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09/05/2016

les friponneries des regrattiers

... Au sens figuré, dégoûtent le consommateur/citoyen/électeur floué . Que tous les candidats à la présidentielle arrêtent de prendre les contribuables pour une clientèle abrutie et cessent de servir la même soupe froide avec des rogatons . La nausée est là , l'écoeurement est déjà dépassé, une bonne dose de vérité est indispensable .

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 Mon opinion laverait-elle plus blanc que blanc ?... Et qui ?

 

 

« A Louis-Gaspard Fabry, Maire et

subdélégué

à Gex

Monsieur, il y a plusieurs articles sur lesquels il faut que j'aie l'honneur de vous écrire . Premièrement je dois vous renouveler mes remerciements . Je crois que vous savez combien on a été indigné à Dijon de la malhonnêteté et de l'insolence absurde avec laquelle on s'est conduit au sujet de l'église de Ferney . J'ai bien voulu continuer à la faire bâtir, quoique je dusse attendre qu'on eût eu avec moi les procédés qu'on me devait .

Il serait à souhaiter que M. de Villeneuve voulût bien venir à Ferney au mois de septembre ou d'octobre . Il y trouverait M. de Montigny , le commissaire du roi pour les sels, et on pourrait, je crois , finir alors l'affaire du baron Sédillot ; nous aurons dans ce temps M. le premier président de La Marche, qui n'aime point du tout les friponneries des regrattiers 1. Il est fort lié avec monsieur l'intendant, et il l'encouragerait à terminer .

Je vous propose actuellement, monsieur, de sauver les têtes, les bras , et les jambes, à une centaine de personnes ; on bâtit actuellement un théâtre à Châtelaine 2, il a la réputation de n'être point du tout solide, les curieux qui l'ont été voir disent que les poutres ont déjà fléchi, et sont sorties de leurs mortaises . On ne veut point aller à ce spectacle, à moins que vous n'ayez la bonté d'envoyer deux charpentiers experts pour visiter la salle, et faire leur rapport . Si vous vouliez m'envoyer un ordre pour Jacques Gaudet, charpentier de Moens, et pour François-Louis Landry, qui travaillent tous deux chez moi à Ferney, j'irais avec eux, et je vous enverrais leur rapport signé d'eux .

Je vous recommande, monsieur, les bras et les jambes de ceux qui aiment la comédie ; pour mon cœur il est à vous, et je serai toute ma vie, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

Ferney 14è juin 1761 . »

 

08/05/2016

J’écris en français, ne dois-je pas me conformer à la douceur de la prononciation française ?

... Ach ! les pétits soizeaux kasouillent dans lé pranches !

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« A Ivan Ivanovitch Schouvalov

A Ferney, 11 Juin 1761 1

Monsieur, vous vous êtes imposé vous-même le fardeau de l’importunité que mes lettres, peut-être trop fréquentes, doivent vous faire éprouver ; voilà ce que c’est que de m’avoir inspiré de la passion pour Pierre-le-Grand et pour vous : les passions sont un peu babillardes. 

Votre Excellence a dû recevoir plusieurs cahiers qui ne sont que de très faibles esquisses ; j’attendrai que vous fassiez mettre en marge quelques mots qui me serviront à faire un vrai tableau ; ils ont été écrits à la hâte. Vous distinguerez aisément les fautes du copiste et celles de l’auteur, et tout  sera ensuite exactement rectifié : j’ai voulu seulement pressentir votre goût pour m'y conformer. 

Dès que j’ai pu avoir un moment de loisir, j’ai lu les remarques sur le Ier tome 2, envoyées par duplicata, desquelles je n’ai reçu qu’un seul exemplaire, l’autre ayant été perdu, apparemment avec les autres papiers confiés à M. Puschkin.  

Je vous prierai en général, vous, monsieur, et ceux qui ont fait ces remarques, de vouloir bien considérer que votre secrétaire des Délices écrit pour les peuples du Midi, qui ne prononcent point les noms propres comme les peuples du Nord. J’ai déjà eu l’honneur de remarquer avec vous qu’il n’y eut jamais de roi de Perse appelé Darius, ni de roi des Indes appelé Porus ; que l’Euphrate, le Tigre, l’Inde, et le Gange, ne furent jamais nommés ainsi par les nationaux, et que les Grecs ont tout grécisé.

Graiis dedit ore rotundo

Musa loqui .3

Pierre-le-Grand ne s’appelle point Pierre chez vous ; permettez cependant que l’on continue à l’appeler Pierre ; à nommer Moscow, Moscou ; et la Moskowa, la Moska 4, etc.

