24/12/2022
A l'égard de la canaille, je ne m'en mêle pas elle restera toujours canaille. Je cultive mon jardin, mais il faut bien qu'il y ait des crapauds ; ils n'empêchent pas mes rossignols de chanter
... Les crapauds de la SNCF ne sont décidément pas une espèce à protéger.
« A Jean Le Rond d'Alembert
4 juin [1767]
Mon cher philosophe, j'ai envoyé vos gants d'Espagne 1 sur-le-champ à leur destination ; ils ont une odeur qui m'a réjoui le nez. Vous savez que je n'ai point de troupes, et que je ne peux forcer le cordon de dragons qui coupe toute communication entre Genève et mes déserts. Celui qui s'est chargé de donner des soufflets aux jésuites et aux jansénistes 2 n'a jamais pu venir chez moi; je ne le connais point, et j'ai craint même de lui écrire. Gabriel Cramer, qui est le seul à qui je puisse me fier, a fait agir cet homme, qui est un sot et un pauvre diable, lequel fait agir encore en sous-ordre un autre sot pauvre diable. Ces sots pauvres diables n'ont aucun débouché, nulle correspondance en France, et tout va comme il plaît à Dieu. Les Genevois touchent au moment de la crise de leurs affaires ; pour moi, je m'occupe à cultiver mon jardin, et à me moquer d'eux. Dieu maintienne votre Sorbonne dans la fange où elle barbote! La gueuse 3 a rendu un service bien essentiel à la philosophie. On commence à ouvrir les yeux d'un bout de l'Europe à l'autre. Le fanatisme, qui sent son avilissement, et qui implore le bras de l'autorité, fait malgré lui l'aveu de sa défaite. Les jésuites chassés partout, les évêques de Pologne forcés d'être tolérants, les ouvrages de Bolingbroke 4, de Fréret et de Boulanger, répandus partout, sont autant de triomphes de la raison. Bénissons cette heureuse révolution qui s'est faite dans l'esprit de tous les honnêtes gens depuis quinze ou vingt années; elle a passé mes espérances. A l'égard de la canaille, je ne m'en mêle pas elle restera toujours canaille. Je cultive mon jardin, mais il faut bien qu'il y ait des crapauds ; ils n'empêchent pas mes rossignols de chanter.
Adieu, aigle donnez cent coups de bec aux chouettes qui sont encore dans Paris."
1 Sans doute la Seconde lettre[...] ; voir lettre du 6 mars 1767 à d'Alembert :
2 Sans doute Chirol , ou tel autre sous-traitant dr Cramer .
3 Ces deux mots sont une restitution de Renouard qui avait dû avoir accèsnà un manuscrit ; les premiières éditions portent Elle au lieu de La gueuse .
4 L'Examen important de milord Bolingbroke.
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23/12/2022
il me semble que c'est vous seul que cette affaire regarde dans la situation où nous sommes
... M. Kylian Mbappé est un millionnaire généreux : https://www.msn.com/fr-fr/divertissement/videos/voici-kyl...
Que fait Messi ? Il fait l'important : une vraie cagole !
« A Pierre Cassen
Voici le temps, monsieur, où la famille Sirven, que vous protégez 1, attend tout de vos bontés. M. de Chardon est actuellement délivré du triste travail qui l'a occupé si longtemps au sujet de la Cayenne. Les Sirven et moi, nous vous supplions, monsieur, de lui présenter nos prières et notre reconnaissance. Il peut actuellement rapporter l'affaire de cette malheureuse famille. Elle est prête à venir se rendre en prison quand il le faudra.
Je sais bien que M. de Beaumont est malheureusement obligé de plaider à présent pour lui-même. Je le plains autant que je m'intéresse a lui. Mais comme le procès des Sirven est au Conseil, il me semble que c'est vous seul que cette affaire regarde dans la situation où nous sommes. Je n'ose fatiguer M. de Beaumont, dont tous les moments doivent être occupés par le procès important qu'il a en son nom. Je vous supplie de me mander quand il faudra que les Sirven partent.
J'ai l'honneur d'être, avec une respectueuse reconnaissance, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur..
Voltaire.
A Ferney, 2 juin 1767. »
1 Voir lettre de Cassen du 10 avril 1767 ; lettre 6830 de https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut
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Je ne suis point surpris, monsieur, qu'un homme de votre mérite ait fait réussir un ouvrage médiocre
... Ceci étant à lire au second degré M. Sam Bankman Fied, le mérite n'étant que du culot, et l'ouvrage une splendide escroquerie . Faut-il être couillon pour confier son argent à ces boni-menteurs et se croire millionnaire sans rien faire :
https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/cryptomonnaie-l-ex-...
