Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

je me tue pour amuser ma foutue patrie,

Poisson-lune.jpg

Poisson d'avril !

http://www.youtube.com/watch?v=oQibquf180k

Je remercie Hautetfort qui me permet de faire paraitre le 1er avril une lettre écrite le 3 ! On entre dans la quatrième dimension je crois ...

De même je serai encore apte à vous faire lire des lettres écrites après ma mort (enfin ! c'est juste un exemple !  ;-)  )

 

 

« A Nicolas-Claude Thiriot

 

[vers le 1er avril 1733]

 

             J’ai donc achevé Adélaïde [Adélaïde du Guesclin, qui sera représentée au Théâtre français le 18 janvier 1734]; je refais Eriphyle et j’assemble des matériaux, pour ma grande Histoire du siècle de Louis XIV. Pendant tout ce temps, mon cher ami, que je m’épuise, que je me tue pour amuser ma foutue patrie, je suis entouré d’ennemis, de persécutions et de malheurs. Ce Temple du goût [paru le 15 mars 1733] a soulevé tous ceux que je n’ai pas assez loué à leur gré, et encore plus ceux que je n’ai point loué du tout ; on m’a critiqué, on s’est déchainé contre moi, on a tout envenimé. Joignez à cela le crime d’avoir fait imprimer cette bagatelle sans une permission scellée avec de la cire jaune, et la colère du ministère contre cet attentat, ajoutez-y les criailleries de la cour et la menace d’une lettre de cachet ; vous n’aurez avec cela qu’une faible idée de la douceur de mon état et de la protection qu’on donne aux belles-lettres. Je suis donc dans la nécessité de rebâtir un second temple [elle aura l’Approbation délivrée par le censeur Crébillon qui ne demande que peu de corrections, mais elle n’aura pas le privilège], et in triduo reedificavi illud [et en trois jours je l’ai rebâti ]. J’ai tâché dans ce second édifice d’ôter tout ce qui pouvait servir de prétexte à la fureur des sots, et à la malignité des mauvais plaisants, et d’embellir le tout par de nouveaux vers sur Lucrèce, sur Corneille, Racine, Molière, Despréaux, La Fontaine, Quinault, gens qui méritent bien assurément que l’on ne parle point d’eux en simple prose. J’y ai joint de nouvelles notes qui seront plus instructives que les premières et qui serviront de preuve au texte. Monsieur votre frère qui me tient ici lieu de vous et qui devient de jour en jour homme de lettres  vous enverra le tout bien conditionné et vous pourrez en régaler si vous voulez quelque libraire [en Angleterre où est Thiriot qui fait imprimer les Lettres ; cependant ce nouveau Temple du goût sera imprimé en Hollande chez Desbordes]. Je crois que l’ouvrage sera utile à la longue et pourra mettre les étrangers au fait des bons auteurs. Jusqu’à présent il n’y a personne qui ait pris la peine de les avertir que Voiture est un petit esprit et  Saint-Évremond un homme bien médiocre, etc.

 

             Cependant les Lettres en question [Letters concerning the English nation  ou Lettres anglaises, qui en France seront les Lettres philosophiques] peuvent paraître à Londres. Je vous fais tenir la Lettre sur les académies qui est la dernière. J’aurais ajouté de nouvelles Lettres, mais je n’ai qu’une tête, encore est-elle petite et faible ; et je ne peux en vérité faire tant de choses à la fois. Il ne convient pas que cet ouvrage paraisse donné par moi. Ce sont des lettres familières que je vous ai écrites, et que vous faites imprimer. Par conséquent, c’est à vous seul de mettre à la tête un avertissement qui instruise le public que mon ami Thiriot à qui j’ai écrit ces guenilles vers l’an 1728 les fait imprimer en 1733, et qu’il m’aime de tout son cœur.

 

             Tell my friend Fakener he should write me a word when he has sent his fleet to Turki [Fakener est devenu ambassadeur à Constantinople et doit à ce titre partir en Turquie par mer avec une escadre]. Make much of all who are so kind as to remember me. Get some money with my poor works, love me, and come back very soon after the publication of em. But Sallé will go over to you. At least come back with her. Farewell my dearest friend. [Dites à mon ami Fakener qu’il aurait pu m’écrire un mot quand il a envoyé sa flotte en Turquie. Dites mille choses à tous ceux qui sont assez gentils pour se souvenir de moi. Obtenez quelque argent de mes pauvres œuvres, aimez-moi, et revenez très vite après leur publication. Sallé ira vers vous. Au moins revenez avec elle. Adieu, mon très cher ami.]

 

 

Lire la suite

01/04/2010 | Lien permanent

Nous sommes très étonnés d'un côté de lire des productions qui font honneur au genre humain, et de les voir si peu mettr

... That's life ! ma pauvre Lucette . L'éternelle exigence d'avoir, par dessus tout,  le beurre, l'argent du beurre et la main de la crémière . Foin des bons sentiments .

 

 

« [Destinataire inconnu] 1

Le château de Ferney 5 novembre 1765

[…] Votre auguste et adorable impératrice m'a fait l'honneur de m'écrire une lettre 2 que Mme de Sévigné ne désavouerait [pas]. Elle a joint à cette lettre des présents bien précieux par la manière dont elle les fait […] .

V. »

1 Manuscrit original passé à la vente Dunand à Paris le 28 mars 1868 .

2 Lettre du 2 septembre 1765 : « Ce 22 d'août [2 septembre nouveau style] 1765 / « Monsieur, puisque Dieu merci le neveu de l'abbé Bazin est trouvé, vous voudrez bien qu'une seconde fois je m'adresse à vous, pour lui faire parvenir dans sa retraite le petit paquet ci-joint, en témoignage de ma reconnaissance pour les douceurs qu'il me dit . Je serais très aise de vous voir tous deux assister à mon carrousel, dussiez-vous vous déguiser en chevaliers inconnus, vous en auriez tout le temps, la pluie continuelle qui tombe depuis plusieurs semaines, m'a obligée à renvoyer cette fête jusqu’au mois de juin de l'année prochaine .

« En bonne foi, monsieur, je fais plus de cas de vos écrits, que de toutes les prouesses d'Alexandre, et vos lettres me font plus de plaisir que les courtoisies de ce prince ne m'en donneraient .

« Voilà encore de ces naïvetés que le Nord produit ; il est vrai que nous n’entendons rien à beaucoup de choses qui nous viennent du Midi . Nous sommes très étonnés d'un côté de lire des productions qui font honneur au genre humain, et de les voir si peu mettre en usage d'un autre .

« Ma devise est une abeille qui, volant de plante en plante, amasse son miel pour le porter dans sa ruche , et l’inscription en est l'Utile . Chez vous les inférieurs instruisent, et il serait facile aux supérieurs d'en faire leurs profits, chez nous c'est tout le contraire, nous n'avons pas tant d'aisance .

