20/08/2018
Vous vous amusez, monsieur, à faire des enfants comme les pauvres gens. Vous aurez bientôt une famille nombreuse , tant mieux ; il ne saurait y avoir trop de gens qui vous ressemblent
... J'adore ce genre de compliment voltairien qui mêle la moquerie à la louange .
La vie continue (et complique celle du DRH ! ), que disent les seize papas ?
Les enfants de ces infirmières seront-ils des infirmiers tels que leurs mamans ? https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/etats-unis-seize-in...
« A Bernard-louis Chauvelin
25 auguste 1763 à Ferney
Votre Excellence saura que je deviens quinze-vingts, que je suis des mois entiers sans pouvoir écrire. Si l’air de Turin vous a donné un anthrax 1 ou un clou, l’air du lac pourrait bien m’ôter entièrement la vue.
Vous vous amusez, monsieur, à faire des enfants comme les pauvres gens. Vous aurez bientôt une famille nombreuse 2, tant mieux ; il ne saurait y avoir trop de gens qui vous ressemblent. Je ne suis pas si content de monsieur le coadjuteur que de vous. Vous savez sans doute que nous appelions autrefois monsieur l’abbé le coadjuteur 3. Il a oublié l’ancienne amitié dont il m’honorait, parce qu’il a cru que je ne criais pas assez haut : Vive monsieur le coadjuteur !
Je sais que je devrais, plus humble en ma misère,
Me souvenir du moins que je parle à son frère.4
Aussi je lui pardonne de tout mon cœur. Il est impossible de ne pas aimer la rage qu’il a pour le bien public.
J’avais bien recommandé aux Cramer de vous envoyer toutes les misères dont vous voulez bien me parler ; mais l’un est allé à Paris, l’autre à la campagne, et je vois que Votre Excellence n’a point été servie. Je leur ferai bien réparer leur faute . Je vous demande très humblement pardon de leur négligence.
Le bruit a couru que l’Infant 5 voyagerait l’année prochaine, et qu’il passerait par Genève ; je souhaite que vous en fassiez autant. Je sais que vos amis de Paris soupirent après votre retour. Je sais que tous les lieux sont égaux pour les esprits bien faits ; mais il n’en est pas de même quand les esprits bien faits ont des cœurs sensibles.
Je crois que vous verrez à Turin M. de Schouvaloff, ci-devant empereur de Russie 6. Je l’attends à Ferney dans le mois prochain. Il ira de là à Turin et à Venise, et il y soupera probablement avec les six autres rois qui mangeaient à table d’hôte avec Candide et son valet de chambre 7.
Votre Excellence n’aura que l’hiver prochain Pierre Corneille et ses commentaires. J’ai fait une 8 tâche plus vite que les libraires ne font la leur. Vous trouverez que mon commentaire n’est pas comme celui de dom Calmet, qui loue tout sans distinction. Il est vrai que Corneille est pour moi un auteur sacré ; mais je ressemble au père Simon 9, à qui l’archevêque de Paris demandait à quoi il s’occupait pour mériter d’être fait prêtre : Monseigneur, répondit-il je critique la Bible.
Conservez-moi vos bontés, je vous en prie. Permettez-moi de me mettre aux pieds de celle qui fait le bonheur de votre vie, et qui l’augmentera dans un mois.
L’aveugle V. »
1 Une édition donne par erreur entrave , le furoncle ou anthrax est nommé aussi communément clou.
2 Chauvelin eut trois enfants mais aucun d'entre eux ne fit souche, si bien que cette branche de la famille disparut . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard-Louis_Chauvelin
3 L'abbé Chauvelin, dit le coadjuteur ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Philippe_de_Chauvelin
4 Mithridate, I, 1, de Racine .
5 Le duc de Parme
6 Il a été l'amant de l'impératrice Élisabeth .
7 Voir chapitre XXVI de Candide : https://fr.wikisource.org/wiki/Candide,_ou_l%E2%80%99Optimisme/Garnier_1877/Chapitre_26
8 On est tenté de lire ma pour une ; la faute est paléographiquement possible .
9 Richard Simon, de l'Oratoire, fondateur de la critique biblique au XVIIè siècle : https://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Simon
11:04 | Lien permanent | Commentaires (0)
19/08/2018
J’envoie à notre cher frère un beau désaveu pour mettre dans les papiers publics
... à propos des crimes pédophiliques de mon clergé ."
Signé : François Ier (actuel locataire du Vatican, et non vainqueur de Marignan ) .
