20/11/2023
Je voudrais que vous fussiez philosophe syndic
...
« A Jacob Vernes
Le brave ennemi d'Athanase et de la tyrannie est supplié de me renvoyer Le Philosophe militaire 1. Je n'ai que cet exemplaire .
Je voudrais que vous fussiez philosophe syndic, et que vous cessassiez d'être un petit Sinésius qui prêchait des bêtises dont il se moquait . Croyez-moi, troquez vite votre maudit rabat de prêtre contre un rabat de conseiller .
Votre très humble et très obéissant serviteur
V.
28è mars [1768].
Renvoyez Le Militaire chez M. Souchay. »
1 Prêté à Moultou depuis longtemps , voir lettre du 1er mars à Vernes : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/10/18/liber-libero-liberrime-un-homme-libre-a-un-homme-libre-en-to-6466589.html
« ennemi d'Athanase » signifie anti-trinitaire ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Athanase_d%27Alexandrie
17:21 | Lien permanent | Commentaires (0)
avec de l'ordre et de l'économie je ferai face à tout . Il n'y a que le désordre qui ruine
... D'où mon recours au 49-3" dit Mme Borne, première ministre qui s'en prend plein la figure et n'en démord pas .
« A Alexandre-Marie-François de Paule de Dompierre d'Hornoy
28è mars 1768
Mon cher parlementaire , suspendez un moment vos disputes avec l'ange bouffi du Grand Conseil pour écouter mon plaidoyer, comme si vous étiez sur les fleurs de lys 1 ; réunissez-vous tous les deux ; n'en croyez point les discours vagues et extrajudiciaires du public . Vous savez que ce public a autant d'oreilles et de bouches que la renommée mais qu'il n'a point d'yeux . Voici le fait clair et net .
M. le maréchal de Richelieu me doit vingt-sept mille livres, la succession de Guise vingt mille, Lézeau vingt mille, ce qui joint à d'autres non-valeurs sur mes rentes, monte à près de quatre-vingt mille .
M. le duc de Virtemberg en doit aussi environ quatre-vingt mille . Il a fait des billets à ordre qui ne sont payables que dans deux années (c'est-à-dire probablement après ma mort ) et sur lesquels on ne peut emprunter un denier . Voilà un vide de cent soixante mille livres sur un revenu qui était ma ressource .
Le seul château de Ferney, avec les embellissements et les améliorations de la terre, a coûté cinq cent mille livres, et rapporte très peu . J'ai dépensé plus de deux millions dans le pays barbare que j’habite depuis quatorze ans . Telle est ma situation . Je ne vous dis pas tout . Je vous enverrai bientôt un mémoire sur la terre de Tournay qui vous surprendra .
Nous avons pendant l'année dernière donné des fêtes à trois régiments . Nous avons eu chez nous pendant deux mois un colonel et presque tous ses officiers . Ce colonel est si occupé du service du roi, qu’étant de retour à Paris il ne nous a pas seulement écrit un mot de remerciement .
Ainsi en ont usé trois ou quatre cents Anglais que nous avons très bien reçus, et qui sont si attachés à leur patrie qu'ils ne se sont jamais souvenus de nous . Nous avons été pendant quatorze ans les aubergistes de l’Europe, aux Délices, à Lausanne, à Ferney.
Joignez à tout cela l'agrément d'acheter tout à Genève le double plus cher qu'en France, et de payer toute la main-d’œuvre le double ; vous verrez que le chapeau de Fortunatus et les trésors d'Aboulcassem n'y suffiraient pas .
Je ne veux pas mourir ruiné ; et je ne veux pas que Mme Denis en souffre . Elle ne peut vivre dans le pays barbare de Gex sans quelques amusements qui la consolent ; et ces amusements ne se trouveront plus . J'ai soixante et quatorze ans . Je me couche à dix heures du soir , je me lève à six du matin . Cette vie ne peut lui convenir ; sa santé s'altère , elle a besoin de tous les secours de Paris . Ce séjour n'est pas moins nécessaire à Mme Dupuits . C'est forcer la nature que de transporter des Parisiennes dans les glaces éternelles des Alpes et du mont Jura ; je dirais plus, c'est abréger leurs jours . Je n'ai plus qu'à mourir, mais il faut qu'elle vive, et quelle vive agréablement .
