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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

l'auteur me semble n'avoir en vue que le bonheur du genre humain, chose à laquelle ne pensent guère ceux qui sont à la t

... Chef de parti et président des Français sont effectivement deux choses inconciliables que l'auteur de la "lettre ouverte aux Français" semble reconnaître . A suivre ...

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Le Français va pouvoir monter ses talents de râleur et coupeur de cheveux en quatre .

 

 

« A Germain-Gilles-Richard de Ruffey

à Dijon

8è janvier 1764 à Ferney

Je vous jure, mon cher président, que je n'ai envoyé aucun conte à Dijon, excepté un compte à mon procureur, de tout ce que me demande mon curé ; et ce compte est une chose tout à fait différente du conte de Ce qui plait aux dames . Je ne sais comment ce petit amusement a percé dans le monde ; tout ce que je sais, c'est que c'est un conte de ma mère l'Oye, un conte de fées 1.

J'ai ouï dire que ces créatures qui dansaient sur l'herbe, en ne la touchant pas, étaient des fées, et l'académie de Dijon sait sans doute que ces demoiselles dansaient en rond, et qu'elles disparaissaient dès qu'on les regardait . Je ne connait point l'auteur de ce conte, mais je me doute bien qu'il n’acceptera pas les trois vers qu'on lui propose . Si ce petit ouvrage m’était tombé entre les mains, et si je l'avais envoyé à quelqu'un à Dijon, ç'aurait été sûrement à vous .

Il y a un ouvrage plus intéressant qui commence à percer un peu dans le monde ; c'est un essai sur la tolérance ; il y en a très peu d''exemplaires . Si je puis en trouver un , je ne manquerai pas de vous le faire tenir . L'auteur est, à ce que je crois, un protestant assez instruit, qui demande que ses frères puissent cultiver la terre en France, au lieu d'enrichir les pays étrangers . On en a envoyé un à M. de Quintin, votre ami ; priez-le de vous le prêter , et demandez-lui, je vous prie, ce qu'il en pense . Je m’intéresse à cet ouvrage, parce que l'auteur me semble n'avoir en vue que le bonheur du genre humain, chose à laquelle ne pensent guère ceux qui sont à la tête de quelque parti que ce puisse être de ce pauvre genre .

Je croyais M. l’ancien premier président de La Marche à Paris, je le félicite d'être à La Marche, et je vais incessamment lui écrire .

V.

Dites-moi, je vous prie, quel besoin une académie a d'un protecteur, et à quoi un protecteur lui est bon ?2 Le protecteur de l'Académie française lui donne soixante-dix écus par séance, quarante fauteuils de velours, un suisse, du bois, des bougies, le droit de Comittimus 3, c'est du moins quelque chose .

Portez-vous bien, mon très cher président . Je perds la vue, et je perdrai bientôt la vie . Il n'y a pas grand mal à cela . Je vous embrasse de tout mon cœur . »

1 V* décrit ainsi tous les contes récemment écrits ; voir par exemple la lettre du 30 décembre 1763 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/01/01/un-beau-mandement-bien-chretien-bien-seditieux-bien-intolerant-bien-absurde.html

3 Les membres de l'Académie française partagent avec les princes de sang et quelques autres privilégiés le droit de plaider devant le tribunal de leur choix . Voir Committimus page 237 : https://books.google.fr/books?id=y57VIFOi41MC&printsec=frontcover&dq=comittimus+acad%C3%A9mie+fran%C3%A7aise&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjshOCBuu3fAhXyA2MBHX_lCysQ6AEIKjAA#v=onepage&q=comittimus&f=false

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14/01/2019 | Lien permanent

Agathe rit-elle toujours ?

... https://www.youtube.com/watch?v=Ft86TKzr1uQ

 

 

« A Marie-Louise Denis

et à

Marie-Françoise Dupuits

Au château de Ferney 11 juin 1768

Wagnière est toujours malade ; Fanchon se meurt toujours et a continuellement ses deux filles auprès d'elle, Daumart est dans un état plus déplorable que jamais, et il faut garder sa garde qui ne se porte pas mieux que lui ; les pluies gâtent tous les biens de la terre ; quatorze officiers et deux cents soldats sont dans Ferney ; on n'a pas encore commencé le port de Versoix ; mais on va le commencer . Voilà ma chère nièce, l'état où nous sommes .

M. de Bourcet est venu passer ici quelques jours et a donné les derniers ordres pour la construction du port . M. Dupuits va faire son métier . Il passera deux mois dans la montagne noire comme don Quichotte ; on est très content de lui ; il ne plaint ni son temps ni ses peines ; il a autant d'intelligence que d'activité, et il fera son chemin plus vite et plus sûrement en gravissant les rochers avec les chamois qu'en restant confondu dans la foule d'une garnison . Le hasard fait tout, il devra sa fortune à Ferney .