« L'attachement du neveu Bazin pour feu ma mère lui donne un nouveau degré de considération chez moi . Je trouve ce jeune homme très aimable et je le prie de me conserver les sentiments qu'il me témoigne, il est très bon et très utile d'avoir de pareilles connaissances . Vous voudrez bien, monsieur, être assuré que vous partagez avec le neveu mon estime et que tout ce que je lui dit est également pour vous aussi . / Catherine .

« P.-S. Des capucins qu'on tolère à Moscou ( car la tolérance est générale dans cet empire, il n'y a que les jésuites qui n'y sont pas soufferts ) s'étant opiniâtrés cet hiver, à ne pas vouloir enterrer un Français qui était mort subitement, sous prétexte qu'il n'avait pas reçu les sacrements, Abraham Chaumeix fit un factum contre eux, pour leur prouver qu'ils devaient enterrer un mort, mais ce factum ni deux réquisitions du gouvernement ne purent porter ces pères à obéir . À la fin on leur fit dire de choisir, ou de passer la frontière, ou d'enterrer ce Français . Ils partirent et j'envoyais d'ici des Augustins plus dociles, qui voyant qu'il n'y avait pas à badiner firent tout ce qu'on voulait . Voilà donc Abraham Chaumeix en Russie qui devient raisonnable, il s'oppose à la persécution . S'il prenait de l'esprit il ferait croire les miracles aux plus incrédules mais tous les miracles du monde n'effaceront pas la tache qu'il a d’avoir empêché l’impression de l'Encyclopédie. »

Lire la suite

27/02/2021 | Lien permanent

Je vous supplie de me mander en quel état est cette tracasserie théâtrale

... Si jamais vous pouvez m'en faire un résumé plus complet que "fiasco"

http://www.leparisien.fr/politique/retraites-a-l-assemble...

Résultat de recherche d'images pour "examen de réforme des retraites au parlement humour caricature"

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

19è décembre 1764 1

Vous saurez, mes divins anges, que M. le maréchal de Richelieu m’a écrit une lettre fulminante sur la distribution des bénéfices du tripot. Il m’accuse d’avoir conspiré avec vous contre les quatre premiers gentilshommes de la chambre : je viens de le confondre par des raisons auxquelles on ne peut répondre que par humeur et par autorité. Je lui ai envoyé la copie de sa lettre, par laquelle il m’avait non seulement permis de disposer des dignités comiques, mais dans laquelle même il m’assurait que c’était mon droit, qu’on ne me l’ôterait jamais, et qu’il voulait que j’en usasse.

Je lui ai certifié que vous n’aviez nulle part aux résolutions que j’ai prises en conséquence de ses ordres. Je ne sais ce qui arrivera de cette grande affaire, mais je n’ai pas voulu que vous souffrissiez pour ma cause. Il serait injuste qu’on vous fît une affaire d’État, dans le temps présent, pour les héros du temps passé. Je vous supplie de me mander en quel état est cette tracasserie théâtrale.

Je soupçonne le Portatif d’avoir été noyé dans les flots d’édits portés en parlement ; et quand on voudra le mettre en lumière, après l’aventure des édits, ce ne sera que du réchauffé. On ne saura pas seulement de quoi il est question, et maître Omer en sera pour son réquisitoire.

On dit que quelques philosophes ont ajouté plusieurs chapitres insolents au Portatif 2, qu’on l’a imprimé en Hollande avec ces additions irréligieuses, qu’il s’en est débité quatre mille en huit jours, et que la sacro-sainte baisse à vue d’œil dans toute l’Europe. Dieu bénisse ces bonnes gens ! ils ont rendu un service essentiel à l’esprit humain. On ne peut établir la tolérance et la liberté qu’en rendant la persécution ridicule. Il faut avoir les yeux crevés pour ne pas voir que l’Angleterre n’est heureuse et triomphante que depuis que la philosophie a pris le dessus chez elle . Auparavant elle était aussi sotte et aussi 3 malheureuse que nous.

Il fait un temps assez doux dans notre grand bassin entre les Alpes et le mont Jura . Si cela continue, je pourrai bientôt relire les Roués. Daignez me mander, je vous prie, si l’on a reçu au tripot quelque héros qui ait une voix sonore, la mine fière, la contenance assurée, la poitrine large et remplie de sentiments, avec des yeux pleins  de feu qui sachent parler plus d’un langage.

J’ai lu mes Lettres secrètes. Voilà de plaisants secrets ! Le polisson qui a fait ce recueil n’y fera pas une grande fortune.

Je baise le bout de vos ailes avec une effusion de cœur remplie d’onction et de la plus respectueuse tendresse.

Comme cette lettre allait partir, je reçois celle de mon ange, du 11è décembre. On doit avoir reçu ma réponse au sujet de Luc 4, envoyée sous l’enveloppe de M. le duc de Praslin. J’ai vu depuis un des meurtriers appartenant à Luc ; il confirme sa bonne santé ; mais je crois qu’il ne sait rien ni pour ni contre. J’espère savoir dans peu quelque chose de plus positif.

Je suis très fâché de la mort de madame de La Marche 5, car on dit qu’elle était très aimable.

J’aurai bien de la peine avec les Roués. La scène du 3è acte, étant toutes en mines et en gestes, pourrait devenir comique, si les personnages exprimaient en vers la crainte qu’ils ont d’être reconnus. Je crains l’arlequinade. D’ailleurs je ferai ce que je pourrai, et non pas ce que je voudrai. Tout ce que je puis dire, c’est qui faut des hommes à la Comédie, et que nous en manquons. 

Permettez que je vous adresse ce petit billet pour le grasseyeur Grandval 6.

Je suis pénétré de toutes vos bontés .

N.B. – Voyez comme on se trompe dans ses conjectures ! Vous pensiez que le tyran Richelieu serrait fâché de l'hostie ; je vous assure qu'il ne s'en soucie pas plus que du testament qu'il n'a jamais lu . Vous avez eu seulement la rage inutile de retrancher une anecdote historique très vraie et très importante . Vous pensiez qu'il approuverait les lettres patentes comiques, elles ont excité sa colère . Mais il faut espérer qu'il se rendra à la raison, et qu'il ne plaidera pas contre sa signature .»

1 L'édition de Kehl n'a pas les trois derniers paragraphes, biffés sur la copie Beaumarchais .

2 Sur cette prétendue édition collective, voir lettre du 11 décembre 1764 à Damilaville :  . Ce qui est vrai c'est qu'au moins quatre éditions augmentées, comportant notamment sept articles nouveaux (Catéchisme du jardinier, Enthousiasme, Liberté de penser, Nécessaire, persécution, Philosophie, Sens commun ), sans compter d'autres additions, corrections ou amplifications (notamment celle de l'article Tolérance ), parurent au début de 1765 .

