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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

ce charlatan est un des plus dangereux coquins qui respirent

... D'Erdogan à Poutine, en passant par Kim Jung un et Zemmour, la liste est trop longue pour donner ici tous ceux qui correspondent à cette formule voltairienne .

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

8 novembre 1766 à Genève

Monsieur,

J’ai reçu avec un extrême plaisir, votre lettre du 27è octobre par M. Cithara qui, quoique jeune, me parait déjà un bon violon, et qui mérite, je crois, la petite place que vous pouvez lui procurer .

J'ai reçu aussi le petit paquet de M. de Lamberta 1 . C'est un excellent géomètre, et M. de Bernouilli n’en approche pas . Ses nouvelles formules sur les courbes à double courbure sont le meilleur ouvrage que j'aie jamais vu en ce genre, et doit avoir un grand succès chez tous les géomètres de l'Europe . Je l'ai proposé sur-le-champ à l'homme qui a déjà imprimé la première partie 2, et je lui ai proposé les condition raisonnables que vous demandez ; il m'a répondu qu'il ne pouvait s'en charger à cause de l’extrême difficulté de s'arranger à Paris pour les figures géométriques . Ce refus m'a un peu piqué ; je lui avais, ce me semble, fait assez de bien pour qu'il me donnât sans hésiter cette satisfaction . Mais si M. de Lamberta le permet je ferai faire cette cette besogne par un autre . Il faut vous avertir que cet autre ne pourra donner le prix qu'on demande qu'après s'être défait de son édition . Encore une fois je me chargerai de cet arrangement si votre algébriste l'agrée .

Jean-Jacques Rousseau est méprisé et abhorré de la plus saine partie de nos concitoyens, et bientôt ses anciens partisans penseront de même quand ils auront lu son procès avec M. Hume . J’ai par-devers moi des preuves particulières que ce charlatan est un des plus dangereux coquins qui respirent 3.

Quand à celui qui vous écrit quelquefois, monsieur, ne soyez point surpris de ses inégalités, tel est son caractère . Tirez-en parti, c'est tout ce qu'il faut . Je crois qu'on vous a mal instruit quand on vous a dit qu'il détestait quelques personnes de vos amis . Leurs sentiments ne lui importent guère ; et il serait d'ailleurs très flatté de les avoir chez lui . Il n'est pas mal de laisser cette porte ouverte en cas que la tête de bœuf voulût l'enfoncer avec ses cornes .

J'ai vu M. de Voltaire qui est toujours très malade, il vous aime tendrement , il dit qu'il serait bien consolé s'il pouvait passer avec vous quelques-uns de ses derniers jours . J'ai vu aussi Mme Denis qui vous fait les plus sincères compliments .

J’ai l'honneur d'être, monsieur, avec bien du respect, votre très humble et très obéissant serviteur

Boursier. »

1 Anagramme plus que transparent pour la police du temps . Il s'agir de d'Alembert et son ouvrage Sur la destruction des jésuites ; voir lettre du 4 mars 1765 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/05/17/il-doit-etre-tres-sur-que-je-n-enverrai-point-a-paris-la-des-6239375.html

3 Formule particulièrement forte ; voir encore la lettre du même jour à Damilaville où il le qualifie de « monstre » : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/03/correspondance-annee-1766-partie-46.html

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14/02/2022 | Lien permanent

C’est une des petites aventures dignes du meilleur des mondes possibles

... Par exemple celles-ci , celle de KaNoé , de Valsero , etc., sur France 24 : https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/l%C3%A9gendes-...

... Vous n'avez pas tout suivi ? Oh ... ça alors ! dommage .

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

24è septembre 1766 à Ferney

Ennuyez-vous souvent, madame, car alors vous m’écrirez 1. Vous me demandez ce que je fais . J’embellis ma retraite, je meuble de jolis appartements où je voudrais vous recevoir . J’entreprends un nouveau procès dans le goût de celui des Calas, et je n’ai pas pu m’en dispenser, parce qu’un père, une mère, et deux filles, remplis de vertu, et condamnés au dernier supplice, se sont réfugiés à ma porte, dans les larmes et dans le désespoir. C’est une des petites aventures dignes du meilleur des mondes possibles. Je vous demande en grâce de vous faire lire le mémoire que M. de Beaumont a fait pour cette famille, aussi respectable qu’infortunée. Il sera bientôt imprimé. Je prie M. le président Hénault de le lire attentivement, vos suffrages serviront beaucoup à déterminer celui du public, et le public influera sur le conseil du roi. La belle âme de M. le duc de Choiseul nous protège . Je ne connais point de cœur plus généreux et plus noble que le sien : car, quoi qu’en dise Jean-Jacques, nous avons de très honnêtes ministres. J’aimerais mieux assurément être jugé par le prince de Soubise, et par M. le duc de Praslin, que par le parlement de Toulouse.

Il faudrait, madame, que je fusse aussi fou que l’ami Jean-Jacques pour aller à Vezel. Voici le fait . Le roi de Prusse m’ayant envoyé cent écus d’aumône pour cette malheureuse famille des Sirven, et m’ayant mandé qu’il leur offrait un asile à Vezel ou à Clèves, je le remerciai comme je le devais ; je lui dis que j’aurais voulu lui présenter moi-même ces pauvres gens auxquels il promettait sa protection ; il lut ma lettre devant un fils de M. Tronchin, qui est secrétaire de l’envoyé d’Angleterre à Berlin. Le petit Tronchin, qui ne pense pas que j’ai soixante-treize ans, et que je ne peux sortir de chez moi, crut entendre que j’irais trouver le roi de Prusse ; il le manda à son père ; ce père l’a dit à Paris ; les gazetiers en ont beaucoup raisonné , et voilà comme on écrit l’histoire 2.

Puis fiez-vous à messieurs les savants.3

Il faut que je vous dise, pour vous amuser, que le roi de Prusse m’a mandé 4 qu’on avait rebâti huit mille maisons en Silésie. La réponse est bien naturelle  Sire, on les avait donc détruites ; il y avait donc huit mille familles désespérées. Vous autres rois, vous êtes de plaisants philosophes .

