Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

23/08/2013

S'il y a des sots, il faut les braver

... J'adore l'ironie du "si" concernant l'existence des sots .

S'il est permis de douter de l'existence de Dieu et de la coexistence pacifique de toutes les religions, -ou plus exactement de tous ceux qui pratiquent des rites religieux-, je pense que la présence des sots terrestres n'est plus à chercher , j'y apporte aussi ma modeste part , la plus modeste possible au demeurant, tant que faire se peut .

Braver les sots avec des mots

Tel est notre lot, notre dot ;

Pas de pot, jusqu'au dernier rot

Se lever tôt,

Aimable Voltaire .

sot.jpg

 

 

 

« A Jean Le Rond d'ALEMBERT.

de l'Académie française et des Sciences,

rue Michel-le-Comte

à Paris

Aux Délices, 7 juin [1758]

Par ma foi, mon grand et aimable et indépendant philosophe, vous devriez apporter votre Dynamique 1 à Genève. Qui vous empêche de passer par le mont Cenis? Quoi parce que quelques marmottes du pays, en manteau noir, ont signé qu'ils sont d'accord avec vous dans le fond, et ont un peu biaisé sur la forme, vous éviteriez de passer par une ville où tous les honnêtes gens vous estiment et vous considèrent comme ils doivent . Qui vous empêche de venir coucher chez M. Necker 2, à la ville, et chez moi, à la campagne? Pour moi, je pense que rien ne serait mieux pour vous et pour les Genevois. Vous feriez voir hardiment que, dans le siècle où nous sommes, les disputes sur la consubstantialité 3 n'altèrent point l'union des gens sages, et qu'on commence à devenir plus humain que théologien, en un mot, pour la rareté du fait, pour l'édification publique, et pour mon plaisir, je vous prie de passer hardiment par chez nous. S'il y a des sots, il faut les braver et d'ailleurs un sujet, un pensionnaire du roi de France, un académicien, doit être respecté dans une ville qui est sous la protection du roi, et qui ne subsiste que par l'argent qu'elle gagne avec la France, argent dont elle fait cent fois plus de cas que de l'homousios.

Vous avez fait en digne philosophe de dédier la Dynamique à un disgracié 4. Ce n'est pas qu'il entende un mot de votre livre; mais il sera plus flatté de votre attention qu'il ne l'eût été quand il donnait des audiences.

Je vous remercie de la bonté que vous avez de me faire parvenir votre ouvrage. J'en entendrai ce que je pourrai, car j'ai bien renoncé à la physique depuis qu'aucune académie n'a pu m'apprendre le secret de se laver les mains dans du plomb fondu sans se faire de mal, secret connu de tous les charlatans et celui de chasser les mouches d'une maison, comme font les bouchers de Strasbourg. Si vous savez ces grandes choses, je vous prie de m'en faire part.

Allez voir faire un pape 5, vous ne verrez pas grand'chose; un bel opéra est plus agréable.

Je suis persuadé que vos voyages ne vous feront pas oublier l'Encyclopédie. Vous l'embellirez aux articles Rome, et Pape, et Moines, et vous leur direz tout doucement leurs vérités.

J'ai changé Histoire; j'en ai fait un article outrecuidant 6. S'il passe, à la bonne heure; sinon, je me passerai bien qu'on l'imprime. Mes nièces et l'oncle suisse vous aiment de tout leur cœur.

V. »

2 Louis Necker (V* écrit Nekre) âgé de 28 ans est le frère ainé de Jacques Necker (qui sera ministre sous Louis XVI), et est déjà un mathématicien et physicien renommé, memebre correspondant de l'Académie des Sciences le 23 juin 1756 ; leur père est Charles-Frédéric Necker, mort professeur de droit civil à Genève en 1760 .

3Pour la forme de ce mot, voir la lettre du 15 janvier 1758 à Théodore Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/03/23/c-est-cet-amas-de-dogmes-absurdes-toujours-expliques-et-touj.html

et pour omousios (fin du paragraphe), voir lettre du 19 janvier 1758 à Elie Bertrand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/03/26/sans-me-lamenter-le-moins-du-monde-avec-vous-sur-les-miseres.html

4 Le comte d'Argenson ; un mot semble manquer devant Dynamique, mais il est aussi possible que V* ait voulu produire une allitération en d .