3 Les trois mots qui précèdent ne figurent pas sur la copie Beaumarchais .

4 Voir la lettre du 10 décembre 1764 à d'Argental dont les deux premiers paragraphes, relatifs au roi de Prusse qui consultait Tronchin :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/02/07/votre-sorbonne-est-toujours-la-sorbonne-je-ne-dis-rien-de-votre-parlement-c.html

 ; voir également la lettre du 9 décembre 1764 à Frédéric II : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/02/07/si-cette-hydre-ne-renaissait-sans-cesse-du-fond-de-superstition-repandue-su.html .

5 Anne de Berbis-Cromey, femme de Jean-Philippe Fyot de La Marche le jeune, est morte le 29 novembre 1764 : https://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&p=catherine&n=de+berbis&oc=1

6 Ce billet n'est pas connu .

Lire la suite

20/02/2020 | Lien permanent

Quand il n'y aurait que la perte du temps, c'est beaucoup

... Me dis-je en pestant contre ce fichu/foutu facteur d'occasion qui vient de renvoyer à son expéditeur une lettre recommandée, que j'attendais avec impatience, pour le motif que je suis inconnu à mon adresse ! Bougre d'âne, on ne te demande pas d'éplucher les prénoms alors que le nom est correct et l'adresse également . Aussi, à  propos, j'ai eu l'immense honneur et avantage de la part de ce mercenaire des lettres de recevoir enfin la revue du Point du 2 août en même temps que celle du 9 le vendredi 10 , huit jours de retard pour l'une, un (seulement ! ) pour l'autre , quel bonheur .

Dans le numéro du 2 août, horreur, Roger-Pol* Droit (qui ne l'est pas ! ) pisse un article "La face cachée de Voltaire" avec une accroche de couverture "Voltaire le sulfureux" . "Le prince des Lumières a aussi sa part d'ombre"..."misogyne, homophobe, antijuif, islamophobe", ah ! que voilà de la belle ouvrage Roger-Pol ! Vous oubliez l'essentiel, qui lui est véritable et  vous concerne au premier chef : anti-cons !

Votre inculture me navre quand elle touche à Voltaire, et je me fouts complètement de votre oeuvre littéraire qui au vu de cet article ne doit pas planer bien haut et de vos travaux d'intellectuel besogneux .

Avant de m'étendre plus en détail sur cet article, j'adresse cet extrait de l'article "les bornes de l'esprit humain" du Dictionnaire philosophique à R-P Droit : "... cet orgueilleux imbécile, revêtu d'un petit emploi dans une petite ville croit avoir acquis le droit de juger et de condamner ce qu'il n'entend pas ."

NDLR - * Roger-Pol évoque immanquablement pour moi une marque de champagne le Pol-Roger, et me laisse supposer que ses parents et lui-même -(pour cause d'hérédité )- ne savent pas lire plus que des étiquettes . Au passage, ce champagne n'est vraiment pas terrible .

 

perdre du temps 0047.JPG

 

 

« A M. Charles PALISSOT de MONTENOY.

Aux Délices, 27 août 1756.

Tout malade que je suis, monsieur, il faut que je me donne la consolation de vous remercier de votre lettre, elle est très- judicieuse, et je suis fort sensible à la confiance que vous me témoignez 1. J'ai d'ailleurs un intérêt véritable à voir tous ces petits nuages dissipés. Je me regarde comme votre ami après votre pèlerinage 2. Je suis l'ami des personnes dont vous me parlez 3, et vous êtes tous dignes de vous aimer les uns les autres.
J'ai eu dans ma vie quelques petites querelles littéraires, et j'ai toujours vu qu'elles m'avaient fait du mal. Quand il n'y aurait que la perte du temps, c'est beaucoup. On dit que vous employez votre loisir à faire des ouvrages qui me donnent une grande espérance et beaucoup d'impatience. Je parle souvent de vous avec M. Vernes. Pardonnez une si courte lettre à un malade. »

1 Palissot parlait, dans sa lettre, de tracasseries que lui avait fait susciter sa comédie du Cercle, ou les Originaux, (où il s'en prend aux philosophes et en particulier à JJ Rousseau qui y est représenté broutant des laitues), et les attribuait au comte de Tressan.

2 Palissot est venu en séjour aux Délices avec Patu pendant neuf jours , voir lettre du 8 novembre 1755 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/04/16/p...

3 Le comte de Tressan, le duc de Villars, Vernes.

 

Lire la suite

11/08/2012 | Lien permanent

Ah ! pauvres Français ! Réjouissez-vous ; car vous n'avez pas le sens d'une oie

Texte de Gainsbourg :  http://www.deezer.com/listen-6136064 ; étonnant, non ?

http://www.deezer.com/listen-268586 : voila qui correspond bien aux Français dont nous parle Volti !

Ravel n'a pas écrit que le Bolero : http://www.deezer.com/listen-4043319

Et à vous qui avez au moins le sens d'une oie ... vivat Voltaire !

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

14 septembre [1761]

 

Dès que je sus que mes anges avaient fait consulter M. Tronchin je fus un peu alarmé, j'écrivis, voici sa réponse. Elle est bonne à montrer au docteur Fournier, il n'en sera pas mécontent . Que mes anges ne soient pas surpris de l'étrange adresse . Viro immortali veut dire qu'on vit longtemps quand on suit ses conseils, et Deo immortali est une allusion à l'inscription que j'ai mise sur le fronton de mon église : Deo erexit Voltaire . Ma prière, est : vivat d'Argental.

 

Vous êtes bien bon d'envoyer votre billet aux Cramer . Ont-ils besoin de votre billet ? [i]

 

Et moi bien bon d'avoir cru M. le comte de Choiseul ministre d'État quand vous ne m'en disiez rien . Je m'en réjouissais, je ne veux plus rien croire si cela n'est pas vrai.

 

Si Mlle Gaussin a encore un visage, Acanthe est fort bien entre ses mains, et tout est fort bien distribué. M. Picardin sera fort bien joué . Que dites-vous de la préface du sieur Picardin ?[ii] ne l'enverrez-vous pas à frère Damilaville ? Il a un excellent sermon qu'il montrera à mes anges pour les réjouir [iii]. M. de La Marche a été d'une humeur charmante . Il n'y parait plus [iv]. C'est de plus une belle âme. C'est dommage qu'il ait certains petits préjugés de bonne femme.[v]

 

Daignez, mes anges, envoyer l'incluse [vi] au secrétaire perpétuel après l'avoir lue .

