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25/06/2009

Le révérend père Voltaire donne sa très sainte bénédiction à ses anges

« …pardon d’une lettre blog si courte. », mais les jours sont heureusement parfois trop courts pour tout faire et tout dire. Tout faire, c’est fait, en tout cas l’essentiel . Tout dire, cela reste à dire. De toute façon Volti écrit que « la meilleure façon d’ennuyer est celle de tout dire. » Je ne vous ennuie pas davantage …

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental et à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental

 

 

           Le révérend père Voltaire donne sa très sainte bénédiction à ses anges [V* s’était permis de faire un sermon à l’église le jour de Pâques], et leur envoie le paquet ci-joint qui pourrait les faire pouffer de rire si les calomnies qui vont aux oreilles du roi n’étaient pas toujours sérieuses. On soupçonne fort un certain abbé d’Estrées, ci-devant barbouilleur de papier, devenu espion, prieur auprès de Ferney et n’étant pas encore cardinal, quoiqu’il se soit dit ici neveu du cardinal d’Estrées. On soupçonne, dis-je, ce petit maraud [d’] avoir été l’auteur de la tracasserie [V* fait déjà état de l’abbé d’Estrées en 1764].

 

 

           Le prédicateur demande à ses anges {s’] il est convenable que Mme Denis aille gronder M. le comte de Saint-Florentin respectueusement et tendrement, et lui dire qu’avant d’écrire des pouilles au nom du roi [lettre de Saint Florentin à V* le 18 juin :  « …le roi a été informé, par des plaintes qui en ont été portées à Sa Majesté, que le jour de Pâques dernier vous avez fait dans votre paroisse de Ferney une exhortation publique au peuple, et même pendant la célébration de la messe… Il n’appartient à aucun laïc de faire ainsi une espèce de sermon dans l’église et surtout pendant le service divin. » ; V* écrit à Richelieu le 29 juin :  « j’envoyai la lettre à mon curé qui fut aussi étonné que moi….Il donna sur le champ un certificat qui atteste qu’en rendant le pain bénit selon ma coutume le jour de Pâques, je l’avertis, et tous ceux qui étaient dans le sanctuaire , qu’il fallait prier tous les dimanches pour la santé de la reine dont on ignorait la maladie dans mes déserts, et je dis aussi un mot touchant un vol qui venait de se commettre pendant le service divin . La chose a été certifiée par l’aumônier du château (le père Adam), et par un notaire au nom de la communauté. »].Il n’est pas mal auparavant de s’informer si le fait est vrai. En cas que mes anges jugent la démarche convenable, je me mets à l’ombre de leurs ailes, et je les supplie d’en parler à Mme Denis le plus tôt qu’ils pourront. Je leur demande pardon d’une lettre si courte.

 

 

           Voltaire

           25 juin 1768. »

Ce Saint -Florentin à qui Volti avait écrit en 1762 pour l'affaire Calas .

http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/caran_fr?ACTION...

letr à saint florentin pour calas.jpg

Sans doute est-ce pour ce passé là qu'il demande de le gronder "respectueusement et tendrement" !...

22/06/2009

j’ai jeté par terre toute l’église pour répondre aux plaintes d’en avoir abattu la moitié

 

duel+arc++lance.jpg

J'ai beau être d'un naturel pacifique (si! je vous l'assure) , hier, pour les beaux reflets d'une médaille, j'ai, les armes à la main accepté deux duels. Comme nous n'allons pas jusqu'à la mort du concurrent au tir à l'arc, je n'ai été que blessé au premier duel et pour compenser j'ai occis ( d'un point durement gagné) mon deuxième adversaire; je dois avouer que celui-ci, je l'ai dans mon colimateur depuis quelque temps . 

Autosatisfaction ? oui ! Et pourquoi pas ? Petit plaisir égoïste ? yes !

C'est la petite récompense de milliers de flèches décochées à l'entrainement et la compensation de cette éternelle insatisfaction d'être imparfait -je ne parle ici que de mon imperfection en temps qu'archer, car pour le reste, vous n'en doutez pas, j'espère, ma perfection est inaltérable ! (N'importe quoi !! ce James, direz-vous, ne va plus pouvoir mettre ni chaussures ni chapeau ? Eclair de lucidité, sauvé,il me reste des godasses de clown et un grand bonnet de nuit ... )chaussure_clown.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental et à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental

 

 

           Mes divins anges, lisez mes remontrances avec attention et bénignité.