Jean-Jacques du moins ne fait de mal qu’à lui, car je ne crois pas qu’il ait pu m’en faire ; et Mme la maréchale de Luxembourg ne peut pas croire que j’aie jamais pu me joindre aux persécuteurs du Vicaire savoyard 5. Jean-Jacques ne le croit pas lui-même ; mais il est comme Chie-en-pot-la-Perruque 6, qui disait que tout le monde lui en voulait.

Savez-vous que l’horrible aventure du chevalier de La Barre a été causée par le tendre amour ? Savez-vous qu’un vieux maraud d’Abbeville, nommé Belleval, amoureux de l’abbesse de Vignancourt 7, et maltraité, comme de raison, a été le seul mobile de cette abominable catastrophe ? Ma nièce de Florian, qui a l’honneur de vous connaître, et dont les terres sont auprès d’Abbeville, est bien instruite de toutes ces horreurs . Elles font dresser les cheveux à la tête. Savez-vous encore, madame, que feu monsieur le dauphin, qu’on ne peut assez regretter, lisait Locke dans sa dernière maladie ? J’ai appris, avec bien de l’étonnement, qu’il savait toute la tragédie de Mahomet par cœur. Si ce siècle n’est pas celui des grands talents, il est celui des esprits cultivés.

Je crois que M. le président H[énault] a été aussi enthousiasmé que moi de M. le prince de Brunswick. Il y a un roi de Pologne philosophe qui se fait une grande réputation. Et que dirons-nous de mon impératrice de Russie ?

Je m’aperçois que ma lettre est un éloge de têtes couronnées , mais, en vérité, ce n’est pas par fadeur, car j’aime encore mieux leurs valets de chambre. Il m’est venu un premier valet de chambre du roi, nommé M. de La Borde, qui fait de la musique, et à qui monsieur le dauphin avait conseillé de mettre en musique l’opéra de Pandore. C’est de tous les opéras, sans exception, le plus susceptible d’un grand fracas. Faites-vous lire les paroles, qui sont dans mes œuvres 8, et vous verrez s’il n’y a pas là bien du tapage. Je croyais que M. de La Borde faisait de la musique comme un premier valet de chambre en doit faire, de la petite musique de cour et de ruelle . Je l’ai fait exécuter , j’ai entendu des choses dignes de Rameau. Ma nièce Denis en est tout aussi étonnée que moi, et son jugement est bien plus important que le mien, car elle est excellente musicienne.

Vous en ai-je assez conté, madame ? vous ai-je assez ennuyée ? Suis-je assez bavard ? Souffrez que je finisse en disant que je vous aimerai jusqu’au dernier moment de ma vie, de tout mon cœur, avec le plus sincère respect. »

1 Réponse à la lettre de la marquise du 18 septembre 1766 : https://fr.m.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6509

2 Charlot, I, 7 ; V* doit être en train de travailler à cet ouvrage lorsqu'il écrit cette lettre . Voir : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/didascal...*

5 Ce morceau est dans le troisième livre d’Émile.

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30/12/2021 | Lien permanent

s'il n'y fallait pas demander permission de penser

... Il serait peut-être quelques partis politiques, quelques pays , quelques religions où le port des oeillères et de la bride et du mors serait banni à jamais , mais je crois bien que je rêve, que je m'illusionne , hélas .

Pour actualiser mes opinions, Roger Karoutchi, UMP, vient de me donner un bel exemple de pensée fuyante ; lors de l'émission ONPC, j'ai vu un admirable/détestable exemple de lâcheté d'un nanti sénateur qui est pour moi le type même du parasite , et dire qu'il n'est pas seul de son avis, ça donne des envies de révolution de la constitution . Gras à double menton, sapé comme un milord/mac ( trop poli pour être honnête  comme on dit ); pouah !! pas étonnant qu'il soit du bord  Sarkozy .

permission de penser.jpg

 Mon Dieu ! que penser ?

 

« A Pierre-Michel HENNIN. 1
Par Genève , aux Délices, 27 février 1760 .
Monsieur, vous êtes bien bon de vous ressouvenir de moi lorsque, après avoir vu le Pausilippe, vous allez revoir les salines de Pologne 2. J'aimerais comme vous l'Italie, s'il n'y fallait pas demander permission de penser à un jacobin 3; mais je n'aimerais pas la Pologne, quand même on y penserait sans demander permission à personne. Je vous souhaite beaucoup de plaisir, et à M. le marquis de Paulmy, avec les palatins et les palatines. Tâchez surtout de conserver votre santé dans vos voyages. Autrefois on envoyait chez les Suisses et chez les Polonais des hommes vigoureux qui tenaient tête, à table, aux deux républiques ; aujourd'hui on n'y envoie que des gens d'esprit. Leur seule instruction était : bibat aut moriatur 4; mais il paraît qu'aujourd'hui leur instruction est de plaire.
Vous avez, monsieur, à la tête des affaires étrangères, un homme 5 d'un rare mérite, bien fait pour connaître le vôtre. Je lui suis passionnément attaché par inclination et par reconnaissance.
Il donnera sûrement à son ministère plus de force et de noblesse qu'il n'en a eu jusqu'ici. Je souhaite qu'il soit aussi aisé d'avoir de l'argent qu'il lui est naturel d'avoir de grands sentiments.
Vous m'étonnez beaucoup, monsieur, de dire que vous repasserez par Berlin 6. Je me flatte au moins que vous ne verrez pas le roi de Prusse à Dresde. Jamais prince n'a donné plus de batailles et fait plus de vers. Plût à Dieu que, pour le bien de l'Europe, vous le trouvassiez à Sans-Souci faisant un opéra ! Vous trouverez le roi de Pologne moins poète et moins guerrier; mais vous ferez la Saint-Hubert avec lui, et c'est une grande consolation. Vous aurez le plaisir de voir en passant l'armée russe couchée sur la neige, et vous l'exhorterez à aller coucher à Leipsick.
Au reste, monsieur, je conçois que cette sorte de vie doit vous être agréable : ce sont toujours des objets nouveaux ; vous avez le plaisir de vous instruire, et de servir le roi : cela vaut bien les soupers de Paris, où, de mon temps, tout le monde parlait à la fois sans s'entendre. Je ne crois pas qu'aujourd'hui notre capitale ait lieu de penser qu'on n'est bien que chez elle. Je suis bien sûr que vous ne la regretterez pas plus dans vos voyages que moi dans ma retraite. Il faudrait être bien bon pour croire qu'on ne peut être heureux que dans la paroisse de Saint-Sulpice ou de Saint- Eustache.
Vous verrez probablement de grands événements : c'est le Nord qui est le grand théâtre ; mais c'est l'Angleterre qui joue le plus beau rôle. Le nôtre n'est pas aujourd'hui si brillant ; mais M. de Paulmy et vous, vous serez comme Baron et la Champmêlé, qui faisaient valoir les pièces de Pradon.
Je vous demande pardon de ne pas vous écrire de ma main, étant un peu malingre. Les sentiments de mon cœur pour vous n'en sont pas moins vifs ; je me vante d'avoir senti tout d'un coup tout ce que vous valez. Je vous prie de me conserver un peu d'amitié; je suis entièrement à vos ordres, et c'est avec tous les sentiments que vous méritez que j'ai l'honneur d'être passionnément,

monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

Si vous et M. de Paulmy étiez d'honnêtes gens, vous passeriez par chez nous. »

2 Hennin a écrit à V*, février 1760 : « J'ai parcouru l'Italie avec cette avide curiosité qu'il est si naturel d'avoir à mon âge […] J''espérais , monsieur, pouvoir à mon retour vous entretenir des merveilles qui se sont offertes à mes yeux pendant le peu de mois que j'ai passés dans ce beau pays . J'avais même à vous faire part de quelques anecdotes particulières qui vous intéressent et dont je comptais rire avec vous . Mais on s'est souvenu de moi […] on m'envoie en Pologne avec un traitement honnête et beaucoup de promesses […] Vous connaissez […] le nouvel ambassadeur et […] on ne peut pas être exilé en meilleure compagnie . Je dis exilé pour me conformer aux idées de ce pays-ci, car je serai plus injuste qu'un autre si j'essayais d'accréditer le préjugé badaud qu'on ne vit qu’à Paris . »

3 C'est-à-dire l'inquisition , voir la lettre du 21 mars 1760 à la duchesse de Saxe-Gotha où il développe l'allusion .

4 Qu'il boive ou qu'il crève .

5 Le duc de Choiseul.

6 « Je compte ne pas rentrer en France sans avoir revu Berlin […] il me sera doux d'entendre votre bruyant disciple dire quand j’étais un héros […] . »

 

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01/03/2015 | Lien permanent

Manu, Carole, frère et soeur de coeur

Hier soir, j’ai échappé aux séries plus ou moins policières, plus ou moins « gore » (souvent plus que moins d’ailleurs ) et j’ai vu qu’il y avait encore quelques espoirs à avoir dans l’humanité . Il est vrai que j’ai encore eu les boules en voyant le reportage sur la guerre de la bande de Gaza ;  triste spectacle que celui d’humains fous : de peur, de colère, d’incompréhension . Puis zapping aidant, j’ai vu les Français qui se débrouillent avec des revenus très modestes ( ce n’est pas rassurant dans ce cas de se sentir concerné ) : système D, utilisation du réseau social, bon cœur, bon courage . Carole Bouquet, femme somptueusement belle, a montré aussi qu’elle n’est pas seulement du monde « paillettes » et « bling bling » et qu’elle peut s’engager dans la défense des sans abris, n’hésitant pas à faire jouer ses relations, tout comme Voltaire le faisait dans la défense des victimes d’injustice et le « piston » pour ceux qu’il voulait aider . Des âmes  « bien pensantes » , puisque de droite majoritaire, se sont visiblement émues d’une telle démarche qu’ils mettent au rang de publicité personnelle de star en mal de reconnaissance ! Messieurs, je ne vous salue pas, je vous déteste,  vous qui , il n’y a pas si longtemps , faisiez des courbettes et du lèche-bottes à vos électeurs , promettant à tour de bras ce que vous seriez incapables de donner, frileux de vous engager dans une politique qui réduise la misère ! Restez dans vos bureaux douillets, nourris par les impôts que vous décidez de faire payer à ce peuple que vous ne voyez même pas .

Ensuite, joie et tristesse se sont mêlées au reportage sur Manu ( de la République, la place )et sa compagne ; émotion de voir les duretés des jetés à la rue et l’amour qui arrive et qui fait espèrer un avenir meilleur . Manu, tu as fait des « co… », tu le sais, tu le regrettes, ; tu es meilleur que ceux qui vont s’étonner que Benoit lève l’excommunication des évêques à deux sous intégristes et meilleur que les intégristes qui d’un seul coup vont perdre un statut de martyrs de la foi à courte vue .

 

Voltaire qui a beaucoup fréquenté le clergé se serait encore réjouit.

 

 

 

« A Pierre-Joseph Thoulier, Abbé d’Olivet, de l’Académie Française, à Paris

 

                           

                   Mon cher Cicéron, qui ne vivez pas dans le siècle des Cicéron, n’allez pas faire comme l’abbé Sallier [ mort le 9 janvier ], et l’abbé de Saint-Cyr [ mort le 14 janvier ]; vivez  pour empêcher que la langue et le  goût ne se corrompent de plus en plus ; vivez et aimez moi. Je vous prie d’avoir la bonté de me recommander de temps en temps à l’Académie, comme un membre encore plus attaché à son corps qu’il n’en est éloigné ; dites-lui que je respecterai, et que j’aimerai jusqu’au dernier moment de ma vie ce corps, dont la gloire m’intéresse. Tâchez, mon cher maître, de nous donner un véritable académicien, à la place de l’abbé de Saint-Cyr, et un véritable savant à la place de l’abbé Sallier. Pourquoi n’aurions –nous pas cette fois M. Diderot ? Vous savez qu’il ne faut pas que l’Académie soit un séminaire et qu’elle ne doit pas être la cour des pairs. Quelques ornements d’or à notre lyre sont convenables ;  mais il faut que les cordes soient à boyau, et qu’elles soient sonores.