 

Zarucma ! quel nom ! d'où vient-il ? Le père de Zarucma n'est il pas monsieur Cordier ? Il est vrai que Zarucma ne rime pas à sifflets, mais il peut les attirer [vii]. Zulime au moins est plus doux à l'oreille . Nous nous mîmes quatre à lire Zulime à M. de La Marche. Il avait un président avec lui [viii] qui dormit pendant toute la pièce comme s'il avait été au sermon ou à l'audience . Ainsi il ne critiqua point . M. de La Marche fut ému, attendri, pleura, et quand Mme Denis s'écria en pleurant : J'en suis indigne,[ix] il n'y put pas tenir . Je fus touché aussi . Je dis : Zulime consolera Clairon de Zarucma .

 

Je vous avais dit que j'étais content de M. de Montmartel . Point . J'en suis mécontent . Il ne veut pas avancer trois cents louis [x]. Le contrôleur général propose des effets royaux, des feuilles de chêne. Nous aurons du bruit !

 

La paix ! il n'y aura point de paix . C'est un labyrinthe dont on ne peut se tirer [xi]. Ah ! pauvres Français ! Réjouissez-vous ; car vous n'avez pas le sens d'une oie .

 

Divins anges, je baise le bout de vos ailes. »

 

i Souscription aux Commentaires sur Corneille ?

ii « Picardin » ou « Picardet », pseudo de V*, auteur du Droit du seigneur ; il avait demandé à La Marche « le nom de quelques académiciens de Dijon ses confrères. » Picardet, académicien de Dijon, avait publié un Prospectus d'un ouvrage intitulé la religion donnée en spectacle à l'esprit humain, 1754 ; pour la préface cf. lettre du 5 septembre.

iii La religion d'accord avec la raison, dont il est question dans la lettre à Damilaville le 7 septembre.

iv Cf. lettre du 5 septembre.

v Vers le 23 août, V* en indiquant le chemin de Ferney ajouta : « Venez, si vous aimez tant les jésuites, il y en a six à ma porte » ; cf. lettre du 26 janvier 1762 à d'Argental.

vi Lettre à Duclos concernant les Commentaires sur Corneille le 14 septembre.

vii La Zarucma de Cordier ne fut jouée que le 17 mars 1762 grâce à des « illustres protecteurs ». Elle était « envoyée à correction » par les Comédiens depuis 1758 au moins ; elle le sera encore le 21 septembre 1761 et les Comédiens décideront « de se mettre à l'étude pour la représentation de Zulime. »

viii Ruffey.

ix Dernières paroles de Zulime avant de se tuer.

x Subvention promise pour les Commentaires sur Corneille.

xi Entreprises par Choiseul en 1760, les négociations de paix avec l'Angleterre aboutissent le 25 juillet 1761 à un ultimatum anglais auquel Choiseul répondit le 9 septembre par un « Ultimatissimum » modéré.

 

http://www.deezer.com/listen-7199251

 

Lire la suite

14/09/2010 | Lien permanent

La superstition fanatique ... on la traite comme une vieille p... qu'on adorait quand elle était jeune et à qui on donne

 

superstition.jpg

 

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

 

19 de juin [1767]

Mon cher et grand philosophe, un brave officier , nommé M. le comte de Wargemont 1, vient à notre secours ; car nous avons des prosélytes dans tous les états . Il vous fait parvenir trois exemplaires d'une très jolie Lettre à un conseiller au Parlement 2. J'en ai eu six ; Mme Denis, M. de Chabanon et M. de La Harpe ont pris chacun le leur ; en voila trois pour vous . Cela vient bien tard ; le mérite de l'à-propos est perdu, mais le mérite du fond subsistera toujours . C'est bien dommage que l'auteur n'écrive pas plus souvent et ne conseille pas tous les conseillers du roi . L’inquisition redouble ; il est beaucoup plus aisé de faire parvenir une brochure à Moscou qu'à Paris . La lumière s'étend partout, et on l'éteint en France où elle venait de naître . Il semble que la vérité soit comme ces héros de l'Antiquité que des marâtres voulaient étouffer dans leur berceau et qui allaient écraser des monstres loin de leur patrie .

La sixième édition du Dictionnaire philosophique parait en Hollande 3, tête levée . Les dissidents de Pologne ont fait imprimer le petit panégyrique de Catherine, ou plutôt de la tolérance 4; c'est une édition magnifique . La superstition fanatique est bafouée de tous côtés . Le roi de Prusse dit qu'on la traite comme une vieille p... qu'on adorait quand elle était jeune et à qui on donne des coups de pied au cul dans sa vieillesse 5.

Voici quelques échantillons qui vous prouveront que le roi de Prusse n'a pas tort .

Je reçois dans le moment Les Trente Sept Vérités opposées aux trente-sept impiétés de Bélisaire, par un bachelier ubiquiste 6, cela me parait salé .

J'espère qu'il viendra un temps où on sèmera du sel sur les ruines du tripot où s'assemble la sacrée faculté 7.

Je sais bien que les gens du monde ne liront point le Supplément à la Philosophie de l'histoire 8; mais il y a beaucoup d'érudition dans ce petit livre, et les savants le liront . L'auteur se joint à l'évêque hérétique Warburton contre l'abbé Bazin 9. Son neveu est obligé en conscience de prendre la défense de son oncle 10; c'est un nommé Larcher qui a composé cette savante rapsodie sous les yeux du syndic de la Sorbonne, Ribalier, principal du collège Mazarin 11. Je connais le neveu de l'abbé Bazin ; il est goguenard comme son oncle, il prend le sieur Larcher pour son prétexte, et il fait des excursions partout . Il n'est pas assez sot pour se défendre, il sait qu'il faut toujours établir le siège de la guerre dans le pays ennemi .

Ne vous ai-je pas mandé que le roi de Prusse avait donné une enseigne au camarade du chevalier de La Barre, condamné par Messieurs, dans le XVIIIè siècle, à être brûlé vif pour avoir chanté deux chansons de corps de garde et pour n'avoir pas salué des capucins ?12

 

Est-il vrai que Diderot a fait un roman intitulé L’Homme sauvage ?13

Si cet homme sauvage est sot, pédant et barbare, nous connaissons l'original 14.

Tout ce qui est chez nous vous fait les plus tendres compliments ; nous ne sommes, en vérité, ni sauvages ni barbares . »


1 François-Gabriel Le Fournier, chevalier de Wargemont, commandant du régiment de Soubise, en visite chez V* le 25 mai ; originaire d’Abbeville, il avait parlé du procès de La Barre .

