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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Leur impertinente démarche ne mérite que des croquignoles

 Note rédigée le 24 juillet 2011 pour parution le 20 décembre 2010 .

croquignoles kid paddle.jpg

 

 

 

« A Gabriel Cramer

 

[vers le 20 décembre 1763]

 

Vous savez, caro, que votre f. consistoire a dénoncé la lettre de l'autre quakre 1, à votre Conseil 2. Il faut que ces gens-là soient enragés . Il m'est tombé entre les mains une de ces lettres . Il n'y a rien qui regarde ces polissons ni qui puisse offenser directement le premier établissement de leur polissonnerie . Leur impertinente démarche ne mérite que des croquignoles . Cependant vous voyez bien quel esprit d'animosité et de vertige les anime . Ils se doutent que vous avez imprimé la Lettre du quakre . Ils veulent la faire condamner pour vous exclure de l'auditorerie 3. J'ai donné à M. Bertrand la seule lettre quakerienne qui me restât . Si vous n'en avez pas laissé courir de copie je ne conçois pas comment ces animaux-là en ont attrapé une . Attendez, je me souviens encore que j'en ai donné une à Constant qui peut-être l'aura donnée au professeur 4 qui l'aura donnée à un prêtre .

 

Je serais fâché qu'il y eut un éclat et d'autant plus fâché que je rends actuellement un service important au Conseil.5

 

Vous pourriez engager M. le syndic Cramer 6 à diriger le Conseil dans cette affaire ; le parti le plus sage serait de répondre aux cuistres qu'on veillera sur l'écrit dénoncé, qu'on empêchera le débit s'il y en a dans Genève, et de s'en tenir là .

 

Quant aux barbares du consistoire de Berne, vous savez qu'ils sont gomaristes, et qu'ils ont pu être choqués d'une note de la Tolérance qui déclare le dogme de Gomar un dogme infernal 7. Or, comme ces messieurs sont très infernaux, ils ont agi selon leur vocation .

 

Je croyais que vous étiez instruit du changement de scène à Versailles et de la nomination d'un conseiller du parlement à l'administration des finances .8

 

Puisque vous voulez des nouvelles de notre pays, Bigot, intendant du Canada, et trois consorts condamnés au bannissement perpétuel 9, confiscation et restitution, les autres accusés à un bannissement limité, et la France condamnée à perdre le Canada .10

 

Pour vous Messieurs, vous êtes condamnés éternellement aux tracasseries . Interim vale et me ama.

 

N.B.- Tâchez de déterrer le délateur . Voyez à qui vous avez donné des Quaker, car vous savez que je n'en ai pas envoyé à Genève . »

1 A savoir le quaker prétendu auteur de la Lettre d'un quakre à Jean-George Lefranc de Pompignan, évêque du Puy-en-Velay,etc.etc.…, par opposition au quaker Claude Gay dont il était question le 12 novembre et le 9 décembre .

http://www.voltaire-integral.com/Html/25/03_Quaker1.html

2 La requête du consistoire contre la Lettre d'un quakre est notée dans les Registres de la Compagnie des pasteurs le 8 décembre, elle est transmise au Conseil le 10 ; le résultat négatif de l'enquête ordonnée par le Conseil est annoncé le 14 .

3 Charge d'auditeur au Conseil de Genève qui venait d'être conférée à Gabriel Cramer .

4 Pictet .

5 V* faisait « prier » le duc de Praslin , par les d'Argental, de présenter Crommelin au duc de Choiseul ( qui est par son ministère « colonel général des suisses ») et d'appuyer un mémoire que Crommelin, représentant de Genève à Paris, devait présenter au sujet du problème des recrues qui embarrasse « extrêmement » le Conseil de Genève . Choiseul fera une réponse favorable à V* qui la communiquera au Conseil le 15 janvier 1764.

Jean-Pierre Crommelin : page 360 : http://books.google.fr/books?id=jjiha4kR_z0C&pg=PA360...

6 Jean Cramer, cousin de Gabriel et syndic en 1763 .

7 V* écrit cette note du chapitre IV : « Gomar … soutint … que Dieu a destiné de toute éternité la plus grande partie es hommes à être brûlés éternellement ; ce dogme infernal fut soutenu … par la persécution ... ». Page 423 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80022x/f428.image

8 Charles-Clément-François de Laverdy avait remplacé Bertin le 12 décembre . http://en.wikipedia.org/wiki/Cl%C3%A9ment_Charles_Fran%C3...

http://en.wikipedia.org/wiki/Henri_L%C3%A9onard_Jean_Bapt...

9 Occasion de plaisanterie pour V* qui écrit le 21 décembre à Damilaville : « Je sais l'aventure des bigots . Voilà le seul bigot qu'on ait puni. » François Bigot avait été condamné pour fraude. Page 346 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80036m/f351.image.r...

10 Ce qui sera effectif par le traité de Paris de février 1763. http://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Paris_(1763)

 

 

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20/12/2010 | Lien permanent

Je n'aime point du tout que le singe me prenne pour le chat, et qu'il se serve de ma patte pour tirer les marrons du feu

... Mis en ligne le 17/11/2020 pour le 3/9/2015

 

 

« A Gabriel Cramer

Mercredi matin [3 septembre 1760]

Voici L’écossaise 1; il faut commencer par imprimer L’épître dédicatoire ; ensuite la Lettre de Jérôme Carré aux Parisiens, que monsieur Cramer doit avoir dans le petit recueil que je n'ai point , parce que le relieur ne me l'a pas encore rendu . Je suis obligé de dire avec douleur qu'il y a des pages entières dans l'histoire du Czar , où l'encre n'a point mordu sur le papier . Je soupçonne que c'est parce que le papier des exemplaires à moi envoyé est un peu trop gros . Monsieur Cramer m'avait promis du papier de Hollande pour les présents que je dois faire ; j'aurais voulu avoir à présenter à Mgr l’Électeur palatin un exemplaire relié ; si monsieur Cramer veut avoir la bonté de m'en envoyer un, je lui serai très obligé .

