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08/11/2012

Vous souvenez-vous du temps où vous montiez si agilement à l'échelle pour me dénicher un livre

... Non ?! Pardonnez-moi, je vous ai prise pour la bibliothéquaire .

Montée si haut que je vous retrouve dans les nuages .

Nébuleux ! non ?

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Cette question, on ne risque pas de la poser à quelque humain que ce soit à la Très Grande Bibiothèque parisienne qui est robotisée au dernier point, mais susceptible de pannes tout autant qu'un personnel humain réclamant des augmentations par voie de grève .

 

 

 

« A dom Augustin FANGÉ 1
à Sénones.

Aux Délices, près de Genève 14 juin 1757

J'ai reçu, monsieur, à ma campagne dans le voisinage de Genève les livres que vous avez bien voulu m'envoyer dans lesquels était votre lettre 2. Voilà bien des remerciements que je vous dois . Votre souvenir, vos bontés et votre itinéraire très curieux de Suisse 3 me pénètrent de reconnaissance .

J'admire la force du tempérament de monsieur votre oncle 4 elle est égale à celle de son esprit. Il a résisté en dernier lieu à une maladie à laquelle toute autre constitution eût succombé. Personne au monde n'est plus digne d'une longue vie. Il a employé la sienne à nous fournir les meilleurs secours pour la connaissance de l'antiquité. La plupart de ses ouvrages ne sont pas seulement de bons livres, ce sont des livres dont on ne peut se passer 5. Je vous prie, monsieur, de vouloir bien lui dire qu'il n'y a personne au monde qui ait pour lui plus d'estime que moi. J'ai assurément les mêmes sentiments pour le neveu et j'ajoute, monsieur, que si vous vous occupez des mêmes études que ce savant homme vous y porterez un esprit encore plus philosophique que lui . Je voudrais bien que ma santé me permit de venir quelque jour dans vos cantons et que je puisse encore jouir de votre aimable société et de votre bibliothèque . Vous souvenez-vous du temps où vous montiez si agilement à l'échelle pour me dénicher un livre et pour me montrer la page dont j'avais besoin ? Il s'en faut bien que j'aie de pareils secours dans le pays que j’habite .

La personne qui désirait placer quelque fonds sur une communauté libre et indépendante de la France a pris son parti avant que je reçusse l'honneur de votre réponse . Mais c'est une affaire qui peut se renouer à la première occasion . C'est une veuve d'environ cinquante ans qui voudrait des rentes viagères exactement payées au denier dix ; elle ne pourrait mieux faire que de se mettre entre les mains d'une communauté à la tête de laquelle vous êtes . Je ne désespère pas de venir faire cette affaire avec vous si elle vous agrée et si elle ne souffre aucune difficulté .

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois

Monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire . »

1 C'est ainsi que ce nom est écrit dans la Vie du très-révérend père dom Augustin Calmet, abbé de Senones; 1762, in-8°. Cette Vie est de dom Augustin Fangé, son neveu, qui était né au commencement du XVIIIe siècle. (Beuchot.)

Voir : http://books.google.fr/books?id=4905AAAAcAAJ&pg=PA15&lpg=PA15&dq=Vie+du+tr%C3%A8s-r%C3%A9v%C3%A9rend+p%C3%A8re+dom+Augustin+Calmet,+abb%C3%A9+de+Senones&source=bl&ots=Ef_l8meTrn&sig=giHfvOSQgjijbUOf8iwunhc25TY&hl=fr&sa=X&ei=48ibUJyTDeXP0QWR3YG4Cg&ved=0CCcQ6AEwAQ#v=onepage&q=fang%C3%A9&f=false

2 Les livres avaient été gracieusement envoyés à V* par Fangé, coadjuteur de Senones en même temps qu'une lettre datée du 25 avril 1757 .

4 Dom Calmet (Antoine Augustin) mourra le 25 octobre 1757 .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Augustin_Calmet

5 On sait ce que V* a fait des pieux ouvrages de Dom Calmet, entre autres le Dictionnaire de la Bible assaisonné à la sauce Taureau Blanc : voir : http://narratologie.revues.org/323?lang=en

 

07/11/2012

la France perdra quelques hommes et prodigieusement d'argent par sa guerre sur terre et sur mer

... 1757 ... 2012 ... 2013 ... C'est toujours vrai !