2 D’Alembert publia une Lettre à M***, conseiller au parlement de ***, pour servir de supplément à l'ouvrage qui ... a pour titre Sur la destruction des jésuites en France par un auteur désintéressé, 1767, et une Seconde Lettre à M*** ... sur l'édit du roi d'Espagne pour l'expulsion des jésuites,datée du 15 juillet 1767 . elles étaient imprimées à Genève par Cramer . Les derniers jésuites avaient été expulsés d'Espagne le 2 avril ; puis l'ordre fut aboli par une ordonnance . Il s'agit ici , sans doute , de la Seconde Lettre qui sort de presse.

3 Le 17 juillet, V* précise au prince de Ligne ; « Ce livre est imprimé par Marc-Michel Rey . Cette nouvelle édition commence, je crois par l'article « Abbé » et finit par « transsubstantiation » »

4 Peut être l'Expression des droits des dissidents joints à ceux des puissances intéressées de les maintenir, de Catherine qui publia aussi les Instructions adressées par Sa Majesté l'impératrice ... à la commission établie pour travailler à ... un nouveau code de lois (voir lettre du 3 mars 1767 à Frédéric II : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/03/06/l...)

Ou alors il s'agit plutôt de la Lettre sur les panégyriques par Irénée Aléthès, où V* célèbre la tolérance de Catherine, et dont Vorontsov voulait faire passer des exemplaires en Pologne le 3 juin .

5 Dans sa lettre du 25 novembre 1765, mais le texte qui nous est parvenu ne comporte que les « coups de pied au cul ».

6 De Anne-Robert-Jacques Turgot ; cet ouvrage constitue la quatrième partie des Pièces relatives à Bélisaire .

7 La Sorbonne , qui a condamné Bélisaire .

8 Supplément à la Philosophie de l'histoire de feu M. l'abbé Bazin, 1767, de Pierre-Henri Larcher .

9 C'est-à-dire contre V* .

10 Dans La défense de mon oncle .

11 En réalité Larcher n'appartenait pas au collège Mazarin .

12 Il s'agit de d'Etallonde, qui a pris le nom de Morival ; V* l'a recommandé à Frédéric II (voir lettre à Frédéric du 5 avril 1767 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/04/04/o...)

Sur les chansons, voir lettre du 14 juillet 1766 à Damilaville : page 20 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800389/f25.image.r=...

lettre du 28 juillet 1766 à Florian : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/07/28/v...

13 Il n'est pas de Diderot . Il s'agit de L’Homme sauvage, histoire traduite par M.(louis -Sébastien) Mercier, 1767, de J.-G.-B. Pfeil .

14 J.-J. Rousseau ; ce que comprendra d'Alembert qui répondra : « Le roman de l'homme sauvage n'est pas de Diderot, mais d'un nommé Mercier ... Je ne sais si l'homme sauvage et hargneux est à Wesel, mais je suis bien sûr que quelque part qu'il soit il n'y restera pas. »

 

 

 

Lire la suite

16/06/2011 | Lien permanent

Est-ce le ton d’aujourd’hui de commencer une chose pour ne pas la finir ?

... Oui !

Au XXIè siècle, comme aux siècles précédents , je dédie https://www.youtube.com/watch?v=1-p58OSYhG0

 Résultat de recherche d'images pour "commencer une chose pour ne pas la finir"

Touche magique quand ça tourne mal

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental 1

27 janvier 1764 aux Délices

Dites-moi donc, mes anges, si vous avez enfin reçu un cinquième acte et un conte. Une certaine inquisition se serait-elle étendue jusque sur ces bagatelles ? et quand le lion ne veut pas souffrir de cornes dans ses États, faut-il encore que les lièvres craignent pour leurs oreilles 2? L’aventure de la Tolérance me fait beaucoup de peine. Je ne peux concevoir qu’un ouvrage que vous avez tant approuvé puisse être regardé comme dangereux. Je n’ai d’ailleurs et je ne veux avoir d’autre part à cet ouvrage que celle d’avoir pensé comme vous. Il y a trop de théologie, trop de Sainte Écriture, trop de citations, pour qu’on puisse raisonnablement supposer qu’un pauvre faiseur de contes y ait mis la main. Je me borne à conseiller à l’auteur de supprimer cet ouvrage en France, si la Tolérance n’est pas tolérée par ceux qui sont à la tête du gouvernement. Mais enfin, quand madame de Pompadour en est satisfaite, quand MM. les ducs de Choiseul et de Praslin témoignent leur approbation, quand M. le marquis de Chauvelin joint son enthousiasme au vôtre, qui donc peut proscrire un livre qui ne peut enseigner que la vertu ?

Si le roi avait eu le temps de le lire chez madame de Pompadour, l’auteur oserait se flatter que Sa Majesté n’en aurait pas été mécontente, et c’est sur la bonté du cœur du roi qu’il fonde cette espérance.

M. le chancelier, dans les premiers jours d’un ministère difficile 3, aurait-il abandonné l’examen de ce livre à quelqu’un de ces esprits épineux qui veulent trouver du mal partout où le bien se trouve avec candeur et sans politique ?

Enfin, pourquoi a-t-on retenu à la poste de Paris tous les exemplaires que plusieurs particuliers de Genève et de Suisse avaient envoyés à leurs amis, sous les enveloppes qui paraissaient devoir être les plus respectées ? Cette rigueur n’a commencé qu’après que les éditeurs ont eu la circonspection dangereuse d’en envoyer eux-mêmes un exemplaire à monsieur le chancelier, de le soumettre à ses lumières, et de le recommander à sa protection. Il se peut que les précautions qu’on a prises pour faire agréer le livre soient précisément ce qui a causé sa disgrâce. Mes chers anges sont très à portée de s’en instruire. On peut parler ou faire parler à M. le chancelier. Je les conjure de vouloir bien s’éclaircir et m’éclairer. Tout Suisse que je suis, je voudrais bien ne pas déplaire en France. Je cherche à me rassurer en me figurant que, dans la fermentation où sont les esprits, on ne veut pas s’exposer aux plaintes de la partie du clergé qui persécute les protestants, tandis qu’on a tant de peine à calmer les parlements du royaume. Si ce qu’on propose dans la Tolérance est sage, on n’est pas dans un temps assez sage pour l’adopter. Pourvu qu’on ne sache pas mauvais gré à l’auteur, je suis très content, et j’attends ma consolation de mes anges.

On me mande que plusieurs évêques font des mandements, à l’exemple de M. de Beaumont, et qu’ils iront tenir un concile à Sept-Fonds 4. Je ne sais si le rappel de tous les commandants est une nouvelle vraie. Je m’en tiens aux événements, et je n’y fais point de commentaires comme sur Corneille. Les graveurs seuls empêchent que l’édition de Corneille n’arrive. À l'égard de la nouvelle édition d'Olympie, je vous l'enverrai dans trois ou quatre jours par M. le duc de Praslin, cette voie me paraissant la plus sûre, et n'étant d'ailleurs sujette à aucun inconvénient .

