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13/06/2022

Nous sommes en guerre, je suis malade, et j’ai manqué un jour de bouillon

...  dit le président .

La majorité présidentielle risque fort de boire ce bouillon dimanche prochain, véritable soupe à la grimace , sauce NUPES - bleu Marine dure à avaler  . On va fort tchatcher ces jours-ci .

 

 

« A François de Chennevières

Ferney, 6 février 1767 1

Vraiment, mon cher ami, vous auriez bien raison de me venir voir . J’appartiens de droit à présent à vos hôpitaux militaires. Nous sommes en guerre, je suis malade, et j’ai manqué un jour de bouillon. J’ai été bloqué par le cordon de troupes qui entoure Genève ; mais M. le duc de Choiseul a eu pitié de moi. Je ne m’en porte pas mieux . Je suis au milieu de trente lieues de neiges, impotent et perdant les yeux . C’est mon revenu de tous les hivers. Je commence à me dégoûter fort de la retraite que j’ai choisie. Elle ne produit rien ; il n’y a de beau que le paysage, et cette beauté n’est pas pour les aveugles. Je ne sais comment les choses de ce monde sont arrangées, mais il me semble qu’on finit toujours tristement. »

1 Copie par Boissy d'Anglas (Clarke).

12/06/2022

Je trouve que de tous les fléaux la crainte est encore le pire ; elle glace le sang

...

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

6 février 1767

Votre créature l’a échappé belle, mes divins anges. Les conseillers d’État, les neiges et les maladies attachées à l’âge et à la rigueur du climat, me réduisaient à une pénible situation. Je trouve que de tous les fléaux la crainte est encore le pire ; elle glace le sang, elle n’a donné une espèce d’attaque d’apoplexie. Béni soit monsieur le vice-chancelier 1, qui a été mon premier médecin ! Mais jugez si j'ai pu, pendant un mois de transes continuelles, faire à ces pauvres Scythes ce que j’aurais fait si mon pauvre corps et mon âme avaient été moins tourmentés et moins affaiblis. Tels qu’ils sont, ils pourront ne pas déplaire, puisqu’ils ne nous déplaisent pas et que nous sommes difficiles. Nous en avons suspendu les répétitions, parce que la rigueur de la saison a augmenté dans notre Sibérie, et que nous sommes tous malades. Il n’y à plus moyen de tenir à mon âge dans ce climat, qui est aussi horrible pendant l’hiver qu’il est charmant pendant l’été. Vous, qui n’avez pour montagne que Montmartre et les Bonshommes 2, jouissez en paix de vos doux climats. Je me flatte que vous aurez un très beau temps le carême, et que les Scythes pourront faire quelque plaisir à mes chers compatriotes, qui sont quelquefois si difficiles et quelquefois si indulgents. Les affaires les plus désespérées peuvent réussir, et j’en ai une bonne preuve. On dit qu’il faut remercier deux ou trois maîtres des requêtes qui sont parents de l’abbé Mignot ; mais sans monsieur le vice-chancelier, il n’y avait rien de fait. Je n’avais l’honneur de le connaître que pour avoir joué aux échecs avec lui, il y a plus de cinquante ans ; il pouvait me faire échec et mat cette fois-ci d’un seul mot.

Je ne puis plus rien faire aux Scythes ; je suis dans un état trop triste pour penser à des vers, et même à de la prose ; je suis anéanti. Les deux derniers exemplaires, que je vous ai envoyés par M. le duc de Praslin, peuvent être regardés comme mon testament. Il sera aisé à Lekain de faire porter sur les autres exemplaires les corrections qui sont dans ces derniers. J’aurais voulu finir ma carrière par quelque chose de plus fort et de plus digne de vous ; mais il est aussi difficile d’atteindre le but qu’il est aisé de l’apercevoir. La critique est aisée, et l’art est difficile 3.

M. de Chauvelin n’a envoyé des idées ingénieuses pour le cinquième acte ; mais entre les choses ingénieuses et les théâtrales, il y a un espace immense. Une chose dont je répondrais, c’est que si on joue le cinquième acte comme Mme de La Harpe, il fera plaisir aux Parisiens. Enfin j’ai jeté mes filets en votre nom, et je ne dois plus qu’attendre paisiblement la fin du carnaval.

Respect et tendresse. 

V.»