J’ai dit que les caravanes pourraient, en prenant un détour par la Tartarie indépendante, rencontrer à peine une montagne de Pétersbourg à Pékin, et cela est très vrai ; en passant par les terres des Eluths, par les déserts des Kalmouks-Kottkots, et par le pays des Tartares de Kokonor, il y a des montagnes à droite et à gauche ; mais on pourrait certainement aller à la Chine sans en franchir presque aucune ; de même qu’on pourrait aller par terre, et très aisément, de Pétersbourg au fond de la France, presque toujours par des plaines. C’est une observation physique assez importante, et qui sert de réponse au système, aussi faux que célèbre, que le courant des mers a produit les montagnes de Pétersbourg à la Chine ; mais je dis qu’on pourrait les éviter en prenant des détours. 

Je ne conçois pas comment on peut me dire qu’on ne connaît point la Russie noire. Qu’on ouvre seulement le dictionnaire de Moreri 5 au mot Russie, et presque tous les géographes, on trouvera ces mots : Russie noire, entre la Volhinie et la Podolie, etc. 

Je suis encore très étonné qu’on me dise que la ville que vous appelez Kiow ou Kioff ne s’appelait point autrefois Kisovie. La Martinière est de mon avis : et si on a détruit les inscriptions grecques, cela n’empêche pas qu’elles n’aient existé. 

J’ignore si celui qui transcrivit les mémoires à moi envoyés par vous, monsieur, est un Allemand : il écrit Iwan Wassiliewitsch, et moi  j’écris Ivan Basilovis ; cela donne lieu à quelques méprises dans les remarques.

Il y en a une bien étrange à propos du quartier de Moscou appelé la Ville chinoise. L’observateur dit , que ce quartier portait ce nom avant qu’on eût la moindre connaissance des Chinois et de leurs marchandises.  J’en appelle à Votre Excellence : comment peut-on appeler quelque chose chinois, sans savoir que la Chine existe ? dirait-on la valeur russe, s’il n’y avait pas une Russie ?

Est-il possible qu’on ait pu faire de telles observations ? Je serais bien heureux, monsieur, si vos importantes occupations vous avaient permis de jeter les yeux sur ces manuscrits que vous daignez me faire parvenir. L’écrivain prodigue les s, c, k, h, allemands. La rivière que nous appelons Veronise, nom très doux à prononcer, est appelée, dans les mémoires Woronestsch , et dans les observations, on me dit que vous prononcez Voronege : comment voulez-vous que je me reconnaisse au milieu de toutes ces contrariétés ? J’écris en français, ne dois-je pas me conformer à la douceur de la prononciation française ?

Pourquoi, lorsqu’en suivant exactement vos mémoires, ayant distingué les serfs des évêques et les serfs des couvents, et ayant mis pour les serfs des couvents le nombre de 721 500, ne daigne-t-on pas s’apercevoir qu’on a oublié un zéro en répétant ce nombre à la page 59 6, et que cette erreur vient uniquement du libraire, qui a mal mis le chiffre en toutes lettres ?

Pourquoi s’obstine-t-on à renouveler la fable honteuse et barbare du czar Ivan Basilovis, qui voulut faire, dit-on, clouer le chapeau d’un prétendu ambassadeur d’Angleterre, nommé Bèze, sur la tête de ce pauvre ambassadeur ? Par quelle rage ce czar voulait-il que les ambassadeurs orientaux lui parlassent nu-tête ? L’observateur ignore-t-il que dans tout l’Orient, c’est un manque de respect que de se découvrir la tête ? Interrogez, monsieur, le ministre d’Angleterre, et il vous certifiera qu’il n’y a jamais eu de Bèze ambassadeur ; le premier ambassadeur fut M. de Carlile 7.

Pourquoi me dit-on qu’au VIè siècle on écrivait à Kiovie sur du papier, lequel n’a été inventé qu’au XIIè siècle ?8

L’observation la plus juste que j’aie trouvée est celle qui concerne le patriarche Photius. Il est certain que Photius était mort longtemps avant la princesse Olha ; on devait écrire Polyeucte au lieu de Photius : Polyeucte était patriarche de Constantinople au temps de la princesse Olha. C’est une erreur de copiste que j’aurais dû corriger en relisant les feuilles imprimées 9; je suis coupable de cette inadvertance, que tout homme qui sera de bonne foi rectifiera aisément.