 

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« A Jean-Robert TRONCHIN , banquier à Lyon

Aux Délices 13 juin [1757]

Je reçois votre lettre du 12 mon cher monsieur . Corneille comparait Montauron à Auguste 1. J'ai envie de vous comparer à Titus car vous me faites tous les jours des plaisirs 2. Tantôt ce sont des provisions immenses de sucre, tantôt huit tonneaux de vin, des milliers de bouchons de bouteilles, des billets de loterie, des cent trente mille livres à des électeurs, avec des pelles et des pincettes 3. Je vous remercie de tout . M. Camp est bien aimable . Il est aussi serviable que vous et cela entre encore dans mes remerciements .

Je crois comme vous que M. le maréchal de Richelieu pourra bien aussi avoir son armée . La France en ce cas aura trois généraux au lieu d'un . Il y a des gens qui prétendent qu'un est plus que trois dans cette arithmétique .

Ce qui est sûr c'est que la France perdra quelques hommes et prodigieusement d'argent par sa guerre sur terre et sur mer, et que jamais on n'a fait les choses à plus grands frais. 4

Mme Denis vous fait mille compliments . Aimez toujours les deux solitaires suisses .

V. »

1 Dans la dédicace de Cinna . Voir : http://books.google.fr/books?id=gBEwAAAAYAAJ&pg=PA8&a...

3 Voir lettres précédentes avec les demandes variées de V*

4 Ces lignes depuis « Je crois comme vous ... » ont été mises par erreur sous la date du 4 juin dans l'édition Gaullieur .

 

Voudriez-vous avoir la bonté de me faire savoir quel est le parti le plus facile et le moins coûteux ?

... Ah ! sacré Volti, toujours à la recherche du meilleur rapport qualité/prix !.. 

 

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« A Ami CAMP

Votre cher associé Jean Robert m'a promis monsieur, de faire tenir 130 000 livres tournois pour mon compte à l’Électeur palatin 1. Cela peut paraître plaisant mais cela est vrai . Il m'a mandé qu'il se pourrait servir de la voie de la Hollande . Il serait convenable que son Altesse Électorale les reçût incessamment par Francfort . Vous venez de cette ville . Vous y avez des correspondances ; je vous demande vos avis et vos bons offices . Voudriez-vous avoir la bonté de me faire savoir quel est le parti le plus facile et le moins coûteux ?

Un petit mot d'instruction je vous prie , à votre très humble et obéissant serviteur et correspondant .

V.

Jeudi [9 juin 1757] »

1 Voir lettre du 29 mai 1757 à JR Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/11/02/j...

 

 

06/11/2012

son esprit a servi à la rendre aimable, qu'il serve à la rendre heureuse

... C'est ce que je souhaite essentiellement et de tout coeur à Mam'zelle Wagnière . Elle le mérite vraiment . Sa foi en Voltaire , son attachement à sa pensée et à son esprit sont irremplaçables, indéracinables, remarquables, admirables comme elle . Avec Volti je vous dis  : demeurez respectée, aimée, libre.

Mam'zelle Wagnière, tout feu , tout flamme, lumière d'aurore

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« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck

 Aux Délices 4 juin [1757] près de Genève

Voici madame de quoi vous faire Suissesse si vous voulez vivre tranquille et cesser de vous ruiner en procès 1. Ayez pitié de madame la comtesse de Bentinck, son esprit a servi à la rendre aimable, qu'il serve à la rendre heureuse . Je suppose que quand vous m'avez ordonné de faire le marché de Monrion vous avez pris une ferme résolution de dégager ma parole et de ne me pas attirer les reproches du propriétaire . Vous avez la préférence sur beaucoup de personnes qui voulaient louer cet ermitage . Quand il vous déplaira je vous en trouverai un autre . Je veux vous faire dame de campagne . Je veux que vous cultiviez des fleurs et des fruits .

Soyez Pomone et Flore au lieu d'être plaideuse . Je vous répète que vous trouverez à Lausanne des personnes de condition très aimables, la belle-fille du marquis de Langalerie, la fille du général Constant et plusieurs autres qui joignent l'esprit et la politesse à la franchise du pays . Je vous répète qu'on vit avec simplicité à Lausanne qu'il n’y a aucun faste . Il y est proscrit par les lois comme par les mœurs . Vous y ferez tant et si peu de dépense qu'il vous plaira . Vous y vivrez avec quatre mille écus de rente, avec trois , avec deux . Vous y serez respectée, aimée, libre , heureuse et moi madame, je me regarderai comme le plus heureux des hommes de vous avoir attirée dans un pays digne de vous et de pouvoir vous faire ma cour .