5 Benoît XIV était mort le 3 mai 1758, et Carlo della Torre Rezzzonico lui succèdera le 6 juillet sous le nom de Clément XIII .

 

22/08/2013

que j'y achève ou non ma petite et obscure carrière

... J'y aurai passé quelques bons moments, tranquille, quoique, ... côaa, côaaa

 Rentrer maison !

 DSCF4126 rentrer maison.png

 http://www.deezer.com/track/2263728


« A Jean-Nicolas-Sébastien Allamand

professeur à Leyde

Aux Délices 1er juin [1758]

Monsieur, les lettres que je peux avoir écrit à M. de s'Gravesande 1 ne méritent certainement pas de voir le jour , mais puisqu'elles ne sont que des témoignages de l'estime et de la confiance qu'il méritait, je ne peux qu'approuver l'usage que vous en faites .

On m'apprend que ce Prosper Marchand dont vous avez daigné être l'éditeur était un ancien libraire qui écrivait plus mal qu'il n'imprimait . Je n'ai jamais entendu parler de cet homme qu'à l'occasion des injures grossières dont on dit qu'il m'affuble dans ses œuvres posthumes . Je ne doute pas que les devoirs d'honnête homme n'aient prévalu dans vous sur les devoirs d'exécuteur testamentaire d'un tel écrivain . Il se peut faire que cet homme se fût appliqué en son vivant ce que j'ai dit plusieurs fois de nos Français réfugiés qui ont inondé l'Europe de libelles et qui ont vendu des calomnies à tant la feuille . Quand un homme vous 2 fait imprimer les ouvrages d'un pareil auteur ce n'est sans doute que pour les rectifier . Je vous dois les plus tendres remerciements, de la bonté que vous avez de donner le contrepoison du venin de M. Prosper dont Dieu veuille avoir l'âme .

Il est vrai, monsieur, que je me suis fait les deux plus jolies habitations du monde, l'une auprès de Genève, l'autre à Lausanne ; il est encore plus vrai que je voudrais avoir l'honneur de vous y posséder . J'y étais venu pour ma santé, j'y reste pour mon plaisir . J'aurais de la peine à trouver ailleurs quelque chose de plus agréable . Soit que j'y achève ou non ma petite et obscure carrière je serai toujours , monsieur, avec tous les sentiments que je vous dois

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire »

1 La correspondance de V* avec s'Gravesande en 1737 parut dans le Dictionnaire, II, 240 . Voir lettre à Allamand du 13 mai 1758 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/08/19/il-serait-triste-pour-moi-d-etre-oblige-de-perdre-mon-temps.html

Voir cette correspondance dans : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-...

Willem Jacob 's Gravesande :voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Willem_Jacob_%27s_Gravesande

et : http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journalis...

2 V* a omis le mot comme, par saut du même au même .

 

21/08/2013

La terre a plus besoin d'être cultivée que d'être ensanglantée

... Evident ! me direz-vous ?

Pas pour tous .

Comme dans tout polar, cherchez à qui profite le crime . Le métier d'assassin, avec ou sans uniforme, semble ne pas connaitre le chomage, les balles sont plus faciles à planter au coeur de l'adversaire que les graines nourricières dans le sol qui porte indifféremment des tueurs (repus) et des affamés, des voleurs (aisés) et des peuples spoliés .

Les bonnes intentions ne suffisent pas à désarmer le monde, la folie meurtrière a encore de tristes jours pour s'exercer , même si ...

 http://www.journee-mondiale.com/197/journee-de-la-destruction-des-armes-legeres.htm

 récolte terre ensemencée.jpg

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA

Aux Délices, 26 mai [1758]