 

 

           Considérez d’abord que le plan d’un cerveau n’a pas six pouces de large, et que j’ai pour cent toises au moins de tribulations. Le loisir fut certainement le père des muses ; les affaires en sont les ennemies, et l’embarras les tue. On peut bien, à la vérité, faire une tragédie, une comédie, ou deux ou trois chants d’un poème, dans une semaine d’hiver ; mais vous m’avouerez que cela est impossible dans le temps de la fenaison et de la moisson, des défrichements, et des dessèchements [dont un marais près du château de Ferney], et quand à ces travaux de campagne il se joint des procès, le tripot de Thémis l’emporte sur celui de Melpomène.Je vous ai caché une partie de mes douleurs ; mais enfin, il faut que vous sachiez que j’ai la guerre contre le clergé. Je bâtis une église assez jolie, dont le frontispice est d’une pierre aussi chère que le marbre. EgliseFerney_01.jpgJe fonde une école, et pour prix de mes bienfaits, un curé d’un village voisin [le curé d’Ornex, promoteur de l’évêque d’Annecy, équivalant à un procureur du roi dans les cours ecclésiastiques]qui se dit promoteur, et un autre curé qui se dit official [le curé de Gex, official = juge ecclésiastique nommé par l’évêque ; V* ne reconnaissant pas ces droits, son avocat J.-M. Arnoult l’en détrompa le 15 juin], m’ont intenté un procès criminel pour un pied et demi de cimetière, et pour deux côtelettes de mouton qu’on a prises pour des os des morts déterrés.

 

 

           On m’a voulu excommunier pour avoir voulu déranger une croix de bois [placée vis-à-vis le portail de l’église qu’il  fait bâtir et qui « en déroberait aux yeux toute l’architecture » ; V* est accusé de l’avoir qualifiée de « potence » terme qu’il dit être utilisé par les charpentiers, donc il se serait exprimé en « bon architecte »] , et pour avoir abattu insolemment une partie d’une grange qu’on appelait paroisse.

 

 

           Comme j’aime passionnément à être le maître, j’ai jeté par terre toute l’église pour répondre aux plaintes d’en avoir abattu la moitié. J’ai pris les cloches, l’autel, les confessionnaux, les fonts baptismaux ; j’ai envoyé mes paroissiens entendre la messe à une lieue.

 

 

           Le lieutenant criminel, le procureur du roi sont venus instrumenter, j’ai envoyé promener tout le monde. Je leur ai signifié qu’ils étaient des ânes, comme de fait ils le sont ; j’avais pris mes mesures de façon que M. le procureur général du parlement de Dijon [Louis Quarré de Quintin] leur a confirmé cette vérité. Je suis à présent sur le point d’avoir l’honneur d’appeler comme d’abus, et ce ne sera pas maître Le Dains [auteur du réquisitoire contre le livre de Huerne qui protestait contre l’excommunication de comédiens] qui sera mon avocat. Je crois que je ferai mourir de douleur mon évêque [Deschamps de Chaumont]  s’il ne meurt pas auparavant de gras fondu.

 

 

           Vous noterez, s’il vous plait, qu’en même temps je m’adresse au pape en droiture [Clément XIII], ma destinée est de bafouer Rome, et de la faire servir à mes petites volontés. L’aventure de Mahomet [dédié à Benoit XIV en 1742, qui en fera la louange] m’encourage ; je fais donc une belle requête au Saint-Père, je demande des reliques pour mon église , un domaine absolu sur mon cimetière, une indulgence in articulo mortis, et pendant ma vie une belle bulle pour moi tout seul, portant permission de cultiver la terre les jours de fêtes sans être damné [« après la sainte messe » écrit-il ; « dans ce climat un jour de travail perdu détruit souvent toute l’espérance d’une année » et les paysans qui ne travaillent pas « passent le temps dans la débauche et dans les rixes »]. Mon évêque est un sot qui n’a pas voulu donner au malheureux petit pays de Gex la permission que je demande, et cette abominable coutume de s’enivrer en l’honneur de saints, au lieu de labourer, subsiste encore dans bien des diocèses ; le roi devrait, je ne dis pas permettre les travaux champêtres ces jours là, mais les ordonner. C’est un reste de notre ancienne barbarie, de laisser cette grande partie de l’économie de l’État entre les mains des prêtres.

