07/06/2022
Voilà l’homme que j’aimerai tant que j’aurai un souffle de vie, et tant que je détesterai les ennemis de la raison
... VOLTAIRE !
Rédigé le 8 pour parution le 7 juin 2022 .
« A Etienne-Noël Damilaville
4 février 1767
Le discours de M. Thomas 1, mon cher ami, est un des plus beaux et des plus grands services rendus à la littérature. Voilà l’homme que j’aimerai tant que j’aurai un souffle de vie, et tant que je détesterai les ennemis de la raison.
À propos de raison, avouez que j’ai un bon second dans mon conseiller au Grand Conseil 2; tous les oncles n’ont pas de pareils neveux. J’augure bien de l’affaire des Sirven. Le roi de Danemark m’écrit une lettre charmante, de sa main 3, sans que je l’aie prévenu, et leur envoie un secours. Tout vient du Nord. N’admirez-vous pas encore une fois le roi de Pologne, qui a forcé doucement les évêques à être tolérants ? N’oubliez jamais la condamnation de l’évêque de Rostow 4, pour avoir dit qu’il y à deux puissances. Vous n’aurez point de sitôt les Scythes ; il y a toujours quelque chose à changer à ces maudits ouvrages-là: j’espère que M. de La Harpe vous donnera, à Pâques, quelque chose de meilleur que les Scythes.
On ne peut vous aimer plus tendrement que je vous aime. É. L.»
1 Voir lettre du 20 décembre 1766 à Marmontel : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/03/20/m-6372387.html
2 L’abbé Mignot
3 On n’a pas trouvé cette lettre du roi. (Kehl.)
4 Voir lettre du 25 janvier 1765 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/05/13/il-est-utile-meme-que-le-peuple-soit-persuade-que-la-vie-et-6315771.html
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06/06/2022
Ceux qui font des heureux sont les vrais conquérants
... Rédigé le 8 pour parution le 6 juin 2022 .
« A Christian VII, roi de Danemark
Au château de Ferney 4 février 1767 1
Sire, la lettre dont Votre Majesté m’a honoré 2 m’a fait répandre des larmes de tendresse et de joie. Votre Majesté donne de bonne heure de grands exemples. Ses bienfaits pénètrent dans des pays presque ignorés du reste du monde. Elle se fait de nouveaux sujets de tous ceux qui entendent parler de sa générosité bienfaisante. C’est désormais dans le Nord qu’il faudra voyager pour apprendre à penser et à sentir . Si ma caducité et mes maladies me permettaient de suivre les mouvements de mon cœur, je viendrais me jeter aux pieds de Votre Majesté.
Du temps que j’avais de l’imagination, Sire, je n’aurais fait que trop de vers pour répondre à votre charmante prose. Pardonnez aux efforts mourants d’un homme qui ne peut plus exprimer l’étendue des sentiments que vos bontés font naître en lui. Je souhaite à Votre Majesté autant de bonheur qu’elle aura de véritable gloire.
J'ai l'honneur d'être, avec un très profond respect, Sire, de Votre Majesté le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
Pourquoi, généreux prince, âme tendre et sublime,
Pourquoi vas-tu chercher dans nos lointains climats
Des cœurs infortunés que l’injustice opprime 3?
C’est qu’on n’en peut trouver au sein de tes États.
Tes vertus ont franchi par ce bienfait auguste
Les bornes des pays gouvernés par tes mains ;
Et partout où le ciel a placé des humains,
Tu veux qu’on soit heureux et tu veux qu’on soit juste.
Hélas ! assez de rois que l’histoire a faits grands
Chez leurs tristes voisins ont porté les alarmes ;
Tes bienfaits vont plus loin que n’ont été leurs armes :
Ceux qui font des heureux sont les vrais conquérants. »
1 Copie contemporaine . L'original est passé à la vente du comte Ludwig Paar, chez Albert Cohn à Berlin les 20-23 mars 1893 . une note de service sur la copie établit que la lettre est parvenue le 21 février 1767 .
2 Lettre non connue .
3 Les Sirven .
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05/06/2022
On juge du prince par le ministre, et du ministre par le prince
... Actuellement, notre gouvernement et quelques uns de ses membres ne sont pas flatteur pour le président , lequel s'est enferré en apportant sa confiance à quelques canards boiteux , envers et contre tout . Résultat normal : la méfiance domine , régal pour les démolisseurs de l'opposition .