Madame, le jour même où je reçus la lettre dont Votre Altesse sérénissime m'honora, j'exécutai ses ordres j'écrivis à Berne à un des principaux membres du conseil. On assembla incontinent la chambre des finances. Il se trouva, madame, que dans l'intervalle de ma première lettre et des ordres reçus d'elle en conséquence, la chambre des finances de Berne avait prêté à la ville de Bremen quatre-vingt mille écus qu'elle avait à placer. Votre Altesse sérénissime voit que toutes les affaires de ce monde tiennent à bien peu de chose. Quinze jours plus tôt, l'affaire aurait eu un succès aisé et prompt. Je vais me tourner du côté de Genève. L'État n'est pas riche, il s'en faut bien; mais les particuliers le sont. Il est vrai que ces particuliers ont, en huit jours de temps, placé quatre millions en rentes viagères à dix pour cent; cependant il y a encore des citoyens qui se croiraient heureux de confier leur argent à la chambre des finances de Vos Altesses sérénissimes.

Pour donner, madame, un plus plein éclaircissement de la manière dont les Genevois placent leur argent, je ferai d'abord observer que, dès qu'il y a un emprunt ouvert en rentes viagères en France, les pères de famille y placent leur bien, soit sur leur tête, soit sur celle de leurs enfants. Quand il n'y a point de tels emprunts, ils prêtent à Paris, à terme, à la caisse des fermiers généraux du royaume, et retirent actuellement six pour cent de leur argent mais, à la paix, ils n'en retireront que cinq.

Puisse-elle bientôt arriver, cette paix si désirable pour les peuples et même pour les princes . La guerre ruine les grands et les petits, pour enrichir ceux qui pillent les cours et les armées en les servant. L'Europe gémit, tandis que quelques entrepreneurs de vivres, ou de fourrages, ou d'hôpitaux, s'engraissent du malheur public.

On dit que l'armée qu'on appelle de l'empire est morte d'inanition et qu'il n'en reste rien, que la plupart des soldats sont retournés chez eux se faire laboureurs ou jardiniers . Je voudrais que tous les soldats du monde prissent ce parti. La terre a plus besoin d'être cultivée que d'être ensanglantée. Je fais toujours des vœux, madame, pour le territoire de la Thuringe. Si la félicité des peuples dépend des vertus des souverains, le pays de Gotha doit être le plus heureux de la terre.

Je prends la liberté de présenter mon profond respect à monseigneur le duc, et à toute votre auguste famille; je suis enchanté que la grande maîtresse des cœurs se porte bien ; je me mets aux pieds de Votre Altesse sérénissime.

L'Ermite suisse. »

 



 

 

 

20/08/2013

Les hommes ne méritent certainement pas qu'on se livre à leur jugement, et qu'on fasse dépendre son bonheur de leur manière de penser

 ... Mais quelle est la femme désabusée qui parle ainsi ?

Voltaire, dites-vous , en qualité d'auteur !

Qu'ajouter ? Les ligues féministes pourraient bien utiliser cette phrase hors contexte pour stimuler leurs troupes, et je serais d'accord avec elles, pour une fois [sic] .

Si j'approuve la parole de femmes libres, je suis plus réticent pour écouter les discours issus de ligues souvent outrancières, caricaturales , en quête d'adhérent(e)s . Quelles puissent dire comme Volti "j'ai heureusement fini par fuir tous les esclavages possibles" suffit à mon bonheur . Vous m'entendez ?

 DSCF4073 entendez moi bien.JPG

 

 

« A Françoise-Paule d'Issembourg d'Happoncourt Huguet de Graffigny

Aux Délices ce 16 mai 1758

Je suis bien sensible, madame, à la marque de confiance que vous me donnez . Nous pouvons nous dire l'un à l'autre ce que nous pensons du public, de cette mer orageuse que tous les vents agitent et qui tantôt vous conduit au port, tantôt vous brise contre un écueil, de cette multitude qui juge au hasard de tout, qui élève une statue pour lui casser le nez et qui fait tout à tort et à travers , de ces voix discordantes qui crient hosanna le matin et crucifige 1 le soir , de ces gens qui font du bien et du mal sans savoir ce qu'ils font . Les hommes ne méritent certainement pas qu'on se livre à leur jugement, et qu'on fasse dépendre son bonheur de leur manière de penser . J'ai tâté de cet abominable esclavage et j'ai heureusement fini par fuir tous les esclavages possibles .