Mais, encore une fois, pourquoi abandonner votre conspiration ? Est-ce le ton d’aujourd’hui de commencer une chose pour ne pas la finir ?

N. B. – S'il n'est pas permis d'envoyer par la poste des livres des pays étrangers, il est permis de nous envoyer des livres de France .

Est-il vrai que vous avez eu la bonté de permettre qu'on vous adressât pour moi, l'Histoire de la réunion de la Bretagne à la couronne ? 5 Si vous ne pouvez pas vous en charger, je vous supplie de me le mander .

Je vous salue de loin, mes divins anges, et je crois que ces mots de loin sont bien convenables dans le temps présent ; mais je vous salue avec la plus vive tendresse. »

1 Des passages manquent dans la copie Beaumarchais-Kehl et les éditions : « A l'égard […] inconvénient . N.B. – […] me le mander . »   La phrase « et quand le lion […] leurs oreilles ? » d'abord supprimée a été rétablie . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-4.html

2 Rappel de La Fontaine : Les oreilles du lièvre ; voir : http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/oreilliev.htm

4L'abbaye cistercienne de Sept-Fontaines, dans laquelle Beaumont, exilé, a trouvé asile, avant de se retirer dans un monastère beaucoup plus rigoureux de la Trappe .

5 Voir lettre à Simon-Augustin Irail du 24 février 1764 :  « J'attendais , monsieur, pour vous remercier de votre livre , que je l'eusse reçu et lu . » Voir : https://books.google.fr/books?id=W8XSMMv-QXQC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

Lire la suite

02/02/2019 | Lien permanent

Vous êtes accoutumé à réparer quelquefois les fautes d’autrui

... Ce serait si bien si c'était vrai M. le président des antipodes : Veni, vidi, vicit ! hélas non vicit  , juste veni, pas même bien vidi . Que faire d'un territoire qui a des moyens , et évidemment des petits qui veulent devenir gros et des gros qui veulent être énormes : money, money, money !

 

 

« A Etienne-François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul

12 novembre [1768]

Mon protecteur,

Daignez lire ceci, car ceci en vaut la peine. Ce n’est pas parce que la marmotte des Alpes a bientôt soixante-quinze ans, ce n’est pas parce qu’elle radote, qu’il s’est glissé un galimatias absurde dans le Siècle de Louis XIV et de Louis XV, touchant la paix que nous vous devons : pendant que je passe la vie dans mon lit, l’éditeur a mis, à la page 202 du IVè tome, une addition 1 que je lui avais envoyée pour la page 142. Il a ajouté à votre paix ce qu’il devait ajouter à la paix d’Aix-la-Chapelle. Il vous sera aisé de faire placer adroitement ce carton ci-joint . Vous êtes accoutumé à réparer quelquefois les fautes d’autrui.

Voici le carton pour la page 202 . Votre bibliothécaire ne s'y peut tromper.

J’ai voulu finir par la gloire de la nation et par la vôtre.

Quand l’édition était finie, quelques officiers  m’apprennent des choses étonnantes, dignes de l’ancienne Rome.2

Le prince héréditaire de Brunsvick veut surprendre M. de Castries, qui en veut faire autant. On envoie à l’entrée de la nuit M. d’Assas, capitaine d’Auvergne, à la découverte . Le régiment le suit en silence . Il trouve, à vingt pas, des grenadiers ennemis couchés sur le ventre . Ils se lèvent, ils l’entourent, lui mettent vingt baïonnettes sur la poitrine : « Si vous criez, vous êtes mort » . Il retient son souffle un moment pour crier plus fort : « À moi, Auvergne, les voilà ! » et il tombe percé de coups : Décius en a-t-il plus fait ?

On me prend pour le greffier de la gloire ; on me fournit de beaux traits, mais trop tard ; c’est pour une belle édition in-4°.

Je vous demande en grâce de lire la page 177, tome IV ; vous y verrez une action très supérieure à celle des Thermopyles, et très vraie 3.

N. B. – J’ai envoyé un Siècle à M. de Saint-Florentin. Il m’a mandé qu’il croyait que je pouvais le présenter au roi, et qu’il s’en chargerait. Je vais lui mander que je crois que vous lui avez donné le vôtre, et j’aurai l’honneur de vous en renvoyer un avec le carton de la page 202 . M’approuvez-vous ? Je prêche gloire et paix dans cet ouvrage.

N. B. –  Il s’est fait une grande révolution dans les esprits. Voici ce qu’un homme très sage 4 me mande de Toulouse :« Les trois quarts du parlement ont ouvert les yeux, et gémissent du jugement des Calas. Il n’y a plus que les vieux endurcis qui ne soient pas pour la tolérance. »

Il en sera bientôt de même dans le parlement de Paris, je vous en réponds. On ne sera plus homicide pour paraître chrétien aux yeux du peuple. J’aurai contribué à cette bonne œuvre.

N. B. – Ce changement dans les mœurs ne sera pas inutile à votre colonie de Versoix.

Permettez-moi de vous écrire un jour, à fond, sur votre colonie. Vous protégez votre vieille marmotte . Cet établissement touche à mon pauvre trou . Je suis de la colonie.

L’évêque d’Annecy est un fou, vous avez bien dû le voir. Le voilà disgracié à la cour pour ses sottises. Le fanatisme n’a jamais fait que du mal.

Mon protecteur, vous avez beau jeu. Le duc de Grafton 5 n’est pas une tête à résister à la vôtre.

Me pardonnez-vous de vous écrire une si longue lettre ?

La vieille marmotte est à vos pieds ; elle vous adore ; elle vous souhaite prospérité et gloire ; elle vous présente d’ailleurs son profond respect.

V. »

1 Il s'agit d'un passage relatif au siège de Maëstricht en 1748 . La faute ne fut corrigée que bien plus tard et seulement en partie ; voir la note de Beuchot vers le commencement du chapitre XXX du Précis du Siècle de Louis XV . Certains exemplaires de l'édition de 1768 n'ont pas le carton .

Voir la note 1 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome15.djvu/343

3 Cette action avait pris place dans la guerre des Indes ;

voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome15.djvu/367

4 L’abbé Audra . Ces phrases sont une version résumée et « améliorée » d'une lettre de Joseph Audra à V* . Le texte exact peut être lu dans la lettre du 13 novembre 1768 à Christin : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/08/correspondance-annee-1768-partie-31.html

et  voir lettre du 3 janvier 1769 à Audra : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/08/correspondance-annee-1769-partie-1.html

5 Augustus Henry Fitzroy, troisième duc de Grafton, né vers 1735, était alors premier lord de la trésorerie de 1768 à 1770. Il est mort en 1811. Il n'a pas laissé dans l'Histoire le nom d'un homme d’État de premier plan.

