6AEIHTAA#v=onepage&q=bussy&f=false

3 L'édition Cayrol et les suivantes omettent les deux derniers paragraphes, à la suite de la copie Boissy d'Anglas .