 

                   On m’a mandé que vous aviez été à une représentation de Tancrède. Vous ne dûtes pas y reconnaître ma versification ; je ne l’ai pas reconnue non plus . Les comédiens qui en savent plus que moi, avaient mis beaucoup  de vers de leur façon dans la pièce. Ils auront à la reprise la modestie de jouer ma tragédie telle que je l’ai faite.

 

                   Je ne peux m’empêcher de vous dire ici que je suis saisi d’une indignation académique quand je lis nos nouveaux livres. J’y vois qu’une chose est au parfait, pour dire qu’elle est bien faite. J’y vois qu’on a des intérêts à démêler vis-à-vis de ses voisins, au lieu d’avec ses voisins ; et ce malheureux mot de vis-à-vis employé à tort et à travers.

 

                   On m’envoya il y a quelque temps une brochure, dans laquelle une fille était bien éduquée, au lieu de bien élevé. Je parcours un roman du citoyen de Genève moitié galant, moitié moral, où il n’y a ni galanterie, ni vraie morale, ni goût ; et dans lequel il n’y a d'autre mérite que celui de dire des injures à notre nation . L’auteur dit qu’à la comédie les Parisiens calquent les modes françaises sur l’habit romain. Tout le livre est écrit ainsi ; et à la honte du siècle, il réussira peut-être.[ Voltaire est en train d’écrire les Lettres de M. de Voltaire sur la Nouvelle Héloïse, qui paraitront sous le nom de Ximenes ]

 

                   Mon cher doyen, le siècle passé a été le précepteur de celui-ci ; mais il a fait des écoliers bien ridicules. Combattez pour le bon goût. Mais voudrez-vous combattre pour les morts ?

 

                   Adieu, je voudrais que vous fussiez ici, vous m’aideriez à rendre Mlle Corneille digne de lire les trois quarts de Cinna, et presque tout le rôle de Chimène et de Cornélie ; je dis presque tout, et non tout, car je ne connais aucun grand ouvrage parfait ; et je crois même que la chose est impossible.

 

                   Le Suisse V.

                   Au château de Ferney 22 janvier 1761 »

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23/01/2009 | Lien permanent

Nous autres voisins du Rhône, nous savons toujours les nouvelles quelques jours avant vous autres Parisiens

... Et pan sur le bec !

N'est-il pas vrai Mam'zelle Wagnière ?

 

au fil du rhone 6703.jpg

 Et qu'il me soit permis, tel ce grand fleuve Rhône charriant furieusement ce tronc, de vous faire part d'une nouvelle qui me hérisse le poil, qui une fois de plus ne me rassure pas, venant de czar Poutine 1er et de l'église orthodoxe qui reprend bêtement des attitudes dépassées .

"Halte à la censure imbécile !"  ou "halte à la censure, imbéciles !" ( l'un et l'autre se dit, ou se disent) :

http://www.lepoint.fr/culture/priere-anti-poutine-les-pussy-riot-restent-en-detention-jusqu-en-2013-20-07-2012-1487752_3.php

 

 

 

« A M. le comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 16 juillet [1756]

Mon cher ange, on voit bien que vous ne m'écrivez pas les secrets de l'État, car vous m'envoyez vos lettres sans les cacheter. M. Tronchin, le conseiller de Genève 1, voit que vous attendez toujours avec impatience une tragédie; il y a grande apparence que la sienne 2 sera la première que vous aurez. Je vous servirai un peu plus tard. Il est permis d'être lent à mon âge. Vous me pardonnerez bien de préférer quelque temps Louis XIV aux héros de l'antiquité. Je ne pourrai être absolument à leurs ordres et aux vôtres que quand j'aurai mis le Siècle de Louis XIV dans son nouveau cadre.
Souffrez que je me défie un peu de toutes les anecdotes; celle des campements du prince Eugène, depuis le Quesnoi jusqu'à Montmartre, est plus que suspecte. Comment veut-on qu'on ait pris à Denain ce projet de campagne? Le prince Eugène n'avait pas son portefeuille dans les retranchements de Denain, où il n'était pas. Je ne veux pas ressembler à ce La Beaumelle, qui répète tous les bruits de ville à tort et à travers, qui paraît avoir été le confident de Monseigneur et de Mlle Choin, et qui parle du duc d'Orléans comme s'il avait souvent soupé avec lui.
Si jamais on imprime les Mémoires du marquis de Dangeau, on verra que j'ai eu raison de dire qu'il faisait écrire les nouvelles par son valet de chambre. Le pauvre homme était si ivre de la cour qu'il croyait qu'il était digne de la postérité de marquer à quelle heure un ministre était entré dans la chambre du roi. Quatorze volumes sont remplis de ces détails. Un huissier y trouverait beaucoup à apprendre, un historien n'y aurait pas grand profit à faire. Je ne veux que des vérités utiles. J'ai cherché à en dire depuis le temps de Charlemagne jusqu'à nos jours. C'est peut-être l'emploi d'un homme qui n'est plus historiographe, car ceux qui l'ont été ont rarement dit la vérité. Il y en a à présent de bien agréables à dire à M. le maréchal de Richelieu. J'étais fâché que ma prophétie courût, parce qu'on pouvait me soupçonner d'en avoir fait les honneurs mais j'étais fort aise d'être le premier à lui rendre justice. Il eut la bonté de me mander, le 29 du mois passé, l'accomplissement de ma prophétie. Nous autres voisins du Rhône, nous savons toujours les nouvelles quelques jours avant vous autres Parisiens.
M. le duc de Villars avait encore Mlle Clairon il y a trois jours. Je lui ai écrit, à cette Idamé; et si ma santé le permettait, j'irais l'entendre à Lyon mais je sens que je ne me transplanterais que pour venir vous voir, mon cher ange. Je pourrais bien faire cette partie l'année prochaine, avec quelques héros à cothurne et quelques héroïnes. Il n'est pas mal de se tenir quelque temps à l'écart c'est presque le seul préservatif contre l'envie et contre la calomnie, encore n'est-il pas toujours bien sûr.
Je ne sais pas comment Sémiramis aura réussi sans Mlle Clairon. Si la demoiselle Dumesnil continue à boire, adieu le tragique! Il n'y a jamais eu de talents durables avec l'ivrognerie. Il faut être sobre pour faire des tragédies et pour les jouer.
On me parait de tous côtés très-indigné contre La Beaumelle. Plusieurs personnes même trouvent assez étrange que cet homme soit tranquille à Paris, et que je n'y sois pas mais ces gens-là ne voient pas que tout cela est dans l'ordre. Adieu, mon divin ange; mes nièces vous embrassent. Mme de Fontaine est un miracle de Tronchin, si cela continue, vous la reverrez avec des tetons. Il fait bien chaud pour jouer Sémiramis; mais Crébillon ne fera-t-il pas jouer la sienne? c'est un de ses ouvrages qu'il estime le plus. Adieu; mille respects à tous les anges. »