Je crois qu'il est nécessaire de tirer au moins deux cent cinquante exemplaires du petit mémoire envoyé de Paris touchant Fréron 2; il importe à la société que cet homme soit connu à Paris et dans les provinces, et que ses feuilles soient décriées . Monsieur Cramer y est d'autant plus intéressé que j’espère lui procurer avant qu'il soit un mois, l'impression du Journal encyclopédique 3.

Bardin m'a envoyé une petite brochure intitulée Dialogues chrétiens 4. Votre professeur Vernet, docteur en théologie, est cruellement déchiré dans le second dialogue, c'est-à-dire qu'il est peint trait pour trait ; je savais une partie des petites anecdotes rapportées dans ce 2è dialogue ; mais je ne sais point ce que c'est que son aventure à propos du livre de la vie heureuse de La Mettrie, dont il est question ; l'éditeur s'est avisé de mettre un gros M. V... à la tête de cette brochure, il aurait dû plutôt en faire honneur à M. C... Je n'aime point du tout que le singe me prenne pour le chat, et qu'il se serve de ma patte pour tirer les marrons du feu ; ce n'est pas que je ne sois fort aise avec tous les honnêtes gens que ce Vernet soit vilipendé, c'est un homme pour qui j'ai, comme vous , le plus profond mépris ; et si jamais je le rencontre devers Tournay, je lui en donnerai des preuves , mais je ne veux point d'un honneur que je ne mérite pas, et je ne veux pas absolument qu'on prenne le C... pour le V... Il y a répétition vers les trois heures à Tournay . Si je peux envoyer un carrosse j'en enverrai un . J'embrasse de tout mon cœur Caro Gabriele 5.

Jeanne l'abandonnée se lamente de n'avoir pas d'anciens romans pour sa préface , et l'Histoire générale a besoin de la perpétuité de la foi,6 et de la réponse du ministre Claude 7. Ista debuit facere, et illa non omittere . Quid novi hodie mane?8 »

1 Ceci se réfère non au Café (Cramer, 1760), mais au texte publié dans la Collection complète des œuvres de M. de Voltaire, 1761 .

3 Voir la lettre du 27 août 1760 à Pierre Rousseau : et les propositions que V* y fait au directeur du Journal encyclopédique : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/11/16/ce-n-est-pas-un-bon-moyen-de-faire-connaitre-un-ouvrage-que-6277700.html

5 Cher Gabriel .

7 Jean Claude : Réponse aux deux traités intitulés « La Perpétuité de la foi de l'église catholique touchant l'eucharistie, 1665 .

8 Il devait faire ceci, et ne pas faire cela . Quoi de nouveau ce matin ?

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03/09/2015 | Lien permanent

Ô président de mon âme, quelle belle chose que la politique ! Comme on se moque de nous, et de la morale dont on se pare

... Vive la France et les patates frites ! Depuis Villers-Cotterêts jusqu'au reste du royaume franc !

A bas l'écriture inclusive , cette invention de coupeurs de cheveux en quatre, véritables emm..eurs.euses ! Petit point :  image de leurs cerveaux .

 

 

« A Charles-Jean-François Hénault

A Ferney le 14 mars 1768 1

Non, mon illustre et cher confrère ; non, malgré toute ma tendresse et mon estime infinie pour vous, je ne reçois votre justification qu'en gémissant ; et je ne puis vous faire une excuse que ma douleur démentirait . Je n'ai point lu les additions 2 ; je ne savais pas même qu'il y en eût . Votre livre est chez le relieur et n'en reviendra pas sitôt ; je n’eus que le temps de lire l'article « Servet » dont on m’avait déjà instruit . Vous savez d'ailleurs que cet excellent ouvrage étant un dictionnaire des faits, des usages, des droits des compagnies, des lois principales, un homme de lettres peu savant, tel que je le suis, vous consulte quatre ou cinq fois par jour ; on lit l'article dont on a besoin, et on en profite . On ne va pas chercher les dissertations qui sont à la fin . Ces dissertations demandent une lecture suivie qu'on réserve pour les temps de loisir . J'ai donc lu « Servet », et j'ai été bien affligé . Je le suis d'autant plus que je sais certainement que Servet était un fou très honnête, et Calvin le plus malhonnête fanatique qui fut en Europe . C'était un maraud fait pour être grand inquisiteur, une âme atroce et sanguinaire, un monstre d'orgueil et de cruauté . Lisez sa lettre à un chambellan du roi de Navarre ; vous la trouverez tome III de l'Histoire générale, page 369, édition de 1761.

Ce n'est là qu'un trait léger de son caractère . Il n'y avait pas dans le parti opposé un homme plus haïssable que lui, et c’est beaucoup dire . J'ai été à portée dans mon voisinage d'apprendre des particularités de sa conduite qui font frémir .

D'ailleurs il ne s’agissait pas de tolérance entre Servet et lui . Servet n'était ni de son Église, ni de sa ville ; il passait son chemin sur la foi du droit des gens . C'était un voyageur tombé dans une caverne de voleurs .