Quand j'ai quelques rogatons tragiques ou comiques dans mon portefeuille, je me garde de les envoyer à votre parterre, c'est mon vin du cru, je le bois avec mes amis . J'histrionne 2 pour mon plaisir sans avoir ni cabale à craindre, ni caprice à essuyer ; il faut vivre un peu pour soi, pour sa société, on est alors en paix ; qui se donne au monde est en guerre et pour faire la guerre, il faut qu'il y ait prodigieusement à gagner, sans quoi on la fait en dupe, ce qui est arrivé autrefois 3 à quelques puissances de ce monde .

Au reste les cabales n'empêcheront jamais que vous ne soyez regardé, madame, comme la personne du monde qui a l'esprit le plus aimable et le meilleur goût . Je n'ose vous prier de m'envoyer votre Grecque 4, mais je vous avoue pourtant que les lettres de la mère me donnent une grande envie de voir la fille .

Comptez, madame, sur la tendre et respectueuse amitié du Suisse

V. »

1 Crucifiez le .

2 Verbe passant pour avoir été inventé par V* ; voir lettre à Cideville du 3 mars 1758 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/06/28/il-faut-toujours-qu-il-y-ait-en-france-quelque-maladie-epide.html

3 Les copies Beaumarchais et Bréquigny portent quelquefois pour autrefois .

4 La fille d'Aristide de Mme de Graffigny : Cette comédie en cinq actes, , fut jouée la première fois le 29 avril 1758 .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7oise_de_Graffigny

et : http://books.google.fr/books?id=hFhbAAAAQAAJ&printsec...

 

19/08/2013

nous sommes des barbares, et vous autres, gens polis, vous donnez vite une belle charge d'avocat général au fils d'un banqueroutier frauduleux

... Car il est juste que l'argent aille à l'argent, comme le pouvoir du fils  transmis par le père ! Non ?

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL

Aux Délices, 15 mai [1758].

Je suis chargé, mon cher ange, de vous supplier encore de vouloir bien donner un petit coup d'aiguillon au rapporteur de MM. de Douglas. Je plains plus que jamais les plaideurs que les rapporteurs négligent. Il y a huit ans que Mme Denis et moi nous sommes très-négligés dans une affaire plus grave que celle de MM. de Douglas. Mon émerveillement dure toujours que le fils de Samuel 1, nous ait fait banqueroute, six mois après avoir pris notre argent, et qu'il ait trouvé le secret de fricasser huit millions, obscurément et sans plaisir. Votre premier président 2, son beau-frère, ne serait-il pas, entre nous, un peu engagé par son honneur et par celui de sa place à faire finir une affaire si odieuse? Le fils d'un banqueroutier, dans notre Suisse, ne peut jamais parvenir à aucun emploi, à moins d'avoir payé les dettes de son père mais c'est que nous sommes des barbares, et vous autres, gens polis, vous donnez vite une belle charge d'avocat général au fils d'un banqueroutier frauduleux. Cependant une partie de la succession entre dans les coffres du receveur des consignations, qui prend d'abord cinq pour cent par an pour garder l'argent, et qui gagne six pour cent à le faire valoir, le tout pendant vingt années.

Est-ce là faire droit? est-ce là comme on juge? 3

Pardon; je suis un peu en colère, parce que j'ai perdu environ le quart de mon bien en opérations de cette espèce mais je ne dois pas me plaindre devant celui dont les Anglais ont brûlé la maison.

Mon divin ange, je songe à une chose. Si Babet 4 vous procurait une ambassade ! Vous me direz que vous êtes trop honnête homme pour négocier mais il y a des honnêtes gens partout. Je voudrais que vous relevassiez M. de Chavigny 5. Comptez que tous nos Suisses seraient enchantés. Que sait-on ? Ce que je vous dis là n'est point si sot pensez-y.

Ma nièce Fontaine est à Lyon j'espère qu'elle m'apportera mes paperasses encyclopédiques. Savez-vous des nouvelles de cette Encyclopédie? Je les aime mieux que les nouvelles publiques, qui sont presque toujours affligeantes. Mille respects à tous les anges. Je baise toujours le bout de vos ailes.

