17/09/2013
Petersbourg est donc la patrie des esprits prématurés
... Mais, chers lecteurs, oubliez vite, si ce n'est déjà fait (et c'est un signe de bonne santé mentale) la récente prestation des représentants des soi-disant pays les plus importants de notre globe lors d'un G (comme Guignols) quelque chose . D'esprits prématurés , point , des attardés , à foison .
Le XXIè siècle ne peut pas se targuer d'être meilleur que le XVIIIè en tout, ça se saurait et on vivrait plus agréablement .

17 juillet [1758], Schwetzingen
[…] Nous avons ici un jeune Russe de seize ans, il voyage tout seul, sans gouverneur, sans précepteur, avec ses domestiques et il servirait de précepteur et de gouverneur à nos seigneurs de vingt ans . C'était le neveu du grand chancelier 2. Il parle français comme s'il était né à Versailles .[…] Petersbourg est donc la patrie des esprits prématurés […] J'ai reçu ici sa visite . Nous eûmes hier Ninette à la cour,3 après demain nous aurons Mahomet mais cette troupe ne vaut pas la nôtre […]"
1 Extraits tirés du catalogue de la vente Cornuau (Paris 21 février 1736) ; voir lettre du 2 juillet 1758 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/09/11/une-belle-terre-a-gouverner-est-une-chose-tres-amusante-5163.html
2 Fedor Pavlovitch Veselovsky s'était installé à Genève avec son frère Avram qui avait été impliqué dans l'affaire du prince héritier Alexis ; il s'était présenté à V* par une lettre du 16 février 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/10/08/quel-ouvrage-plus-digne-de-vous-et-quelle-plume-plus-digne-d.html
3 Le Caprice amoureux ou Ninette à la cour de Charles-Simon Favart, avait été représenté pour le première fois et publié en 1756 . Voir : http://books.google.fr/books?id=TzIUAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
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16/09/2013
nous sommes dans un temps de jalousies et d'ombrages
... Mais n'en est-il pas ainsi depuis la nuit des temps, depuis bien avant Copé et Fillon, Valérie et Ségolène, Coca et Pepsi, IBM et Pompompompom, et même avant Cro Magnon quand Caïn tua Abel ?

« A Claude-Etienne DARGET.
A Schwetzingen, près Manheim, 17 juillet [1758].
Mon ancien ami, mon ancien camarade de Potsdam, me voilà confondu. J'ai été obligé de faire un petit voyage à la cour de monseigneur l'électeur palatin, à qui j'ai les plus grandes obligations. On voyage quelquefois chez les princes par intérêt. J'ai fait cent trente lieues par reconnaissance, et c'est un grand effort d'avoir quitté pour quelques jours mes petites Délices, où ma famille est rassemblée. Adressez, je vous prie, à ces Délices votre réponse sur ce qui me confond si terriblement. Le voici je répondis , le 8 janvier, à une de vos lettres 1. Vous m'aviez écrit avec confiance, et je vous écrivis de même. On m'apporte le Journal encyclopédique de Liège (mois de juillet), et j'y trouve ma lettre tout du long 2. Quel démon vous a dérobé cette lettre, qui, assurément, n'était pas faite pour être rendue publique ? J'ai grand'peur qu'elle ne fasse un très-mauvais effet. A qui donc en avez-vous laissé prendre copie? Pourquoi est-elle imprimée? Quel est l'auteur du Journal encyclopédique 3? Instruisez-moi de tout. Mettez un peu de baume sur la blessure que vous m'avez faite, et continuez-moi votre amitié. Elle a toujours été prudente, et je me flatte qu'elle empêchera que la publication de cette lettre n'ait des suites désagréables pour moi.
Vous savez, mon ancien ami, que nous sommes dans un temps de jalousies et d'ombrages. Il serait bien triste que mon repos fût troublé par une lettre que je vous ai écrite dans l'effusion de mon cœur. Ce cœur est toujours à vous; il est toujours français, et ne cessera d'aimer ses anciens amis. Je suis persuadé que vous irez au-devant de tout ce qui pourrait me faire de la peine. Rassurez et aimez votre compagnon de Potsdam, votre bon Suisse
V.
Écrivez-moi, je vous prie, aux Délices, où je retournerai bientôt. »
1 Voir la lettre du 8 janvier 1758 à Darget : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/01/07/la-renommee-ne-sait-souvent-ce-qu-elle-dit.html
2 Voir page 14 : http://orbi.ulg.ac.be/bitstream/2268/11497/1/encyclopedisme.pdf
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15/09/2013
S'il y avait quelque nouvelle favorable au genre humain, j'aurais l'honneur de la mander . Mais on ne doit s'attendre qu'à du carnage
... Une nouvelle favorable, comme par exemple celle-ci : http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20130912.OBS6824/albert-jacquard-qu-est-ce-que-cela-veut-dire-l-intelligence.html
Le carnage attendra !... un peu ! seulement un peu, misère .