« A Marc-Antoine-Jean-Baptiste Bordeaux de Belmont
Directeur des spectacles
A Bordeaux
2è juin 1767 à Ferney
Je ne suis point surpris, monsieur, qu'un homme de votre mérite ait fait réussir un ouvrage médiocre . Si les comédiens de Paris étaient conduits par un homme comme vous, leur troupe serait meilleure qu'elle n'est. Vous me feriez plaisir de m'envoyer la pièce imprimée, quoique j'y aie fait depuis beaucoup de changements dont elle avait besoin. Vous n'auriez qu'à l'adresser à M. de Courteilles, du conseil royal des finances, à Paris, avec une seconde enveloppe sur laquelle vous auriez la bonté de mettre seulement : mémoire.
Si M. le maréchal de Richelieu est encore à Bordeaux le mois de juin, je vous enverrai une nouvelle édition qu'on fait actuellement à Lyon .
J'ai l'honneur d'être, avec tous les sentiments que je vous dois , monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
V."
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22/12/2022
Vous envoyez, monsieur, des tableaux à un aveugle, et des filles à un eunuque
... "Père Noël Monsieur le Président, je vous en prie, faites attention !" : signé Volodymyr Zelensky, depuis la Maison Blanche .
« Au marquis Francesco Albergati
Capacelli, Senatore di Bologna
etc.
à Vérone
2è juin 1767 à Ferney 1
Vous envoyez, monsieur, des tableaux à un aveugle, et des filles à un eunuque. L'état où je suis tombé ne me permet plus de lire. Un homme, qui prononce fort mal l'italien, m'a lu une partie de votre tragédie de chartreux 2 . Il m'a fait entendre dans son baragouin, de beaux vers sur un triste sujet. Le bonhomme saint Bruno ne s'attendait pas que ses moines fussent un jour le sujet d'une tragédie. Les jésuites fournissent actuellement une matière plus intéressante ; je les recommande à votre muse . La mienne, aussi languissante que mon corps, ne peut plus chanter les moines. Portez-vous mieux que moi, et vivez.
V. »
1 Original mention « f[ran]co Milano », cachet « Genè[ve ]» ; édition de Kehl . Albergati falsifia cette lettre en transformant tragédie de chartreux en traduction du Comminge, bon homme saint Bruno en saint homme Rancé et votre muse en quelque muse . ( voir lettre 6904 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut )
2François-Thomas-Marie de Baculard d'Arnaud : Il Conte di Commingio, Dramma francese tradotta in versi sciolti dal marchese Francesco Albergati Capacelli . C'est une traduction des Amants malheureux, 1764 ; drame en trois actes et en vers, de d'Arnaud-Baculard, avait été imprimé en 1764.
Voir : https://it.wikipedia.org/wiki/Francesco_Albergati_Capacelli
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21/12/2022
je ne me suis pas rebuté; et, tout vieux et infirme que je suis, je planterai aujourd'hui, sûr de mourir demain. Les autres en jouiront
... Y a-t-il encore au moins un Voltaire dans le parti de ceux qui se disent écologistes ? Le doute est permis quand on voit leurs manoeuvres politicardes et leurs projets, basés sur des angoisses vraiment existencielles telle celle-ci : Pour des jouets sans stéréotypes de genre !
Père/Mère/Truc-Machin Noël, fait gaffe EELV te tiens dans le colimateur , et donne la préférence au Père Fouettard, la preuve :
"Nous appelons le gouvernement à imposer aux entreprises de développer et d’appliquer des engagements forts notamment contre la diffusion de stéréotypes, afin de s’attaquer aux représentations sexistes et lutter pour une société émancipatrice.
Aminata Niakaté et Sophie Bussière, porte-paroles EELV
La commission Féminisme d’EELV "
Bravo à ces deux ravies de la crêche !
« A François-Thomas Moreau, seigneur de La Rochette 1
Au château de Ferney, par Genève, 1er juin.
Vous voulez, monsieur, que j'aie l'honneur de vous répondre sous l'enveloppe de monsieur le contrôleur général, et je vous obéis.