 

 

           M. de Courteilles vient de faire une belle action, en faisant rendre un arrêt du conseil pour les dessèchements des marais. Il devrait bien en rendre un  qui ordonnât aux sujets du roi de faire croître du blé le jour de saint Simon et de saint Jude, tout comme un autre jour. Nous sommes la fable et la risée des nations étrangères, sur terre et sur mer, les paysans des cantons de Berne, mes voisins, se moquent de moi qui  ne puis labourer mon champ que trois fois, tandis qu’ils le labourent quatre ; je rougis de m’adresser à l’évêque de Rome et non pas à un ministre de France, pour faire  le bien de l’État.

 

 

           Si ma supplique au pape, et ma lettre au cardinal Passionnei sont prêtes au départ de la poste, je les mettrai sous les ailes de mes anges qui auraient la bonté de faire passer mon paquet à M. le duc de Choiseul ; car je veux qu’il en rie et qu’il m’appuie. Cette négociation sera plus aisée à terminer honorablement que celle de la paix [Choiseul depuis la fin 1760 fait mener des négociations secrètes de paix entre Angleterre et France avec l’aide de l’Espagne].

 

 

           Je passe du tripot de l’Église à celui de la comédie. Je croyais que frère Damilaville et frère Thiriot s’étaient adressés à mes anges, pour cette pièce qu’on prétend être d’après Jodelle [Le Droit du Seigneur], et qui est certainement d’un académicien de Dijon [V* est académicien de Dijon]; ils ont été si discrets qu’ils n’ont pas jusqu’à présent osé vous en parler. Il faudra pourtant qu’ils s’adressent à vous et que vous les protégiez très discrètement sous main, sans vous cacher visiblement.

 

 

       Je ne saurais finir de dicter cette longue lettre sans vous dire à quel point je suis révolté de l’insolence absurde et avilissante avec laquelle on affecte encore de ne plus distinguer le théâtre de la Foire, du théâtre de Corneille, et Gilles, de Baron. Cela jette un opprobre odieux sur le seul art qui puisse mettre la France au dessus des autres nations, sur un art que j’ai cultivé toute ma vie aux dépens de ma fortune et de mon avancement. Cela doit redoubler l’horreur de tout homme pour la superstition et la pédanterie ; j’aimerais mieux voir les Français imbéciles et barbares comme ils l’ont été douze cents ans, que de les voir à demi éclairés. Mon aversion pour Paris est un peu fondée sur ce dégoût. Je me souviens avec horreur qu’il n’y a pas une de mes tragédies qui ne m’ait suscité les plus violents chagrins ; il fallait tout l’empire que vous avez sur moi, pour me faire rentrer dans cette détestable carrière. Je n’ai jamais mis mon nom à rien, parce que mettre son nom à la tête d’un ouvrage est ridicule, et on s’obstine à mettre mon nom à tout, c’est encore une de mes peines.

 

 

           J’ajouterai que je hais si furieusement maître Omer [Omer Joly de Fleury qui a fait suspendre l’Encyclopédie, condamner le Poême sur la Loi naturelle par le parlement,…]que je ne veux pas me trouver dans la même ville où ce crapaud noir croasse. Voilà mon cœur ouvert à mes anges ; il est peut-être un peu rongé de quelques gouttes de fiel, mais vos bontés y versent mille douceurs.

 

 

           Encore un mot ; cela ne finira pas de si tôt. Permettez que je vous adresse ma réponse à une lettre de M. de Nivernais [qui a souscrit à l’édition de la critique de V* sur Corneille]. L’embarras d’avoir les noms des souscripteurs pour les œuvres de l’excommunié et infâme Pierre Corneille [encore allusion au réquisitoire du batonnier Daims], ne sera pas une de nos moindres difficultés ; il y en a à tout. Ce monde-ci n’est qu’un fagot d’épines.

 

 

           Vous n’aurez pas aujourd’hui ma lettre au pape, mes divins anges. On ne peut pas tout faire.

 

 

           Je vous conjure d’accabler de louanges M. de Courteilles pour la bonne action qu’il a faite de me rendre un arrêt qui desséchera nos vilains marais.

 

 

           Voilà une lettre qui doit terriblement vous ennuyer. Mais j’ai voulu vous dire tout.

 

 

           Mme Denis et la pupille [Marie-Françoise Corneille] se joignent à moi.

 

 

           V.