Est-il possible, monsieur, qu’on me dise, dans les observations, que le patriarchat de Constantinople était le plus ancien ? c’était celui d’Alexandrie ; et il y avait eu vingt évêques de Jérusalem avant qu’il y en eût un à Byzance.

Il importe bien vraiment qu’un médecin hollandais se nomme Vangad ou Vangardt ! vos mémoires, monsieur, l’appellent Vangad, et votre observateur me reproche de n’avoir pas bien appelé le nom de ce grand personnage. Il semble qu’on ait cherché à me mortifier, à me dégoûter, et à trouver, dans l’ouvrage fait sous vos auspices, des fautes qui n’y sont pas. 

J’ai reçu aussi, monsieur, un mémoire intitulé : Abrégé des recherches de l’antiquité des Russes, tiré de l’Histoire étendue à laquelle on travaille.10

On commence par dire, dans cet étrange mémoire, que l’antiquité des Slaves s’étend jusqu’à la guerre de Troie, et que leur roi Pilimène alla avec Anténor au bout de la mer Adriatique, etc. C’est ainsi que nous écrivions l’histoire il y a mille ans  c’est ainsi qu’on nous faisait descendre de Francus par Hector, et c’est apparemment pour cela qu’on veut s’élever contre ma préface, dans laquelle je remarque ce qu’on doit penser de ces misérables fables. Vous avez, monsieur, trop de goût, trop d’esprit, trop de lumières, pour souffrir qu’on étale un tel ridicule dans un siècle aussi éclairé.

Je soupçonne le même Allemand d’être l’auteur de ce mémoire , car je vois Ivanovis, Basilovis, orthographiés ainsi Ivanowistsch Waciliewistsch. Je souhaite à cet homme plus d’esprit et moins de consonnes.

Croyez-moi, monsieur, tenez-vous en à Pierre-le-Grand ; je vous abandonne nos Chilpéric, Childéric, Sigebert, Caribert, et je m’en tiens à Louis XIV.

Si Votre Excellence pense comme moi, je la supplie de m'en instruire. J’attends l’honneur de votre réponse, avec le zèle et l’envie de vous plaire que vous me connaissez ; et je croirai toujours avoir très bien employé mon temps, si je vous ai convaincu des sentiments pleins de vénération et d’attachement avec lesquels je serai toute ma vie,

monsieur,

de Votre Excellence,

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

Au château de Ferney en Bourgogne

par Genève 11è juin 1761. »





 

1 C'est une minute partiellement autographe qui a servi de « copie » pour Kehl ; elle porte la mention de V* « Lettre écrite à M. de Schouvalou le 11 juin 1761, envoyée à M. de Soltikoff » ; la citation latine qui n'y figure pas a été ajoutée par V* sur le manuscrit original .

2 Ces remarques sont sans doute celles de Gerhard Friedrich Müller dans son anonyme « Beurtheilung des Geschichte des Russischen Reiches, unter der Regierung Peter des Grossen, vom Herrn Voltaire, in einem Schreiben an den Herausgeber des gemeinnützigen Magazins », 1761 ; l'auteur relève cinq cents fautes de l'ouvrage .

3 La muse a donné aux Grecs la faculté de parler d'une bouche harmonieuse ; Horace, Art poétique, 323-324 .

4 Voir lettre du 1er août 1758 à Schouvalov où V*traite ce problème de la transcription des mots russes  : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/09/27/s-enrichir-par-l-agriculture-il-a-fallu-que-le-gouvernement.html

5 Dans le Grand dictionnaire historique, édition de Bâle, 1740 .

6 Dans la première édition du volume 1 .

7 Ce premier ambassadeur fut Charles Howard, premier comte de Carlisle en 1663-1664 .

8 On fabriqua du papier en Europe au Xè siècle ; la bibliothèque de l'université de Leyde conserve un manuscrit arabe sur papier du IXè siècle, et il faut ajouter que le papier fut d'usage en Chine encore auparavant .

9 Voir la Préface, III .

10 Sans doute de Mikhaïl Vasilievitch Lomonossov dont un ouvrage a été récemment publié et dont un autre devait l'être en 1766 .

 

07/05/2016

Grands, petits, riches, gueux, fous, sages, Tous aveugles dans leurs efforts, Tous à tâtons font des ouvrages Dont ils ignorent les ressorts

... Je ne l'ai pas lu, mais le sujet a l'air sympa ...