 

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20/07/2012 | Lien permanent

Apparemment qu’on a voulu la dédommager un peu de ses pertes, et qu’on a cru qu’avec votre protection elle pourrait cont

... La ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, Agnès Pannier-Runacher, sans doute accro au sucre, laisse la bride sur le cou de l'industrie betteravière , grosse utilisatrice de pesticides cancérigènes reconnus, dans le même temps que les députés bannissent les PFAS sauf ceux de nos batteries de cuisine qui sont nos amis du quotidien bien entendu .

Voir :

https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/04/05/agricul...

et (bon appétit , l'ennemi est déjà en nous) : https://www.ecoconso.be/fr/content/comment-se-proteger-des-pfas

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol,comte d'Argental

18 septembre 1768

Il y a un Tronchin 1, mon cher ange, qui, lassé des tracasseries de son pays, va voyager à Paris et à Londres, et qui n’est pas indigne de vous. Il a souhaité passionnément de vous être présenté, et je vous le présente. Il doit vous remettre deux paquets qu’on lui a donnés pour vous. Je crois qu’ils sont destinés à cette pauvre sœur d’un brave marin 2 tué en Irlande, laquelle fit, comme vous savez, un petit voyage sur terre 3, presque aussi funeste que celui de son frère sur mer. Apparemment qu’on a voulu la dédommager un peu de ses pertes, et qu’on a cru qu’avec votre protection elle pourrait continuer plus heureusement son petit commerce. Je crois qu’il y a un de ces paquets venu d’Italie, car l’adresse est en italien . L’autre est avec une surenveloppe 4 à M. le duc de Praslin.

Pour le paquet du petit Desmahis, je le crois venu à bon port ; il fut adressé, il y a quinze jours, à l’abbé Arnaud, et je vous en donnai avis par une lettre particulière.

Je crois notre pauvre père Thoulier 5, dit l’abbé d’Olivet, mort actuellement, car, par mes dernières lettres, il était à l’agonie. Je crois qu’il avait quatre-vingt-quatre ans. Tâchez d’aller par-delà, vous et Mme d’Argental, quoique, après tout, la vieillesse ne soit pas une chose aussi plaisante que le dit Cicéron 6.

Vous devez actuellement avoir Lekain à vos ordres. C’est à vous à voir si vous lui donnerez le commandement du fort d’Apamée 7, et si vous croyez qu’on puisse tenir bon dans cette citadelle contre les sifflets. Je me flatte, après tout, que les plus dangereux ennemis d’Apamée seraient ceux qui vous ont pris, il y a cent ans, Castro et Ronciglione 8 ; mais, supposé qu’ils dressassent quelque batterie, n’auriez-vous pas des alliés qui combattraient pour vous ? Je m’en flatte beaucoup, mais je ne suis nullement au fait de la politique présente ; je m’en remets entièrement à votre sagesse et à votre bonne volonté. 

Je n’ai point vu le chef-d’œuvre d’éloquence de l’évêque du Puy 9 ; je sais seulement que les bâillements se faisaient entendre à une lieue à la ronde.

Dites-moi pourquoi, depuis Bossuet et Fléchier, nous n’avons point eu de bonne oraison funèbre ? est-ce la faute des morts ou des vivants ? les pièces qui pèchent par le sujet et par le style sont d’ordinaire sifflées.

Auriez-vous lu un Examen de l’Histoire d’Henri IV 10, écrite par un Bury ? Cet Examen fait une grande fortune, parce qu’il est extrêmement audacieux, et que, si le temps passé y est un peu loué, ce n’est qu’aux dépens du temps présent. Mais il y a une petite remarque à faire, c’est qu’il y a beaucoup plus d’erreurs dans cet Examen que dans l’Histoire d’Henri IV. Il y a deux hommes bien maltraités dans cet Examen : l’un est le président Hénault en le nommant, et l’autre que je n’ose nommer 11. Le peu de personnes qui ont fait venir cet Examen à Paris en paraissent enthousiasmées . Mais, si elles savaient avec quelle impudence l’auteur a menti, elles rabattraient de leurs louanges.

Adieu, mon cher ange ; adieu, la consolation de ma très languissante vieillesse.

N.B. Vous sentez bien que la crême des fromages qu'on envoie à la sœur du marin est pour vous 12 .

V.»

4 Littré ne cite aucun exemple de ce mot ; il s'explique par le fait que l'usage de l'enveloppe est encore exceptionnel à l'époque.

5 L’abbé d’Olivet n’est mort que le 8 octobre 1768.

6 Dans son traité De seneclute = «  De la vieillesse ».

8

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05/04/2024 | Lien permanent

si je meurs avant ce temps-là, vous serez couché sur mon testament pour un paquet de vers

... Je ne peux m'empêcher de penser que, maître es mots d'esprit, Voltaire fait ici un jeu de mots sur les vers qui nous attendent , six pieds sous terre ( encore un parallèle avec la poésie et ses vers à pieds ), selon la croyance populaire (sauf si on opte pour l'incinération ) . Nos funérailles prennent un tour bien amusant , sinon poétique .