On disait hier que deux bataillons s'étaient emparés d'Avignon 1 . J'en doute encore . Je crois bien qu'on se moque du pape ; mais je n'imagine pas qu'on lui prenne ses villes . En tout cas, tout ce que le roi fera sera bien fait . Je suis toujours de l'avis de son Conseil, je ne ressemble point au Parlement .

Une compagnie de négociants de Nantes s'est avisée de donner mon nom à un vaisseau qu'ils ont mis en mer . Vous croyez bien que je les ai remerciés de mon mieux . Voici une petite apostrophe que j'ai faite à mon vaisseau 2 . J’écrirai incessamment au Turc et au conseiller de La Tournelle . M. de Richelieu m'a enfin écrit et m'a avoué ses torts 3 . Il m'a mandé que le petit Gallien était au Châtelet . Je soupçonne que c'est lui qui lui a procuré cette place . Vous m'avouerez que peu de choses ressemblent à toute l'aventure de Gallien et qu'il y a dans le monde d’étranges originaux .

Adieu, ma chère nièce, vivez heureuse à Paris, si vous voulez que je supporte la vie à Ferney .

 

A madame Dupuits

Votre mari me quitte aujourd'hui, et j'en suis bien fâché, ma chère enfant . Il va grimper sur les montagnes des Alpes, il faudra que tous les ans il fasse de pareilles courses ; c'est pour lui le chemin de la fortune ; il se rendra utile ; il plaira à M. le duc de Choiseul . M. de Bourcet, son commandant, est extrêmement content de lui ; vous ne le serez pas tant, car il sera absent six mois de l'année . Il se partagera entre vous et le service du roi . Vous êtes raisonnable, vous souffrirez ce partage sans murmure . Sa fortune augmentera d'année en année, et son avancement vous consolera de son absence . Il sera à vous les hivers et au roi les étés . Le solitaire de Ferney est à vous dans toutes les saisons, mais malheureusement un vieillard n'en peut rendre aucune agréable . Je vous embrasse de tout mon cœur, vous et Adélaïde.

Agathe 4 rit-elle toujours ? »

1 Les difficultés entre le pape Clément XIII ( né Rezzonico ) et Parme avaient en effet, ainsi qu'on l' a vu, conduit les Bourbons à s'emparer d'Avignon, de Bénevent et de Ponte Corvo : https://books.openedition.org/enc/322?lang=fr

2 Il s'agit de l'épître  https://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89p%C3%AEtres_(Voltaire)/%C3%89p%C3%AEtre_102

« Ô vaisseau qui porte mon nom, / Puisses-tu comme moi résister aux orages [...] »

3Effectivement, dans une curieuse lettre qui donne une conclusion provisoire à l'affaire Gallien : « A Paris ce 27è mai [1768]

« Pour la première fois de ma vie, mon cher Voltaire, j'ai tort avec vous et vous avez trouvé le secret d'avoir raison , mais vous devinez bien mal assurément les motifs d'un évènement aussi extraordinaire . J'ai commencé par vouloir acquitter ce que vous désirez si justement que je finisse pour Mme Denis et comme les affaires ne finissent point, celle-là a traîné . Quand elle a fini, j'ai été emporté par des distractions sans nombre qui ne m'en rendent pas moins inexcusable . Je n’ai que des grâces à vous rendre de vos complaisances pour Gallien et des pardons à vous demander de vous avoir chargé pendant un temps d'un aussi mauvais sujet que j'avais eu la pusillanimité de croire corrigible . Il est venu ici et à son début, il a été chez plusieurs marchands prendre des marchandises pour des commissions de province . Il avait un habit galonné, une montre garnie de diamants et passa chez mon marchand de galons se disant mon secrétaire et celui de mon fils . Il a été enfin arrêté de nouveau et est actuellement au Châtelet . Comment avez-vous pu imaginer que j'aie pu un moment prendre sérieusement tout ce qui s'est passé à cet égard et qu'il y ait quelque chose dans le monde qui ait pu suspendre les sentiments de la tendre amitié innée en moi pour vous ? Puisque votre oubli perpétuel et tant de reproches si justement mérités que je vous ai faits sans succès m'ont prouvé que vous étiez incorrigible et me faire soupçonner que vous n'aviez pas pour moi les mêmes sentiments et que tant de gens avaient la préférence dans votre cœur, ainsi mon cher Voltaire, croyez donc après cela que mon amitié est à l'épreuve de tout et que rien n'a pu diminuer le tendre attachement que j'aurai toute ma vie pour vous . »

Voir : https://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/326-timoleon-gallien-de-salmorenc

4 La femme de chambre de Mme Denis, Agathe Frick . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Demoiselle_des_Lumi%C3%A...