Je vous répète que le meurtre de Calas est une action très pardonnable en comparaison de l'assassinat juridique commis sur la personne de Servet . Les juges de Calas ont été trompés par de faux indices ; mais les juges de Genève violèrent ouvertement tous les droits des nations . Servet ne demandait point la tolérance pour sa doctrine ; il ne demandait qu'à passer vite . Des cannibales en manteau noir se saisissent de lui, de son argent, et le brûlent à petit feu pour plaire à Calvin qui gouvernait la multitude . Aujourd'hui la moitié de la ville brûlerait Calvin et ceux qui oseraient lui ressembler. J'en ai appris de bonnes, vous dis-je . On apprend tous les jours, et c’est là ma grande consolation . Croiriez-vous bien, par exemple, qu'en 1667 Louis XIV fit un traité secret avec l'empereur, pour partager avec l'empereur les États de Charles II, roi d'Espagne, enfant qui était neveu de l'un et beau-frère de l'autre ? Je l'ai vu, ce traité ; je l'ai entre les mains .

Ô président de mon âme, quelle belle chose que la politique ! Comme on se moque de nous, et de la morale dont on se pare et de la religion dont on se dit le soutien ! Vous savez plaire aux hommes tout méchants qu'ils sont, et moi je les fais fuir . Il y a quinze ans que je ne vis réellement qu'avec moi-même, quoique j'aie été l’aubergiste de l'Europe ; je suis enfin retiré tout à fait, et je persisterai, à ce que je crois, jusqu’à la fin . Du moins, voilà comme je pense quant à présent 3, comme dit l'abbé de Saint-Pierre . Mais ce n'est pas quant à présent que je vous aime, c'est depuis cinquante ans, et jusqu’à mon dernier souffle .

Je ne date pas de si loin avec Mme Du Deffand, mais je ne lui suis pas moins attaché . »

1 Le manuscrit s'est trouvé autrefois dans les archives du château de Carrouges ( Orne ).

2 La huitième édition de l'Abrégé chronologique contient effectivement deux pages d’additions et de corrections, dont une se rapporte à Servet .

3 Dans le Dictionnaire philosophique, l'article « Influence » publié en 1771, V* écrit : « L'abbé de Saint-Pierre disait qu'il ne faut jamais prétendre avoir raison, mais dire : « Je suis de cette opinion quant à présent. »

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31/10/2023 | Lien permanent

Elle n’a pas saisi assez tôt une occasion favorable et unique qui se présentait. Elle a malheureusement manqué un marché

... On peut le dire de chacune des villes concurrentes de la France pour les Jeux olympiques d'Hiver 2030 . Les manoeuvres de couloir vont aller bon train , c'est une affaire de gros sous bien davantage que de sport, on le sait depuis longtemps .

Voir : https://www.lefigaro.fr/sports/jeux-olympiques/en-direct-...

Il y a près de deux siècles on a mis en route les Ateliers nationaux, maintenant on crée du travail en supportant le sport, loisir recherché . Qui va payer ?

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Aux pelles, citoyens !

 

 

« A Philippe de Claris, marquis de Florian

et à

Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaire, marquise de Florian

4è Avril 1768 à Ferney

Il est juste et nécessaire, mes chers Picards, que je vous parle avec confiance. Vous voyez les tristes effets de l’humeur. Vous savez combien madame Denis en a montré quelquefois avec vous. Rappelez-vous la scène qu’essuya M. de Florian. Elle m’en a fait éprouver encore une non moins cruelle. Il est triste que ni sa raison ni sa douceur ordinaire ne puissent écarter de son âme ces orages violents qui bouleversent quelquefois et qui désolent la société. Je suis persuadé que la cause secrète de ces violences qui lui échappaient de temps en temps était son aversion naturelle pour la vie de la campagne, aversion qui ne pouvait être surmontée que par une grande affluence de monde, des fêtes, et de la magnificence. Cette vie tumultueuse ne convient ni à mon âge de soixante-quatorze ans, ni à la faiblesse de ma santé. Je me voyais d’ailleurs très à l’étroit par la cessation du paiement de mes rentes, tant de la part de M. le duc de Virtemberg que de celle de M. le maréchal de Richelieu, et de quelques autres grands seigneurs. Elle est allée à Paris recueillir quelques débris, tant que je m’occuperai des affaires d’Allemagne. Malgré ce dérangement actuel, je lui fais tenir à Paris vingt mille francs de pension . Elle possède d'ailleurs douze mille livres de rente . Elle en aura beaucoup davantage . Je mourrais avec trop d’amertume si aucun de mes proches pouvait, à ma mort, m’accuser de l’avoir négligée. Je n’en ai pas assez fait pendant ma vie ; mais si je peux végéter encore deux années, j’espère que je ne serai pas inutile à ma famille. Je voulais vendre le château que j’ai fait bâtir pour votre sœur, afin de lui procurer tout d’un coup une somme considérable d’argent comptant, et je me privais volontiers des agréments de ce séjour, qui sont très grands sept à huit mois de l’année Elle n’a pas saisi assez tôt une occasion favorable et unique qui se présentait. Elle a malheureusement manqué un marché qui ne se retrouvera jamais. Pour moi, il ne me faut qu’une chambre pour mes livres, et une pour me chauffer pendant l’hiver. Un vieillard n’a pas de goûts chers.

Je sais tous les discours qu’on a tenus à Paris, tout ce qu’on a inséré dans les gazettes. Je suis accoutumé à ces sottises, qui s’anéantissent en deux jours. La Harpe a malheureusement donné lieu à tout cela par son infidélité, et par cet orgueil mêlé d’impolitesse et de dureté  qu’on lui reproche avec tant de raison . Cependant, loin de lui nuire, je lui ai pardonné, et je l’ai même défendu.