« Au comte Johan Hartwig Ernst von Bernstorff
Au château de Ferney par Genève, 4è février 1767 1
Monsieur,
La famille Sirven, qui va manifester à Paris son innocence et les bienfaits de Sa Majesté, a dû remercier aujourd’hui Votre Excellence de ces mêmes bienfaits, dont elle vous est redevable 2.
Je ne vous dois pas moins de reconnaissance, monsieur, de la lettre du roi, dont vous m’avez procuré la faveur. J’y reconnais un monarque pénétré de vos principes. On juge du prince par le ministre, et du ministre par le prince. Il y a plus de cent ans que la bienfaisance est assise sur le trône de Danemark. Heureux le pays ainsi gouverné !
Permettez, monsieur, qu’avec mes très humbles remerciements je vous adresse ceux que je dois à Sa Majesté.
J’ai l’honneur d’être, avec beaucoup de respect, monsieur, de Votre Excellence, le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Edition de Kehl . Bernstorff était devenu Premier ministre de Danemark . Voir : https://stringfixer.com/fr/Count_Johann_Hartwig_Ernst_von_Bernstorff
2 Effectivement ; la lettre de V* est accompagnée d'une lettre dont V* a dû surveiller la rédaction : « Genève 4è février 1767 / Monseigneur, / Permettez que ma pauvre famille et moi nous présentions à Votre Excellence nos très humbles actions de grâce, et nous vous supplions de nous mettre aux pieds de Sa Gracieuse Majesté . M. de Voltaire nous apprend ses bienfaits, que nous vous devons, et que notre affaire est déjà portée au Conseil de Sa Majesté Très Chrétienne . Nous y allons porter notre innocence, et faire retentir autant que nous le pourrons les bontés dont Sa Majesté le roi votre maître a daigné nous combler . Nous n'oublierons jamais son auguste nom ni le vôtre ./ Nous sommes avec un profond respect /Monseigneur/ de Votre Excellence/ les très humbles et très obéissants serviteurs et servantes / Sirven / Marianne Ramond née Sirven / Jeanne Sirven / Paul-Jean-Pierre Ramon . »
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04/06/2022
Le vrai salut est la bienfaisance
... Quelques propositions et actions : https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/bienfaisance#3
« À Stanislas-Auguste Poniatowski,
roi de Pologne
Du 3è février 1767 à Ferney
Sire,
Ma respectueuse reconnaissance n’a osé passer les bornes de deux lignes 1, quand j’ai remercié Votre Majesté de ses bienfaits envers la famille des Sirven, qui lui devra bientôt son honneur et sa fortune 2. Mais le bien que vous faites à l’humanité entière, en établissant une sage tolérance en Pologne, me donne un peu plus de hardiesse. Il s’agit ici du genre humain : vous en êtes le bienfaiteur, Sire ; vous pardonnerez donc au bon vieillard Siméon de s’écrier Je mourrai en paix, puisque j’ai vu les jours du salut3. » Le vrai salut est la bienfaisance.
J’ai lu deux discours de Votre Majesté à la diète, qui sont de cette éloquence qui n’appartient qu’aux grandes âmes. Mme de Geoffrin est bien heureuse 4. Les vieillards de Saba en feraient autant que leur reine, s’ils n’avaient que leur vieillesse à surmonter ; mais la caducité, jointe à la maladie, ne laisse de libre que le cœur. Permettez, Sire, que ce cœur, pénétré de vos vertus et de votre sagesse, se mette à vos pieds pour sa consolation.
Je suis avec le plus profond respect . »
1 En tête du manuscrit, Wagnière a porté la mention « Au roi de Pologne » et V* a écrit au verso de la feuille : « Correspondance avec l'impératrice de Russie, le roi de Danemark et le prince Gallitzin. »
Les deux lignes de remerciements au roi de Pologne manquent.
2 Cette lettre n'est pas connue .
3 Évangile de Luc, II, 29-30 : https://www.aelf.org/bible/Lc/2
4 Elle était à Varsovie.
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03/06/2022
Il y a quelquefois une justice qui s’élève au-dessus de la justice, mais je vous assure que ce n’est pas sans peine
... Ce qu'espèrent tous/toutes les bafoué.e.s , molesté.e.s dont les plaintes ne sont plus reconnues, les délais de prescription étant atteints , les coupables s'en tirent sans peine , les victimes n'ont que leurs souffrances sans fin, sans prescription elles .