La vie à tâtons  - Marie Fitzgerald

... L'auteur(e) , quant à elle, semble avoir trouvé le bon  ressort de l'histoire .

Et toujours A taton , chantons un peu :

https://www.youtube.com/watch?v=5q-uwSo8xBU

 

 

« A Charles-Philippe-Théodore de Sulzbach, électeur palatin

Est-ce une fille, est-ce un garçon ?

Je n’en sais rien ; la Providence

Ne dit point son secret d’avance,

Et ne nous rend jamais raison.



Grands, petits, riches, gueux, fous, sages,

Tous aveugles dans leurs efforts,

Tous à tâtons font des ouvrages

Dont ils ignorent les ressorts.

 

C’est bien là que l’homme est machine ;

Mais le machiniste est là-haut,

Qui fait tout de sa main divine

Comme il lui plaît, et comme il faut.

 

Je bénis ses dons invisibles,

Car vous savez que tout est bien.

On ne peut se plaindre de rien

Au meilleur des mondes possibles.

 

S’il vous donne un prince, tant mieux

Pour tout l’Etat et pour son père ;

Et s’il a votre caractère,

C’est le plus beau présent des cieux.

 

Si d’une fille il vous régale,

Tant mieux encor : c’est un bonheur :

En grâce, en beautés, en douceur,

Je la vois à sa mère égale.

 

O couple auguste ! Heureux époux !

L’esprit prophétique m’emporte :

Fille ou garçon, il ne m’importe,

L’enfant sera digne de vous.



Monseigneur, il m’importe cependant ; et je partirais en poste pour savoir ce qui en est, si cette Providence, qui fait tout pour le mieux, ne me traitait pas misérablement. Elle maltraite fort votre petit vieillard suisse, et m’a fait l’individu le plus ratatiné et le plus souffrant de ce meilleur des mondes. Je ferais vraiment une belle figure au milieu des fêtes de vos altesses électorales ! Ce n’était que dans l’ancienne Egypte qu’on plaçait des squelettes dans les festins. Monseigneur, je n’en peux plus. Je ris encore quelquefois ; mais j’avoue que la douleur est un mal. Je suis consolé si Votre Altesse électorale est heureuse. Je suis plus fait pour les extrêmes-onctions que pour les baptêmes.

Puisse la paix servir d’époque à la naissance du prince que j’attends . Puisse son auguste père conserver ses bontés au malingre, et agréer les tendres et profonds respects du petit Suisse .

Le 10è juin 1761 au château de Ferney.1 »

 

1 Copie par Wagnière ; l'édition Lettres de M. de Voltaire à l'Electeur palatin et au roi de Prusse, 1761, qui date « A Ferney ce 9 septembre 1761 » ce qui est impossible puisque l'enfant naquit et mourut le 28 juin 1761 ; voir lettre du 7 juillet 1761 à Collini : «  […] j'ai reçu la vôtre [lettre] du 29 juin qui m'apprend que le baptême s'est changé en enterrement . »

 

06/05/2016

Je suis bien malingre mais je tâcherai de vivre jusqu'au mois de septembre pour vous recevoir

... C'est sans doute un souhait que faisait lui aussi ce cher Siné

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« A Germain-Gilles-Richard de Ruffey

Quoique je sente parfaitement mon cher correspondant que ce n'est qu'à vous que je dois l'honneur d'être bourguignon, cependant je crois de mon devoir de remercier l'Académie, et encore plus de mon devoir de faire passer le remerciement par vos mains . Vous avez je crois un confrère infiniment aimable, c'est M. de Quintin 1. Non seulement il m'écrit des lettres charmantes, mais je lui ai obligation . Il mérite bien mes remerciements autant que l'Académie . Vous voilà chargé de ma reconnaissance . J'en aurai bien davantage si vous venez dans mes cabanes . M. de La Marche me le fait espérer . Je suis bien malingre mais je tâcherai de vivre jusqu'au mois de septembre pour vous recevoir .

Vous savez peut-être que j'ai des procès pour le sacré et pour le profane . Puisque je suis en train de m'adresser à vos bontés souffrez encore que je mette dans ce paquet une lettre pour mon avocat, M. Arnoult 2, qui me paraît homme d'esprit .

Mille pardons, et mille remerciements .

V.

9 juin [1761] à Ferney . »

 

 

 

Je suis le martyr de mon zèle et de ma piété : une bonne âme trouve ses consolations dans sa conscience

...

Et quelques martyrs auto-proclamés pour faire bon poids ...