           21 juin 1761. »

 

 

Petit lien sur "stance sur le retanchement des festes en 1666" : http://www.textesrares.com/poesie/b6_245.htm

 

11/06/2009

au nom du genre humain protégez-la !

 

Tendresse et douceur , magie du désert qui nous tente pour mieux nous perdre , aller plus loin, aller trop loin,…

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Comme tous les humains, sur notre pirogue-terre, au milieu du fleuve-voie lactée, perdue dans l’univers sans limite

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En souvenir d’un ami malgache, mort trop jeune pour avoir le temps de revoir son pays natal , salut à toi Jean-Noël :

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Force tranquille, retour à la maison

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 Quittons le rêve, attaquons l'infâme, et rêvons encore, à des jours meilleurs...

 

 

«  A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental, envoyé de Parme etc., rue de la Sourdière Paris

 et à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental

 

 

                            Mes divins anges, je me jette réellement à vos pieds et à ceux de M. le comte de Choiseul. La veuve Calas est à Paris dans le dessein de demander justice. L’oserait-elle si son mari eût été coupable ? Elle est de l’ancienne maison de Montesquieu par sa mère (ces Montesquieu sont de Languedoc). Elle a des sentiments dignes de sa naissance et au dessus de son horrible malheur. Elle a vu son fils renoncer à la vie et se pendre de désespoir ; son mari accusé d’avoir étranglé son fils, condamné à la roue et attestant Dieu de son innocence en expirant ; un second fils accusé d’être complice d’un parricide, banni, conduit à une porte de la ville et reconduit par une autre porte dans un couvent, ses deux filles enlevées, elle-même enfin interrogée sur la sellette, accusée d’avoir tué son fils, élargie, déclarée innocente, et cependant privée de sa dot. Les gens les plus instruits me jurent que la famille est aussi innocente qu’infortunée. Enfin si malgré toutes les preuves que j’ai, malgré les serments qu’on m’a faits, cette femme avait quelque chose à se reprocher, qu’on la brûle. Mais si c’est, comme je le crois, la plus vertueuse et la plus malheureuse femme du monde, au nom du genre humain protégez-la.[le même jour lettre à Ribote-Charron :  « …nos sommes très peu informés du fond de l’affaire. Ceux qui devraient nous donner le plus de lumières gardent un silence bien lâche, et qui même est suspect… On se donnera tous les mouvements possibles pour faire rendre justice à l’innocence ; mais il faut savoir pleinement la vérité. »]. Que M. le comte de Choiseul daigne l’écouter. Je lui fais tenir un petit papier qui sera son passeport pour être admise chez vous. Ce papier contient ces mots : la personne question vient se présenter chez M. d’Argental, conseiller d’honneur du parlement, envoyé de Parme, rue de la Sourdière.

 

 

                            V.

 

                            Mes anges, cette bonne œuvre est digne de votre cœur.

 

                            V.

                            11 juin 1762. »

22/05/2009

Il ne dépend pas de moi de rendre les fanatiques sages, et les fripons honnêtes gens

Ce jour commence moins tragiquement qu'hier, ouf ! De plus temps libre pour vaquer à mes coupables occupations, telle celle de blogger !

Quel foutu pays que cette Birmanie menée par des militaires ! Je ne crois pas qu'un esprit libre puisse se loger sous une casquette galonnée ou un casque. Faites le test , mettez un casque ou une casquette militaire : que voyez-vous encore ? Vos pieds et les abrutis qui portent le même uniforme ! ! Aucune élévation n'est possible quand on est borné physiquement par un insigne de sa peur . Et de sa suffisance ... Qui porte une arme, sinon celui qui a peur de l'autre ?

Quel Voltaire existe-t-il pour que les idées libèrent un peuple et cette femme ?

 

 Les armes ne font que retarder l'échéance de la déchéance de ceux qui les utilisent !

 

 

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental et à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental

 

 

                            Mes divins anges, on vient de me dire tout ce que vous aviez donné charge de dire, et je suis demeuré confondu, de la demi-feuille copiée [il y était question de « l’Infâme », ce que V* regroupe comme la superstition, fanatisme, intolérance, injustice,… et aussi  « le jansénisme, secte dure et barbare »] et de cette question : quel est donc ce Damilaville ? Hélas, mes chers anges, plût à Dieu qu’il y eut beaucoup de citoyens comme ce Damilaville ! Je ne ferai point de remarques sur tout cela, parce qu’il n’y en point à faire. Je vous demanderai seulement si cette demi-feuille est si méchante. Je crois que cette lettre vous parviendra sûrement, puisque je l’adresse à Lyon sous l’enveloppe de M. de Chauvelin. Cette voie déroutera les curieux, et vous pourrez m’écrire en toute sureté sous l’enveloppe de M. Camp, banquier à Lyon, en ne cachetant point avec vos armes, et en mettant sur la lettre : à M. Wagnière, chez M. Souchay à Genève.