Dieu est jeune !
La belle affaire, mon vieux François .
Est-ce pour mieux toucher dieu que ton clergé ne se contente pas de l'hostie rituelle et s'adonne au crime pédophilique ?
« A mon frère Nicolas-Claude Thieriot
23è auguste 1763
Frère, vraiment on a raison de remarquer que ce sont les Rémois qui font la dépense de la statue, et que, par conséquent, ce n’est pas à eux à se louer. Il faudra, s’il vous plaît, rayer ces deux vers-là ; mais donnez toujours ma lettre 1 à M. Pigalle, afin qu’il ne croie pas que je suis un paresseux qui ai négligé de lui répondre.
Je ne sais quel fripon de Paris vient de faire imprimer le Droit du Seigneur sur une mauvaise copie transcrite à la Comédie. Le brigandage est partout. On a imprimé aussi je ne sais quelle tragédie de David, traduite de l’anglais 2, avec mon nom à la tête, les gens sont bien méchants.
J’envoie à notre cher frère un beau désaveu pour mettre dans les papiers publics 3. Je vois qu’on persécutera toujours les saints ; mais aussi vous savez qu’ils auront la vie éternelle.
Quid novi ? Portez-vous bien.
V. »
1 Lettre du 10 août 1763 à Pigalle : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/07/29/je-desespere-d-en-venir-a-bout.html
2 Ces quatre mots sont ajoutés au-dessus de la ligne sur le manuscrit .
3 Ce désaveu fut publié dans les Annonces , affiches et avis divers, 5 septembre 1763, et réimprimé par Émile Lizé, « Deux lettres inédites et un texte oublié de Voltaire », Annales historiques de la révolution française, 1974 . Le voici : « Je suis obligé d'avertir tous ceux qui ont souscrit pour les œuvres du grand Corneille que j'ai rempli toute la tâche que je m'étais imposée ; que toutes ses tragédies ainsi que l'Ariane et Le comte d'Essex de Thomas son frère sont imprimées avec un commentaire ; que tous ceux qui voudront ou souscrire ou demander des éclaircissements peuvent s'adresser au sieur Cramer , libraire à Genève . Je saisis cette occasion pour faire savoir qu'on débite actuellement à Paris , sous mon nom, plusieurs ouvrages dont non seulement je ne suis point l'auteur, mais que même je n'ai jamais vus . J'avertis aussi qu'une comédie intitulée Le Droit du seigneur qu'on débite depuis quelques jours, n'est point telle que je l'ai faite ; qu'elle est entièrement défigurée ; que je n'ai fait présent de mes ouvrages qu'au sieur Cramer ; et qu'on ne doit regarder comme mes ouvrages aucun de ceux qui ne sont pas de son imprimerie . À Genève , 23 auguste 1763. »
08:44 | Lien permanent | Commentaires (0)
18/08/2018
Ne considérons point sa personne, considérons sa cause . Jamais les droits de l'humanité n'ont été plus soutenus
... Affirmer ceci, au premier degré, sans rire ni même sourire, en parlant de Bachar al Assad, Erdogan, Kim Jung un, Poutine, Trump et toute la cohorte de bon nombre des dirigeants de tous continents , relève d'un humour noir qui défie nos journaux satiriques les plus féroces .
Un peu de poésie, ça ne peut pas faire de mal !
« A Etienne-Noël Damilaville
23è auguste [1763]
Mon cher frère , ne bénissez-vous pas Dieu de voir le peuple de Calvin prendre si hautement le parti de Jean-Jacques ? Ne considérons point sa personne, considérons sa cause . Jamais les droits de l'humanité n'ont été plus soutenus . Il n'y a point d'exemple de pareille aventure dans l'histoire de l’Église . Fratres, orate et vigilate 1.
J'apprends qu'un forban de libraire de Paris vient d'imprimer Le Droit du seigneur tout défiguré, d'après quelque copie informe faite à la comédie ; cela joint à l'aventure de David, m'oblige de faire mettre dans les papiers publics un petit avertissement . À qui puis-je mieux m'adresser qu'à mon cher frère ?
Je suis bien sûr que vous avez eu la bonté de faire rendre tous mes paquets à M. Mariette . Quand recommencera-t-il l'affaire des Calas ?
Voyez-vous quelquefois Élie de Beaumont qui est à mon gré si supérieur à Christophe ?
Salut à l'Encyclopédie .