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha
A Shwessing 16 juillet [1758]
Je n'arrive que dans ce moment à Shwessingen, maison de plaisance de Mgr l’Électeur palatin, ayant été longtemps malade en chemin . Je trouve la lettre du 4 juillet 1 dont m'honore votre Altesse Sérénissime . Je commence par lui souhaiter d'abord et à toute son auguste famille une neutralité tranquille qui la mette à l'abri des dévastations cruelles que l'Allemagne éprouve . Je ne vois partout que des malheurs et Dieu sait quand ils finiront . Les misères publiques sont cimentées de sang et tous les partis ont des larmes à répandre .
J'ose assurer monsieur le duc que c'est un coup du hasard que j'aie trouvé ce M. Labat après avoir frappé en vain à trente portes . Je pense, madame, qu'il en coutera moins à Vos Altesses Sérénissimes en traitant par un de vos ministres avec ce Genevois que si vous aviez emprunté à Berne, et que tout sera plus prompt et plus facile . Car Berne ne prête aux princes qu'avec la garantie de leurs États ce qui entraine toujours des longueurs et des frais , et j'imagine que Labat fera toucher de l'argent sur une simple lettre d'un de vos ministres . Cette insolence que j'ai eue, madame, de me faire caution, est entre Labat et moi, mais n'exige assurément aucun billet de la part de Vos Altesses Sérénissimes ; Labat n'a pas l'honneur de les connaître, c'est un négociant chargé de famille qui veut prendre ses suretés . Mais moi, madame, je vous suis attaché depuis longtemps . Je connais votre cœur et votre manière de penser généreuse , la bonté de votre belle âme ne voudra pas m'offenser par un billet . Les sentiments dont elle daigne m'honorer sont le meilleur des billets .
Je me flatte que sa santé est actuellement meilleure . Je crains bien que les désastres publics ne l'aient altérée . Prions Dieu qu'il rende bientôt à l'Allemagne la paix dont elle a besoin . On s'attend encore à des batailles de tous cotés . S'il y avait quelque nouvelle favorable au genre humain, j'aurais l'honneur de la mander . Mais on ne doit s'attendre qu'à du carnage . Que dit de tout cela la grande maîtresse des cœurs ? Je crois qu'elle gémit . Autant le fait le bon Suisse V. qui se met aux pieds de Vos Altesses Sérénissimes avec le plus profond respect .
V.
P.S.- Si jamais Vos Altesses Sérénissimes avaient quelque chose à faire dire au ministre des affaires étrangères en France, je les supplie de me charger de leurs ordres, en cas qu'elles n'aient point de ministre à Paris . Je m'en acquitterai avec le zèle qu'elles me connaissent . M. l'abbé de Bernis qui m'honore de ses bontés est un des plus aimables hommes de l'Europe . »
1 « Que ne puis-je vous exprimer, monsieur, à quel point je suis sensible aux soins et peines que vous vous êtes donnés pour nous procurer la somme de cinquante mille florins de l'empire : nous reconnaissons avec satisfaction les démarches que vous avez faites à cet égard comme l'effet certain de votre amitié […] Notre ministre M. de Keller écrira aujourd'hui au sieur Labat au nom du duc pour l'avertir que le duc accepte l'offre de la somme en question à six pour cent d'intérêts […] Bien loin d'être surpris ou fâchés nous sommes très flattés monsieur de ce que vous voulez nous servir de caution […] » . Au sujet du prêt voir aussi la lettre du 22 juin 1758 à Labat : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/09/01/il-faut-brievete-et-clarte-bonsoir-5153854.html
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14/09/2013
Je suppose que vous avez pris toutes les précautions nécessaires pour que tout votre monde soit couché, alimenté, désaltéré
... Lors de la réunion des Brescoudos au Cap d'Agde : http://www.herault-tribune.com/articles/18140/un-dernier-harley-luia-pour-les-brescoudos-2013-avec-le-pere-guy-gilbert/
J'ai une affection particulière, moi catholique en peau de lapin, pour le père Guy Gilbert qui est homme de bonne volonté et de parole, que j'ai lu lors de ma vie étudiante, que j'ai rencontré bien des années plus tard et qui reste un exemple de vie engagée .
Un prêtre et les frères humains qu'il aime et qui l'aiment