Il est vrai que j'avais fort applaudi à l'idée de rendre les enfants trouvés et ceux des pauvres utiles à l'État et à eux-mêmes 2. J'avais dessein d'en faire venir quelques-uns chez moi pour les élever. J'habite malheureusement un coin de terre dont le sol est aussi ingrat que l'aspect en est riant. Je n'y trouvai d'abord que des écrouelles et de la misère. J'ai eu le bonheur de rendre le pays plus sain en desséchant les marais. J'ai fait venir des habitants, j'ai augmenté le nombre des charrues et des maisons, mais je n'ai pu vaincre la rigueur du climat. Monsieur le contrôleur général invitait à cultiver la garance : je l'ai essayé ; rien n'a réussi. J'ai fait planter plus de vingt mille pieds d'arbres que j'avais tirés de Savoie; presque tous sont morts. J'ai bordé quatre fois le grand chemin de noyers et de châtaigniers les trois quarts ont péri, ou ont été arrachés par les paysans ; cependant je ne me suis pas rebuté; et, tout vieux et infirme que je suis, je planterai aujourd'hui, sûr de mourir demain. Les autres en jouiront.
Nous n'avons point de pépinières dans le désert que j'habite. Je vois que vous êtes à la tête des pépinières du royaume, et que vous avez formé des enfants à ce genre de culture avec succès. Puis-je prendre la liberté de m'adresser à vous pour avoir deux cents ormeaux qu'on arracherait à la fin de l'automne prochain, qu'on m'enverrait pendant l'hiver par les rouliers, et que je planterais au printemps ? Je les payerai au prix que vous ordonnerez. Je voudrais qu'on leur laissât à tous un peu de tête. Il y a une espèce de cormier qui rapporte des grappes rouges, et que nous appelons timier 3 ; ils réussissent assez bien dans notre climat. Si vos ordres pouvaient m'en procurer une centaine, je vous aurais, monsieur, beaucoup d'obligation. J'ai été très touché de votre amour pour le bien public celui qui fait croître deux brins d'herbe où il n'en croissait qu'un 4 rend service à l'État.
J'ai l'honneur d'être avec l'estime la plus respectueuse, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
Voltaire. »
1 Copie Beaumarchais-Kehl peu correcte ; édition de Kehl aussi inexacte place la lettre à la fin de l'année 1765 . La lettre a été ensuite publiée par Nicolas-Louis François de Neufchâteau, « Correspondance de Voltaire avec feu M. Moreau de La Rochette, inspecteur général des pépinières de France », Mémoires d'agriculture […] publiées par la Société d’agriculture du département de la Seine (Paris, An X -1801-1802) ; c'est le texte qui a été suivi .
Voir pages 58 et suiv. : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5533755b/texteBrut
François-Thomas Moreau de La Rochette, né en 1720, inspecteur général des pépinières royales de France, mort le 20 juillet 179!. Voir : https://gillesdubois.blogspot.com/2010/03/moreau-de-la-rochette.html
et voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois-Thomas_Moreau_de_la_Rochette
2Voir lettre du 1er avril 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/06/11/toutes-les-querelles-de-cette-espece-ont-commence-par-des-ge.html
3 Selon une note de François de Neufchâteau, il s'agit du « sorbier des oiseaux » , nommé timier dans la région de Genève (et non de Gênes comme l’écrit Littré ).
4 Mot de Swift dans Les Voyages de Gulliver : Brobdingnag, chap. VII : https://www.cosmovisions.com/Swift-Gulliver-Brobdingnag-7.htm
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20/12/2022
Vous sentez la nécessité de tout cela
... Faut-il à nouveau imposer le port du masque dans l'espace public ?
OUI !
« A Henri Rieu
30 mai [1767]
Voici encore, mon cher ami, une petite pièce à mettre dans le recueil 1. Mais je vous supplie de garder un secret inviolable sur le nom de l'auteur, de retirer et de brûler le manuscrit aussitôt qu'il sera imprimé . Vous sentez la nécessité de tout cela . Les barbares qui ont persécuté mon ami 2 ne m'épargneraient pas, et je n'aurais pas comme lui un T... 3 pour me protéger .
Il me paraît que si le libraire a quelques relations à Lyon et dans les autres villes de province, il tirera un bon parti de ce recueil . Mille tendres amitiés à Mme Rieu . Je vous embrasse, mon cher ami, de toute mon âme .
Il serait bien nécessaire que vous présidiez à l’impression et que l'on vous envoyât au moins les secondes épreuves .