Signez-donc ou renvoyez-moi la pancarte non signée et en ce dernier cas je pleurerai sur vous . Je pleure aussi sur cette duchesse que vous aimez tant et qui a des procès . Elle ne peut plaider elle-même et elle a affaire à un praticien qui travaille nuit et jour à ses écritures . Je sais qu'elle a un excellent conseil mais bon droit a besoin d'aide . Si vous avez quelque bonne nouvelle touchant ses affaires je vous supplie de m’en faire part . Mais pour vous madame, ne plaidez plus . Mettez fin à un état si cruel . N’achevez point votre ruine, écrivez-moi, donnez-moi vos ordres, comptez sur moi plus que sur les avocats du conseil aulique . Vous savez avec quel tendre respect je vous suis dévoué .

V. »

1 Suite à son divorce : voir par ex . Page 5 : http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=charlotte-s...

 

J'ai la fantaisie de cultiver dans mon terrain hérétique quelques ceps catholiques

 ... Cette "fantaisie" renait de nos jours et il est en projet de recréer un petit vignoble là où Voltaire en avait fait planter un au château de Ferney . Rude besogne .

Qui va bien vouloir s'y coller ? car bien entendu , le Centre des Monuments Nationaux, représenté par l'administrateur François-Xavier Verger, ne veut pas se lancer dans les dépenses . Il est vrai que si l'on peut avoir le beurre et l'argent du beurre , le choix est vite fait ; le moins coûtant emportera la palme .

Il faudra que la nature soit bien généreuse pour moi et qu'un jour vendanges soient faites et que le vin soit dans mon verre . Joli projet .  

 

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« A Antoine-Jean-Gabriel Le BAULT

conseiller au Parlement de Bourgogne

à Dijon

Aux Délices 4 juin [1757] 1

Je suppose monsieur que M. Tronchin vous a payé 2 votre bon vin dont je vous remercie et que je bois à votre santé . Je vous supplie de vouloir bien m'en envoyer autant toutes les années tant qu’il plaira à la nature de me permettre de boire 3.

J'ai la fantaisie de cultiver dans mon terrain hérétique quelques ceps catholiques . Serait-ce prendre trop de liberté que de m'adresser à vous pour avoir deux cents pieds des meilleurs vignes ? Ce n'est qu’un très petit essai que je veux faire . Je sens combien ma vilaine terre est indigne d'un tel plan mais c'est un amusement dont je vous aurais l'obligation .

Je m'y prends à l'avance pour obtenir cette faveur . Aussi le principal de ma lettre est de vous remercier du fruit de la vigne que je vous dois plutôt que de vous demander des vignes . Je vous prie de prendre très sérieusement mes remerciements et de ne vous moquer que le moins que vous pourrez de ma proposition .

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois

Monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire . »

1 La datation de cette lettre a été faite d'après les références à Tronchin et à la commande de ceps .

2 Voir lettre du 10 mai à J-R Tronchin : « Vous êtes un homme charmant . Il n'y a rien de difficile, rien de long avec vous . Voici deux guenillons mon cher correspondant sur gens peu connus . Votre Sétubal est arrivé . M. Le Bault m’envoie un petit tonneau de bourguignon . Je vous prie de vouloir bien lui faire payer à Dijon 240 livres tournois. On se bat sur terre et sur mer et nous buvons et malgré ma mauvaise santé je me tiens très heureux . Sachez que mon bonheur consiste principalement dans un correspondant tel que vous »

3 Voir déjà une lettre du 16 décembre 1755 à propos d'une commande de vin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/04/25/je-crois-que-les-cent-bouteilles-de-vin-de-bourgogne-que-vou.html

 

Pour Dieu, faites donner à dîner à Lekain, tout laid qu'il est.

 ... Pas de délit de sale gueule avec Voltaire !

Il sait reconnaitre les qualités et mérites, il est un avocat qui ne délaisse pas son client et qui, mieux que ça, plaide en faveur de ceux qui en ont besoin avant qu'ils appellent au secours . A ceux qui décrivent un Voltaire flatteur je demande de voir le Voltaire altruiste qui use de la flatterie -banale ne ce temps-là- qui n'engage pas plus que notre "veuillez-agréer, monsieur, madame, l'expression de mes respectueuses salutations" qu'on affiche au bas de nos lettres à des supérieurs .