J’ai cru devoir à l’amitié et à la parenté le compte que je viens de vous rendre. Adieu, mes chers seigneurs d’Hornoy . Je dis toujours avec douleur : « Ah ! que Ferney n’est-il en Picardie ! ». Je vous embrasse tous deux tendrement.

V. »

 

 

 

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30/11/2023 | Lien permanent

une véhémente indignation contre les fripons et contre les fanatiques qui ont l’insolence de proscrire un art qu’ils dev

... Non seulement l'art théâtral, mais tous les arts distrayants et--ou rendant le monde plus beau , tout ce qu'un humain peut créer qui ne soit pas destructeur, ne pas être stupidement stérile comme tous ces adeptes de l'islamisme et des sectes  mortifères en tout genre .

En 1984, le 7 février, Jacques Chancel écrit :"L'Islam enveloppe la planète, l'embrase, l'assombrit . La pureté mobilise les turpitudes . Les fous de Dieu sont en route, les chiites, nouveaux fanatiques de cette fin de siècle, obéissent à la fois à une tradition millénaire et à un diable nommé Khomeyni qui a installé Allah dans ses pièges ... Si nous avons perdu le goût des croisades, les mollahs s'échinent eux, à réinventer la guerre sainte ... les prophètes ont changé de visage, ils ont des masques d'enfer ."[Le Guetteur de rives]

1917 – 2017, un siècle d'iconoclasme

On n'est pas loin de la réalité .

https://sauvonslart.com/1917-2017-un-siecle-diconoclasme/

 

 

 

« A Claire-Josèphe-Hippolyte Léris de La Tude Clairon

A Ferney, 23 juillet [1765]1

Si j’avais pu, mademoiselle, recevoir votre réponse avant de vous avoir écrit mon épître , cette épître vaudrait bien mieux . Car j’ai oublié cette louange qui vous est due d’avoir appris le costume aux Français. J’ai très grand tort d’avoir omis cet article dans le nombre de vos talents . Je vous en demande bien pardon, et je vous promets que ce péché d’omission sera réparé. Ménagez votre santé, qui est encore plus précieuse que la perfection de votre art. J’aurais bien voulu que vous eussiez pu passer quelque mois auprès d’Esculape-Tronchin . Je me flatte qu’il vous aurait mise en état d’orner longtemps la scène française à laquelle vous êtes si nécessaire. Quand on pousse l’art aussi loin que vous, il devient respectable même à ceux qui ont la grossièreté barbare de le condamner. Je ne prononce pas votre nom, je ne lis pas un morceau de Corneille ou une pièce de Racine, sans une véhémente indignation contre les fripons et contre les fanatiques qui ont l’insolence de proscrire un art qu’ils devraient du moins étudier, pour mériter, s’il se peut, d’être entendus quand ils osent parler. Il y a tantôt soixante ans que cette infâme superstition me met en colère. Ces animaux-là entendent bien peu leurs intérêts de révolter contre eux ceux qui savent penser, parler et écrire, et de les mettre dans la nécessité de les traiter comme les derniers des hommes. L’odieuse contradiction de nos Français, chez qui on flétrit ce qu’on admire, doit vous déplaire autant qu’à moi et vous donner de violents dégoûts. Plût à Dieu que vous fussiez assez riche pour quitter le théâtre de Paris et jouer chez vous avec vos amis, comme nous faisons dans un coin du monde où nous nous moquons terriblement des sottises et des sots ! J’ai bien résolu de n’en pas sortir . Mon unique souhait est que Tronchin soit le seul homme au monde qui puisse vous guérir, et que vous soyez forcée de venir chez nous .

Adieu mademoiselle, soyez aussi heureuse que vous méritez de l’être . Croyez que je vous admire autant que je méprise les ennemis de la raison et des arts, et que je vous aime autant que je les déteste. Conservez-moi vos bontés . Je sens tout ce que vous valez . C’est beaucoup dire.

V. »

1 Georges Avenel, suivant les éditeurs, date cette lettre du 23 juillet 1760, en pensant que l'épitre citée est l’Épître à Daphné publiée fin 1760, alors qu'il s'agit de L’Épître à Mlle Clairon , bien différente . On note que le 23, V* n'est pas encore sûr de l'arrivée de Mlle Clairon et il a pu envoyer la lettre à Lyon .

Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89p%C3%AEtres_(Voltaire)/%C3%89p%C3%AEtre_91

et : https://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89p%C3%AEtres_(Voltaire)/%C3%89p%C3%AEtre_95

J'aime particulièrement ces deux vers : 

« Une femme sensible, et que l’amour engage,
Quand elle est honnête homme, à mes yeux est un sage. »

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23/11/2020 | Lien permanent

La multitude épouvantable de livres qui s'accumulent de tous côtés ne permet peut-être pas qu'on entre dans beaucoup de

... Pas plus par écrits que par paroles . Qui pourrait encore se vanter d'être un Pic de La Mirandole sans le secours du Net ? personne bien sûr .

