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29/10/2021

Les connaisseurs en font un très-grand cas

... Mais que savent-ils sur leur pâte préférée : https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2021-10-27/le-...

Écureuil et Nutella | abenchaalors.fr

 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

J’ai reçu votre lettre du 17 juillet, mon ancien ami, et vous devez en avoir reçu une 1 de moi du 26. Je souhaite que le paquet que vous me destinez soit un peu gros ; il n’y a qu’à l’envoyer par la diligence de Lyon à Meyrin . Tout arrive sûrement par cette voie, presque aussi promptement que par la poste. Je croyais qu’on vous avait envoyé les trois volumes des Mélanges 2 ; je vais tout à l’heure recommander au libraire de vous les faire parvenir sans délai. Le livre de Fréret est autre chose que cette Lettre de Thrasybule 3. C’est un assez gros volume in-8°, imprimé en Allemagne depuis quelques mois . Il est intitulé Examen critique des Apologistes 4. On dit que c’est un excellent livre, plein de recherches curieuses et de raisonnements vigoureux . Les connaisseurs en font un très-grand cas. Je vous serai très-obligé de me faire avoir la critique de Thomas 5, la Cacomonade 6 et l’Histoire des Jésuites. J’ai le mémoire des sept avocats 7 . Il ne me parait pas si intéressant que les extraits 8 que vous enverrez sans doute à votre correspondant .

Surtout gardez-vous de nommer celui qui a fait tenir ces extraits. La personne dont vous vous plaignez 9 est inébranlable dans la fermeté de ses sentiments, et met dans l’amitié une chaleur toujours active. Elle aura peut-être été effarouchée d’un peu de tiédeur ou de mollesse qu’on vous reproche quelquefois, et de cette insensibilité apparente qui vous fait oublier vos amis pendant plusieurs mois ; mais il faut pardonner à vos maladies. Nous prenons toujours les eaux en Suisse avec Mlle Corneille. Je crois vous avoir mandé 10 que votre correspondant a donné cinq cents francs aux Sirven. Je m’étais trompé, c’est cent écus d’Allemagne ; mais c’est toujours un bienfait honorable dont ils doivent être reconnaissants. Je vous souhaite une meilleure santé qu’à moi, et je vous embrasse de tout mon cœur. J’aimerai toujours mon ancien ami.

[31 juillet 1766 à Ferney.]11 »

2 Au commencement de 1766, parurent, sous le millésime de 1765, trois volumes intitulés Nouveaux Mélanges philosophiques, historiques, critiques, etc. ; aux pages 190-195 du tome second est un Article nouvellement ajouté (au Traité sur la Tolérance ; voyez tome XXV, pages 115-118). (Beuchot.)

3 Mot écrit Tragibule sur le manuscrit original . La Lettre de Thrasybule à Leucippe, qui circulait en manuscrit, ne fut imprimée qu’en 1768.

4 Voir lettre du 1er avril 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/06/m-6325583.html

5 Examen d’un discours de M. Thomas qui a pour titre : Éloge de Louis, dauphin de France ; Paris, Dehansy, 1766, in-8° de iv et 64 pages : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5624084x.texteImage

6 Ouvrage de Linguet, dont, il est parlé dans l’avertissement de Beuchot du tome XXI, page xii : https://fr.wikisource.org/wiki/Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome21/Avertissement_de_Beuchot

et voir : https://wellcomecollection.org/works/kx7qy7rj

L’Histoire impartiale des jésuites est du même auteur.

7 Ils sont huit .

9 Damilaville . Voir lettre de Thieriot du 17 juillet 1766 : page 170 : https://www.jstor.org/stable/40519484?read-now=1&seq=11#page_scan_tab_contents