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De plus amusez-vous à prononcer rapidement le titre de cette note . Est-ce que ça vous rappelle quelque chanson  ? oui ? pour moi c'est ceci : http://www.deezer.com/track/5515482

 

 

 

« A M. Louis-François-Armand du PLESSIS, maréchal duc de RICHELIEU.

Aux Délices, 4 juin[1757].

Ma conscience m'oblige, monseigneur, de vous présenter les remontrances de mon parlement, ce parlement est le parterre. Je suis assassiné de lettres qui disent que Lekain 1 est le seul acteur qui fasse plaisir, le seul qui se donne de la peine, et le seul qui ne soit pas payé. On se plaint de voir des moucheurs de chandelles qui ont part entière, dans le temps que celui qui soutient le théâtre de Paris n'a qu'une demi-part. On s'en prend à moi; on dit que vous ne faites rien en ma faveur, et on croit que je ne vous demande rien, cependant, je demande avec instance. Je conviens que Baron avait un plus bel organe que Lekain, et de plus beaux yeux; mais Baron avait deux parts; et faut-il que Lekain meure de faim, parce qu'il a les yeux petits et la voix quelquefois étouffée ? Il fait ce qu'il peut; il fait mieux que les autres, les amateurs font des vers à sa louange; mais il faut que son métier lui procure des chausses; il n'a que la moitié d'un cothurne, je vous conjure de lui donner un cothurne tout entier .

 

J'aimerais mieux vous écrire en faveur de quelque Prussien que vous auriez fait prisonnier de guerre vers Magdebourg mais puisqu'à présent vous êtes occupé d'emplois pacifiques, souffrez que je vous parle en faveur d'Orosmane, de Mahomet, et de Gengis- kan. Les héros doivent-ils laisser mourir de faim les héros? On dit que vos chevaux manquent de fourrages en Vestphalie, et qu'on leur donne du jambon. Pour Dieu, faites donner à dîner à Lekain, tout laid qu'il est.
Vous avez dû recevoir les dernières volontés de l'amiral Byng les miennes sont que je vous serai attaché tout ma vie avec le plus tendre respect. »

 

 

1Henri-Louis Caïn dit Lekain : http://fr.wikipedia.org/wiki/Lekain

 

05/11/2012

Je ne suis pas fâché que les Anglais soient punis en Hanovre. Ils ont été assassins en Amérique, pirates sur mer, receleurs sur le Gange

... Et, que je sache, ils n'ont jamais émis le moindre regret . Et pour actualiser la situation, je ne suis pas fâché qu'ils aient du mal à digérer les dépenses des JO .

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« A M. Jean-Robert Tronchin, de Lyon

aux Délices, 4 juin [1757].

 

 

Nous arrivons aux Délices mon cher monsieur et nous espérons voir M. Camp votre ami .

 

Nous apprenons que le tonneau de sucre et un ballot pesant deux cents sont arrivés . Vous nous comblez de biens . Nous ne savons où est la pièce de taffetas pour faire robe neuve à Mme Denis . Nous supposons qu'elle est dans le ballot pesant deux cents .

 

Puisque vous ne vous rebutez point voici nos idées sur les feux . Un d'environ cent livres, trois d'environ soixante livres tournois feront notre affaire . Sans oublier pelles, pincettes et soufflets . Un poêle roulant nous accommoderait bien encore . Il est vrai que si on embarque le tout ensemble ce sera le pot de terre avec le pot de fer . Mais on peut les séparer .
Je vois que nous ne cesserons jamais d'être importuns mais il faut avoir ses aises .

 

Vous travaillez donc pour les grands comme pour les petits, pour les cardinaux comme pour les philosophes . C'est ainsi qu'en use notre docteur . Il se fait tout à tous .
Je ne suis pas fâché que les Anglais soient punis en Hanovre. Ils ont été assassins en Amérique, pirates sur mer, receleurs sur le Gange. Ils méritaient bien quelque petit châtiment. Pour les affaires de Bohême, je les crois dans le plus grand délabrement.
On est consterné à Vienne . Je crois comme vous que le maréchal de Richelieu pourra bien aussi avoir son armée. La France, en ce cas, aura trois généraux au lieu d'un. Il y a des gens qui prétendent qu'un est plus que trois dans cette arithmétique. Ce qui est sûr, c'est que la France perdra quelques hommes, et prodigieusement d'argent par sa guerre sur terre et sur mer, et que jamais
on n'a fait les choses à plus grands frais
.

 

Voulez-vous avoir la bonté de donner cours à l'incluse ?

 

Les deux Suisses vous embrassent de tout leur cœur . »