Écr l'inf . »
1 Priez frères et soyez vigilants .
09:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
17/08/2018
Je ne peux, du pied des Alpes, diriger mes mouvements de guerre
... dit Emmanuel Macron depuis le fort de Brégançon à Bormes-les-Mimosas , ou bien me trompè-je ? S'en désolerait-il ou s'en réjouirait-il si toutefois cette pensée lui était venue ? Peu importe .
Je serais par contre fort curieux de savoir ce qu'il pense du salaire pharaonique (l'équivalent d'un SMIC annuel par jour ouvrable ! ) du nouveau patron d'Air France -KLM, le Canadien Benjamin Smith . A ce propos, voir : http://www.slate.fr/story/166013/salaires-patrons-explose...
Si mes souvenirs sont bons, on a fait des révolutions pour moins que ça ! Ou en toute justice on devrait !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ArgentaI
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
23è auguste 1763
O mes anges ! il arrive toujours quelques tribulations aux barbouilleurs de papier, c’est leur métier. J’y suis accoutumé depuis plus de cinquante ans. Patience, cela finira. On a imprimé mon pauvre Droit du Seigneur tout délabré 1. Cela, joint à la publication de la pièce sainte de Saül et David, qu’on dit aussi ridiculement imprimée, est une mortification que je mets aux pieds de mon crucifix. Je pense que le petit avis ci-joint 2 est l’unique remède que je doive employer pour ce petit mal, et je suppose que ma lettre à mon gros cochon de neveu 3 est inutile . Je soumets le tout à votre prudence, et à la grande connaissance que vous avez de votre ville de Paris.
Je ne peux, du pied des Alpes, diriger mes mouvements de guerre ; je peux seulement dire en général si Omer avance de ce côté -ci, lâchons lui mon procureur . Si Fréron marche de ce côté-là, tenons-nous-en à notre petit Avis au public. Je m’en remets à la bonté de mes anges, et au battement de leurs ailes.
Mes anges doivent avoir reçu un gros paquet adressé à M. le duc de Praslin . Ils ont dû voir qu’on s’est hâté de leur obéir. L’épithète d’assassines n’avait jamais été donnée jusqu’ici aux dames ; mais, puisque vous le voulez, Fulvie est assassine. Je ne dis pas que j’aie exécuté tous vos ordres ; car ce n’est pas assez d’assassiner son mari dans son lit, il faut encore faire de beaux vers. Renvoyez-moi donc mon griffonnage apostillé, et puis j’aurai l’honneur de vous le renvoyer au net.
Je baise les ailes de mes anges le plus humblement du monde.
V. »
1 Il s'agit de l'édition Duchesne signalée par Bengesco .
2 Il n s'agit pas comme on l'a cru , du pouvoir envoyé avec la lettre du 14 août à Damilaville ( http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/08/07/i... ) , mais d'une annonce datée du 23 août 1763 et imprimée dans Le Mercure de France de septembre 1763. V* fait savoir qu'il a terminé l'édition de Corneille et met en garde le public contre plusieurs œuvres publiées sous son nom mais dont il n'a pas connaissance, ainsi que contre une version déformée du Droit du Seigneur parue quelques jours auparavant . Voir lettre du 23 août 1763 à Thieriot : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/06/correspondance-annee-1763-partie-28.html
3 Lettre du 13 août 1763 à son neveu d'Hornoy : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/08/06/j...
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16/08/2018
il faut discuter ses raisons modestement avec lui, et ne pas le juger sans l’avoir entendu, etc
... Ce qui semble n'avoir pas été le soucis premier de ce fonctionnaire autrichien qui se contente de juger d'après ses a priori de ce que doit être "un gay" afghan
https://www.20minutes.fr/monde/2321343-20180816-autriche-...
Comment est le monde, fonctionnairement parlant ?
« A César-Gabriel de Choiseul, duc de Praslin
Ferney, 21 auguste 1763 1
Monseigneur, vous voulez des assassinats, vous en aurez. En voici une paire 2 dans le paquet de M. d’Argental. Si vous voulez, vous lirez ces rogatons avant mes anges, ou bien vous les lirez avec mes anges.
Pendant que je vous envoie des tragédies, M. de Montpéroux vous fait sans doute le récit de la farce de Genève. Vous verrez comme les enfants de Calvin ont changé. Il est assez plaisant de voir tout un peuple demander réparation pour Jean-Jacques Rousseau. Ils disent qu’il est vrai qu’il a écrit contre la religion chrétienne, mais que ce n’est pas une raison assez forte pour oser donner une espèce d’assigné pour être ouï à un citoyen de Genève ; que si un citoyen de Genève trouve la religion chrétienne mauvaise, il faut discuter ses raisons modestement avec lui, et ne pas le juger sans l’avoir entendu, etc.