Lire la suite

23/05/2024 | Lien permanent

grain de sel dans les rouages à Ferney

« A Anne-Madeleine- Louise-Charlotte-Auguste de la Tour du Pin de Saint Julien

 

Je reçois , Madame votre lettre datée du 22. Si elle parvient à la postérité les commentateurs disputeront sur le mois et sur l’année. Mais notre petite colonne et moi nous attestons qu’au 22ème novembre 1776, vous nous avez comblés de bontés, et de très bons raisonnements.

Puisque vous daignez voir la requête assez inutile de nos colons, la voici .[« Au roi en son conseil » : requête concernant l’achat et la vente du sel]… Elle peut avoir été oubliée de tout le monde, surtout dans le  temps où l’on était occupé à l’établissement d’un nouveau ministère. Ce qui peut nous arriver actuellement de plus favorable, c’est qu’on nous oublie.

Malheureusement MM. Les fermiers généraux ne songent que trop à nous. Ils sont très attentifs à leurs trente milles francs ; ce n’est que cinq cents francs par an pour chacun de ces messieurs, mais ils ne négligent rien. La province est sur le point d’être écrasée par un impôt très lourd et très inégal dont on la charge. Non seulement on a travaillé à la répartition de cet impôt, mais à assurer des honoraires à celui qui est principalement chargé d’arranger notre ruine, et qui a seul tous les districts dans sa main [Fabry à Gex, subdélégué, syndic, maire, fermier des terres du Roi]… J’avais le bonheur de prêter ces dix mille écus tout ruiné que je suis, et j’étais d’accord avec nos Etats. Qu’a-t-on fait pendant ce temps-là ? On a suscité un homme inconnu, nommé Rose, ci-devant déserteur de la légion de Condé, aujourd’hui garde magasin pour les intérêts du Roi dans les ateliers de Racle. Cet homme employé secrètement est allé à Berne solliciter en son propre et privé nom la concession de six mille quintaux de sel à Berne. Il n’avait pas un sou pour les payer, mais il était bien cautionné.

…, M. Rose est un galant homme, il lui est permis d’acheter du sel où il voudra, mais cela n’est pas permis à vous autres ; vous ne pouvez pas faire un traité avec une puissance étrangère sans la permission du Roi. – Quoi ! Monsieur, ce qui est permis à un déserteur ne le serait pas à une province ? – Non, messieurs ; croyez-moi, écrivez au ministre des finances et au ministre des affaires étrangères. Les pauvres rats croient Raminagrobis [Fabry], ils écrivent aux ministres. Les ministres tout étonnés consultent les fermiers généraux. Ceux-ci répondent qu’on ne peut demander du sel de Berne que pour le verser dans les provinces de France limitrophes, et qu’il faut prévenir ce crime de haute trahison. En conséquence le ministère mande à l’ambassadeur du Roi en Suisse d’empêcher que  MM. de Berne ne donnent un litron de sel à la province de Gex. Ainsi les Etats ont été privés du secours sur lequel ils comptaient ; ils se sont eux-mêmes coupé la gorge et la bourse en croyant Raminagrobis et demandant au ministère de France une permission qu’ils auraient pu prendre en vertu de l’édit du Roi [élaboré par Turgot] sans consulter personne. Raminagrobis actuellement se moque d’eux, établit son impôt, établit ses honoraires, met à  part une somme considérable pour le receveur général de Bresse, Bugey, Valromey et Gex, auquel il faudra porter humblement notre contribution, dont il comptera comme il voudra avec MM. de la Ferme.

« Voilà, belle Emilie, à quel point nous en sommes » Corneille, Cinna.

Nous sommes perdus, et il ne faut pas nous plaindre. Si nous crions, on nous enverra soixante bureaux de commis au lieu de trente que nous avions, et on nous mettra un baillon à  la bouche.

Quelques uns de nos étrangers qui ont acheté des maisons à Ferney vont les abandonner, et nous sommes menacés d’une destruction totale nous et notre obélisque, et la belle inscription latine que nous voulions y graver pour l’amusement des savants qui vont à Gex.

Si vous voulez, Madame, je vous conterai encore que lorsque j’étais pétrifié de ces désastres, j’ai reçu une lettre de M. le duc de Virtemberg qui me doit cent mille francs, et qui me mande qu’il ne peut me payer un sou qu’au commencement de l’année 1778. Il y a dans ce procédé je ne sais quoi  de digne de la grandeur d’un roi de France, et ce qu’il a de bon, c’est que sûrement je serai mort de vieillesse et de misère, et ceux qui ont bâti mes maisons seront morts de faim avant l’an de grâce 1778.

M. Racle se tire d’affaire par son génie, indépendamment des rois et des princes ; il fait des chefs-d’œuvre en grands ouvrages de faïence, et les vend à de gens qui paient.

Il y a bien loin de tout cela, Madame, à la petite drôlerie dont vous avez vu l’esquisse [Irène]. Je n’ose vous en parler. Il faut avoir vingt cinq ans pour faire ces plaisanteries-là, et j’en ai quatre vingt trois. J’en suis plus faché que de toutes les traverses que j’essuie. Je me réfugie sous les ailes de mon brillant papillon, et sous l’égide de ma philosophe avec le plus tendre respect.

 

Voltaire

Le 5 décembre 1776 à Ferney »

 

 

"Si nous crions", on nous enverra des bataillons de commisssions qui étudieront, palabreront, tourneront en rond (et rond, petit patapon!), nous coûteront cher et accoucheront d'un projet mort-né comme de coutume lorsqu'il s'agit d'un progrès social.Mais il est vrai que comme au XVIIIème siècle, il y a "dans ce procédé je ne sais quoi  de digne de la grandeur [(d’un roi)] de la France". Hélas !!!

Lire la suite

06/12/2008 | Lien permanent

Mettons-le hors d'état de nuire en faisant voir combien il veut nuire .

... Et même si ce n'est pas 'veut', mais seulement 'peut', tout candidat à la présidence de la république, ou tout autre poste subalterne d'ailleurs, doit impérativement être mis à l'écart, le pouvoir de nuisance d'un dirigeant n'est que trop grand .

[Mise en ligne le 4 pour le 7 depuis une médiathèque]

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

20 octobre [1761]

A quoi pensez-vous mon très cher philosophe 1? de ne vouloir que rire de l'historiographe lefranc de pompignan ? ne savez-vous pas qu'il compte être à la tête de l'éducation de M. le duc de Bourgogne avec son fou de frère ? que ce sont tous deux des persécuteurs ? que les gens de lettres n'auront jamais du plus cruels ennemis ? Il me paraît qu'il est d'une conséquence extrême de faire sentir à la famille royale elle-même, ce que c'est que ce malheureux . Il faut se mettre à genoux devant monsieur le dauphin, en fessant son historiographe .

