25/10/2021
Mais, comme on dit, il faut vouloir, et on ne veut pas assez
... "on", y compris moi-même .
Le hasard étant parfois sympathique , je me suis retrouvé heureusement face à l'ami Voltaire dimanche matin, et j'espère que Mam'zelle Wagnière aussi : https://www.france.tv/france-5/une-maison-un-artiste/une-maison-un-artiste-saison-7/1037591-voltaire-le-patriarche-de-ferney.html
« A Etienne-Noël Damilaville
28 juillet 1766 1
J’ai reçu toutes vos lettres, mon cher ami. Je suis toujours dans le même état, à la même place, et dans la même résolution. Il y a un homme puissant 2 dans l’Europe qui est aussi indigné que nous. Voici le moment de prendre un parti, pour peu qu’on trouve des âmes fortes et courageuses qui nous secondent.
J’ai dévoré le mémoire 3et je me flatte qu’il sera bientôt public. Notre ami Élie l’aurait fait plus éloquent. Ce mémoire devait être un beau commentaire sur le livre des Délits et des Peines. On dit que ce commentaire paraîtra bientôt : mais l’ignorant doit rentrer dans sa coquille, et ne se montrer de plus de six mois. Je crois vous avoir déjà dit quelque chose du lièvre qui craignait qu’on ne prît ses oreilles pour des cornes 4.
J’ai relu tous les détails que vous m’avez écrits. Vous jugez de l’impression qu’ils ont faite sur moi. Que ne puis-je être avec vous, et vous ouvrir mon cœur !
Si le Platon moderne 5 voulait, il jouerait un bien plus grand rôle que l’ancien Platon. Je suis persuadé, encore une fois, qu’on pourrait changer la face des choses. Ce serait d’ailleurs un amusement pour vous et pour lui de faire une nouvelle édition de ce grand recueil des sciences et des arts, de réduire à quatre lignes les ridicules déclamations des Cahusac 6 et de tant d’autres, de fortifier tant de bons articles, et de ne plus laisser la vérité captive. Il y a un volume de planches dont on pourrait très-bien se passer. En un mot, en réduisant l’ouvrage, je suis certain qu’il vous vaudrait cent mille écus. Mais, comme on dit, il faut vouloir, et on ne veut pas assez.
On vous supplie de donner cours aux incluses. »
1 Copie contemporaine Darmstadt B. : il manque la dernière phrase ; les Éditions Littéraires n'identifient pas le destinataire .
2 Frédéric II de Prusse .
3 Ce mémoire , annoncé à V* par Thieriot le 17 juillet 1766 est l’ensemble des Mémoires à consulter pour les sieurs Moisnel, Dumaisniel de Saveuse et Douville de Maillefer datés du 27 juin 1766
4 La Fontaine, livre V, fable iv. :Les oreilles du lièvre : http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/oreilliev.htm
5 Diderot .
6 Louis de Cahusac a écrit plusieurs articles, tous signés, pour l'Encyclopédie : https://obvil.sorbonne-universite.fr/corpus/danse/html/cahusac_encyclopedie-anthologie.html
Voir lettre du 3 octobre 1764 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/11/23/je-suis-si-attache-a-cette-belle-entreprise-que-je-voudrais-que-tout-en-fut.html
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24/10/2021
cela me fait oublier tout le reste
... Je me suis régalé en voyant les documentaires sur Georges Brassens, cet anar au grand coeur qui reste inégalé à ce jour , de qui rien n'est à jeter.
Vous adorerez ceci , je l'espère, comme moi :" La rose, la bouteille et la poignée de main " : https://www.youtube.com/watch?v=PPyOpUd99k8
... Et je repris ma route ... pour chanter La religieuse : https://www.youtube.com/watch?v=ClmhkzrmV8A
etc. en se tapant le cul par terre ...
« A Nicolas-Claude Thieriot
26 juillet 1766
Mon ancien ami, voici de quoi animer votre correspondance avec Frédéric ; il vaut mieux que cette relation lui vienne par vous que par moi.