 

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29/01/2024 | Lien permanent

La meilleure manière de réussir est de vous montrer et de parler

Cet excellent conseil ( digne d'un coach du XXIè siècle) ne vaut que par la qualité des idées et des projets .

Se montrer et parler, faire parler de soi aussi , ce dernier point semblant être essentiel à nos politicards, toutes actions dont nous allons être gavés encore quelques mois .

Nous allons avoir droit à des vérités,- non pas à LA vérité,- aussi vraies que les couleurs de cette photo !

DSCF456balance couleurs.JPG

La tradition lepeniste est bien entretenue par Marine, la fille qui commence sa série de procès contre tout ce qui la fache , comme papa le grincheux croulant verbeux à sa belle époque du complot socialo-judéo-maçonnique .  Elle peut le faire, ça ne lui coute pas un radis, son parti payera, comme d'hab .

 

 

 En parlant de procès, venons -en à un avocat, ami , à juste titre, de Volti .

«  A M. DUPONT

Avocat à Colmar

Aux Délices, près de Genève, 9 avril [1755]

Vous avez rendez-vous, mon cher ami, avec M. de Paulmy 1, au mois de juillet, à Strasbourg; je vous enverrai une lettre pour lui, si je suis en vie. La meilleure manière de réussir est de vous montrer et de parler. Je vous écris au milieu de cent ouvriers qui me rompent la tête, et au milieu des maladies qui m'accablent toujours. Vous n'aurez pas de moi une longue lettre, mais une longue amitié. Vous pouvez me mettre à l'épreuve tant que mon cœur, qui est à vous, battra encore chez moi. Nous faisons mille tendres compliments, Mme Denis et moi, à Mme Dupont. Ne nous oubliez pas auprès de M. et de Mme de Klinglin, et de monsieur leur fils. Bonsoir je vous embrasse de tout mon cœur. V. »

 

1 Marc-Pierre de Voyer de Paulmy, comte d'Argenson, ancien condisciple du collège Louis le Grand ; que V* prie d'aider Dupont à obtenir la charge de prévôt de Munster .

http://fr.wikipedia.org/wiki/Marc-Pierre_de_Voyer_de_Paul...

Voir lettres à Dupont et à de Brenles depuis le 3 janvier : par ex . http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/03/dans-le-temps-que-je-vous-parlais-de-caisses-vous-me-parliez.html

Dupont n'obtiendra pas gain de cause .

 

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09/01/2012 | Lien permanent

Si j'étais plus jeune, et si j'aimais encore la poésie, je serais tenté de faire un petit poème épique sur le roi Nicola

... Las ! Las ! il ne me reste que peu de jours pour encenser "le roi Nicolas 1er", roi du mensonge toutes catégories, ses rivaux candidats à la magistrature suprème étant des modèles de vertu par comparaison . S'il était doté du nez de Pinocchio, il fournirait du bois pour plusieurs générations de cheminées .

http://cfdt.ca-languedoc.over-blog.net/article-nicolas-sa...

Sarko-Pinocchio.jpg

 

Voir : http://desintox.blogs.liberation.fr/blog/bobaromètre/

et : http://desintox.blogs.liberation.fr/blog/nicolas-sarkozy/

Et pour illustrer avec le sourire les derniers bobards de N.S. ( Népote Sortant ; voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9potisme ) sur la délinquance, je vous offre cette chanson de Brassens, -peu connue, je crois , hélas -.

http://www.youtube.com/watch?v=uj4L0fekgYE&feature=relmfu

« A M. Élie BERTRAND.

Aux Délices, près Genève, 20 novembre 1755.