1 Voir lettre du 18 avril 1767 à Rieu : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/10/24/toutes-les-tuiles-qu-il-voudra-mais-ce-n-est-pas-encore-le-temps-de-cuirete.html
2 Sans doute d'Alembert .
3 Probablement Turgot, si la précédente hypothèse est juste .
00:27 | Lien permanent | Commentaires (0)
19/12/2022
Vous conservez votre gloire, mais la France a un peu perdu la sienne
... Est-ce ce que le président Macron a dit à Didier Deschamps après avoir fait des calinous à MBappé ?
« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu
27è mai 1767 à Ferney
Il me paraît, monseigneur, que le royaume du prince noir m'a été plus favorable que les Velches de Paris. J'en ai uniquement l'obligation au maître de l'Aquitaine 1. Il faut qu'il ait lui-même ordonné des répétitions sous ses yeux, et que l'envie de lui plaire ait mis les acteurs au-dessus d'eux-mêmes. Vous connaissez Paris il n'est rempli que de petites cabales en tout genre. Zaïre Oreste, Sémiramis, Mahomet, Tancrède, l'Orphelin de la Chine, tombèrent à la première représentation elles furent accablées de critiques, elles ne se relevèrent qu'avec le temps. On se faisait un plaisir de me mettre fort au-dessous de Crébillon, pour plaire à Mme de Pompadour, qui disait que le Catilina de ce Crébillon était la seule bonne pièce qu'on eût jamais faite. Voilà comme on juge de tout, jusqu'à ce que le temps fasse justice. S'il est permis de comparer les petites choses aux grandes, vous savez que le maréchal de Villars ne jouit de sa réputation qu'à l'âge de près de quatre-vingts ans. Le favori de Vénus, de Minerve, et de Mars, sait lui-même quelles contradictions il a essuyées dans sa carrière de la gloire. Il faut se soumettre à cette loi générale qui existe dans le monde, depuis le péché originel ; il mit dans le cœur humain l'envie et la malignité, qui sans doute n'y étaient pas auparavant.
Je vous avertis que nous avons ici la meilleure troupe de l'Europe, et que l'envie n'est point entrée dans notre tripot. Nous avons un jeune M. de La Harpe, auteur du Comte de Warwick. Il est, par sa figure et par la beauté de son organe, beaucoup plus fait que Lekain pour jouer Athamare. Jamais je n'ai rien vu de plus parfait qu'un M. de Chabanon, qui a joué Indatire. La femme de M. de La Harpe était Obéide. Sa figure est fort supérieure à celle de Mlle Clairon; elle a une voix aussi théâtrale, elle sait pleurer et frémir. Les deux vieillards étaient de la plus grande vérité. Je ne me suis pas mal tiré du rôle de Sozame; et surtout, quand je me plaignais des cours, je puis me vanter d'avoir fait une impression singulière. La pièce n'a point été ainsi jouée à Paris; il s'en faut de beaucoup. A qui en est la faute? à mon séjour en Scythie. M. d'Argental ne s'en est point mêlé il est très malade, et je crains même que sa maladie ne soit trop sérieuse.
J'avais vu chez moi Mlle Durancy, il y a quelques années je lui avais trouvé du talent, elle me demanda le rôle d'Obéide. On dit qu'elle le joua très mal à la première représentation, mais qu'à la troisième et quatrième elle fit un très grand effet. On me mande qu'elle joue avec beaucoup d'intelligence et de vérité, mais qu'elle n'est pas d'une figure agréable, et qu'elle n'a pas le don des larmes. On dit que les autres actrices n'ont point de talent, et que le théâtre tragique n'a jamais été dans un état plus pitoyable. On me mande que, lorsqu'un acteur de province se présente pour doubler les premiers rôles, ceux qui sont chargés de ces rôles ne manquent pas de les accabler de dégoûts et de les faire renvoyer 2. Si on est aussi malin dans ce tripot qu'à la cour, je vous réponds que vous n'aurez d'autre théâtre que celui de l'Opéra-Comique. C'est à vous, qui êtes doyen de l'Académie et premier gentilhomme de la chambre, de protéger les beaux-arts, ils en ont besoin. Vous savez dans quelle décadence est ma chère patrie dans tous les genres.
Vous conservez votre gloire, mais la France a un peu perdu la sienne. Il faut espérer que nous aurons du moins encore quelques crépuscules des beaux jours du siècle de Louis XIV. Agréez, monseigneur, mon tendre et profond respect.
V. »
1 Le maréchal de Richelieu était gouverneur de la Guyenne .
2 L'accord est fait non d'après la grammaire, mais d'après le sens ; on attendait de l'accabler de dégoûts et de le faire renvoyer .
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