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                   Je vois bien que la persécution des jansénistes est forte. On a renvoyé le ballot de la Destruction jésuitique de notre philosophe d’Alembert, parce qu’il y a quatre lignes contre les convulsionnaires. On taxe à présent d’irréligion un savant livre d’un théologien [sa « Philosophie de l’Histoire » qu’il prétend de l’abbé Bazin], qui témoigne à chaque page son respect pour la religion, et qui ne dit que des vérités qu’il faut être aveugle pour ne pas reconnaître. On m’impute ce livre sans le moindre prétexte, comme si j’étais un rabbin, et comme si l’auteur de Mérope et d’Alzire était enfariné des sciences orientales. Il ne dépend pas de moi de rendre les fanatiques sages, et les fripons honnêtes gens, mais il dépend de moi de les fuir. Je vous demande en grâce de me dire si vous me le conseillez. Je suis quoi qu’on en dise dans ma soixante et douzième année, je me vois chargé d’une famille assez nombreuse, dont la moitié est la mienne, et dont l’autre moitié est une famille que je me suis faite [Marie-Françoise Corneille et les Dupuits].

 

                   J’ai commencé des entreprises utiles et chères, et le petit canton que j’habite commençait à devenir heureux et florissant par mes soins. S’il faut abandonner tout cela, je m’y résoudrai, j’irai mourir ailleurs ; il est arrivé pis à Socrate. Je sais qu’il y a certaines armes contre lesquelles il n’y a guère de boucliers.

 

                   Ayez la bonté, je vous en prie, de me dire à quel point ces armes sont affilées. Je vous avoue que je serais curieux de voir cette demi-feuille . Il est minuit, il y a trois heures que je dicte, je n’en peux plus, pardonnez moi de finir si tôt, c’est bien à mon grand regret.

 

                   Voltaire

                   A Genève 22 mai 1765. »

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18/05/2009

qu’il est aisé de se cacher dans la foule.

Grande satisfaction pour le château de Voltaire . Le parc va retrouver allure "peignée". Volti disait qu'il avait du "peigné et du sauvage", et depuis quelques semaines le bon sauvage qui aurait fait plaisir à Rousseau (le Jean-Jacques genevois) était maître des lieux : "ex-gazon", style prairie à foin sauvée par les fleurettes qui mettaient des taches de couleurs. Défense aux enfants d'y aller s'amuser, il aurait fallu l'hélicoptère pour aller les rechercher!!! J'exagère à peine ...

 

Voyez par vous même, quelques photos prises par un visiteur anonyme la semaine passée :  http://www.monsieurdevoltaire.com/article-31358201.html

 

 

Pour la première fois, j'ai eu le plaisir de voir des jardiniers et non pas de vulgaires conducteurs d'engins (bien sur, les plus gros possibles : petite cervelle, gros moteurs, comme ceux qui ont petites bi.... et grosses bagnoles !!!). Travail impeccable, odeur d'herbe coupée en non pas de fumée d'un quatre temps mal réglé... Ce qui ne gâte rien, sourires et politesse. Merci les gars...

 

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental

Envoyé de Parme, en son hôtel, quai d’Orsay à Paris.

 

 

                            Quelque chose qui soit arrivée, et qui arrive, je ne veux pas mourir sans avoir la consolation d’avoir revu mes anges. Il n’y a que ma malheureuse santé qui puisse m’empêcher de faire un petit tour à Paris. Je n’ai affaire à aucun secrétaire d’État. Je ne suis point de l’ancien parlement. Il n’y avait qu’une petite tracasserie entre le défunt [Louis XV mort le 10 mai] et moi, tracasserie ignorée de la plus grande partie du public, tracasserie verbale qui ne laisse nulle trace après elle .Il me parait que je suis un malade qui peut prendre l’air partout sans ordonnance des médecins.

                           

                            Cependant je voudrais que la chose fût très secrète. Je pense qu’il est aisé de se cacher dans la foule. Il y aura tant de grandes cérémonies, tant de grandes tracasseries que personne ne s’avisera de penser à la mienne.