Il ne me reste actuellement que mes rentes sur M. de Laleu ; tout le reste est épuisé pour deux années . Ces rentes dans lesquelles il y a tant de non-valeurs suffiront à peine pour entretenir Mme Denis à Paris et moi à Ferney . Vous n'avez pas assez sur ces rentes , et il faut pour être juste égaler le Parlement au Grand Conseil . Ainsi , je vous supplie dès à présent, à commencer du premier avril où nous sommes, d'accepter la somme modique de dix-huit cents livres en attendant mieux .
J'avais compté que pour compléter la part que je fais à Mme Denis, M. le maréchal de Richelieu lui donnerait au moins trois ou quatre cents louis d'or . Je l'en ai conjuré par ma dernière lettre . S'il ne veut pas faire cet effort, si la succession de Guise ne fournit rien encore, vous avez mon cher ami votre recours sur Lézeau, qui doit donner au mois d'avril neuf ou dix mille francs au procureur boiteux . Ces neuf ou dix mille francs joints à ce que Mme Denis peut avoir encore, ne suffira pas pour lui faire avoir des meubles d'une maison commode . Il faut donc qu'elle vende la terre de Ferney qui baissera toujours de prix, par l'aversion naturelle qu'ont tous les Genevois à posséder des biens-fonds dans ce pays, et surtout parce qu'ils n'achètent jamais que de l'utile et non de l'agréable . Je me retirerais alors dans la terre de Tournay . Elle toucherait une grosse somme d’argent comptant ; elle augmenterait ses rentes, elle serait très riche .
Cet arrangement si convenable, et même si nécessaire, a manqué pour ne m'avoir pas envoyé à temps son consentement, et pour avoir écouté des personnes qui ne pouvaient être au fait de ses affaires, ni de ma position . Le marché qu'on lui proposait était des plus avantageux, mais il ne se retrouvera plus 2. L'acquéreur s'est dédit, et a donné l'alarme aux autres .
Mme Denis m'a laissé pour environ quinze mille livres de dettes criantes à payer 3 ; j'en ai environ pour cinq mille de ma part . Il ne me reste pour subvenir à toute cette année et le suivante que mes rentes . J'arrangerai tout de manière qu'elles suffiront .
J'ai encore vingt-sept personnes à nourrir dans le le château . Mais avec de l'ordre et de l'économie je ferai face à tout . Il n'y a que le désordre qui ruine .
Je me flatte qu'après cette lettre je serai reçu dans l'académie de lésine de Boulogne ; mais ma famille ne m'exclura pas du temple de l'amitié .
Je reçois une petite lettre de M. Dupuits toute pleine d’amitié . Je l’embrasse tendrement lui et sa femme . Il trouvera ici son avocat quand il viendra, il a un maudit bien dans le maudit pays de Gex .
Mme Denis n'a point répondu à mes trois dernières lettres . Serait-elle malade ? M. Dupuits ne me le mande point, ni vous non plus .
V. »
1 C'est-à-dire en séance au tribunal .
2Voir lettre 7213 de Hennin du 19 mars 1768 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut
3Curieux détail qu'on ne soupçonnerait guère .
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19/11/2023
Cet exploit et les réponses doivent être chez l'ancien procureur
...C'est peut-être ce que peut dire , pour sa défense, Antonio Costa , premier ministre du Portugal :
« A Joseph-Marie Balleidier Procureur
à Gex
Monsieur Balleidier est prié de m'envoyer une assignation du 31 juillet 1761 à moi signifiée de la part de Charles Baudy habitant de Prégny . Cet exploit et les réponses doivent être chez l'ancien procureur Vuaillet . Monsieur Balleidier est prié de les chercher et de me les envoyer, je lui serai très obligé .
Voltaire.
28è mars 1768 à Ferney. 1»
1 Original signé sur lequel Balleidier a noté : « R[eçu] et R[épondu] le 29è ».
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18/11/2023
Il faut absolument finir ... Nous ne pouvons attendre plus longtemps
... C'est la prière des Palestiniens qui souffrent et meurent, pris entre le marteau israélien et l'enclume du Hamas . Israël ne sortira pas grandi de ce conflit ; si toutefois on pouvait concevoir une quelconque fierté de mener une guerre où tant de civils des deux camps sont victimes collatérales . Saletés de guerres, saletés d'humains qui les déclarent !