« Vous savez mon illustre ami, comme je vous ai toujours écrit et parlé de Damilaville . Je ne sais à propos de quoi depuis dix-huit mois, son amitié pour moi s'est entièrement glacée . Cette disparate me causa un véritable chagrin, car je l'aimais, et je m'étais dévoué entièrement à lui . Je cherchai et je lui offris toutes les occasions d'émouvoir les sentiments qu'il me témoignait autrefois . Je n'ai pas été ni assez heureux, ni assez adroit pour y réussir ; et il a seulement continué de me transmettre vos lettres et de recevoir les réponses que je vous faisais . J'allai le voir au commencement de cette année, et il m'annonça qu'il allait paraître trois volumes et que j'étais inscrit parmi ceux à qui il en était destiné un exemplaire . J'ai écrit plusieurs fois pour rappeler cette annonce qu'on m'avait faite . On m'a fixé à plusieurs distances . Je viens de prendre le parti de lui écrire que je cesserais de l'importuner davantage et que j'allais avoir recours à vous . Je vous prie donc de me dire comment il faut m'y prendre pour avoir ces trois derniers volumes de vos œuvres . »

11 Mention de la main de Thieriot qui oublie que V* n'est pas à Ferney mais à Rolle .

28/10/2021

Vous avez cru sans doute que le plaisir rendait la vie

... Exact .

Philippe Geluck - [Le Chat], 30x40cm, 100ex., SIGNÉ, 200€ – Dessine-moi  demain

 

 

 

« A Frédéric II, landgrave de Hesse-Cassel

A Ferney, jeudi à six heures du soir, 31 juillet 1766 1

Monseigneur,

M. de Vincy m’avertit que Votre Altesse Sérénissime ajoute à ses œuvres de charité celle de venir guérir demain un malade vers les 2 heures . Vous avez cru sans doute que le plaisir rendait la vie ; vous ne vous êtes pas trompé .

J'ai l'honneur, etc .

Voltaire. »

1 Le landgrave est arrivé à Genève le 30 juillet sous le nom de comte de Nadau ; on peut supposer qu'il a envoyé un message à V* dès son arrivée ; voir Archives d’État de Genève, CCLXVII, 957 .

27/10/2021

J’espère que vous direz sur cela quelque chose de positif. Ce n’est assurément que manque de courage, et non pas manque de force, qu’on a tardé si longtemps

... M. Macron vous déclarez vouloir la signature d'un nouveau traité Europe-Afrique sur l'immigration dès janvier 2022 : au travail, donc , ça urge  : https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/10/27/immig...

L'Europe impuissante face à l'immigration clandestine - Dessin sur Gagdz.com

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

30 juillet 1766 1

Je vous ai déjà mandé 2, monsieur, que j’avais reçu toutes vos lettres, tant sur les vingtièmes de Valromey, Bugey et Gex, que sur les autres objets. On signifia avant-hier à tous les villages de ces bailliages qu’ils eussent à payer sur-le-champ le vingtième et la taille, sans quoi on mettrait tous les syndics en prison. Cette rigueur n’avait point été exercée jusqu’à présent. On croit que c’est pour payer les troupes qui sont en garnison à Bourg en Bresse et dans le voisinage. M. de Voltaire, votre ami, a payé sur-le-champ pour le village de Ferney. Il est toujours aux eaux de Rolle en Suisse, et il me charge de vous faire les plus tendres compliments.

J’attends, monsieur, avec impatience le mémoire circonstancié que vous avez eu la bonté de nous promettre. Vous devez avoir reçu deux petits mémoires touchant l’établissement d’une nouvelle manufacture 3. J’espère que vous direz sur cela quelque chose de positif. Ce n’est assurément que manque de courage, et non pas manque de force, qu’on a tardé si longtemps à établir cette manufacture nécessaire.

Les plénipotentiaires médiateurs viennent de déclarer solennellement 4, et par écrit, que Jean-Jacques Rousseau n’est qu’un calomniateur. Cette déclaration, jointe à celle de M. Hume 5, est le juste châtiment d'un homme qui est devenu méchant 6 par un excès d’orgueil. Il est plus coupable que personne envers la philosophie : d’autres l’ont persécutée, mais il l’a profanée.

Nos compliments, je vous prie, à M. Tonpla7. Votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Boursier. »

1 L'édition Correspondance littéraire ne donne pas le destinataire .

3 L’établissement à Clèves d’une colonie de philosophes ; voir lettre de mi-juillet 1766 de Frédéric II de Prusse : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6409

et lettre du 25 juillet à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/10/22/les-grandes-choses-sont-souvent-plus-faciles-qu-on-ne-pense.html

4 Voir lettre du 11 août 1766 à Damilaville : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6454

6 Toutes les éditions portent ici «d’un polisson qui est devenu un scélérat » 

7 Anagramme de Platon, nom qui désigne Diderot.

26/10/2021

il dit peu de chose, il ne m’apprend rien, et me laisse dans ma rage

... ... Qui donc ? le gouvernement .