 Image associée

 

 

 

 

« A Bernard-Louis Chauvelin

A Ferney 18è octobre 1763

Je présume que Votre Excellence a déjà fait l'acquisition d'un nouvel enfant ; que madame l'ambassadrice se porte à merveille, et que vous n'êtes occupé que de vos ouvrages, qui en vérité valent mieux que les miens .

Dès que vous aurez du loisir, j'enverrai donc à Votre Excellence ce qu’elle croit que je lui dois depuis le mois d'avril ; mais je vous avertis, monsieur, que ce n'est que de la prose ; et voici de quoi il est question .

Lorsque la veuve Calas présenta sa requête au Conseil, l'horreur que tout le monde témoigna contre le parlement de Toulouse fit croire à plusieurs personnes que c’était le temps d'écrire quelque chose d'approfondi, et du raisonné sur la tolérance 1. Une bonne âme se chargea de cette entreprise délicate ; mais elle ne voulut point publier son écrit, de peur qu'on n'imaginât que l'esprit de parti avait tenu la plume, et que cette idée ne fit tort à la cause des Calas ; peut-être l'ouvrage n'est-il pas indigne d’être lu par un homme d’État . J'aurai l'honneur de vous le faire tenir dans quelques jours .

Il y a aussi une petite brochure qui sert de supplément à l'Histoire universelle 2. Il y aurait de l'indiscrétion à vous l'envoyer par la poste ; et je ne prendrai cette liberté que sur un ordre précis .

Voilà pour tout de qui regarde le département de la prose . À l’égard du département des vers, je ne peux rien envoyer qu'en 1764, et si je meurs avant ce temps-là, vous serez couché sur mon testament pour un paquet de vers .

Je présente mes respects à madame l'ambassadrice, à monsieur votre fils aîné, et à monsieur son cadet .

V. »

1 On en conclut que la date de publication du Traité sur la tolérance est aux environs du 20 octobre 1763 .

2 Remarques pour servir de supplément à l'Essai sur l'histoire générale ; voir : https://archive.org/details/bub_gb_I4hLAIxmxz0C/page/n1

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16/10/2018 | Lien permanent

Il faut de la force pour traiter le beau sujet, l’intéressant sujet, mais le difficile sujet que j’ai trouvé

... Chaque candidat dressé sur ses ergots se dope à l'autosatisfaction .

A vous de juger des programmes présidentiels . Panorama détaillé des excellentes [sic] informations : https://www.ifrap.org/comparateurs/presidentielle-2022

Qu'en dites-vous ?

Séduire par les mots - 6. Séduire le destinataire sans tronquer la vérité -  Presses de l'Université de Montréal

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ArgentaI

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

3è novembre 1766

Mes divins anges, pour peu que l’état où je suis continue ou empire, vous serez mal servis. Il faut de la force pour traiter le beau sujet, l’intéressant sujet, mais le difficile sujet que j’ai trouvé 1. J’ai besoin d’une santé que je n’ai pas ; j’ai besoin surtout du recueillement et de la tranquillité qu’on m’arrache. Le couvent que j’ai bâti pour vivre en solitaire ne désemplit point d’étrangers ; et vous savez quelles horreurs, soit de Paris, soit d’Abbeville, ont troublé mon repos et affligé mon âme.

Voilà encore ce malheureux charlatan Jean-Jacques Rousseau qui sème toujours la tracasserie et la discorde dans quelque lieu qu’il se réfugie. Ce malheureux a persuadé à quelques personnes du parti opposé à celui de M. Hume que je m’entendais contre lui avec ce même Hume qui l’a comblé de bienfaits. Ce n’est pas assez de le payer de la plus noire ingratitude, il prétend que je lui ai écrit à Londres une lettre insultante 2, moi qui ne lui ai pas écrit depuis environ neuf ans. Il m’accuse encore de l’avoir fait chasser de Genève et de Suisse ; il me calomnie auprès de M. le prince de Conti et de Mme la duchesse de Luxembourg 3; il me force  ainsi de m’abaisser jusqu’à me justifier de ces ridicules et odieuses imputations. La vie d’un homme de lettres est un combat perpétuel, et on meurt les armes à la main.

Cela ne m’empêchera pas de traiter mon beau sujet, pourvu que la nature épuisée accorde encore cette consolation à ma vieillesse. Je serai soutenu par l’envie de faire quelque chose qui puisse vous plaire.

La troupe de Genève, qui n’est pas absolument mauvaise, se surpassa hier en jouant Olympie ; elle n’a jamais eu un si grand succès. La foule qui assistait à ce spectacle le redemanda pour le lendemain à grands cris. Je suis persuadé que Mlle Durancy ferait réussir bien davantage Olympie à Paris ; et, par tout ce que j’apprends d’elle, je juge qu’elle jouerait mieux le rôle d’Olympie que Mlle Clairon. Tâchez de vous donner ce double plaisir ; mais je vous avoue que je voudrais qu’on ne retranchât rien à la pièce. Toute mutilation énerve le corps et le défigure. Je n’ai point vu la représentation donnée à Genève ; je ne sors guère de mon lit depuis longtemps, mais je sais qu’on a joué la pièce d’après l’édition des Cramer, et je suis un peu déshonoré à Paris par l’édition de Duchesne.

Au reste, mes anges ne manqueront pas de pièces de théâtre. M. de Chabanon est bien avancé 4 ; La Harpe vient demain travailler chez moi. Si je vous suis inutile, mes élèves ne vous le seront pas.

J’espère enfin qu’Élie de Beaumont va faire jouer la tragédie des Sirven. Il est comme moi : il a été accablé de tracasseries et de chagrins, mais il travaille à sa pièce.

Vous m’assurez, mes divins anges, que M. le duc de Praslin trouve bon que j’emploie la protection dont il m’honore auprès de M. Du Clairon 5, commissaire de la marine à Amsterdam, au sujet de ces lettres défigurées que l’éditeur 6 de Rousseau a imprimées, et des notes infâmes dans lesquelles le seul Rousseau est loué, et presque toute la cour de France traitée d’une manière indigne et punissable. Ces notes ont été faites à Paris, et il ne serait pas mal de connaître le scélérat. Un mot d’un premier commis, au nom de M. le duc de Praslin, suffirait à M. Du Clairon.