J'ai envoyé, mon cher monsieur, à M. de Morancour 1, une lettre que j'ai écrite à l'Académie française, au sujet des rapsodies qu'on se plaît à imprimer sous mon nom. Cette lettre a déjà paru dans les feuilles littéraires de Genève, et je me flatte que votre gazette voudra bien s'en charger. C'est un nouveau préservatif que je suis obligé de donner contre cet ancien poème de la Pucelle, qu'on renouvelle si mal à propos, et qu'on a déjà défiguré dans trois éditions qui paraissent à la fois. Tout ce que je peux faire, c'est de désavouer cet ouvrage. J'empêche, autant que je peux, qu'il ne paraisse à Genève; je sens bien que mes efforts seront inutiles. J'en connais une édition qui n'est pas sûrement faite par Maubert, car le libraire qui était en marché à Francfort a mandé que la copie de Maubert était en douze chants, et l'édition dont je vous parle est en quinze. Mme la duchesse de Saxe-Gotha, qui l'a lue, m'a fait l'honneur de me mander, comme je crois vous l'avoir déjà dit, que cet ouvrage l'avait beaucoup amusée, et que, tout libre qu'il est, il ne contient aucune de ces indécences qu'on m'avait fait craindre; mais enfin c'est un ouvrage libre, et cela seul suffit pour qu'un homme de soixante ans passés, qui a l'esprit de son âge, soit très-fâché de se voir ainsi compromis. Je suis aussi fâché que l'est le Grondeur, à qui on veut faire danser la courante.
Si j'étais plus jeune, et si j'aimais encore la poésie, je serais tenté de faire un petit poème épique sur le roi Nicolas Ier. Vous savez sans doute qu'on prétend qu'un jésuite s'est enfin déclaré roi du Paraguai 2, et que ce roi s'appelle Nicolas. On m'a envoyé des vers à la louange de Nicolas les voici

Du bon Nicolas premier
Que Dieu bénisse l'empire;
Et qu'il lui daigne octroyer,
Ainsi qu'à son ordre entier,
La couronne du martyre!


J'ai reçu une Ode sur la Mort, qui m'est adressée 3. On la dit du roi de Prusse; elle est imprimée à la Haye, avec ce titre, qu'on met ordinairement aux ouvrages du roi de Prusse De main de maitre, et une couronne pour vignette. Je ne l'enverrai pourtant pas au conseil de Berne, comme Maupertuis a envoyé les lettres du roi de Prusse 4; je me contenterai d'apprendre tout doucement à mourir, et je mourrai assurément plein d'estime et de tendresse pour vous. Je vous embrasse de tout mon cœur, et je vous avertis que je veux vivre encore ce printemps pour venir vous dire à Berne combien je vous aime. »

 

 

 

 

1 Sans doute Didier de Morancourt de Selongey qui fit un temps partie des Français en Russie .

 

 

 

 

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20/04/2012 | Lien permanent

Il arrivera du grabuge . C'est moi qui vous le dis Mademoiselle

... Les retraités manifestent !

Ouh la la ! le gouvernement doit trembler sur sa base grâce aux parkinsoniens et sucreurs de fraises en colère .

Cette manif arrive trop tard, aucun ministère ne peut lâcher quoi que ce soit pour améliorer leur sort et du coup, évidemment l'issue des élections prochaines ; le poids des votes des têtes chenues est loin d'être négligeable, attention , elles peuvent faire pencher la balance à leur gré  .

 

grabuge.jpg

 Vous noterez qu'il n'y a pas ci-dessus de mémés flingueuses, elles sont à la maison pour préparer la tisane des héros/héraults fatigués

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

A notre métairie, 21 mars 1760

Ma très honorée Demoiselle,1

J'ai bien reçu celle qu'il vous a plu m'écrire avec l'incluse de la chère demoiselle Féderci 2. C'est dommage qu'elle ait tant de caprices comme mon cousin a toujours eu l'honneur de vous le dire . Son mariage entre nous n'a pas l'air de se conclure sitôt . On lui proposait pourtant un beau garçon et vous savez qu'elle ne hait pas les beaux garçons 3. Mais voyez-vous, elle n'est pas assez craignant Dieu . Il arrivera du grabuge . C'est moi qui vous le dis Mademoiselle . Cette personne- là était bien élevée et paraissait avoir de beaux sentiments . Le monde l'a gâtée . Il ne tenait qu'à elle de vivre la plus heureuse personne du monde ; elle a dépensé son bien en passant pour un avare . Il y a là une mauvaise étoile . Cela finira mal Mademoiselle . Son oncle le capitaine de vaisseau a mieux conduit sa barque . Pour mon cousin je vous avouerai qu'il n'a pas le sens commun et qu'il se ruine en se faisant moquer de lui . Il tire toujours sa poudre aux moineaux, bat les buissons pour qu'un autre prenne les oisillons, fait de cent sous quatre livres, et de quatre livres rien . On ne voit que des sottises dans presque toutes les familles . Que vous êtes heureuse ma chère et honorée Demoiselle d'être auprès de Mme la duchesse ! Tredame 4! C'est un modèle de bonté et de vertu . Si je n’étais pas si vielle et si infirme j’irais vous voir et je prierais la respectable Mme de Bukvald de me mettre aux pieds de Son Altesse Sérénissime . Le bruit a couru dans nos quartiers que ses augustes enfants représentent une comédie en d'Amérique . Cela s'appelle je crois Alzire . Je ne sais pas si c'est en allemand, mais je crois que c'est en français, car on parle admirablement bien la langue française dans le palais de Son Altesse Sérénissime, et je n'ai pas trouvé qu'on eût le moindre accent . Il faut que Mme la duchesse ait bien de la raison et de l'esprit, Mademoiselle, car elle a trouvé le secret de préserver son pays des horreurs de la guerre dans le temps que tant d'autres pâtissent . Je lui souhaite toutes sortes de prospérités car elle les mérite, car elle est adorable . Mon beau-frère Rigourney et ma tante Bougeant vous saluent . Nos terres ont rapporté bien peu de grain cette année, il faut se consoler et espérer, et je suis bien humblement votre servante