1 Maupéou .

2 Le terrain de l'ancien palais des Tournelles sur l’emplacement duquel a été bâti un monastère de minimes .

3 Les Glorieux, ac. II, sc. 5, vers 690 ,de Destouches : http://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/NERICAULT_GLORIEUX.pdf

11/06/2022

L’Espagnole ne pourra être prête que dans huit jours

... C'est ce qu'espère le Maroc, lui donnant ainsi le temps de se débarrasser de l'accusation d'espionnage lancée par l'ex-ministre Arancha Gonzalez Laya : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/06/08/logicie...

Espionnage numérique : le gouvernement espagnol accusé d'utiliser le  logiciel Pegasus contre le président du Parlement catalan

Big Brother is watching you (us)

 

 

« A Gabriel Cramer

[vers le 5 février 1767]

Le vieux malade vous envoie des additions et des corrections nécessaires pour l'édition de M. Cramer .

L’Espagnole 1 ne pourra être prête que dans huit jours . On y travaille encore . On songera au reste . On n'est pas de fer . On embrasse M. Cramer de tous son cœur . »

1 Certainement Les Quiestions de Zapata, 1766-1767  . Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6451940g/texteBrut

Confiez-moi ce que vous en pensez 

... Par exemple :

https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/fin-des-ventes-d...

Une voiture électrique en charge sur une borne dans un village du Puy-de-Dôme, en 2019. (THIBAUT DURAND / HANS LUCAS)

Le fameux fil à la patte qui se transforme toujours en chaine à boulet ( Averell le confirme ! ) .

 

 

« A Michel-Paul-Guy de Chabanon , de

l'Académie des sciences

à Paris

À Ferney, 6 février 1767

Je vous réponds tard, mon cher confrère ; j’ai été malade, je suis en Sibérie, on fait la guerre près de ma tanière, et j’y suis bloqué. Nous avons été exposés à la disette ; aucun fléau ne nous a manqué. L’espérance de voir votre tragédie entre dans mes consolations. Je loue toujours beaucoup le dessein que vous avez de la faire imprimer, afin que son succès ne dépende pas du jeu d’un acteur. On dit que le théâtre n’est pas aujourd’hui sur un pied à donner beaucoup de tentation aux auteurs ; et d’ailleurs on juge toujours mieux dans le recueillement du cabinet qu’à travers les illusions de la scène. J’ai fait une pièce fort médiocre, intitulée les Scythes 1. J’ai eu bravement l’impudence de mettre des agriculteurs et des pâtres en parallèle avec des souverains et des petits-maîtres. Je l’avais fait imprimer, et ne comptais point la livrer aux comédiens ; mais je ne me gouverne pas par moi même ; il a fallu céder aux désirs de mes amis, dont les volontés sont des ordres pour moi. C’est à vous à voir si vous aurez plus de courage que je n’en ai eu.

Avez-vous entendu la musique de Pandore ? Confiez-moi ce que vous en pensez ; il faut dire la vérité à ses amis. Je crois qu’il y a des morceaux très agréables ; mais on dit qu’en général la musique n’est pas assez forte. Je ne m’y connais point, et vous êtes passé maître, Dites-moi la vérité encore une fois, et fiez vous à ma discrétion. Adieu ; je ne suis pas trop en état de causer avec un homme qui se porte bien ; mais je ne vous en aime pas moins. »

1 Elle sera jouée le 26 mars 1767.

10/06/2022

Mandez-moi, je vous prie, si on peut avec sûreté vous envoyer de petits paquets

... Message discret du président  Emmanuel Macron au président Volodymyr Zelensky . Ce à quoi il est répondu "Les petits paquets entretiennent l'amitié et font les grandes gué-guerres ".

https://www.lepoint.fr/invites-du-point/colomes-guerre-en...

 

 

« A Charles-Frédéric-Gabriel Christin fils

Avocat au parlement

à Saint-Claude

5è février 1767 , à Ferney

Mon cher ami, je vous envoie six exemplaires de la seconde édition du Commentaire 1 . Je ne risque que cette demi-douzaine crainte des écornifleurs . L'horreur des neiges et l'âpreté de l'hiver ne sont pas ce qu'on a le plus à redouter . Je l'ai échappé belle, je vous jure . Je vous en dirai de bonnes quand nous nous verrons .

Cet hiver me tue . J’ai encore quelque espérance dans le printemps mais je ne le croirai une belle saison que quand je jouirai de votre société .

Mandez-moi, je vous prie, si on peut avec sûreté vous envoyer de petits paquets .

Je vous embrasse de tout mon cœur .