« A François-Louis-Henri Leriche
Directeur et receveur général des domaines du roi, etc.
à Besançon
2 février 1767
Quand trente pieds de neige le permettront, monsieur, et qu’on sera sûr de tromper les argus, ce paquet, qu’on attend depuis si longtemps, partira. Puisque vous avez sauvé Fantet 1, je me flatte que vous le sauverez encore . Votre ouvrage ne restera pas imparfait. L’aventure de Leclerc 2 me pénètre de douleur. Faut-il donc que les jésuites aient encore le pouvoir de nuire, et qu’il reste du venin mortel dans les tronçons de cette vipère écrasée !
L’affaire dont vous avez été instruit 3 était cent fois plus épineuse que celle de Leclerc ; mais heureusement on a des amis, et des amis philosophes, jusque dans le conseil. Les commis seront réprimandés, et on rendra l’argent ; ils seront punis pour avoir fait leur infâme devoir.
Il y a quelquefois une justice qui s’élève au-dessus de la justice, mais je vous assure que ce n’est pas sans peine. Je me flatte que Leclerc aura des amis à Paris. Il y a des gens qui pensent et qui sentent, quoiqu’on veuille étouffer le sentiment et la pensée. J’emploie, monsieur, ces deux facultés qui restent à mon faible corps pour vous dire combien je vous aime, et combien je désire de vous voir. »
1Voir lettre du 5 septembre 1766 à Leriche : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/12/02/il-faut-avouer-qu-aujourd-hui-aucune-nation-n-approche-de-la-6352749.html
2 C’était un libraire de Nancy qu’on était allé arrêter en janvier 1767, et qu’on amena à la Bastille. Il était en correspondance avec Cramer de Genève, Grasset de Lausanne, etc. On saisit cette correspondance, et une grande quantité de livres. (Beuchot.)
3 L’affaire Le Jeune.
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02/06/2022
il ne faut ni compter sur rien, ni désespérer de rien
... As says queen Mum !
« A Philippe-Antoine de Claris, marquis de Florian
2è février 1767 1
Je reçois un billet bien consolant de Mehemet Saïd Effendi 2, dont le rosier soit toujours fleuri, et dont Dieu perpétue les félicités ! Ce petit rayon de lumière a dissipé beaucoup de brouillards. Nous ne savons point encore de détails, mais nous sommes tranquilles, et nous ne l’étions point. Ce Turc est un habile homme ; il est expéditif. Le mufti devrait bien employer des hommes de son espèce, il y en a peu. Nous l’embrassons tendrement tous que nous sommes .
J’ai reçu une lettre très sage et très bien écrite de ce jeune infortuné Morival 3. Il est cadet, il est vrai, mais il est engagé. Les cadets n’ont pas plus de liberté que les soldats. Je ferai ce que je pourrai auprès de son maître ; mais je connais le terrain, rien n’est plus difficile que d’obtenir une distinction ; et il est impossible d’obtenir un congé.
Le père est un homme bien odieux ; dans toutes les règles c’était lui qu’on devait punir . Ce sont les vices du cœur, et non des étourderies de jeunesse, qui méritent l’exécration publique. Mon indignation est aussi forte que les premiers jours. Heureusement le maître 4 de ce jeune homme pense comme moi sur cet article. Nous verrons ce qu’on en pourra tirer. Ce maître, comme vous savez, m’écrit depuis quelque temps les lettres les plus tendres ; vous voyez qu’il ne faut ni compter sur rien, ni désespérer de rien.
Nous avons toujours la guerre et la neige, mais nous sommes délivrés de la famine. Mes paquets étaient faits, mais je reste dans mon lit.
Je vous embrasse tous avec la plus grande tendresse.
V. »
1 L'édition Pièces inédites substitue au dernier paragraphe le texte suivant manifestement conçu comme une note : « P. S. Voyez, pour l’intelligence de cette lettre, la note dans mon petit commentaire sur l’aventure de la sœur du capitaine Thurot. « ; de même chez les autres éditeurs .