A qui ? à la Fondation Abbé Pierre qui ne peut que sonner l'alarme encore et toujours face à la recrudescence des expulsions locatives, véritable plaie sociale pour laquelle nulle solution valable n'est donnée : https://www.20minutes.fr/societe/3157119-20211025-logemen...

Que disent les candidats à la présidentielle ? Rien .

Qui serait/sera capable de sacrifier une part de son budget de campagne pour donner quelque secours aux nécessiteux ? Les millions jetés larga manu et inutilement aux sociétés de sondages pourraient , je crois, être plus justement employés ; trop beau pour être vrai .

Nos outils de prévention d'expulsion locative | Fondation Abbé Pierre

https://www.fondation-abbe-pierre.fr/outils-et-informations/procedure-expulsion-pour-impaye

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

30 de juillet [1766]

Ma rage vous embrasse toujours tendrement, mon cher et aimable philosophe. Il m’a tant passé d’horreurs par les mains depuis quelques jours que je ne sais plus ce que je vous ai écrit. Vous ai-je mandé que j’avais obtenu de frère Frédéric une gratification pour les Sirven ? Cette goutte de baume sur tant de blessures faites à la raison et à l’innocence, m’a un peu soulagé, mais ne m’a pas guéri. Je suis honteux d’être si sensible et si vif à mon âge. Je m’afflige du tremblement de terre à Constantinople 1, tandis que vous examinez gaiement combien il faut de parties sulfureuses pour renverser une ville dont les dimensions sont données. Je pleure les gens dont on arrache la langue, tandis que vous vous servez de la vôtre pour dire des choses très agréables et très plaisantes. Vous digérez donc bien, mon cher philosophe ; et moi je ne digère pas. Vous êtes encore jeune, et moi je suis un vieux malade ; pardonnez à ma tristesse. Je viens de voir dans la Gazette de France un article du tonnerre qui a pulvérisé une vieille femme ; et le tonnerre n’est point tombé sur les juges d’Abbeville ! Comment cela peut-il se souffrir ?

Si vous savez quelque chose sur Polyeucte et Néarque 2 daignez m’en écrire un petit mot aux eaux de Rolle.

J’ai vu le mémoire des huit avocats 3; il dit peu de chose, il ne m’apprend rien, et me laisse dans ma rage.

Les plénipotentiaires viennent de commencer leurs opérations à Genève, en déclarant Jean-Jacques Rousseau un calomniateur infâme 4. Un parti vient de faire un libelle abominable contre tous les particuliers de l’autre parti. On cherche à pendre l’auteur du libelle. Vernet a fait un nouveau mémoire, mais il ne trouve personne qui veuille l’imprimer ; les libraires y ont été déjà attrapés.

Vivez gaiement, mon grand philosophe ; mais pourquoi les gens qui pensent ne vivent-ils pas ensemble ? »

1 Ressenti à plusieurs reprises du 22 mai au 16 juin 1766, puis le 1er et enfin le 5 juillet ; voir Robert Mallet « Third report on the Facts of Earthquake Phenomena », 1853, British Association for the Advancement of Science : Report […] 1853. Voir : https://www.researchgate.net/publication/274244963_Prevalence_of_Earthquake_Lights_Associated_with_Rift_Environments

2 La Barre et d’Étallonde.

4 A la page 3 de la déclaration des médiateurs du 25 juillet 1766 .

25/10/2021

Soyez au-dessus des bons et des mauvais succès ; mais soyez sensible à l’amitié

... Je ne saurais dire mieux . Tout de bon pour Mam'zelle Wagnière .