V. »

1 Commentaire sur le livre des délits et des peines (Traité des délits et des peines ,de Beccaria  : http://classiques.uqac.ca/classiques/beccaria/traite_deli... ): https://athena.unige.ch/athena/voltaire/voltaire-commentaire-sur-le-livre-des-delits-et-des-peines.html

09/06/2022

On donne à la Chine vingt coups de latte à ceux qui écrivent aux ministres des lettres trop longues et du galimatias

... Et combien de coups de pied au cul * pourra-t-on donner à nos ministres qui tiennent des discours amphigouriques ?

*Et non des coups de pied occultes .

 

 

« Au chevalier Jacques de Rochefort d'Ally

4 février 1767

Il y à environ cinquante ans, mon Che[valier], que j’ai eu l’honneur de jouer aux échecs avec M. le vice-chancelier 1; mais il me gagnait, comme de raison. J’étais attaché à toute sa maison. Il y avait surtout un certain évêque de […]2, grand philosophe et très savant, qui m’honorait de la plus sincère amitié. Un vice-chancelier ne se souvient pas de tout cela, mais les petits ne l’oublient pas. J’ai le cœur pénétré de ses bontés, et de la justice qu’il a rendue dans l’affaire qui m’intéressait par contrecoup.

Je prends la liberté de lui écrire quatre mots 3, car il ne faut pas de verbiage pour les hommes en place. On donne à la Chine vingt coups de latte à ceux qui écrivent aux ministres des lettres trop longues et du galimatias.

Je vous écrirais bien au long, à vous, mon chevalier, si j’en croyais mon cœur, qui est bavard de son naturel . Je vous dirais combien je suis enchanté de vous et de vos bons offices ; mais la guerre de Genève, les embarras qu’elle cause, les effroyables neiges qui m’environnent, la fièvre, les rhumatismes, imposent silence à ma bavarderie. Cependant il faut que je vous demande si vous avez entendu la musique de Pandore 4, de M. de La Borde.

Vous me permettez donc de vous embrasser sans cérémonie. »

2 Le nom était sans doute en blanc dans la lettre de Voltaire. Je pense qu’il faut lire Lombez. Charles-Guillaume de Maupeou était évêque de cette ville de 1721. à 1751 .

3 Cette lettre à Maupeou manque.

4 Opéra de Voltaire ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Pandore_(Voltaire)/1740 . La représentation aura lieu le 14 février 1767 comme l’apprend une lettre de Jean-Benjamin de La Borde à V* du 15 février 1767 . V* se réfère -t-il à une représentation privée,ou plus simplement à une répétition ? Voir : https://operabaroque.fr/LA_BORDE_PANDORE.htm

08/06/2022

Vous avez trouvé le vrai bien. Pourquoi faut-il qu’on s’embarrasse Du vain bruit qui ne donne rien ?

... Pourquoi écouter les mensonges d'un Mélenchon , d'un Zemmour, d'une Marine et même, ô désespoir d'un Emmanuel ? Tenons-nous en aux faits, ça suffira .

Ce n'est pas marrant, je vous l'accorde, mais accordons-nous le temps de réfléchir pour ne pas nous faire embobiner , minimum vital .

Voir : https://citations.ouest-france.fr/theme/mensonge-politique-1479/

 

Rédigé le 9 pour parution le 8 juin 2022 .

 

 

« A Pierre-Joseph Thoulier d'Olivet

4 février 1767 1

Bonjour, bon an, ou plutôt bonjour, bon siècle, car vous ferez le tour du cadran, comme Fontenelle et Saint-Aulaire.

Nous avons à l’Académie
Des gens qui bravent les hivers.
Pour eux la mort s’est endormie
En lisant leur prose ou leurs vers.

Vous, vous avez charmé la Parque
Par votre esprit, il m’en souvient.
Moi, je pose un pied sur la barque,
Mais votre lettre me retient.

Je suis au haut d’un mont sauvage,
Où se confinent les autans.
Mais votre amitié du bel âge
Me ramène encore un printemps.
 
Vous parlez toujours comme Horace,
Vous avez trouvé le vrai bien.
Pourquoi faut-il qu’on s’embarrasse
Du vain bruit qui ne donne rien ?

La gloire n’est qu’une importune
Qui fait ombre à notre bonheur,
L’amour ne fait jamais fortune,
Et l’esprit appauvrit le cœur
.



Vous avez raison ; les hommes ne valent pas la peine qu’on perde une seconde pour eux, et si vous n’étiez plus de ce monde, je ne croirais plus à rien.

Je vous embrasse tendrement, et je veux toujours me dire votre disciple.

V. »

1Edition Dernier Volume des Œuvres de Voltaire ; Paris, 1862.