Vous entendrez parler bientôt de la cité de Genève, et je crois que vous serez obligé d’être arbitre entre le peuple et le magistrat ; car vous êtes garant des lois de cette petite ville, comme du traité de Westphalie. Cela vous amusera, et vous aurez le plaisir d’exercer vos talents de pacificateur de l’Europe.
Je me flatte toujours que vous daignerez aussi être mon juge, et que Mariette vous présentera une requête pour le traité d’Arau . Je serai jugé par vous en vers et en prose ; mais il m’est plus aisé de changer deux actes de tragédie que de faire un factum contre l’Église.
Je suis avec un profond respect,
monseigneur,
votre très humble et très obéissant serviteur.
L’aveugle V. »
1 Le manuscrit original signé est passé en vente par le marquis Filippo Raffaeli da Cingoli le 19 novembre 1863 . L'Amateur d'autographes, du 1er novembre 1863 , et l'éditeur Gabriel Charavay, donnent à tort Richelieu comme destinataire . Or la seule personne à qui Montpéroux puisse faire un rapport sur les troubles de Genève est évidemment le ministre des Affaires étrangères, le duc de Choiseul-Praslin . Voir aussi la lettre du 23 aout 1763 à d'Argental : « Mes anges doivent avoir reçu un gros paquet adressé à M. le duc de Praslin . »
2 Le Triumvirat .
07:58 | Lien permanent | Commentaires (0)
15/08/2018
il est permis à tout citoyen d'écrire ce qu'il veut sur la religion, qu'on ne peut le condamner sans l'entendre, qu'il faut respecter les droits des hommes
... Sait-il cela celui qui a tenté d'assassiner des Londoniens hier ?
« A Etienne-Noël Damilaville
21è auguste [1763]
Il est bon que nos frères sachent, qu'hier, six cents personnes vinent pour la troisième fois, protester en faveur de Jean-Jacques contre le Conseil de Genève 1, qui a osé condamner Le Vicaire savoyard . Ils disent qu'il est permis à tout citoyen d'écrire ce qu'il veut sur la religion, qu'on ne peut le condamner sans l'entendre, qu'il faut respecter les droits des hommes, et on prétend que cela pourrait bien finir par une prise d'armes . Je ne serais pas fâché de voir une guerre civile pour Le Vicaire savoyard . Je ne crois pas qu'il y en ait dans Paris pour Saül et David .
J’espère que mon cher frère aura la charité de m'envoyer cette pièce édifiante que je ne connais point du tout .
Voici encore un petit mot pour M. Mariette . J'importune beaucoup mon frère, mais quand on a un certain procès contre la sainte Église, il faut bien s'adresser aux sages . J'embrasse mon sage frère .
Écr l'inf . »
1 Cette nouvelle donnée par V* est confirmée de façon précise par une mention des registres du Conseil de Genève : « Monsieur le Premier a rapporté que samedi dernier entre une et deux heures après midi le sieur Vieussieux accompagné de 25 à 26 citoyens ou bourgeois vint chez lui et lui remit un papier dont il lui fit lecture, qu'ensuite il lui dit qu'un grand nombre de citoyens étant dans les sentiments exprimés dans cet écrit viendraient chez lui ; mais successivement pour lui causer moins d’incommodité, qu'il le priait de les recevoir et qu'ils vinrent en effet successivement au nombre d'environ 450 et que ce matin, le sieur Antoine Joly avec environ trente personnes est encore venu pour appuyer cet écrit . »
00:18 | Lien permanent | Commentaires (0)
14/08/2018
Un mot de sa main suffira pour m'éclairer
... et je cesserai mon espionnage , dit aimablement Google à chaque possesseur de smartphone se plaignant d'être épié sans trêve , il suffit de trouver la bonne rubrique et d'appuyer sur la bonne touche !
http://www.lepoint.fr/high-tech-internet/google-vous-suit...
Mais peut-on faire confiance au milliardaire dont le big data né de notre activité est le gagne-pain ? Il a plus d'un tour dans son sac .
« A Pierre Mariette
21è auguste [1763]
Je supplie monsieur Mariette de me faire réponse à mi-marge aux questions qu'il a dû recevoir de moi . Un mot de sa main suffira pour m'éclairer . J'attends ce mot avec impatience .
V.»
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