J’ai été très touché qu’il ait envoyé cinq cents livres 1 aux Sirven, à ma seule prière, et qu’il ait fait passer ce petit bienfait par mes mains ; cela me fait oublier tout le reste.
Vous frémirez en lisant la relation que je vous envoie 2. Ne dites ni n’écrivez que cette relation vient de M. de Florian et de moi. »
1 Voir lettre du 25 juillet 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/10/22/les-grandes-choses-sont-souvent-plus-faciles-qu-on-ne-pense.html
Louis Moland dans l'édition Garnier de 1877 donne cette note : « Voltaire a dit aussi cinq cents livres, dans la lettre à Damilaville, du 25 juillet 1766 ( 6430 ) ; mais dans sa lettre du 31 juillet 1766 à Thieriot ( 6440 ), il avoue que ce n’est pas cinq cents francs, mais cent écus d’Allemagne, qu’a envoyés Frédéric. »
2 Voir la note de la lettre du 14 juillet 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/10/06/vous-allez-etre-bien-etonne-vous-allez-fremir-mon-cher-frere-6341972.html
18:35 | Lien permanent | Commentaires (0)
obtenir un certificat comme quoi je ne suis pas encore mort
... Vaccin oblige, je vais devoir consulter mon compte Ameli, mais diable quel est mon mot de passe ?
« A Etienne-Noël Damilaville
26 juillet 1766
Je me transportai hier en France, mon cher frère, tout malade que je suis, pour obtenir un certificat comme quoi je ne suis pas encore mort . Je vous supplie de l'envoyer à M. de Laleu . Je m'occupe actuellement de régler toutes mes affaires . Je recommande à votre sagesse celles dont je vous ai parlé dans mes dernières lettres . Je vous embrasse bien tendrement . M. Boursier attend de vos nouvelles ; il en aura peut-être aujourd'hui , et il sera soulagé . »
17:34 | Lien permanent | Commentaires (0)
après tant d’horreurs, je ne m’intéresse à rien
... ou à tout également, ce qui revient au même .
Sur ce, ne pas me déranger, je vais chercher un nom à proposer pour les deux bébés pandas du parc de Beauval
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet , comtesse d'Argental
Aux eaux de Rolle en Suisse par Genève 26 juillet 1766
Je vous importunai, mes anges, par ma dernière lettre, en faveur d’un Ballessert 1, qui en effet a du mérite . Je vous suppliai de daigner lui procurer une audience de M. le duc de Choiseul ; mais aujourd’hui je crois devoir vous prier de n’en rien faire. Je viens d’apprendre que la moitié de Genève a publié un libelle contre l’autre 2; que même on manque violemment de respect dans ce libelle à monsieur l’ambassadeur de France. J’ignore de quel parti est ce Ballessert ; mais il me semble que, dans les circonstances présentes, et au point d’aigreur où en sont les esprits, je ne dois pas compromettre vos bontés. M. le duc de Choiseul est lassé et indigné de toutes les manœuvres des Genevois, et je ne voudrais pas que vous eussiez à vous reprocher d’avoir présenté un homme dont peut-être on serait mécontent. Je retire donc très humblement ma requête . Mais je persiste toujours à vous conjurer de me faire avoir au moins le précis de la consultation des avocats en faveur des Polyeuctes et des Néarques. Je vous envoie un petit extrait des dernières nouvelles d’Abbeville. Vous serez attendris de plus en plus. J’attends le petit paquet en toile cirée 3 adressé à Meyrin par la diligence de Lyon. La tragédie des langues coupées, etc. m’intéresse plus que celle des Roués, ou plutôt, après tant d’horreurs, je ne m’intéresse à rien.
Nous prenons des eaux en Suisse, Mme Dupuits et moi . Elles ne nous feront nul bien , mais au moins ces eaux ne sont point en Picardie. Je suis gonflé d'horreur .
Respect et tendresse.