Lamentier »

2Sans doute celle-ci : « DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Freyberg, 20 mars [1760].
TOUJOURS SUR LA PAIX.



Peuple charmant, aimables fous,
Qui parlez de la paix sans songer à la faire,
A la fin donc résolvez-vous :
Avec la Prusse et l'Angleterre
Voulez-vous la paix ou la guerre?
Si Neptune sur mer vous a porté des coups,
L'esprit plein de vengeance et le cœur en courroux,
Vous formez le projet de subjuguer la terre;
Votre bras s'arme du tonnerre.

Hélas! tout, je le vois, est à craindre pour nous;
Votre milice est invincible,
De vos héros fameux le dieu Mars est jaloux,
La fougue française est terrible;
Et je crois déjà voir, car la chose est plausible.
Vos ennemis vaincus tremblant à vos genoux.
Mais je crains beaucoup plus votre rare prudence,
Qui par un fortuné destin
A du souffle d'Éole, utile à la finance,
Abondamment enflé les outres de Bertin 1.



Vous parlez à votre aise de cette cruelle guerre. Sans doute les contributions que votre seigneurie de Ferney donne à la France nourrissent la constance des ministres à la prolonger. Refusez vos subsides au Très-Chrétien, et la paix s'ensuivra. Quant aux propositions de paix dont vous parlez 2, je les trouve si extravagantes que je les assigne aux habitants des petites- maisons, qui seront dignes d'y répondre. Que dirai-je de vos ministres? Certes ces gens sont fous, ou ces gens sont des dieux 3. Ils peuvent s'attendre de ma part que je me défendrai en désespéré ; le Hasard4 décidera du reste.



De cette affreuse tragédie
Vous jugez en repos parmi les spectateurs,
Et sifflez en secret la pièce et les acteurs ;
Mais de vos beaux esprits la cervelle étourdie
En a joué la parodie.
Vous imitez les rois : car vos fameux auteurs
De se persécuter ont tous la maladie.
Nos funestes débats font répandre des pleurs,
Quand vos poétiques fureurs
Au public né moqueur donnent la comédie.
Si Minerve de nos exploits

Et des vôtres un jour faisait un juste choix,

Elle préférerait, et j'ose le prédire,

Aux fous qui font pleurer les peuples et les rois,

Les insensés qui les font rire.



Je vous ferai payer jusqu'au dernier sou, pour que Louis du Moulin5 ait de quoi me faire la guerre. Ajoutez dixième au vingtième, mettez des capitations nouvelles, créez des charges pour avoir de l'argent; faites, en un mot, ce que vous voudrez : nonobstant tous vos efforts, vous n'aurez la paix signée de mes mains qu'à des conditions honorables à ma nation. Vos gens bouffis de vanité et de sottise peuvent compter sur ces paroles sacramentales :


Cet oracle est plus sûr que celui de Calchas. (RACINE, Iphigénie, acte III, scène VII.)



Adieu, vivez heureux; et, tandis que vous faites tous vos efforts pour détruire la Prusse, pensez que personne ne l'a jamais moins mérité que moi, ni de vous, ni de vos Français. »


1. Ces vers ont été aussi insérés par Frédéric dans sa lettre à d'Argens, du 20 mars 1760.
2. On n'a pas retrouvé la lettre où Voltaire parlait de paix à Frédéric. (Clogenson.)

3. Épître à Algarotti (1735).
4. Voyez le commencement de la lettre du 30 mars 1759 à Frédéric II : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/05/19/c...