« A François-Louis Jeanmaire, Conseiller
de S.A.S. Mgr le duc de Virtemberg
à Montbéliard
26è mars 1768 à Ferney 1
J'ai reçu, monsieur, une promesse d'un directeur de vos forges, de me payer trente-deux-mille livres, par quartiers, à commencer au premier avril . Mais cette lettre n'est point du tout un engagement, et ne m'assure de rien . D'ailleurs je ne reçois aucune soumission de la part de vos directeurs et fermiers ; aucune délégation de la part de la chambre des finances ; aucun arrangement fixe pour le passé et pour l'avenir ; il y a six mois que vous me remettez de jour en jour . Les billets à ordre de Mgr le duc de Virtemberg dont je suis dépositaire, deviennent absolument inutiles si messieurs de la chambre des fiances ne remplissent pas les engagements qu'ils ont bien voulu prendre avec moi . Il y a plus de deux mois qu'on m'a mandé qu'un des fermiers sur lequel on me donnait des délégations était à Paris . Il pouvait certainement signer sa soumission à Paris comme à Montbéliard .
Il faut de plus signer en règle, et on ne l'a point fait .
Voulez-vous me forcer, monsieur, à vous demander en justice ce que Mgr le duc de Virtemberg veut me payer avec tant de générosité ? Il faut absolument finir . On me doit actuellement soixante-six mille neuf cent vingt-quatre livres . C'est presque le seul bien qui reste à ma famille et à moi . Nous ne pouvons attendre plus longtemps .
J'ai l’honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Voir : « Voltaire créancier du duc de Wurtemberg. Correspondance inédite » Émile Lizé :
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On a toujours raison quand on rit
... On est immortel !
« A Etienne-Noël Damilaville
25 mars 1768
Mon cher et vertueux ami, en réponse à votre lettre du 12 mars, je vous dirai que ce second chant des amours de Robert Covelle ayant déjà été imprimé et étant connu dans plusieurs journaux, il n'y a d'autre parti à prendre que de le publier moi-même et de le rendre si plaisant que personne ne puisse se fâcher . Quelques gens qui s'y connaissent disent que je n'ai rien fait en ma vie de si gai et de si innocent . On a toujours raison quand on rit et c'est d'ailleurs une bonne réponse à ceux qui m'imputent des ouvrages sérieux que je serais bien fâché d'avoir faits . Je ne connais que Jean-Jacques, Fréron et Vernet qui puissent se plaindre d'avoir été fouettés un peut trop fort . Cette plaisanterie d'ailleurs m'est nécessaire pour faire diversion à ma douleur d'être séparé de Mme Denis .
Laissez-moi faire, j’ai des idées dont vous ne serez peut-être pas mécontent . J’espère aussi que Mme Denis sera contente de moi . Elle aura un sort assez doux pendant ma vie et après ma mort . Elle jouit de douze mille livres de rente qui lui appartiennent . J'en ajoute vingt mille pendant le peu de temps que j'ai à vivre . Pour moi il me faut très peu de chose et j'en ai beaucoup au-delà de mes besoins .
Pourriez-vous avoir la bonté de me faire envoyer par Briasson les livres dont voici la note ?
Le troisième tome de l'Histoire des jésuites 1
Le quatrième du Tableau historique de l'Europe par Méhégan 2
Les Commentaires sur les discours de l'abbé Fleury par Chiniac 3.
Bonsoir mon très cher ami ; je vous ai envoyé en dernier lieu une lettre pour M. d'Alembert 4. »
1 C'est une nouvelle édition (1763) de l'Histoire générale de la naissance, des progrès et de la destruction de la Compagnie de Jésus : https://books.google.fr/books?id=2brzDmLVCFAC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
Voir lettre du 1er mars 1768 à Alexandre d'Hornoy : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/10/15/vos-confreres-feront-bien-mieux-d-obtenir-la-suppression-de-6466025.html
2 Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9815761p.texteImage
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Guillaume-Alexandre_de_Mehegan
3 Claude Fleury : Discours sur les libertés de l’Église gallicane (1755) : https://books.google.com.sv/books?id=_qCc0cFgtRIC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_vpt_read#v=onepage&q&f=false
cet ouvrage a été publié par les soins de l'abbé Sépher ; voir : https://data.bnf.fr/fr/15855533/pierre-jacques_sepher/ et : http://histoire-bibliophilie.blogspot.com/2014/07/labbe-sepher-amateur-dheterodoxie-et.html
Pierre de Chiniac de La Bastide du Claux, Nouveau commentaire sur le Discours de M. l'abbé Fleury, touchant les libertés de l’Église gallicane, 1767 : https://www.digitale-sammlungen.de/de/view/bsb11100389?page=1
Sur Chiniac de La Bastide, voir Geneviève Menant-Artillas : « Voltaire et les trois Bastide », Revue d'Histoire littéraire de la France, 1983 , et : https://www.idref.fr/029929822
4 Lettre du 23 mars 1768 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/11/15/m-6471177.html
00:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
17/11/2023
toutes les religions étaient bonnes, excepté la tyrannie romaine
... Aujourd'hui on est fortement tenté de les dire toutes mauvaises , et quand on voit ce que leurs fidèles en font on en est persuadé .