Le Suisse V. »

1 Samuel Bernard : http://fr.wikipedia.org/wiki/Samuel_Bernard

Son fils banqueroutier est Samuel-Jacques Bernard : http://fr.wikipedia.org/wiki/Samuel-Jacques_Bernard_%2816...

2 Mathieu-François de Molé était premier président de La Grand-Chambre depuis le 12 novembre 1757 .Il épousa en 1733 Bonne-Félicité Bernard, fille du financier Samuel Bernard .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mathieu-Fran%C3%A7ois_Mol%C3%A9

3 RACINE, Les Plaideurs, acte I, scène vii

4 L'abbé, comte de Bernis, ministre des affaires étrangères. Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois-Joachim_de_Pierre_de_Bernis

5 Chavigny, ambassadeur de France en Suisse, résidait à Soleure, et ce fut lui que Voltaire alla y voir. Colini, qui parle de ce voyage dans ses Mémoires, n'en connut jamais le motif précis; il dit seulement que Voltaire, en allant à Soleure, devait avoir des vues bien importantes. On croit que Chavigny proposa à l'ancien ami de Frédéric de retourner à Potsdam pour y négocier secrètement: ce que Voltaire eut la prudence de refuser (voyez lettres 3180 et 3183). L'ermite des Délices fit un autre voyage à Soleure, comme le prouve la date de sa lettre du 19 août 1758, à l'abbé de Bernis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/08/19/mele-les-plaisanteries-aux-pensees-serieuses.html

Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9odore_Chevignard_de_Chavigny

 

18/08/2013

Il serait triste pour moi d'être obligé de perdre mon temps et mon repos à réfuter des impostures littéraires

... De même qu'il est rageant d'avoir à effacer de pseudo-commentaires qui sont de vrais spams dignes de la benne à ordures et  que je vois apparaitre depuis quelques semaines . Les fameuses scories du Net ...

Pour s'en défendre  voir : http://www.spammeur-bourrin.com/

spammeur-bourrin.jpg

 

 

« A Jean-Nicolas-Sébastien Allamand

professeur à Leyde 1

Aux Délices 13 mai [1758] route de Genève

Monsieur, un officier de son Altesse royale m'apprend qu’un nommé M. Marchand qui demeure dit-on à La Haye, fait une histoire des gens de lettres vivants, qu'il débite des calomnies contre moi dans cette histoire et que vous daignez en être l'éditeur 2. Je ne puis le croire . Je compte trop sur votre probité et je suis persuadé au contraire que loin de vous prêter à cette entreprise si au dessous de vous, vos sages conseils empêcheront l'auteur de se déshonorer par ces viles impostures qui sont aujourd'hui si méprisées et lues à peine par les laquais dans les antichambres . On dit que cet auteur est capable de faire mieux et que vous êtes plus à portée que personne de l’empêcher de mal faire . Il serait triste pour moi d'être obligé de perdre mon temps et mon repos à réfuter des impostures littéraires et je me flatte que je n'aurai que des grâces à vous rendre .

J'ai l'honneur d'être, monsieur, avec tous les sentiments que je vous dois

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

gentilhomme ordinaire du roi

très chrétien, ancien chambellan

du roi de Prusse »

2 Dictionnaire historique concernant la vie et les ouvrages de divers personnages distingués de la république des lettres, de Prosper Marchand, par Allamand (Marchand était mort en 1756), chez Pieter de Hondt à La Haye . Il n'y a pas d'article sur V* mais plusieurs allusions à sa personne, la plupart forcées et toutes malveillantes . Dans la préface du tome II, Allamand déclare que plusieurs auteurs vivants se sont plaints des allusions faites par Marchand à leur personne . Les allusions à Voltaire sont dans ce tome II encore critiques mais cependant courtoises ; voir page 11, page 120, page 319 de http://books.google.fr/books?id=Oo1SyzOkLSIC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

. Constituant une frappante exception par rapport au ton général, l'article « s'Gravesande » rédigé par Allamand lui-même, parle de V* avec la plus grande cordialité . Ces considérations font regarder comme extrêmement probable que cette lettre de V* fut écrite dans l'intervalle entre la publication des deux tomes . Le 1er juin Voltaire aura appris que l’œuvre de Prosper Marchand était posthume : voir la lettre correspondante à Allamand .