5. Louis XV .

3 Moquerie que ne craint pas de renouveler V* envers Frédéric II et ses « favoris ».

4 Variante euphémistique bien connue de « Notre Dame » qu'on trouve aussi sous la forme tredanse, tredinse, etc.

 

 

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20/03/2015 | Lien permanent

Monsieur l'évêque est occupé auprès de quelques filles de l'Opéra-Comique

 

goldoni théatre italien milwauk2.jpg

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

 

13 février [1763]

 

Mon cher frère, si vous n'avez pas des Éclaircissements historiques, en voici . Il est assez plaisant qu'on puisse imprimer la calomnie, et qu'on ne puisse pas imprimer la justification i. Je joins à ces deux exemplaires la véritable feuille de l'Essai sur les Mœurs ii de laquelle assurément Messieurs doivent être contents, à moins qu'ils ne soient extrêmement difficiles . Comme il n'y a rien dans cette feuille qui ne se trouve dans le procès de Damiens que le parlement lui-même a fait imprimer, je ne vois pas que Messieurs aient le moindre prétexte de me traiter comme les jésuites ; d'ailleurs, j'aime la vérité, et je ne crains point Messieurs. Je suis à l'abri de leur greffier . Au reste, il me semble qu'il y a , à la page 325, une chose bien flatteuse pour un de ces Messieurs iii.

 

Quant à la roture de Messieurs, il faudrait être aussi ignorant qu'un jeune conseiller au parlement pour ne pas savoir que jamais de simples conseillers ne furent nobles . Voyez le chapitre de la noblesse . C'est bien pis. Les chanceliers n'étaient pas nobles par leur charge ; ils avaient besoin de lettres d'anoblissement . Quand on écrit l'histoire il faut dire la vérité et ne point craindre ceux qui se croient intéressés à l'opprimer.

 

Le traité sur l'éducation iv me parait un très bon ouvrage, et pour tout dire, digne de l'honneur que frère Platon-Diderot lui a fait d'en être l'éditeur.

 

Si frère Thieriot ne sait pas l'air de Béchamel, je vais vous l'envoyer noté, car il faut avoir le plaisir de chanter : Vive le roi et Simon Lefranc !v

 

Avez-vous entendu parler de la pièce dont M. Goldoni a régalé le Théâtre-Italien vi? a-t-elle du succès ? joue-t-on encore le vieux Dupuis et M. Desronais vii? J'avais prié mon cher frère de m'envoyer ce Dupuis ; j'attendais le discours de mon confrère l'évêque de Montrouge viii, il m'avait écrit qu'il me l'envoyait, mais point de nouvelles . Monsieur l'évêque est occupé auprès de quelques filles de l'Opéra-Comique . Mais c'est à frère Thieriot que j'en veux : il est bien cruel qu'il n'ait pas encore cherché les Dialogues de Grégoire-le-Grand . Je les avais autrefois . C'est un livre admirable en son espèce : la bêtise ne peut aller plus loin.

 

J'embrasse tendrement mon cher frère, et je le prie de faire passer cette lettre à Pindare-Le Brun dont je suis censé ignorer les sottises ix.

 

Je reçois Tout le monde a tort x. Ce Tout le monde a tort ne serait-il point de Mme Belot ? Il me parait qu'une ironie de soixante pages en faveur des jésuites pourrait être dégoutante . »


i « petite addition » à l'Histoire générale : Éclaircissements historiques à l'occasion d'un libelle calomnieux sur l'Essai de l'histoire générale, qui répond aux Erreurs de M. de Voltaire, de Nonnotte . Damilaville a également écrit une réponse que V* joignit à la sienne sous le titre de Additions aux susdits éclaircissements .

http://www.archive.org/details/erreursdevoltair01nonn

http://www.voltaire-integral.com/Html/24/64_Eclaircisseme...

Cf. lettres à d'Alembert du 28 novembre 1762, à Damilaville du 9 septembre et du 13 décembre 1762 :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/11/27/a...

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/08/c...

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/12/13/l...

La « calomnie » désigne les écrits de Nonnotte . Les Éclaircissements sont signalés à Malesherbes comme imprimés du 29 janvier 1763.

ii A ce propos, voir lettre à Mme d'Argental du 9 février : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/02/09/j...

iii Dans le chapitre sur l'attentat de Damiens «  ... l'un (des membres du parlement exilé) ... célèbre pour son patriotisme et pour son éloquence, fonda une messe à perpétuité pour remercier Dieu d'avoir conservé la vie du roi qui l'exilait », avec cette note de V* : « L'abbé de Chauvelin »

iv De l'Éducation publique, 1762 . Thieriot disait qu'on ne connaissait pas l'auteur de cet ouvrage édité par Diderot ; on a cité Jean-Baptiste-Louis Crevier ou même Diderot lui-même. http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste-Louis_Crevier

http://books.google.be/books?id=d-wNAAAAYAAJ&printsec...

v C'est l'Hymne chanté au village de Pompignan ; http://books.google.be/books?id=2sJCAAAAYAAJ&pg=PA140...