Que mes anges agréent toujours ma tendresse inaltérable et respectueuse.

V. »

1 Les Scythes, dont il a déjà parlé dans la lettre du 26 septembre 1766 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/12/30/il-est-vrai-que-j-ai-ete-indigne-de-certaines-barbaries-velc-6357692.html

2 La Lettre au docteur Pansophe.

4 Dans sa tragédie d’Eudoxie, en cinq actes et en vers, imprimée en 1769, sans avoir été représentée. Voir : https://books.google.fr/books?id=I3fzA7GTmfwC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

6 Marc-Michel Rey, libraire de Rousseau à Amsterdam. Le volume de Lettres dont Voltaire se plaint ne porte pas le nom d’Amsterdam, mais celui de Genève. L’annotateur était J.-B. Robinet ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Appel_au_public/%C3%89dition_Garnier

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31/01/2022 | Lien permanent

Quelle plus belle vengeance à prendre de la sottise et de la persécution que de les éclairer ... la vérité ne doit point

...

 

« A Claude-Adrien Helvétius

[vers le 15 mai 1763] 1

Orate fratres et vigilate 2. Sera-t-il donc possible que depuis quarante ans la Gazette littéraire ait infecté Paris et la France, et que cinq ou six honnêtes gens bien unis ne se soient pas avisés de prendre le parti de la raison ? Pourquoi ses adorateurs restent-ils dans le silence et dans la crainte ? Ils ne connaissent pas leurs forces . Qui les empêcherait d'avoir chez eux une petite imprimerie, et de donner des ouvrages utiles et courts dont leurs amis seraient les seuls dépositaires ? C'est ainsi qu'en ont usé ceux qui ont imprimé les dernières volontés de ce bon et honnête curé . Il est certain que son témoignage est du plus grand poids, et qu'il peut faire un bien infini . Il est encore certain que vous et vos amis vous pourriez faire de meilleurs ouvrages avec la plus grande facilité, et les faire débiter sans vous compromettre . Quelle plus belle vengeance à prendre de la sottise et de la persécution que de les éclairer . Soyez sûr que l'Europe est remplie d'hommes raisonnables, qui ouvrent les yeux à la lumière . En vérité le nombre en est prodigieux, et je n'ai pas vu depuis dix ans un seul honnête homme de quelque pays et de quelque religion qui fût, qui ne pensât absolument comme vous . Si je trouve en mon chemin quelque étranger qui aille à Paris et qui soit digne de vous connaître, je le chargerai pour vous de quelques exemplaires ( que j'espère avoir bientôt) du même ouvrage qu'un Anglais vous a déjà remis . C'est à peu près dans ce goût simple que je voulais qu'on écrivît . Il est à la portée de tous les esprits . L'auteur ne cherche point à se faire valoir, il n'envie point la réputation, il est bien loin de cette faiblesse . Il n'en a qu'une, c'est l'amour extrême de la vérité . Vous m'objecterez qu'il ne l'a dite qu'à sa mort . Je l'avoue, et c'est par cela même que son ouvrage doit faire le plus grand fruit, et qu'il faut le distribuer . Mais si on peut en faire un meilleur sans rien risquer, sans attendre la mort pour donner la vie aux âmes, pourquoi ne pas le faire ?3

Il y a cinq ou six pages excellentes et de la plus grande force dans une petite brochure qui paraît depuis peu, qui perce avec peine à Paris et que vous avez vue sans doute . C'est grand dommage que l'auteur y parle sans cesse de lui-même, quand il ne doit parler que de choses utiles . Son titre est d'une indécence impertinente, son ridicule d'amour-propre révolte . C'est Diogène, mais il s'exprime quelquefois en Platon . Croiriez-vous que ses audacieuses sorties contre un monstre respecté n'ont révolté personne et que sa philosophie a trouvé autant de partisans que sa vanité cynique a eu de censeurs ? Oh si quelqu'un pouvait rendre aux hommes le service de leur montrer les mêmes vérités dépouillées de tout ce qui les défigure et les avilit chez cet écrivain ! Que je le bénirais ! Vous êtes l'homme, mais je suis bien loin de vous prier de courir le moindre risque . Je suis idolâtre du vrai, mais je ne veux pas que vous hasardiez d'en être la victime . Tâchez de rendre service au genre humain sans vous faire le moindre tort . Ce sont là monsieur les vœux de la personne du monde qui vous estime le plus et qui vous est le plus attachée . J'ai l'honneur d'être votre très humble et très obéissante servante.

De Mitele. 4»

1 L'édition de Kehl date cette lettre de fin mars . La lettre semble suivre la lettre du 1er mai 1763 au même ; l' « Anglais » est Macartney et l'ouvrage qu'il porte le Catéchisme de l'honnête homme . D'autre part, V* a lu la Lettre à Christophe de Beaumont de JJ Rousseau .

2 Priez frères et soyez vigilants .

3 Dans l'édition originale de la Correspondance littéraire est imprimée à la date du 1er août 1763 une « Épître aux fidèles, par le grand apôtre des Délices  », suivie d'une « Seconde épître aux fidèles par le grand apôtre des Délices du 12 juillet 1763 » et d'une « Troisième épitre du grand apôtre à son fils Helvétius, du 26 juillet 1763 » . Toutes les éditions subséquentes dérivent de celle-là et n'apportent aucun renseignement nouveau . La première de ces trois lettres fut imprimée par Lefèvre comme une lettre à Helvétius du 2 juillet 1763 ; les Lettres inédites (1821) la donnent comme une lettre à Diderot placée en 1763 . depuis on est généralement revenu à la date du 2 juillet avec Helvétius comme destinataire . On peut conjecturer qu'il ne s'agit pas à proprement parler d'une « lettre » mais qu'en recevant la présente lettre Helvétius aurait demandé à V* de lui rédiger à partir de là un document destiné aux « fidèles » . Quoi qu'il en soit voici la première de ces trois lettres . On observera que les références ( notamment dans le titre) aux apôtres et à leurs « épîtres » rappellent qu'à cette époque (voir surtout Le Pot pourri) V* est en quelque sort jaloux de l’œuvre des fondateurs du christianisme, et rêve d'en être le prophète qui, avec ses « fidèles » ruinerait l'oeuvre du Christ :

« La seule vengeance qu'on puisse prendre de l'absurde insolence avec laquelle on a condamné tant de vérités en divers temps, est de publier souvent ces mêmes vérités, pour rendre service à ceux mêmes qui les combattent . Il est à désirer que ceux qui sont riches veuillent bien consacrer quelque argent à faire imprimer des choses utiles ; des libraires ne doivent point les débiter ; la vérité ne doit point être vendue .