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... totalement dénués de quelque conscience que ce soit , bons pour la trappe et les oubliettes .

 

 

 

« A Jean-Marie Arnoult

Le 9 juin 1761

J'ai fait usage sur-le-champ, monsieur, de vos bons avis et de votre modèle de sommation auprès du pauvre promoteur savoyard et du malin procureur du roi de la caverne de Gex . Je n'ai pu parler de ma nef qui n'étant point encore abattue quand je vous envoyai mes paperasses, rendait mon église très idoine à dire et entendre messe . Car selon Ducasse et selon le droit ecclésiastique on peut dire messe quand la majeure partie de l'église n'est point entamée . Mais ayant depuis fait jeter la nef par terre avec partie du chœur, et ayant rebâti à mesure il n'y avait plus moyen de se plaindre qu'on allât célébrer ailleurs . Je ne prétends point toucher à l'encensoir, mais quand j’aurai achevé mon église, ce sera à l'évêque d'Annecy à voir s'il la veut rebénir ou non, et m'excommunier comme je le mérite pour m'être ruiné à faire des pilastres d'une pierre aussi chère et aussi belle que le marbre . Je suis le martyr de mon zèle et de ma piété : une bonne âme trouve ses consolations dans sa conscience .

En qualité de possesseur de terres et de bâtisseur d'églises, j'ai des procès sacrés et profanes : les prêtres et les huguenots sont conjurés contre moi . Un Mallet vous a consulté, monsieur, pour avoir un chemin à travers mes jardins ; je vous supplie de ne point aider ce mécréant contre moi , et d'être l'avocat des fidèles . Je me fais votre client, et je crois que je vais finir ma vie comme M. Chicaneau, à cela près que je voudrais me loger auprès de mon avocat, comme il se logeait près de son juge,1 et que je n'en peux venir à bout étant obligé de faire ici mon métier de maçon et de laboureur qui va devant celui de plaideur .

J'ai l'honneur d'être, etc. »

 

1 Voir Les Plaideurs, I, 5, de Racine .

 

 

05/05/2016

il ne faut écrire que ce qui est digne de la postérité, et qu'il faut laisser les petits détails aux petits faiseurs d'anecdotes

... Ce qui nous amènera à envoyer au pilon 99,9% de la production littéraire, dont les élucubrations d'hommes/femmes politiques fournissent l'essentiel détestable .

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« A Ivan Ivanovitch Schouvalov 1

Monsieur, votre très aimable M . de Soltikof vient de me régaler d'un gros paquet dont Votre Excellence m'honore . Il contient les estampes d'un grand homme 2, quelques lettres de lui, et une de vous monsieur qui m'est aussi précieuse pour le moins que tout le reste . Mon premier devoir est de vous faire mes remerciements et de vous assurer que je me conformerai à toutes vos intentions . Je bâtis pour vous la maison dont vous m'avez fourni les matériaux, il est juste que vous y soyez logé à votre aise .

Je crois avoir déjà rempli une partie de vos vues en déclarant que je ne prétendais point faire l'histoire secrète de Pierre le Grand, et en trompant ainsi la malignité de ceux qui haïssent la gloire et celle de votre Empire .

Je sais bien que dans les commencements je ne pourrai pas faire taire l’envie, mais si l'ouvrage est écrit de manière à intéresser les lecteurs le livre reste et les critiques s’évanouissent .

C'est ce qui est arrivé à l'Histoire de Charles XII longtemps combattue et enfin reconnue pour véritable . Le certificat du roi Stanislas ne porte que sur les faits militaires et politiques, ce certificat est déjà une grande présomption en faveur de la vérité avec laquelle j'écris l'histoire de votre auguste législateur, et des preuves plus fortes se tireront des mémoires que Votre Excellence daignera me communiquer 3.

Je n'ai pris dans les mémoires de M. de Bassevits et dans ceux que je me suis procurés que ce qui peut contribuer à la gloire de votre patrie, et à celle de l'empereur Pierre Ier . J'abandonne le reste à la malignité de vos ennemis et des miens .