Prosper Marchand : http://fr.wikipedia.org/wiki/Prosper_Marchand

 

 

17/08/2013

Je peins le genre humain, et vous le jugerez

... Autre manière de dire "ne pas être juge et partie", avec cependant un bémol, le jugement dépend de ce que le peintre veut bien mettre en lumière ; sachant qu'il est impossible de tout montrer , que vaut alors le jugement ?

 genre humain.jpg


 http://www.katherinerey.odexpo.com/galerie_d.asp?galerie=18527&ng=GENRE%20HUMAIN

 

 

« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck

Aux Délices près de Genève 12 mai [1758]

Si vous voulez plaider , madame, restez ; si vous voulez vivre tranquille, venez 1. La nouvelle proposition que vous faites pour la maison 2 n'est pas praticable . Mais quand vous voudrez bien sérieusement choisir une retraite dans un pays où des Français, des Anglais, des Hollandais, des Allemands, des Russes viennent vivre heureux, vous n'avez qu'à m’avertir et vous serez servie .

Je suis beaucoup plus affligé que cet homme supérieur que vous voyez quelquefois, car je ne vois point les ressources . Il les voit et il les fait .

Pour vous, madame, tachez de croire qu'un mauvais accommodement pourvu qu’il soit sûr, vaut mieux pour vous qu'un mauvais procès et même qu'un bon . Pardonnez surtout à mon tendre attachement si je vous dis la vérité .

J'ai cru la dire au moins dans une esquisse d'Histoire générale que vous daignez lire, mais les libraires de Genève l'ont remplie de fautes sans compter les miennes . Je voudrais que vous ne l'eussiez point lue . Vous verriez dans une édition que je prépare des choses qui pourront fournir des réflexions à un esprit tel que le vôtre . Je peins le genre humain, et vous le jugerez .

Que ne puis-je aller jusqu'à 1758 et dire ce que je pense ? que ne puis-je plaire à l'homme universel, au grand homme dont vous me parlez qui n'aura pas selon les apparences le temps de me lire ?

Vous me parlez d'un gouverneur pour un jeune homme . Ce gouverneur gouverne à présent à Strasbourg à moins qu'il ne soit parti pour Vienne avec son pupille . Il sera toujours fort aisé de s'informer soit à Vienne soit à Strasbourg, si on est content de l'éducation qu'il a donnée à son pupille autrichien .

Je crois connaître votre Strouganof 3. Du moins un jeune Russe en of m'a fait l'honneur de dîner dans mon ermitage en allant à Paris d'où il devait aller à Vienne .

Me voici actuellement dans mes Délices avec cette nièce qui dormait à Francfort entre quatre soldats la bayonnette au bout du fusil avec un sieur Freitag à leur tête, à peu près comme dort à présent la reine de Pologne à Dresde . Nous oublions nos petits mésaises dans une jolie maison avec de la musique, des amis, des livres, des jardins agréables et un bon cuisinier . Cet état vaut mieux que celui que vous m'avez vu . Cependant, madame, il s'en faut de beaucoup que je sois content et vous devinez bien pourquoi . Votre procès ne va pas bien . Celui de l'homme respectable à qui je m'intéresse sans avoir eu l'honneur de l'approcher est mêlé d'incidents qui me déchirent le cœur . Je connais quelques-uns des avocats pour et contre, mais je crains de parler chicane . Adieu, madame, puisse le goût du repos saisir votre cœur et nous amener votre personne . Recevez les tendres respects de l'ermite .

V. »

1 La comtesse répondra le 23 juin : « Je suis en route pour vous aller voir, et votre lac, et Montriond et la liberté […]. je m'en vais d'ici demain ou après-demain à Turin où je passerai quelques jours, après quoi je me munirai de courage et de vinaigre pour passer aussi gaillardement qu'Annibal les vilaines Alpes à l'issue desquelles vous me ferez trouver les Délices . »

2 Montriond que V* avait occupée auparavant .

3 Alexandre Sergeevitch Strogonof qui devint plus tard président de l'Académie des beaux Arts de Saint Pétersbourg . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Sergue%C3%AFevitch_Stroganov