Deux ou trois cent exemplaires, distribués à propos entre les mains des sages, peuvent faire beaucoup de bien sans bruit et sans danger . Il paraît convenable de n'écrire que des choses simples, courtes, intelligibles aux esprits les plus grossiers ; que le vrai seul, et non l'envie de briller, caractérise ces ouvrages ; qu'ils confondent le mensonge et la superstition, et qu'ils apprennent aux hommes à être justes et tolérants . Il est à souhaiter qu'on ne se jette point dans la métaphysique, que peu de personnes entendent, et qui fournit depuis toujours des armes aux ennemis . Il est à la fois plus sûr et plus agréable de jeter du ridicule et de l'horreur sur les disputes théologiques, de faire sentir aux hommes combien la morale est belle et les dogmes impertinents, et de pouvoir éclairer à la fois le chancelier et le cordonnier . On n'est parvenu, en Angleterre, à déraciner la superstition que par cette voie .

Ceux qui ont été quelquefois les victimes de la vérité, en faisant débiter par des libraires des ouvrages condamnés par l'ignorance et par la mauvaise foi, ont un intérêt sensible à prendre le parti qu'on propose . Ils doivent sentir qu'on les a rendus odieux aux superstitieux, et que les méchants se sont joints à ces superstitieux pour décréditer ceux qui rendaient service au genre humain .

Il paraît donc absolument nécessaire que les ages se défendent , et ils ne peuvent se justifier qu'en éclairant les hommes . Ils peuvent former un corps respectable, au lieu d'être des membres désunis que les fanatiques et les sots hachent en pièces. Il est honteux que la philosophie ne puisse faire chez nous ce qu’elle faisait chez les anciens ; elle rassemblait les hommes, et la superstition a seule chez nous ce privilège . »

4 Cette signature est fortement biffée sur le manuscrit . Il n'est pas possible de l'expliquer, quoiqu'elle ait certainement un sens à la façon des anagrammes du Pot pourri (Mansebo = Böseman ; etc.) et des romans et contes .

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11/05/2018 | Lien permanent

” ... les hommes sont inconséquents, c'est qu'ils sont injustes. » Ces mots étaient une prophétie; supprimons-la

 ... Et coupons toutes les têtes qui dépassent !

"Les hommes, lorsqu'ils ne sont plus que l'ombre d'humains résonnent comme des cruches et raisonnent comme leurs pieds !" : paroles de pigeon voyageur  .

 tête perdue 7674.JPG

 En attendant le TGV, le 30/6/2012

 

« A M. THIERIOT.

Aux Délices, 30 avril [1756]

Je viens de lire la gazette, et, en conséquence, je vous prie, mon ancien ami, de faire corriger la note 1 sur Bayle, s'il en est temps. Je ne veux point me brouiller avec gens qui traitent si durement Pierre Bayle. Le parlement de Toulouse honora un peu plus sa mémoire; mais altri tempi, altre cure. L'auteur des Notes sur le Sermon de Lisbonne ne pouvait prévoir qu'on ferait une Saint-Barthélemy de Bayle, du pauvre jésuite Berruyer 2, de l'évêque de Troyes 3, et de je ne sais quelle Christiade 4. Il faut retrancher tout ce passage « Je crois devoir adoucir ici, etc. » (page 20), et mettre tout simplement: « Tout sceptique qu'est le philosophe Bayle il n'a jamais nié la Providence, etc. » et, à la fin de la note, il faut retrancher ces mots: « C'est que les hommes sont inconséquents, c'est qu'ils sont injustes. » Ces mots étaient une prophétie; supprimons-la. Les prophètes n'ont jamais eu beau jeu dans ce monde. Mettons à la place « C'est apparemment pour d'autres raisons qui n'intéressent point ces principes fondamentaux, mais qui regardent d'autres dogmes non moins respectables. » Je vous prie, mon ancien ami, de ne pas négliger cette besogne; elle est nécessaire. Il se trouve, par un malheureux hasard, que la note, telle qu'elle est, deviendrait la satire du discours d'un avocat
général 5 et d'un arrêt du parlement; on pourrait inquiéter le libraire, et savoir mauvais gré à l'éditeur le pauvre père Berruyer sera de mon avis. Tâchez donc, mon ancien ami, de raccommoder par votre prudence la sottise du hasard.
Je crois actuellement M. de Richelieu dans Port-Mahon, il n'est pas allé là par la cheminée 6.
Je vous embrasse de tout mon cœur. »

 

 1 Voir la lettre du 3 mai à d'Argental . L'arrêt de la cour de parlement du 9 avril 1756, sur le réquisitoire d'Omer Joly de Fleury, condamnait à être supprimés ou lacérés et brulés, non le Dictionnaire de Bayle, mais son Analyse raisonnée (par le jésuite de Marsy), 1755, 4 vol. in-12 (auxquels Robinet en ajouta quatre en 1773); la Christiade, dont il est parlé tome XX, page 32; les première et seconde parties de l'Histoire du peuple de Dieu, par Berruyer.

3 Mathias Poncet de La Rivière, évêque de Troyes en 1742, Voir tome XVI, note 6, page 88.

6 Richelieu s'introduisait chez Mme de La Popelinière par une cheminée tournante.

 

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03/07/2012 | Lien permanent

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