                            En un mot, il serait trop ridicule que Jean-Jacques le Genevois eût la permission de se promener dans la cour de l’archevêché, que Fréron pût aller voir jouer L’Écossaise, et moi que je ne pusse aller ni à la messe ni aux spectacles dans la ville où je suis né.

 

choiseul chateau_de_Chanteloup_-_1.jpg

                            Tout ce qui me fâche, c’est l’injustice de celui qui règne à Chanteloup [Choiseul, qui accuse V* d’ingratitude, parce qu’après sa disgrâce V* a fait l’éloge de Maupéou et sa réforme ; Mme du Deffand rassurera V*] , et qui doit régner bientôt dans Versailles. Non seulement je ne lui ai jamais manqué, mais j’ai toujours été pénétré pour lui de la reconnaissance la plus inaltérable. Devait-il me savoir mauvais gré d’avoir haï cordialement les assassins du chevalier de La Barre et les ennemis de la couronne ? Cette injustice encore une fois me désespère. J’ai quatre-vingts ans mais je suis avec M. de Chanteloup comme un amant de dix-huit ans quitté par sa maîtresse.

 

                            Quand vous jugerez à propos, mon cher ange, d’engager, de forcer votre ami et votre voisin M. de Praslin à présenter mon innocence, vous me rendrez la vie.

 

                            Je ne vous parle point de bruits qu’on fait déjà courir de l’ancien parlement qu’on rappelle, de monsieur le Chancelier qu’on renvoie. Je n’en crois pas un mot ; tout ce que je sais, c’est que je suis dévot à mes anges.

 

 

                            Voltaire

                            18 mai 1774. »

 

05/05/2009

quatre jours à vivre : est-ce auprès des rois qu’il faut les passer ?

Ce soir, sauf erreur de ma part, un grand petit - petit grand lancera (jusqu'où ?) la conquête des places dorées au parlement européen . Fera-t-il miroiter sous  nos yeux le très vif intérêt que nous aurons à nous engager (-engagez-vous, rengagez-vous-) sous la houlette (qui est plus proche de la férule, ou même parfois de la schlague !) d'un parti qui lui est cher ?

Je dois avouer que je ne voterai pas, le coup de pied au cul (pas occulte, ni au culte !) qu'il soit de droite ou de gauche est toujours aussi vexant et je n'ai pas de préférence, sinon l'abstention...

 

Autre sujet terriblement sérieux : peut-on autoriser "l'Ignoble Dieudonné", l'anti-sioniste de service (ce que l'on traduit hativement par antisémite ; amis, prenez vite votre dico pour établir la différence !), à présenter un parti sous sa bannière ? Je vais faire comme Volti, une prière "mon Dieu, rendez mes ennemis bien ridicules", et souhaitons comme lui encore "et j'ai été exaucé". Dieudonné, je te mets dans le même sac que tes adversaires, vous êtes pétris d'intolérance ! Passez votre chemin, je vais du mien , je ne vous écoute pas . Brouhaha, bouillie pour les chats (les pauvres, ils n'ont rien fait pour mériter chat ça!).

Qu'ils apprennent cette leçon :"Je vous dis qu'il faut regarder tous les hommes comme nos frères . -Quoi ! Mon frère le Turc ? mon frère le Chinois ? le Juif ? le Siamois ? - Oui, sans doute ; ne sommes nous pas tous enfants du même père, et créatures du même Dieu ? "

Je vous l'accorde , nous ne croyons pas tous au grand et céleste barbu (poilu, vêtu de peaux de bêtes... ça y-est, je dérape et vous cite une chanson de Ricet-Barrier  http://fr.lyrics-copy.com/ricet-barrier/la-java-des-gaulo... ).

Nous n'avons pas tous le même père me dites-vous ?

D'abord qui est sur de connaitre le père, comme disait l'innocente Marie ?

Stop, vil blogger impie, tu vas choquer des pupilles naïves ! J'arrête, je sens que je m'enfonce  sans espoir de pardon (péché suprême) ! Eh bien tant pis ... Dieu y pourvoira !...