V. »
1 Voir la lettre du 23 juillet 1766 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/10/19/l-homme-en-general-est-un-animal-bien-lache-il-voit-tranquil-6344790.html
2 Il s'agit sans doute du Dictionnaire des négatifs , de Joseph Lamande qui parut, d'après Rivoire le 20 juillet 1766 : https://books.google.fr/books/about/Dictionnaire_des_N%C3%A9gatifs.html?id=Avt8nQEACAAJ&hl=en&output=html_text&redir_esc=y
et faire recherche « dictionnaire » dans https://archives.bge-geneve.ch/ark:/17786/vtae7c6e57d53600fed
3 Voir lettres du 14 juillet 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/10/07/si-la-loi-etait-claire-tous-les-juges-seraient-du-meme-avis-6342130.html
et du 23 juillet : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/10/19/l-homme-en-general-est-un-animal-bien-lache-il-voit-tranquil-6344790.html
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23/10/2021
on ne connaît pas les proportions
... Nous sommes submergés de résultats de sondages dans absolument tous les domaines qui pourraient intéresser les humains que nous sommes, en y ajoutant toutes les statistiques concernant notre environnement présent , passé et à venir, et puis en fait nous ne retenons que l'essentiel pour notre vie quotidienne : les pourcentages d'augmentation du prix de l'énergie et des pâtes . Au diable les bagatelles des sondages d'intentions de vote, au fond, on s'en fout !
https://twitter.com/xaviergorce/status/1233308758278885376
« Au chevalier Jacques de Rochefort d'Ally
Aux eaux de Rolle en Suisse 25 juillet 1766
J’ai reçu, monsieur, les Ruines d’Athènes 1, et père Adam celles de mon visage. Vous nous comblez de présents. Une nouvelle visite mettrait le comble à tant de bontés. Si jamais vous allez dans vos terres, daignez regarder Ferney comme une terre qui vous appartient sur la route.
Votre cœur a été touché, sans doute, de la relation 2 que j’ai eu l’honneur de vous envoyer. On n’a guère profité de l’excellent livre des Délits et des Peines ; on ne connaît pas les proportions. Vous voyez par le lieu dont je date que ma santé n’est pas trop bonne . Elle diminue tous les jours, et l’âge augmente. On quitterait la vie sans regret s’il n’y avait pas des âmes telles que la vôtre, qui réparent par leur vertu aimable les horreurs qu’on voit de tous côtés.
Toute ma petite famille vous fait les plus tendres compliments. Père Adam vous donne sa bénédiction, et vous renouvelle ses plus sincères hommages. »
1 Voir lettre du 1er juillet 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/09/25/je-crois-qu-on-est-actuellement-a-paris-dans-les-ruines-du-b-6339741.html
2 La Relation de la mort du chevalier de La Barre .
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22/10/2021
je vous conjure de me dire s’il est vrai qu’il y ait une loi de 1681 par laquelle on puisse condamner à la mort ceux qui sont coupables de quelques indécences impies
...Je ne sais pas plus que Voltaire si cette loi de 1681 existe avec les conséquences funestes qui y sont définies, mais de nos jours il persiste des lois coraniques qui punissent plus que sévèrement les impiétés envers l'islam, avec le subtil distinguo entre musulman et dimmi (= tous les autres ) , l'un étant condamné par Dieu, l'autre par les hommes , la peine de mort étant loin d'être exclue : https://journals.openedition.org/mideo/1926
« A Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont
25 juillet [1766]
En vous présentant, monsieur, ma requête au nom de l’humanité pour les Sirven et pour votre gloire, je vous conjure de me dire s’il est vrai qu’il y ait une loi de 1681 par laquelle on puisse condamner à la mort ceux qui sont coupables de quelques indécences impies. J’ai cherché cette loi dans le recueil des ordonnances, et je ne l’ai point trouvée. Vous savez que celle de 1766 1 y est directement contraire. Si je pouvais au moins avoir l’extrait de la consultation en faveur de ces cinq extravagants infortunés, je vous aurais une extrême obligation. Je n’ai pas conçu le jugement contre M. de la Luzerne 2. Il y a bien des choses dans le monde que je ne conçois pas : il y en a qui me saisissent d’une horreur égale à l’estime, à la vénération et à l’amitié que vous m’avez inspirées.