 

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« A Ivan Ivanovitch SCHOUVALOV.
22 avril 1760 , par Genève

aux Délices.
Monsieur, la personne qui est allée à Francfort-sur-le-Mein, et qui s'est chargée de s'informer de l'aventure du paquet du mois de septembre ou octobre dernier, me mande qu'on attend de Hambourg, tous les jours, une édition de l'Histoire de Pierre le Grand, sous le nom des libraires de Genève. Cette nouvelle est assez vraisemblable vu le rapport ci-joint du directeur des postes de Strasbourg 1; les libraires de Genève ont tiré à grands frais huit mille exemplaires de leur édition, qui leur restent entre les mains. Je fais l'impossible depuis quatre mois pour les apaiser. Je suis toujours entièrement aux ordres de Votre Excellence. Le plus grand de mes plaisirs, dans ma vieillesse, est de travailler au monument que vous érigez au plus grand homme du siècle passé. La multitude épouvantable de livres qui s'accumulent de tous côtés ne permet peut-être pas qu'on entre dans beaucoup de détails. L'esprit philosophique qui règne de nos jours permet encore moins un fade panégyrique. Le milieu entre ces deux extrémités est difficile à garder ; mais je ne désespère de rien, monsieur, quand je serai aidé de vos conseils et de vos lumières. Ce sera par votre seul moyen que je pourrai parvenir à ne blesser ni la vérité, ni la délicatesse de votre cœur, ni le goût des gens de lettres, qui seuls décident, à la longue, de la bonté d'un ouvrage. Je souhaite surtout que votre Histoire de Pierre le Grand, dans laquelle je ne suis que votre copiste, puisse servir de réponse aux calomnies répandues contre votre nation et contre votre auguste souveraine, dans le recueil qui vient de paraitre. J'ai l'honneur d'être, avec le plus respectueux dévouement,

monsieur,

de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire."

1 François-Louis Dufresnoy avait écrit à V* à ce sujet le 14 avril 1760 : « Je suis désolé des inquiétudes que vous occasionne le paquet que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser pour M. le comte de Keizerling . J'ai tout lieu d'espérer qu'il n'est pas perdu . J'écris à Vienne à M. de Sainte-Foix, secrétaire de l'ambassade pour en avoir des nouvelles . Vous me dites, monsieur, que le paquet n'est pas parvenu à Vienne ; je suis cependant assuré qu'il est parti à l'adresse de M. le comte de Choiseul ; mais il m'est impossible de m'en rappeler l'époque […] . Je me rappelle que je l'ai accompagné d'une lettre à M. de Sainte-Foix . Je lui mandais de quoi il était question […] si l'on vous mande vrai lorsqu'on vous assure que l'ouvrage s'imprime en Allemagne, le paquet a été volé , il ne sera pas impossible en ce cas de se faire rendre raison de cet attentat . La dépêche était adressée à M. de Choiseul . Si monsieur l'ambassadeur ne l'a pas reçue, le soupçon ne peut tomber que sur le bureau de Nuremberg . J'attends, monsieur, avec autant d'impatience que vous même , la réponse de monsieur de Sainte-Foix. ».

 

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20/04/2015 | Lien permanent

il est sensible à la gloire. C'est par là seulement qu'on peut obtenir quelque chose de lui

 http://www.deezer.com/listen-2239568

 

 

 

 

« A Louise-Dorothée Von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

 

A Strasbourg 22 septembre [1753]

 

Madame,

 

Après avoir écrit à Votre Altesse sérénissime la lettre qu'elle m'ordonne de lui envoyer [i], je me livre à mon étonnement, aux transports de ma sensibilité, à tout ce que je dois à votre cœur adorable. Madame, il n'y a que vous au monde auprès de qui je voulusse finir ma vie. Je me suis arrêté auprès de Strasbourg uniquement pour finir cet ouvrage que Votre Altesse Sérénissime m'avait commandé [ii]. Le hasard qui conduit tout a voulu que j'eusse ici un bien assez considérable qui est dans une terre d'Alsace appartenant à Mgr le duc de Virtemberg [iii]. Votre Altesse Sérénissime sent bien que la fortune ne peut jamais être un motif pour souhaiter les bonnes grâces du roi de Prusse. Non, Madame,je ne veux que les vôtres, et si je peux ambitionner quelque retour de sa part, c'est uniquement parce que je vous le devrai. Mon cœur est pénétré de ce que vous daignez faire, c'est le seul sentiment dont je sois capable. Je dois vous ouvrir, Madame, un cœur qui est entièrement à vous. Il est clair que le premier pas dans toute cette abominable affaire est la lettre que fit imprimer le roi de Prusse contre Koenig et contre moi [iv]. Il est clair que ce premier faux pas si indigne d'un roi a conduit toutes les autres démarches. L'outrage affreux fait à ma nièce dans Francfort a indigné toute l'Europe, et la cour de Versailles comme celle de Vienne. Que peut-on espérer, Madame , d'un homme qui n'a point réparé cette indignité, et qui au contraire a disculpé en quelque sorte ses ministres en écrivant à la ville de Francfort, tandis qu'il les désavouait à Versailles ?[v] Pensez-vous, Madame, qu'il ait un cœur aussi bon, aussi vrai que le vôtre ? pensez-vous qu'il respecte l'humanité et la vérité ?

 

Du moins il est sensible à la gloire. C'est par là seulement qu'on peut obtenir quelque chose de lui ; et puisque vos bontés généreuses ont commencé cet ouvrage, il ne faut pas qu'elles en aient le démenti. Peut-être qu'en effet M. de Gotter pourra quelque chose [vi], surtout s'il n'est pas de lui ; mais il pourra bien peu sans Mme la margrave de Bareith. Sans doute, Madame, le roi voudra se justifier auprès de vous. Peut-il ne pas ambitionner votre estime ? mais il ne voudra que se justifier à mes dépens, plus jaloux de pallier son tort que de le réparer. Il est roi, il a cent cinquante mille hommes, il peut m'écraser, mais il ne peut empêcher qu'une âme comme la vôtre ne le condamne secrètement.