« A Charlotte-Sophie von Altenbourg, comtesse Bentinck
Je vous écrit au hasard, madame, ce petit billet en courant, accoutumez vous à la simplicité helvétique . Je suppose que vous faites à mon ermitage des Délices l'honneur d'y loger en passant . Je suppose que vous avez pris toutes les précautions nécessaires pour que tout votre monde soit couché, alimenté, désaltéré à Montriond . Vous savez qu'il n'y a que trois lits , et très peu de meubles .
Vous avez trois jeunes gens qui étudient . Il y a un collège à Lausanne . Si vous voulez les mettre en pension dans la ville, il y a un marchand très honnête homme nommé Obousier qui peut les loger et les nourrir à bon compte , et qui d'ailleurs fournira toute votre maison comme il fournit la mienne . Il y a un premier pasteur de la ville nommé M. Polier de Bottens, homme actif et officieux qui doit avoir été à Montriond et qui vous rendra tous les services qui dépendent de lui .
Pour mes nièces et pour moi, vous jugez bien que nous serons entièrement à vos ordres quand nous serons à Lausanne . Le point principal est que vous soyez à votre aise à Montriond . Si vous vous y trouvez bien, vous y resterez . Sinon vous trouverez aisément quelque chose de mieux . C'est toujours un fort bon entrepôt . Vous pouvez avoir aisément six chambres de maître et loger dans des galetas toute la livrée . Nous y avons été six maîtres et vingt domestiques sans être incommodés .
A l'égard de la société de Lausanne vous y songerez quand vous serez établie . Il faut commencer par être bien chez soi . Je me faisais un plaisir extrême de vous accompagner à Montriond, de vous y voir établie, de vous y servir . Vous ne l'avez pas voulu . Vous m'avez fait un mystère de votre arrivée . Vous m'avez privé d'un bonheur sur lequel je comptais . Je ne cesserai de vous le reprocher et d'être à vos ordres .
V. »
1 Morat ou Murten est une cité pittoresque située à environ 53 km de Berne sur la route de Lausanne : http://fr.wikipedia.org/wiki/Morat
Le même jour J.-J. Rousseau écrit à Vernes depuis Montmorency : « J'ai sous presse un petit écrit sur l'article Genève de M. d'Alembert . Le conseil qu'il nous donne d'établir une comédie m'a paru pernicieux , il a réveillé mon zèle et m'a d'autant plus indigné que j'ai vu clairement qu'il ne se faisait pas un scrupule de faire sa cour à M. de Voltaire à os dépens . Voilà les auteurs et les philosophes ! Toujours pour motif quelque intérêt particulier, et toujours le bien public pour prétexte . »
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13/09/2013
Vous amusez-vous tous tant que vous êtes ?
... Quand vous avez bu plus que de raison ?
Tentative de réponse :
http://lci.tf1.fr/science/boire-fait-il-se-sentir-beau-un...

« A Marie-Louise Denis et Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine
13 juillet [1758], Strasbourg
[…] Je crois le roi de Prusse aussi embarrassé à présent qu'il l'était l'année passée au même mois de juillet . Il a fait mourir son frère de chagrin 1, il pourrait bien mourir de même […] Adieu ma chère enfant, écrivez-moi à la cour de Manheim où je serai le moins que je pourrai . Madame de Fontaine, je vous plains bien, il y a quinze jours que vous n'avez pu monter à cheval . Avez-vous pu aller à la comédie par ce temps abominable ? [...] M. de Florian lit-il les guerres de Grenade en espagnol ? Vous amusez-vous tous tant que vous êtes ? [...] »
1 Voir lettre du 29 juin 1758 à Frédéric II : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/09/07/quoiqu-une-lettre-d-un-vieux-suisse-ne-doive-guere-etre-lue.html
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12/09/2013
La déroute, la consternation, le découragement
... N'ont pas été des freins dans la vie qu'a menée Albert Jacquard qui dit : «Etre conscient que demain existera et que je peux avoir une influence sur lui est le propre de l'homme» . Et il a été homme, actif , tourné vers le futur .
En cela il est du même bois que Voltaire et digne de la même admiration, et , ce qui lui plairait davantage encore, oeuvrer encore et toujours pour améliorer le sort de nos contemporains démunis .