Voici ce qu'une bonne âme m'envoie de Montauban 2. Si vous étiez une bonne âme de Paris, cela vaudrait bien mieux . Mais maître Bertrand vous vous servez de la patte de raton 3.

Il est sûr que ce détestable ennemi de la littérature a calomnié tous les gens de lettres quand il a eu l'honneur de parler à monseigneur le dauphin . Son Épître dédicatoire est pire que son discours à L'Académie . Ce sont là de ces coups qu'il faut parer . Il ne faut pas seulement le rendre ridicule, il faut qu'il soit odieux . Mettons-le hors d'état de nuire en faisant voir combien il veut nuire .

Vraiment vous avez mis le doigt dessus en disant que Corneille est froid . Du moins Cinna n'est pas fort chaud, mais d'où vient en partie cette glace ? de la note de l'Académie . Elle me dit dans sa note ( et c'est vous qui l'avez écrite 4) qu'on s'intéresse à Auguste . Eh messieurs c'est à Cinna qu'on s'intéresse dans le premier acte, car vous savez bien qu'on aime tous les conspirateurs . Cinna est conjuré, il est amant, il fait un tableau terrible des prescriptions, il rend Auguste exécrable . Et puis messieurs on s'intéresse dites-vous à Auguste ! On change donc d'intérêt . Il n'y en a donc point , et voilà ce qui fait que votre fille est muette 5. Proposez ce petit argument quand vous irez là . Mais ce n'est pas assez de savoir la langue, il faut connaître le théâtre . Ah mon cher philosophe, il n'est que trop vrai que notre théâtre est à la glace . Ah si j'avais su ce que je sais ! si on avait plus tôt purgé le théâtre de petits maîtres ! si j'étais jeune ! Mais tout vieux que je suis, je viens de faire un tour de force, une espièglerie de jeune homme . J'ai fait une tragédie en six jours, mais il y avait tant de spectacle, tant de religion, tant de malheurs, tant de nature que j'ai peur que cela ne soit ridicule . L’œuvre des six jours est sujette à rencontrer des railleurs 6.

J'ai actuellement le plus joli théâtre de France . Nous avons joué Mérope 7. Mlle Corneille a été applaudie . Mme Denis a fait pleurer des Anglaises . Les prêtres de Genève ont une faction horrible contre la comédie . Je ferai tirer sur le premier prêtre socinien qui passera sur mon territoire . Jean-Jacques est un Jeanf... qui écrit tous les quinze jours à ces prêtres pour les échauffer contre les spectacles . Il faut pendre les déserteurs qui combattent contre leur patrie .

Aimez-moi beaucoup je vous en prie – car je vous aime – car je vous estime prodigieusement – car tous les êtres pensants doivent être tendrement unis contre les êtres non-pensants, contre les fanatiques, et les hypocrites, également persécuteurs . »

1 D'Alembert écrit à V* le 10 octobre 1761 : « […] s'il est vrai, comme vous le dites, qu'il est bon de rire un peu pour la santé, jamais saison n'a été si favorable pour se bien porter . Voici par exemple Paul Lefranc de Pompignan ( je ne sais si c'est Paul l'apôtre ou Paul le simple) qui vient encore de fournir aux rieurs de quoi vivre, par son Éloge historique du duc de Bourgogne .[https://books.google.fr/books?id=hxQ6AAAAcAAJ&pg=PA54... ] […] On prétend que Pompignan sollicite pour récompense de son bel ouvrage une place d’historiographe des enfants de France ; je voudrais qu'on la lui donnât, avec la permission de commencer dès le ventre de la mère et défense d'aller au delà de sept ans . » Voir page 154 : https://books.google.fr/books?id=l4lBAAAAcAAJ&pg=PA159&lpg=PA159&dq=mo%C3%AFse+de+montauban&source=bl&ots=cHi_-CBicB&sig=lMhPzhBvdMuCvIijE4cEoKBfE2o&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi6udWG3LnPAhXCNhoKHecaC404ChDoAQg4MAc#v=onepage&q=mo%C3%AFse%20de%20montauban&f=false

2 Le Car, dans lequel Pompignan est désigné sous le nom de Moïse de Montauban, est une polémique à l'occasion de la dédicace de l’Éloge au dauphin et à la dauphine .Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-36700183.html

3 Allusion à la fable « Le singe et le chat » de La Fontaine : http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/singchat.htm

4 C'est à dire de la main de d'Alembert . Celui-ci écrivait encore le 10 octobre : « Nous avons relu vos remarques sur Cinna […] . Je vous avouerai d'abord que la pièce me paraît d'un bout à l'autre froide et sans intérêt, que c'est une conversation en cinq actes , et en style tantôt sublime, tantôt bourgeois, tantôt suranné ; que cette froideur est le grand défaut, selon moi , de toutes nos pièces de théâtre, et qu'à l'exception d quelques scènes du Cid, du 5è acte de Rodogune, et du 4è d'Héraclius, je ne vois rien (dans Corneille en particulier ) de cette terreur et de cette pitié qui fait l'âme de la tragédie .[...] il faut être poli ; il faut donc de grands ménagements, pour avertir les gens qu'ils s'ennuient, et qu'ils n'osent le dire . À l'égard de vos raisonnements et des nôtres, sur les remords de Cinna, qui selon vous viennent trop tard, et qui selon nous viennent assez tôt , je voudrais que vous ne fissiez aucune critique qui fût sujette à contradiction ; et que vous vous bornassiez aux fautes évidentes contre le théâtre ou la grammaire [...] »

6 Comme la Genèse, I, I, 31- Pour la tragédie, voir lettre du 24 octobre 1761 aux d'Argental : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1761-partie-43-122533298.html

7 « On joua vendredi [le 16] Mérope avec Rocqueville et Brunet, dont Mme Denis était très fâchée, mais tout son monde était invité quand les Cramer se dégagèrent […] La pièce fut très bien jouée, Voltaire fit des miracles, la petite passablement et Grenier point mal . Il y avait quarante spectateurs quoi qu'il y en eût manqué 25 . La duchesse y pleura beaucoup . On fait de grands projets pour le printemps, le théâtre est charmant, G[r]enier s'est engagé avec la troupe de Lyon et part la semaine prochaine : ainsi plus d'importuns ». : Charlotte Constant à son mari le 19 octobre 1761 , voir page 69 : http://www.archivesfamillepictet.ch/bibliographie/documents/LettresCharlottePictetSamuelConstant_11_2015.pdf

 

Lire la suite

07/10/2016 | Lien permanent

Page : 207 208 209 210 211 212 213 214 215 216 217