 

Il en sera tout ce qui pourra [vii]. Je suis trop heureux, les bontés de Votre Altesse Sérénissime me consolent de tout. La forêt de Thuringe ne me fait plus trembler. Gotha devient le climat de Naples. Puissé-je après la révision de mes empereurs venir me jeter à vos pieds ! Mon cœur y est, il y parle à Madame la grande Maîtresse, il dit qu'il veut ne respirer que pour Votre Altesse Sérénissime, il est votre sujet jusqu'au tombeau avec le plus profond respect.

 

V. »

iLa duchesse voulant réconcilier V* et Frédéric a demandé à V* d'écrire une mettre ostensible devant être présentée au roi.

ii Les Annales de l'Empire.

iii Ce sont des terres appartenant au duc et qui garantissent un prêt de V*.

iv Lettre d'un académicien de Berlin à un académicien de Paris.

v A milord Maréchal, ambassadeur à Paris de Frédéric II, celui-ci écrit le 28 juin qu'il désapprouve « l'exactitude brutale » de son résident de Francfort et se propose de « redresser le passé ». A contrario, le 24 juillet et le 4 août, il répond à quelques représentations du Conseil de Francfort par un réquisitoire contre V* et Mme Denis et une justification presque totale des fonctionnaires prussiens.

vi Ce même jour, V* écrit à la margravine : « Mme la duchesse de Gotha ... a chargé M. de Gotter de parler au roi votre frère ... Gotter, né à Gotha est au service de la Prusse.

vii Le 24 novembre à Mme Denis : « C'était Mme la duchesse de Gotha, que la bonté de son cœur avait séduite, qui se flattait de faire parvenir le repentir dans un cœur qu'elle ne connait pas ... Il n'y a rien à faire avec un homme né faux. »

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22/09/2010 | Lien permanent

Je ne vois partout que des extravagances, des systèmes de Cyrano de Bergerac dans un style obscur ou ampoulé... je suis

...

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

2 de septembre [1768]

Comment donc ! il y avait de très beaux vers dans la pièce de La Harpe ; le sujet même en était très intéressant pour les philosophes ; longue et monotone , d’accord ; mais celle du couronné est-elle polytone 1? En un mot, il nous faut des philosophes ; tachez donc que ce M. de Langeac le soit 2.

Je suis, mon cher ami, aussi malingre que Damilaville, et j’ai d’ailleurs trente ans plus que lui. Il est vrai que j’ai voulu tromper mes douleurs par un travail un peu forcé, et je n’en suis pas mieux. Est-il vrai que notre doyen d’Olivet a essuyé une apoplexie 3? je m’y intéresse. L’abbé d’Olivet est un bon homme, et je l’ai toujours aimé. D’ailleurs il a été mon préfet dans le temps qu’il y avait des jésuites. Savez-vous que j’ai vu passer le Père Le Tellier et le Père Bourdaloue 4, moi qui vous parle ?

Vous me demandez de ces rogatons imprimés à Amsterdam, chez Marc-Michel Rey, et débités à Genève chez Chirol ; mais comment, s’il vous plaît, voulez-vous que je les envoie ? par quelle adresse sûre, sous quelle enveloppe privilégiée ? Qui veut la fin donne les moyens, et vous n’avez aucun moyen. Je me servais quelquefois de M. Damilaville, et encore fallait-il bien des détours ; mais il n’a plus son bureau ; le commerce philosophique est interrompu. Si vous voulez être servi, dites-moi donc comment il faut que je vous serve ?

J’écrivis, il y a quelques jours, une lettre 5 à Damilaville, qui était autant pour vous que pour lui. J’exprimais ma juste douleur de voir que le traducteur de Lucrèce 6 adopte encore la prétendue création d’anguilles avec du blé ergoté et du jus de mouton 7. Il est bien plaisant que cette chimère d’un jésuite irlandais, nommé Needham 8, puisse encore séduire quelques physiciens. Notre nation est trop ridicule. Buffon s’est décrédité à jamais avec ses molécules organiques, fondées sur la prétendue expérience d’un malheureux jésuite. Je ne vois partout que des extravagances, des systèmes de Cyrano de Bergerac dans un style obscur ou ampoulé. En vérité, il n’y a que vous qui ayez le sens commun. Je relisais hier La Destruction des Jésuites ; je suis toujours de mon avis : je ne connais point d’ouvrage où il y ait plus d’esprit et de raison.

À propos, quand je vous dis que j’ai écrit à frère Damilaville, j’ignore s’il a reçu ma lettre, car elle était sous l’enveloppe du bureau où il ne travaille plus. Informez-vous-en, je vous prie ; dites-lui combien je l’aime, et combien je souffre de ses maux. Il doit être content, et vous aussi, du mépris où l’inf… est tombée chez tous les honnêtes gens de l’Europe. C’était tout ce qu’on voulait et tout ce qui était nécessaire. On n’a jamais prétendu éclairer les cordonniers et les servantes ; c’est le partage des apôtres 9. Il est vrai qu’il y a des gens qui ont risqué le martyre comme eux ; mais Dieu en a eu pitié. Aimez-moi, car je vous aime, mon très cher philosophe, et je vous rends assurément toute la justice qui vous est due. »

1 Ce paragraphe – et notamment l'emploi du néologisme polyton, qui répond à un monotone de d'Alembert – ne peut se comprendre que si on connaît le passage de la lettre de d'Alembert auquel répond V* . Voir : lettre : «  A Paris ce 26 août [1768]