De quoi parle-t-on en disant "religion " : https://www.wikiwand.com/fr/Religion
Trapu ! non ?
« A Paul-Claude Moultou fils
à Genève
Mon très cher et très aimable philosophe, il est vrai que je veux vendre Ferney . Je suis las de vivre en fermier général ou en prince de l'Empire . Nos affaires ont été très dérangées pour avoir donné pendant quatorze ans bals, ballets et comédies, et pour avoir été les aubergistes de l'Europe . Mme Denis va tâcher de rassembler quelques débris à Paris . Je lui donne vingt mille francs de pension, et je me réserve de quoi vivre philosophiquement à Tournay, si je puis trouver un prix raisonnable pour Ferney . Quiconque l'achètera ne pourra que faire un très bon marché . Puisque vous avez la bonté de m'en procurer la défaite 1, vous recevrez demain un mémoire très fidèle concernant la terre . J'aurai l'honneur de vous parler une autre fois de Paul apôtre . Permettez qu'aujourd'hui le spirituel soit un peu sacrifié au temporel .
Si vous n'avez plus besoin du Militaire philosophe je vous supplie de me le renvoyer 2.
Je vous embrasse en Zwingle 3 qui pensait que toutes les religions étaient bonnes, excepté la tyrannie romaine .
23è mars [1768]. »
1 C'est-à-dire la vente . Effectivement Moultou a jeté sur le papier quelques chiffres sur deux colonnes, relatifs, apparemment à ce que pouvait valoir Ferney . La balance de la colonne de gauche aboutit à un total de 168 442, celle de droite à 287 852 .
2 V* semble avoir possédé quatre exemplaires de cet ouvrage . Il n'en prend pas moins le plus grand soin de réclamer ceux qu'il prête .
3 Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ulrich_Zwingli
« A Paul-Claude Moultou fils
à Genève
Mon très cher philosophe, vous avez dû recevoir le mémoire . Quand il fera beau et que les arbres auront des feuilles, l'acquéreur pourra venir voir son domaine . Je saurai alors à quel prix Mme Denis veut le laisser . Vous savez que la terre ne m’appartient point puisque je l'ai donnée . Je ne veux pas qu'on la vende trop chère ni trop bon marché . Je vous en ferai l'arbitre . Je donnerai toutes les facilités possibles .
Je vous embrasse, mon cher philosophe, avec une respectueuse tendresse .
24è mars [1768]. »
16:32 | Lien permanent | Commentaires (0)
se faire une petite bibliothèque de tous les rogatons nouveaux
... C'est possible ( accompagnés de Beaujolais, nouveau lui-aussi ): https://www.exemplaire-editions.fr/projets/financement-pa...
« A Louise-Suzanne Gallatin
Je vous envoie, madame, tout ce que j'ai . Si votre aimable prince 1 veut se faire une petite bibliothèque de tous les rogatons nouveaux sur ces matières, il faut qu'il fasse donner ordre à Marc-Michel Rey, libraire à Amsterdam, de faire tenir à Cassel à un homme de confiance, tout ce qui a été imprimé depuis un an ou dix-huit mois .
On m'a dit qu'il y a dans Genève un nommé Grasset , rue Verdaine, dont il faut taire le nom, qui vend en secret quelques-unes de ces brochures aux honnêtes gens par lesquels il est sûr de n'être pas compromis . Voici un petit billet 2 qui servira de passeport à celui qui voudra acheter .
Mille respects .
V.
23è mars 1768. 3»
1 Frédéric II de Hesse-Cassel .Voir : http://www.histoireeurope.fr/RechercheLocution.php?Locuti...=
2 Lettre du 22 mars 1768 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/11/14/vous-pouvez-vendre-en-toute-surete-au-porteur-ce-qu-il-vous-6470973.html
3 La date est de la main de Mme Gallatin .
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