cf. lettre à Mme d'Argental du 9 février .

vi L'Amour paternel ou La Suivante reconnaissante, représentée le 4 février au Théâtre Italien . http://fr.wikipedia.org/wiki/Carlo_Goldoni

vii Dupuis et Desronais, comédie de Charles Collé ; cf. lettre à Damilavile du 24 janvier . Représentée pour la première fois à la Comédie-Française le 17 janvier . http://books.google.be/books?id=FSU_AAAAcAAJ&printsec...

viii C'est le discours de réception à l'Académie Française, prononcé le 22 janvier par l'abbé Voisenon ; il signait « évêque de Montrouge » car il fréquentait la maison du duc de La Vallière à Montrouge. http://www.academie-francaise.fr/immortels/discours_recep...

http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude-Henri_de_Fus%C3%A9e_d...

ix Sur ce Le Brun, surnommé Pindare à cause de son ode sur Corneille, et sur ses rapports avec V*, voir lettres à d'Alembert du 18 janvier et Damilavile du 24 janvier : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/16/j...

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/01/25/l...

x Tout le monde a tort ou Jugement impartial d'une dame philosophique, sur l'affaire présente des jésuites, 1762, attribué à Claude-Cyprien-Louis Abrassevin, jésuite .

Voir note 17862 page 325 : http://books.google.be/books?id=ozgLAAAAQAAJ&pg=PA325...

 

 

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13/02/2011 | Lien permanent

Il est assez plaisant qu'on puisse imprimer la calomnie, et qu'on ne puisse pas imprimer la justification

... Affirmation du XVIIIè siècle, à actualiser aujourd'hui, ou non ?

 

« A Etienne-Noël Damilaville

13 février [1763]

Mon cher frère, si vous n'avez pas des Éclaircissements historiques, en voici . Il est assez plaisant qu'on puisse imprimer la calomnie, et qu'on ne puisse pas imprimer la justification i. Je joins à ces deux exemplaires la véritable feuille de l'Essai sur les Mœurs ii de laquelle assurément Messieurs doivent être contents, à moins qu'ils ne soient extrêmement difficiles . Comme il n'y a rien dans cette feuille qui ne se trouve dans le procès de Damiens que le parlement lui-même a fait imprimer, je ne vois pas que Messieurs aient le moindre prétexte de me traiter comme les jésuites ; d'ailleurs, j'aime la vérité, et je ne crains point Messieurs. Je suis à l'abri de leur greffier . Au reste, il me semble qu'il y a , à la page 325, une chose bien flatteuse pour un de ces Messieurs iii.

Quant à la roture de Messieurs, il faudrait être aussi ignorant qu'un jeune conseiller au parlement pour ne pas savoir que jamais de simples conseillers ne furent nobles . Voyez le chapitre de la noblesse . C'est bien pis. Les chanceliers n'étaient pas nobles par leur charge ; ils avaient besoin de lettres d'anoblissement . Quand on écrit l'histoire il faut dire la vérité et ne point craindre ceux qui se croient intéressés à l'opprimer.

Le traité sur l'éducation iv me parait un très bon ouvrage, et pour tout dire, digne de l'honneur que frère Platon-Diderot lui a fait d'en être l'éditeur.

Si frère Thieriot ne sait pas l'air de Béchamel, je vais vous l'envoyer noté, car il faut avoir le plaisir de chanter : Vive le roi et Simon Lefranc !v

Avez-vous entendu parler de la pièce dont M. Goldoni a régalé le Théâtre-Italien vi? a-t-elle du succès ? joue-t-on encore le vieux Dupuis et M. Desronais vii? J'avais prié mon cher frère de m'envoyer ce Dupuis ; j'attendais le discours de mon confrère l'évêque de Montrouge viii, il m'avait écrit qu'il me l'envoyait, mais point de nouvelles . Monsieur l'évêque est occupé auprès de quelques filles de l'Opéra-Comique . Mais c'est à frère Thieriot que j'en veux : il est bien cruel qu'il n'ait pas encore cherché les Dialogues de Grégoire-le-Grand . Je les avais autrefois . C'est un livre admirable en son espèce : la bêtise ne peut aller plus loin.

J'embrasse tendrement mon cher frère, et je le prie de faire passer cette lettre à Pindare-Le Brun dont je suis censé ignorer les sottises ix.