« Vous m'avez entièrement oublié, mon cher et ancien ami ; vous n'avez fait aucune réponse à deux ou trois de mes lettres qu'en m'envoyant des vers qui m'ont fait beaucoup de plaisir, mais qui ne me dédommagerons pas de votre prose . Je vous sais très occupé, et je respecte vos moments . Comme je crois que vous vous intéressez toujours à M. de La Harpe, je dois vous dire qu'il n'a pas été aussi heureux cette année que les précédentes ; le prix de l'Académie lui a échappé . Sa pièce est bien écrite, mais elle a paru bien froide et bien monotone, ce sont plutôt de bons que de beaux vers, quoiqu’il y en ait quelques uns de ce dernier genre . Ce n'est pas que la pièce à laquelle on a donné le prix soit meilleure que la sienne, ce n'est pas même qu'elle soit bonne ; aussi mon avis était-il de ne la point couronner, non plus que les autres, et de remettre le prix à l'année prochaine . Je ne doute point que M. de La Harpe ne l'eut obtenu , avec un peu plus de chaleur et surtout une centaine de vers retranchés . Vous savez déjà sans doute que le prix a été donné à l'abbé Langeac, fils de la célèbre madame de Sabbatin . On dit du bien de ce jeune homme, mais ce n’est encore qu'un écolier, et même assez faible .

Il paraît dans vos cantons bien des feuilles volantes qu'il est presque impossible d'avoir ici . Je vous avais prié il y a longtemps de me procurer ce qui paraîtrait, et dont mes amis et moi sommes fort avides comme de raison ; mais vous être trop occupé pour songer à ces minuties . Adieu, mon cher maître, portez vous bien et n'oubliez pas tout à fait vos anciens amis . Notre pauvre Damilaville est dans un triste état . Je crains bien qu'il ne soit sans remède . »

2La pièce de vers présentée par La Harpe était intitulée Le Philosophe ou Sur les Avantages de la philosophie. Le prix fut adjugé à la Lettre d’un Fils parvenu à son Père laboureur, par l’abbé L'Espinasse de Langeac.

Voir : https://data.bnf.fr/en/13010434/egide_de_lespinasse_langeac/en.pdf

3 D'Olivet doit en effet mourir quelque temps après , le 8 octobre 1768 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Joseph_Thoulier_d%27Olivet

4 Michel Le Telleir est mort le 2 septembre 1719 , et Louis Bourdaloue le 13 mai 1704 . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Le_Tellier_(j%C3%A9s...)

et https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Bourdaloue

V* a pu en effet les rencontrer à Louis Le Grand ou ailleurs .

5 Cette lettre à Damilaville est perdue .

6 Lagrange (mort en 1775, à trente-sept ans). Voyez sa note sur le vers 719 du second chant de Lucrèce : page 361 : https://books.google.fr/books?id=1_ISJ9At6mYC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q=anguilles&f=false

9 Résurgence de l'opposition chère à V* entre les apôtres qui convertissent le peuple, et les « frères' qui qui convertissent le sprinces e tles classes dirigeantes.

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21/03/2024 | Lien permanent

Il règne, dans presque tous les ouvrages de ce temps-ci, une abondance d’idées incohérentes qui étouffent le sujet

... Ce n'est que trop vrai, et encore davantage si on ajoute aux livres , revues et journaux, tous les écrits et productions sur le Net .

Fake news et complotisme : ce sont poisons et virus qui n'ont d'antidote que la vérité, mais celui-ci n'est pas accepté par ceux qui en ont justement le plus besoin .

 

 

« A Michel-Paul-Guy de Chabanon

13è novembre 1765 au château de Ferney

Je fais passer ma réponse, monsieur, par madame votre sœur1, que j’ai eu l’honneur de voir quelquefois dans mes masures helvétiques. Vous m’avez envoyé l’épître de M. Delille 2, mais souvenez-vous que c’est en attendant votre Virginie 3.

Nardi parvus onyx eliciet cadum 4.

On fait de beaux vers à présent, on a de l’esprit et des connaissances : mais il est bien rare de faire des vers qui se retiennent et qui restent dans la mémoire, malgré qu’on en ait. Il règne, dans presque tous les ouvrages de ce temps-ci, une abondance d’idées incohérentes qui étouffent le sujet ; et quand on les a lus, il semble qu’on ait fait un rêve : on se souvient seulement que l’auteur a de l’esprit, et on oublie son ouvrage.

M. Delille n’est pas dans ce cas ; il pense d’ailleurs en philosophe, et il écrit en poète . Je vous prie de le remercier de la double bonté qu’il a eue de m’envoyer son ouvrage, et de me l’envoyer par vous. Je lui sais bon gré d’avoir loué Catherine. Elle m’a fait l’honneur de me mander 5 qu’elle venait de chasser tous les capucins de la Russie ; elle dit qu’Abraham Chaumeix est devenu tolérant, mais qu’il ne deviendra jamais un homme d’esprit. Elle en a beaucoup, et elle perfectionne tout ce que cet illustre barbare Pierre Ier a créé. Je suis persuadé que dans six mois on ira des bouts de l’Europe voir son carrousel : les arts et les plaisirs nobles sont bien étonnés de se trouver à l’embouchure du lac Ladoga.

Adieu, monsieur ; vivez gaiement sur les bords de la Seine, et faites-y applaudir Virginie. Je soupçonne son histoire d’être fort romanesque : elle n’en sera pas moins intéressante ; personne ne prendra plus de part à vos succès que votre très-humble, très-obéissant serviteur et confrère.