 

 

En cadeau, la trombine d'un septuagénaire de talent au grand coeur .ricet-chap02.gif 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental

 

 

                            Mon cher ange, le roi de Prusse, tout roi et tout grand homme qu’il est, ne diminue point le regret que j’ai de vous avoir perdu. Chaque jour augmente ces regrets. Ils sont bien justes, j’ai quitté la plus belle âme du monde et le chef de mon conseil, mon ami, ma consolation. On a quatre jours à vivre ; est-ce auprès des rois qu’il faut les passer ? J’ai fait un crime envers l’amitié. Jamais on n’a été plus coupable. Mais, mon cher ange, encore une fois daignez entrer dans les raisons de votre esclave fugitif. Était-il bien doux d’être écrasé par ceux qui se disent rivaux, d’être sans considération auprès de ceux qui se disent puissants, et d’avoir toujours des dévots à craindre ? ai-je fort à me louer de vos confrères du parlement ? ai-je de grandes obligations aux ministres ? et qu’est-ce qu’un public bizarre, qui approuve et qui condamne tout de travers ? et qu’est-ce qu’une cour qui préfère Bellecour à Lekain, Coypel à Van Loo, Royer à Rameau ? n’est-il pas permis de quitter tout cela pour un roi aimable qui se bat comme César, qui pense comme Julien, et qui me donne vingt mille livres de rente et des honneurs pour souper avec lui ? [V* s’est réconcilié avec Frederic le 5 ou 6 mars ; le 24 avril il écrit :  « Je soupe avec le premier des hommes quand j’ai un peu de santé, je reste chez moi quand je souffre »] .A Paris je dépendrais d’un lieutenant de police ; à Versailles je serais dans l’antichambre de M. Mesnard. Malgré tout cela, mon cœur me ramènera toujours vers vous, mais il faut que vous ayez la bonté de me préparer les voies. J’avoue que si je suis pour vous une maîtresse tendre et sensible, je suis une coquette pour le public, et je voudrais être un peu désiré. Je ne vous parlerai point d’une certaine tragédie d’Oreste plus faite pour les Grecs que pour les Français ; mais il me semble qu’on pourrait reprendre cette Sémiramis que vous aimiez, et dont l’abbé de Chauvelin était si content. Puisque j’ai tant fait que de courir la carrière épineuse du théâtre, n’est-il pas pardonnable que de chercher à y faire reparaître ce que vous avez approuvé ? Les spectacles contribuent plus que toute autre chose, et surtout plus que du mérite à ramener le public, du moins la sorte de public qui crie. J’espère que Le Siècle de Louis XIV ramènera les gens sérieux, et n’éloignera pas de moi ceux qui aiment les arts et leur patrie. Je suis si occupé de ce Siècle que j’ai renoncé aux vers, et à tout commerce excepté vous et Mme Denis. Quand je dis que j’ai renoncé aux vers, ce n’est qu’après avoir refait une oreille à Zulime et à Adélaïde ? Savez-vous bien que mon Siècle est presque fait, et que lorsque j’en aurai fait transcrire deux bonnes copies, je revolerai vers vous ? C’est, ne vous déplaise, un ouvrage immense. Je le reverrai avec des yeux sévères, je m’étudierai surtout à ne rendre jamais la vérité odieuse et dangereuse. Après mon Siècle il me faut mon ange. Il me reverra plus digne de lui. Mes tendres respects à la Porte-Maillot. Voyez-vous quelquefois M. de Mairan, voulez-vous bien le faire souvenir de moi ? Son ennemi est un homme un peu dur [Maupertuis], médiocrement sociable, et assez baissé. Mais point de vérité odieuse.

                            Valete o cari.

 

 

                            Voltaire

                            4 mai 1751. »

 

 

Une dédicace particulière, que certains sauront attibuer : http://www.musicspot.fr/artiste/ricet-barrier-10110796/vi...

 

27/04/2009

Quel chien de train que cette vie

Hier, belle journée pour un archer à Poncharra : de gris à menaçant, de menaçant à pluviotant, de pluviotant à petite brise, de petite brise à ensoleillé (malheureusement pour les gauchers!), de frais à tiède, de tiède à assez chaud, d'assez chaud à frais. Bilan : peut mieux faire, élève distrait, fort potentiel de progression ! Traduisez : encore trop de volées tirées à la va-comme-je-te-pousse ! Espoir, le même que pour tout sportif, d'abord effacer les défauts (heureusement) repèrés... et puis ce n'est que le début de la saison.

Pour des archers joueurs et un peu torturés des méninges : http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.ac-nice....