M. le duc de Choiseul et tous nos meilleurs juges ont trouvé que j'ai fait voir assez heureusement dans ma préface qu'il ne faut écrire que ce qui est digne de la postérité, et qu'il faut laisser les petits détails aux petits faiseurs d'anecdotes . Ce sera à vous monsieur à me prescrire l'usage que je devrai faire des particularités que les mémoires manuscrits de M. de Bassevits m'ont fournis . J'aurai l'honneur de vous envoyer cahier par cahier , ce que j'aurai fait du second . Ensuite je réformerai ce qui doit l'être dans le premier, et on mettra ce que vous avez bien voulu m'envoyer d'estampes à la tête de ce premier volume . Encore une fois monsieur je ne suis que votre secrétaire . Il est bien vrai que vous avez choisi un secrétaire trop vieux et trop malade, mais il vous consacre avec joie le peu de temps qu'il lui reste à vivre . J'admirais Pierre Ier en bien des choses, et vous me l'avez fait aimer . Le bien que vous faites aux lettres dans votre patrie me la rend chère . Quelqu'un a fait Le Russe à Paris . Je me regarde comme un Français en Russie .

Disposez d'un homme qui sera, tant qu'il respirera, avec l'attachement le plus vrai et les sentiments les plus remplis de respect et d'estime,

monsieur

de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire .

A Ferney 8 juin 1761 . »

 

1 Manuscrit olographe, minute olographe dont le texte est assez différent de celui de la lettre envoyée pour que Besterman le donne ; l'édition de Kehl et suivantes omettent la formule depuis Monsieur ...

2 « […] 260 empreintes du portrait qui doit présenter à la postérité les traits du héros » écrivait Schouvalov à V* le 29 avril [10 mai n.s.]

3 « […] je ne dois pas vous faire mystère de quelques réflexions critiques de plusieurs personnes tant d' ici que de dehors . On est surpris i) de ce qu'au lieu de mettre votre nom à la tête de l'ouvrage, vous ne vous êtes désigné que par l'auteur de l’Histoire de Charles XII . 2) Que vous citiez la lettre du rois Stanislas qui a dû :

pardonner à la nécessité

Un reste de vengeance et de sévérité .[Zaïre, acte I, sc. 4…]

On est surpris dis-je que vous citiez cette lettre comme pour apposer le sceau de la vérité à ce qui est de préjudiciable à la gloire de Pierre Ier, dans l'Histoire de Charles XII, qui n'est liée avec celle-ci, que par les évènements de la guerre . Voilà les traits, monsieur, par lesquels on tâche d'envenimer ma joie et de me faire du tort . » Ibid.

 

04/05/2016

c'est un mécréant avec lequel je ne veux avoir aucun commerce

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J'espère qu'on le jouera avant la fin novembre : Requiem pour un con :

https://www.youtube.com/watch?v=7vJvwD3XADc

 Vous me direz que je n'ai aucun mérite à le dire, n'étant pas US guy , mais bon , je ne peux pas souffrir ce type , ni cet aussi détestable voyou modèle Balkany ( les Balkany ) , et la liste n'est pas close . Notre prochain chef de l'Etat est-il du même avis ? Si non, pauvre France !

 

 

« A Henri-Louis Lekain comédien

du Roi

près de la Comédie-Française

à Paris

[vers le 6 juin 1761] 1

Mon cher Roscius vous n’êtes pas heureux, et à vous Rien, et ce privilège 2 est moins que Rien . Ne le lâchez pourtant pas sans que Prault petit fils vous paye . Ma santé est bien faible et il y a grande apparence que je ne serai plus excommunié . Mais à ma place vous aurez force jeunes gens qui se damneront volontiers avec vous . Mes respects à maître Le Dains 3 quand vous le verrez . Pour le sieur Dardelle 4 c'est un mécréant avec lequel je ne veux avoir aucun commerce . Je vous embrasse de tout mon cœur et vous exhorte à faire votre salut le plus tôt que vous pourrez . »

1 L'édition Lekain date la lettre « Aux Délices 2 juin 1762 » et ajoute l'initiale « V » . toutes les éditions reprennent cette date, alors qu'il existe une lettre à Lekain du 2 juin 1762 ; seul Georges Avenel corrige ne « 1761 » . l'année doit manifestement être corrigée et le jour légèrement modifié ; voir note 2 suivante .

2 Le privilège de Tancrède que V* « donn[a] et transport[a] » à Louis Prault par un acte daté du 6 juin 14761, publié dans la revue des documents historiques, avril 1875 . Le et à vous Rien, en l'absence de la lettre de Lekain à laquelle V* répond et qui ne nous est pas parvenue ne peut être davantage éclairci .

3 Sur ce Le Dains ou plutôt Dains, voir lettre du 21 mai 1761 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/04/21/c...

4 Voir lettre du 31 mai 1761 à Mme de Fontaine : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/04/26/l...