V. »

1 Mme de La Chabalerie .

4 Horace., Odes lib. IV, od. xii, v. 17 : Un petit onyx de nard fera sortir une jarre de vin .

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08/03/2021 | Lien permanent

que faire? comment faire? et à quoi bon travailler pour des ingrats?

 ... Pourrait bien être l'amère réflexion des députés mis hors circuit dimanche !

Pour certains, à ma grande satisfaction ! pour d'autres tout simplement en disant qu'il est bien temps pour une majorité d'entre eux de reprendre  place dans la vie commune de ceux qui ne sont pas dotés d'immunités (archaïques) et privilèges (monarchiques) .

Allez ! au boulot plébéiens !

http://www.lepoint.fr/politique/elections-legislatives/vi...

ingrat.jpg

 

 Et sans aucun rapport, sinon que je suis fan de Glenn Gould et qu'il m'accompagna lors de la rédaction de cette note :

http://www.youtube.com/watch?v=ZII_OWJcUfY&feature=related

 

« A M. le comte d'ARGENTAL.

Aux Délices, 1er avril [1756]

Je reçois votre lettre du 24 mars , mon divin ange que de choses j'ai à vous dire, Mme d'Argental a toujours mal au pied et le messie Tronchin est à Paris . I1 dit que je suis sage et que je me porte bien ah ! n'en croyez rien. Mon procureur dit qu'il m'avait envoyé une procuration , c'est ce qu'un procureur doit envoyer mais il n'en était rien avant vos bontés et avant que M. l'abbé de Chauvelin eût daigné employer auprès de lui son éloquence. J'écris 1 à M. l'abbé de Chauvelin pour le remercier; je ne sais point sa demeure , je lui écris à Paris.
Vous me parlez d'une Mlle Guéant 2; voilà ce que c'est que d'écrire trop tard! les Bonneau 3 sont plus alertes. Un Bonneau m'a écrit, il y a un mois, pour Mlle Hus 4, et mon respect pour le métier ne m'a pas permis de refuser. J'ai signé; j'ai donné Nanine à cette Hus ce n'est pas ma faute je ne suis qu'un pauvre Suisse mal instruit.
On me défigure à Paris, mon Petit Carême 5 est imprimé d'une manière scandaleuse. La jérémiade sur Lisbonne et la Loi naturelle sont deux pièces dignes de la primitive Église, Satan en a fait les éditions. A qui dois-je m'adresser pour vous faire tenir mes sermons avec les notes ? Parlez donc, écrivez donc un petit mot. Quand vous n'auriez pas eu la bonté de mettre à la raison mon procureur, je ne laisserais pas de songer pour vous à quelque drame bien extraordinaire, bien tendre, bien touchant, si Dieu m'en donne la force et la grâce. Mais que faire? comment faire? et à quoi bon travailler pour des ingrats? Moi Suisse, moi fournir la cour et la ville! Je prêche Dieu, et on dit au roi que je suis athée. Je prêche Confucius, et on lui dit que je ne vaux pas Crébillon. Le roi de Prusse ne m'a pas traité avec reconnaissance, et on imprime une Religion naturelle où je le loue 6 à tour de bras .
Comment soutenir tous ces contrastes? Heureusement j'ai une jolie maison et de beaux jardins, je suis libre, indépendant mais je ne digère point, et je suis loin de vous, et je mourrai probablement sans vous revoir.
On me mande que les Anglais sont à Port-Mahon. On me mande que nos affaires de Cadix 7 sont désespérées, et vous ne me dites pas comment va votre petit fait; vous me ferez prendre les tragédies en horreur. Mme Denis vous fait des compliments sans fin, et moi des remerciements et des reproches. Je vous embrasse. Je vous aime de tout mon cœur. »


1 Cette lettre nous est inconnue. (CL.)

2 Mlle Guéant était une jeune actrice d'une figure charmante, dit Grimm dans sa Correspondance littéraire du 1er octobre 1758. Née vers la fin de 1734, elle fut reçue le 12 décembre 1754 au Théâtre-Français, où elle avait paru, dès l'âge de trois et de six ans, dans des rôles d'enfants. Elle mourut, le 12 octobre 1758, de la petite vérole. (CL.) Voir page 247 : http://books.google.fr/books?id=GUoOAAAAIAAJ&pg=PA247&lpg=PA247&dq=mlle+gu%C3%A9ant&source=bl&ots=vsW1HmelK5&sig=7zAvZAHIFaqAAsY6cN8RDjebjxc&hl=fr&sa=X&ei=HqPfT-S7G4a50QX0mZT7CQ&ved=0CEEQ6AEwAA#v=onepage&q=mlle%20gu%C3%A9ant&f=false

3 Voir la Pucelle, chant I, vers 54 et 60. Page 3 : http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre957.html#page_3

5 C'est ainsi qu'il désigne son Poème sur le désastre de Lisbonne .

6 La Harpe prétend que Voltaire, après ses brouilleries avec Frédéric, passa quelque temps chez la margrave de Baireuth c'est une erreur; il confond cette princesse avec la duchesse de Saxe-Gotha. Si Voltaire fût allé chez Wilhelmine après sa sortie de Potsdam, il n'eût pas dit à Frédéric, dans la lettre d'avril 1753 « Je suis au désespoir de n'être point allé à Baireuth. »

7 D'une part suite au tremblement de terre de Lisbonne et d'autre part par les actions de piratage des Anglais qui ont ouvert les hostilités sur mer bien avant que la guerre de Sept ans ne soit déclarée .

 

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19/06/2012 | Lien permanent

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