2 Cette expression désigne l’abbé Mignot , l' »abbé turc »; voir lettre à Florian du 14 janvier 1767 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/05/07/les-choses-dans-ce-monde-prennent-des-faces-bien-differentes-6380671.html
3 Voir lettre du 13 janvier 1767 à d'Etallonde de Morival : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/04/26/ayez-la-bonte-de-faire-savoir-a-quoi-vous-vous-sentez-le-plu-6380465.html
4 Frédéric II.
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01/06/2022
Vous savez que les temps n’étaient pas favorables
... N'oublions pas, en ce début juin 1778, le corps de Voltaire était transporté vers l'abbaye de Scellières, où il allait avoir sa première sépulture bravant les interdits de l'Eglise catholique française . L'obscurantisme et l'intolérance des religions de ce temps reste encore d'actualité . Ecr l'Inf !
https://www.bibliorare.com/lot/73005/
« A Etienne-Noël Damilaville
2è février 1767 1
Mon cher ami, voilà donc Mlle Calas mariée 2 à un homme d’une très grande considération dans son espèce . C’est le fruit de vos soins . Ce sont des vengeurs qui vont naître. Puissions-nous marier ainsi une fille de Sirven ! mais la pauvre diablesse n’a pas l’air à la danse. J’ai actuellement bonne opinion de notre nouvelle affaire. M. Chardon est un adepte. Le Conseil commence à être composé de sages, si une autre compagnie l’est de fanatiques.
L’affaire de la Doiret, qui m’avait donné tant d’inquiétude, est finie 3 d’une manière plus heureuse que je n’aurais pu le prévoir . Il ne s’agit plus que d’obtenir des fermiers généraux la destitution d’un scélérat . Vous savez que les temps n’étaient pas favorables. Ce monstre D’Hémery 4 est venu enlever à Nancy un libraire nommé Leclerc 5, accusé par les jésuites. Qui croirait que les jésuites eussent encore le pouvoir de nuire, et que cette vipère coupée en morceaux pût mordre dans le seul trou qui lui reste ?
Mon neveu, conseiller au grand-conseil 6, s’est comporté, dans toute cette affaire, en digne philosophe. Il y a encore des hommes. Un des malheureux d’Abbeville 7 est chez le roi de Prusse.
Personne ne sait de qui est le Triumvirat. Ce n’est pas un ouvrage fait pour le théâtre français, mais les notes sont faites pour l’Europe .
Il y a de terribles fautes d’impression.
Je vous embrasse, et mon cœur vole vers le vôtre. É L.
Donnez cours, je vous prie à l'incluse, je ne sais point la demeure de Mme Calas . »
1 Copie par Wagnière, sans la formule de l'avant-dernier paragraphe ; copie contemporaine Darmstadt B. sans le dernier paragraphe ; édition de Kehl ; édition Schlobach .
2 Anne Calas a épousé M. Duvoisin : https://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&p=anne&n=calas&oc=1
3 Le commis de la douane de Collonges, avec lequel on s’était entendu, s’appelait Dumesrel fils . Il avait promis de laisser passer la voiture, moyennant cinquante louis qui lui avaient été comptés, n’avait pas tenu sa parole, et saisit le carrosse de Voltaire, qui était rempli de livres. Cette affaire, qui inquiéta longtemps Voltaire (voir lettre du 23 décembre 1766 à d'Argental -- http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/03/28/ils-ont-saisi-les-malles-la-voiture-et-les-chevaux-6373739.html -- et beaucoup de celles qui la suivent), fut étouffée. On vint à bout de faire regarder la chose comme une indiscrétion commise par Mme Denis, à l’insu de son oncle. Le commis fut destitué, et forcé de rendre les cinquante louis qu’il avait reçus. (Beuchot.)
Voir : http://www.leschroniquesdemichelb.com/2010/10/voltaire-contrebandier-4eme-partie.html
4Joseph d'Hémery, inspecteur de la librairie, était loin d'être un « monstre », il remplissait les devoirs de sa charge avec efficacité et intelligence . Voir : https://data.bnf.fr/fr/17113909/joseph_d__hemery/
5Voir note de la lettre du 2 février 1767 à Le Riche : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1767/Lettre_6711
La Bibliothèque Nationale conserve des documents relatifs à l'arrestation de Leclerc (évènements allant du 6 janvier au 5 mars 1767) : fonds français, 22098, n° 76-83 et 87
6 Mignot et non D’Hornoy comme le disaient les éditeurs antérieurs ..
7 Morival d’Étallonde.
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