 

Rendez-vous sur les pas de tir pour la solution, prise de tête ! De toute façon un bon archer ne doit pas penser pendant son tir. Laisser parler l'inconscient et s'exprimer le corps, ça suffit largement et c'est ça le plus difficile à réaliser ... je suis bien placé pour le savoir...

 

 

 

 

 

 

 

Passons à une flèche de notre histoire avec Volti qui n'est pas sans me faire penser à mon copain Jacques qui lui aussi connait des terribles problèmes "d'entrailles" révoltées.

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Allez, Jacquot, reviens vite qu'on puisse manger ensemble (et péter, ne vous déplaise à vous les culs-pincés !).Oui, j'ose le dire et l'écrire, et je ne vois pas pourquoi je me génerais quand n(v)otre président national déblatère si aisément !

 

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E viva la "hypocrisia"  et embrassons nous Folleville... Ole !!!

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental

 

 

                            Mon cher ange, j’apprends que vous avez perdu Mlle Guichard. Vous ne m’en dites rien, vous ne me confiez jamais ni vos plaisirs ni vos peines, comme si je ne les partageais pas, comme si trois cent lieues étaient quelque chose pour le cœur et pouvaient affaiblir les sentiments. Voilà donc  cette pauvre petite fleur si souvent battue par la grêle, à la  fin coupée pour jamais ! Mon cher ange, conservez bien Mme d’Argental, c’est une fleur d’une plus belle espèce et plus forte, mais elle a été exposée bien des années à un mauvais vent. Mandez-moi donc comment elle se porte. Aurez-vous votre Porte -Maillot cette année ? Vous me direz que je devrais bien y venir vous y voir. Sans doute je le devrais et je le voudrais, mais ma Porte-Maillot est à Potsdam, et à Sans- Souci. J’ai toutes mes paperasses, il faut finir ce que l’on a commencé. J’ai regardé le caractère d’historiographe comme indélébile [bien que son départ en Prusse l’ait déchargé de ce titre]. Mon Siècle de Louis XIV avance. Je profite du peu de temps que ma mauvaise santé peut me laisser encore, pour achever ce grand bâtiment dont j’ai tous les matériaux. Ne suis-je pas un bon Français ? et n’est-il pas bien honnête à moi de faire ma charge quand je ne l’ai plus ? Potsdam est plus que jamais un mélange de Sparte et d’Athènes. On y fait tous les jours des revues et des vers. Les Algarotti et les Maupertuis y sont. On travaille, on soupe ensuite gaiement avec un roi qui est un grand homme de bonne compagnie. Tout cela serait charmant ; mais la santé ! Ah ! la santé et vous, mon cher ange, vous me manquez absolument. Quel chien de train que cette vie ! Les uns souffrent, les autres meurent à la fleur de leur âge ; et pour un Fontenelle [mort centenaire en 1757] cent Guichard. Allons toujours pourtant, on ne laisse pas d’avoir quelques roses à cueillir dans ce champ d’épines. Monsieur sort tous les jours, sans doute à quatre heures ; Monsieur va aux spectacles, et porte ensuite à souper sa joie douce et son humeur égale ; et moi, tel j’étais, tel je suis, tenant mon ventre à deux mains, et ensuite ma plume, souffrant, travaillant, soupant, espérant toujours un lendemain moins tourmenté de maux d’entrailles et trompé dans mon lendemain. Je vous le dis encore, sans ces maux d’entrailles, sans votre absence, le pays où je suis serait mon paradis. Être dans le palais d’un roi parfaitement libre du matin au soir, avoir abjuré les diners trop brillants, trop considérables, trop malsains, souper quand les entrailles le trouvent bon avec ce roi philosophe [V* s’est réconcilié avec Frédéric II lors d’un tête à tête le 5 ou 6 mars]; aller travailler à son Siècle dans une maison de campagne [au Marquisat] dont une belle rivière baigne les murs ; tout cela serait délicieux, mais vous me gâtez tout. On dit que je n’ai pas grand-chose à regretter à Paris en fait de littérature, de beaux-arts, de spectacles et de goût. Quand vous ne me croirez pas de trop à Paris, avertissez-moi et j’y ferai un petit tour, mais après la clôture de mon Siècle, s’il vous plait. C’est un préliminaire indispensable.

 

                            Adieu, je vous écris en souffrant comme un diable, et en vous aimant de tout mon cœur. Adieu, mille tendres respects et autant de regrets pour tout ce qui vos entoure.

 

                            Voltaire

                            A Potsdam, 27 avril 1751. »