V. »
1 Lapsus calami pour 1666 .
2 Dans un procès au civil, où Élie de Beaumont avait publié un Mémoire : voir lettre du 20 août 1766 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6465
Voir : https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb36721852h
et : https://luxemburgensia.bnl.lu/cgi/getPdf1_2.pl?mode=page&...=
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une autre manufacture plus importante, ce serait celle de la vérité... Les grandes choses sont souvent plus faciles qu’on ne pense
... Voir d'abord France Info : https://www.francetvinfo.fr/vrai-ou-fake/
Puis se mettre à l'ouvrage sans crainte , se tromper parfois, recommencer , corriger, mais ne jamais tromper.
« A Etienne-Noël Damilaville
25 juillet 1766 1
Le roi de Prusse vient d’envoyer cinq cents livres à Sirven 2. Cette petite générosité, à laquelle rien ne l’engageait, m’a été d’autant plus sensible qu’il ne l'a faite qu’à ma prière, et que ce bienfait a passé par mes mains. Le mémoire du divin Élie produirait bien un autre effet. Je ne doute pas un moment que, si vous vouliez venir vous établir à Clèves, avec Platon 3 et quelques amis, on ne vous fit des conditions très avantageuses. On y établirait une imprimerie qui produirait beaucoup ; on y établirait une autre manufacture plus importante, ce serait celle de la vérité. Vos amis viendraient y vivre avec vous. Il faudrait qu’il n’y eût dans ce secret que ceux qui fonderaient la colonie. Soyez sûr qu’on quitterait tout pour vous joindre. Platon pourrait partir avec sa femme et sa fille, ou les laisser à Paris, à son choix. Soyez très sûr qu’il se ferait alors une grande révolution dans les esprits, et qu’il suffirait de deux ou trois ans pour faire une époque éternelle . Les grandes choses sont souvent plus faciles qu’on ne pense. Puisse cette idée n’être pas un beau rêve ! Il ne faut que du zèle et du courage pour la réaliser ; vous avez l’un et l’autre. J’attends votre réponse avec impatience, et je vous supplie surtout, mon cher ami, de presser Élie. Quand même on n’imprimerait qu’une centaine d’exemplaires de son factum pour Sirven, quand même les horreurs où l’on est plongé empêcheraient de poursuivre cette affaire, il en reviendrait toujours beaucoup de gloire à Élie, et une grande consolation à Sirven. Je sèche en attendant la consultation des avocats en faveur de cet infortuné, qui est mort avec plus de courage que Socrate . Nous attendons aussi les noms des juges dont la postérité doit faire justice.
Voici l’extrait d’une lettre que je viens de recevoir 4.
« Le chevalier de La Barre a soutenu les tourments et la mort sans aucune faiblesse et sans aucune ostentation. Le seul moment où il a paru ému est celui où il a vu le sieur Belleval dans la foule des spectateurs. Le peuple aurait mis Belleval en pièces, s’il n’y avait pas eu main-forte. Il y avait cinq bourreaux à l’exécution du chevalier. Il était petit-fils d’un lieutenant-général des armées, et serait devenu un excellent officier. Le cardinal Le Camus, dont il était parent, avait commis des profanations bien plus grandes, car il avait communié un cochon avec une hostie ; et il ne fut qu’exilé. Il devint ensuite cardinal, et mourut en odeur de sainteté. Son parent est mort dans les plus horribles supplices, pour avoir chanté des chansons et pour n’avoir pas ôté son chapeau. » etc.
Boursier,
chez M. Souchay, au Lion d’or.
On vous recommande les deux incluses .»
1 Dans la copie contemporaine Darmstadt B. il manque la fin à partir de etc.
2 Il s'agit en fait de cent écus d’Allemagne, soit environ trois cents francs ; voir lettre du 31 juillet à Thieriot : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/02/correspondance-annee-1766-partie-28.html
3 Diderot .
4 Les Mémoires secrets du 6 août 1766 parlent de cette lettre, ainsi que de deux autres. Ils donnent à toutes les trois la date du 6 juillet, et les attribuent à Voltaire.(Note de Louis Moland, édition Garnier 1877)
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