Textes meilleurs voeux 2022

 

 

 

« A Jean-François de La Harpe

Au eaux de Rolle en Suisse , par Genève, 28è juillet 1766

Vous partagerez donc vos faveurs, monsieur, entre mes deux nièces, cette année. Vous allez dans le pays du chevalier de La Barre ; il n’y a point de tragédie plus terrible que celle dont il a été le héros ; il est mort avec un courage étonnant, et avec un sang-froid et une raison qu’on ne devait pas attendre des extravagances de son âge. Il était petit-fils d’un lieutenant général fort estimé ; tout le monde le plaint. Il avait commis les mêmes imprudences que Polyeucte, à cela près que Polyeucte avait raison dans le fond, et qu’il était animé de la grâce ; au lieu que son imitateur ne l’était que par la folie. Les larmes coulent volontiers pour la jeunesse qui a fait des fautes, et qu’elle aurait réparées dans l’âge mûr.

Nous vous souhaitons une vie heureuse, dans ce chaos de malheurs et de peines qu’on appelle le monde, dont vous serez un jour détrompé. Soyez au-dessus des bons et des mauvais succès ; mais soyez sensible à l’amitié : elle seule adoucit les maux de la vie. Je vous embrasse du meilleur de mon cœur. »

 

je vous supplie de la part de l’auteur de faire une très jolie édition

... Grattez, fouillez, faites votre choix : https://www.fnac.com/Tous-les-prix-litteraires-de-la-rentree-2021/cp36004/w-4

Calendrier des prix littéraires de l'automne 2021 - La lettre du Libraire

Soyons open !

 

 

« A Jacques Lacombe

28 juillet 1766 1

J’ai reçu, monsieur, votre lettre du 21 juillet. Quoique je sois ami de l’auteur, il s’en faut bien que je pense de son ouvrage 2 aussi favorablement que vous. Il n’est point du tout théâtral ; mais je pense comme vous qu’on pourra le lire, et que les notes sont curieuses. Vous êtes prié de vouloir bien m’adresser la préface, qu’il faut absolument corriger. On vous la renverra sur-le-champ, et si vous pouvez indiquer une adresse franche par la poste, on s’en servira ; je vous supplie de la part de l’auteur de faire une très jolie édition. On ne vous conseille pas d’en tirer un grand nombre d’exemplaires, par la raison que, si l’ouvrage avait un peu de succès, on y joindrait quelques autres écrits, et cela pourrait vous procurer une seconde édition qui serait recherchée. On vous renouvelle, monsieur, les sentiments d’estime et d’amitié qu’on a pour vous, et c’est de tout mon cœur 3.



Corrections pour la tragédie des Scythes

Acte Ier, scène 1ère

L'olivier à la main, devant moi se présente

mettez

Sur un coursier superbe à nos yeux se présente .4



Sozame ne dit point :

Mais je crains que ma fille au désert enterrée

il dit

Mais je sens que ma fille au désert enterrée,

Du faste des grandeurs autrefois entourée,

Dans le secret du cœur pourrait entretenir

De ses honneurs passés l'importun souvenir.



Acte II, scène 1ère

Obéïde ne dit point :

[…] mon père veut un gendre

C'est dans ses derniers ans un parti qu'il faut prendre .

elle dit :

Mon père veut un gendre :

Il ne commande point, mais je sais trop l'entendre :

Le fils de son ami doit être préféré .



Acte III

Athamare ne finit point sa scène avec Obéïde par ce vers :

J'obéis, allons voir quel sang je dois répandre .

il dira :

J'obéis – malheureux, quel sang faut-il répandre ?



Acte IV, scène 7

Sous mes yeux, à ma porte, et dans la place même .

corrigez

Sous vos yeux, sous les miens, et dans la place même .



Acte V, scène dernière

Hermodan

Dieux ! Vîtes-vous jamais deux plus malheureux pères ?

Athamare

Dieux ! De tant de tourments tranchez l'horrible cours.

Sozame

Tu dois vivre, Athamare, et j'ai payé tes jours .

Auteur infortuné des maux de ma famille,

Ensevelis du moins le père avec la fille.

Va régner, malheureux !