« A Marie-Louise Denis
4 juillet [1758] , Morat
[…] Toujours mouillés et grelottant de froid au mois de juillet [...] »
« A Marie-Louise Denis
12 juillet [1758], Schelestad, en passant
Après avoir revu tous nos amis de Colmar, ma chère enfant, après avoir eu une indigestion de chevreuil chez le premier président, après avoir guéri mon postillon avec du quinquina et ma jument avec du vin, toujours voyageant en tortue […] j'ai le plaisir de vous écrire dès que je suis seul . Ma chère enfant, je crains de n'être pas assez heureux pour acquérir Champignelle . L'abbé de Munster m'a dit qu'elle est bâtie comme Saverne […] à Strasbourg , j'arrive à Strasbourg, il était l'heure de diner . J'ai débarqué chez monsieur l'intendant . La première nouvelle qu'il m'a dite c'est que l’Électeur palatin vient de perdre Düsseldorf […] , les Hanovriens l'ont prise . Le voilà bien payé d'avoir pris notre parti . La déroute, la consternation, le découragement sont inexprimables . On n'a jamais essuyé tant de honte […] Arrivé chez M. de Turkeim, je reçois ma chère enfant, vos lettres du 4, du 5 et du 7 . Dieu soit béni de tout, vous allez avoir la comtesse de Bentinck à nos petites Délices [...] »
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11/09/2013
Une belle terre à gouverner est une chose très amusante
... Et je sens bien que Dieu s'applique à travailler en s'amusant, tout comme il l'a encore récemment soufflé au ministre de l'éducation pour cette fameuse réforme des rythmes et programmes scolaires .
Je sens bien aussi que le résultat sera identique à celui que l'on voit dans le bordel ambiant qui régit ce monde, ce globule comme dit Voltaire .
Tiens, à propos de globule(s), n'oubliez pas de donner quelques uns des vôtres pour sauver quelques vies et être utiles et heureux à coup sûr .

2 juillet [1758] , Lausanne
Je vous assure que je suis plus affligé que vous . Mais , ma chère enfant, vous savez que ce voyage à Manheim est un devoir qu'il fallait remplir . Soyez sûre que ce sera de tous les devoirs le plus promptement dépêché et que je reviendrai bientôt au seul devoir de mon cœur . Nous avons voyagé par le déluge des Délices à Lausanne , il pleuvait dans la berline à peu près comme dans le grand chemin . Je soupai hier chez M. d'Hermenches avec tous les Chandieux, le marquis de Gentil n'y étais pas , il paraît qu'on le boude . Il est vrai que Mme de Bentinck a envoyé à Montriond Mlle de Donop, parente du général de Donop que vous avez vu […] Je pars demain lundi à Morat […] Si j'ai de la santé je ne m'arrêterai nulle part […] Il me semble que je ne marche que comme moitié de coq 2: j'ai laissé l'autre moitié et la meilleure aux Délices […] Tout le monde s'est empressé à demander de vos nouvelles, tout le monde vous fait des compliments, je fais les miens à votre sœur, à son fils, à M. de Florian 3 […] Ayez surtout grand soin de votre santé, promenez-vous quelquefois dans les allées que j'ai plantées . J'ai quelque envie que vous vous promeniez aussi dans celles de Champignelle 4 et de vous voir dame du château avec votre aumônier . Une belle terre à gouverner est une chose très amusante et si vous pouvez aimer cette vie qui est la plus naturelle, la plus tranquille et le plus saine, je serai le plus heureux des hommes . Paris n'est bon qu'à vingt-cinq ans […] Je ne songe à présent qu'à me rapprocher de vous […] »
2 Allusion à un conte populaire dont le héros est ainsi nommé . Voir à ce propos : http://lsj.hautetfort.com/archive/2009/05/27/le-trou-du-cul-du-coq.html
3 Le catalogue de vente donnait : Fleuriau , et sans doute a confondu avec Claret de Fleurieu, secrétaire de l'Académie de Lyon, père du comte de Fleurieu, ministre de la marine sous Louis XVI. .
4 Sur cette propriété voir le lettre du 12 juillet 1758 à Mme Denis où V* dit ne pouvoir acquérir cette propriété qu'il dit « bâtie comme Saverne »
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