La pièce ne finit point par ces deux vers :

Scythes contentez-vous de ce grand sacrifice,

Et sans être inhumains cultivons la justice .

il y a :

Nous sommes trop vengés par un tel sacrifice ;

Scythes, que la pitié succède la justice . »

1 L'original est en deux parties, l'une et l'autre à la B. N. ; le corps de la lettre dont les sept derniers mots sont autographes est conservée sous la cote F. 12937, les corrections sous la cote N. 24335, f° 105 . L'édition Cayrol ne donne que la lettre ; de fait il n'est pas certain que les corrections aient été envoyées avec la présente lettre, mais on ne voit pas à quelle autre lettre connue elles auraient pu se rattacher . Elles furent toutes effectuées avant la publication .

2 Le Triumvirat .

3 Ces derniers mots sont de la main de V*.

4 Le manuscrit porte ici en note : N. B. – car si ce Persan vient avec l'olivier à la main, on ne peut lui dire : « Viens-tu nous insulter ? »

Il est doux de cultiver son jardin, mais il me semble qu’on y jette de grosses pierres

... Il arrive que ce soit la dure réalité :

Finistère. « J'ai entendu un grand bruit suivi d'une pluie de cailloux »

https://www.ouest-france.fr/bretagne/morlaix-29600/plouvorn-un-grand-bruit-suivi-d-une-pluie-de-cailloux-6171775

 

 

 

« A Philippe-Antoine de Claris,M. le marquis de

Florian, etc.

au château d'Hornoy

par Abbeville

Aux eaux de Rolle en Suisse, par Genève 28è juillet 1766

Je viens de lire le mémoire signé de huit avocats. Il ne parle point d’une abbesse, mais d’une supérieure de couvent. Il dit que le juge devait se récuser lui-même, parce que de cinq accusés il y en avait quatre dont les familles avaient avec lui de violents démêlés. Le mémoire porte que ce juge voulait marier son fils unique avec une demoiselle qui voulait épouser le frère aîné d’un de ces accusés même. Cette demoiselle était dans le couvent, et la supérieure favorisait les prétentions du rival. Il y a bien plus : ce juge était curateur de cette jeune personne, et on avait tenu une assemblée des parents de la demoiselle, pour ôter la curatelle à ce juge.

Voilà donc de tous les côtés l’amour qui est la cause d’un si grand malheur . Voilà un lieutenant de l’élection, âgé de soixante ans, amoureux d’une religieuse, et voilà un jeune homme amoureux d’une pensionnaire, qui ont produit toute cette affaire épouvantable.

Ce qui nous étonne encore dans ce procès, c’est que la procédure, ni la sentence, ni l’arrêt, n’ont fait aucune mention de l’audace sacrilège avec laquelle on avait mutilé un crucifix ; il n’y a eu aucune charge sur ce crime contre les accusés ; et cette action est probablement d’un soldat ivre de la garnison, ou de quelque ouvrier huguenot de la manufacture d’Abbeville. Mais les enquêtes faites sur cette profanation, ayant été jointes aux autres corps du délit, ont produit dans les esprits une fermentation qui n’a pas peu contribué à l’horreur de la catastrophe.

Un des principaux corps du délit est une vieille chanson grivoise qu’on chante dans tous les régiments ; l’une est intitulée la Magdeleine ; et l’autre, la Saint-Cyr.

Il est peu parlé, dans la consultation des avocats, de l’infortuné jeune homme qui a fini ses jours d’une manière si cruelle, et avec une fermeté si héroïque.

Il est très-constant que de vingt-cinq juges il n’y en a eu que quinze qui aient opiné à la mort. Si les seigneurs d’Hornoy ont appris quelque chose qui puisse éclaircir cette horrible affaire, nous leur serons bien obligés de nous en faire part.

Ils vont donc faire une tragédie avec le jeune La Harpe 1 . Il vaut mieux faire des tragédies que d’être témoin de celle qui vient de se passer dans votre voisinage.

Nous vous embrassons très tendrement.

Il est doux de cultiver son jardin, mais il me semble qu’on y jette de grosses pierres. »

1 La Harpe était sur le point de faire un séjour à Hornoy, mais après l'échec de son Gustave Vasa, dégoûté, il n’écrivit plus de pièce avant 1772 . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:La_Harpe_-_Abr%C3%A9g%C3%A9_de_l%E2%80%99histoire_g%C3%A9n%C3%A9rale_des_voyages,_tome_1.djvu/14