Je reçois Tout le monde a tort x. Ce Tout le monde a tort ne serait-il point de Mme Belot ? Il me parait qu'une ironie de soixante pages en faveur des jésuites pourrait être dégoutante . »

i « petite addition » à l'Histoire générale : Éclaircissements historiques à l'occasion d'un libelle calomnieux sur l'Essai de l'histoire générale, qui répond aux Erreurs de M. de Voltaire, de Nonnotte . Damilaville a également écrit une réponse que V* joignit à la sienne sous le titre de Additions aux susdits éclaircissements .

http://www.archive.org/details/erreursdevoltair01nonn

http://www.voltaire-integral.com/Html/24/64_Eclaircisseme...

Cf. lettres à d'Alembert du 28 novembre 1762, à Damilaville du 9 septembre et du 13 décembre 1762 :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/11/27/a...

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/08/c...

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/12/13/l...

La « calomnie » désigne les écrits de Nonnotte . Les Éclaircissements sont signalés à Malesherbes comme imprimés du 29 janvier 1763.

ii A ce propos, voir lettre à Mme d'Argental du 9 février : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/02/09/j...

iii Dans le chapitre sur l'attentat de Damiens «  ... l'un (des membres du parlement exilé) ... célèbre pour son patriotisme et pour son éloquence, fonda une messe à perpétuité pour remercier Dieu d'avoir conservé la vie du roi qui l'exilait », avec cette note de V* : « L'abbé de Chauvelin »

iv De l'Éducation publique, 1762 . Thieriot disait qu'on ne connaissait pas l'auteur de cet ouvrage édité par Diderot ; on a cité Jean-Baptiste-Louis Crevier ou même Diderot lui-même. http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste-Louis_Crevier

http://books.google.be/books?id=d-wNAAAAYAAJ&printsec...

v C'est l'Hymne chanté au village de Pompignan ; http://books.google.be/books?id=2sJCAAAAYAAJ&pg=PA140...

cf. lettre à Mme d'Argental du 9 février .

vi L'Amour paternel ou La Suivante reconnaissante, représentée le 4 février au Théâtre Italien . http://fr.wikipedia.org/wiki/Carlo_Goldoni

vii Dupuis et Desronais, comédie de Charles Collé ; cf. lettre à Damilavile du 24 janvier . Représentée pour la première fois à la Comédie-Française le 17 janvier . http://books.google.be/books?id=FSU_AAAAcAAJ&printsec...

viii C'est le discours de réception à l'Académie Française, prononcé le 22 janvier par l'abbé Voisenon ; il signait « évêque de Montrouge » car il fréquentait la maison du duc de La Vallière à Montrouge. http://www.academie-francaise.fr/immortels/discours_recep...

http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude-Henri_de_Fus%C3%A9e_d...

ix Sur ce Le Brun, surnommé Pindare à cause de son ode sur Corneille, et sur ses rapports avec V*, voir lettres à d'Alembert du 18 janvier et Damilavile du 24 janvier : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/16/j...

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/01/25/l...

x Tout le monde a tort ou Jugement impartial d'une dame philosophique, sur l'affaire présente des jésuites, 1762, attribué à Claude-Cyprien-Louis Abrassevin, jésuite .

Voir note  page 325 : http://books.google.be/books?id=ozgLAAAAQAAJ&pg=PA325...

 

 

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10/01/2018 | Lien permanent

Il se perdit, dans ce temps-là, un paquet du courrier ... Les amants et les banquiers sont ceux qui perdent le plus à ce

... Ce qui arrivait au courrier papier, peut encore survenir pour le courrier électronique, et ce sont alors uniquement les banquiers qui y perdent ; les amants , eux, via Fesses de Bouc et Tweety bird font connaitre au monde entier leurs émois intimes, ce qui alors ne peut constituer éventuellement une réelle grosse perte d'information, il est vrai , et je fais des voeux pour que leurs niaiseries soient victimes de gros méchants bugs.

 Planter à cet âge ?

Oui, la terre du château de Volti fait fleurir les poteaux !

 poteau fleuri 3817.png

 

« A M. Nicolas-Claude THIERIOT.

Aux Délices, 1er octobre [1757].

Vraiment, je n'ai point eu cette lettre que vous m'écrivîtes huit jours après m'avoir envoyé les Mémoires de Hubert. Il se perdit, dans ce temps-là, un paquet du courrier de Lyon, sans qu'on ait pu jamais savoir ce qu'il est devenu. Les amants et les banquiers sont ceux qui perdent le plus à ces aventures. Je ne suis l'un ne l'autre1, mais je regrette fort votre lettre. Nous avons depuis longtemps, mon ancien ami, celle de Fédéric 2 au très-aimable et très-humain conjuré anglais réfugié 3, gouverneur de Neufchâtel. Je vous assure que j'en reçois de beaucoup plus singulières encore, et de lui et de sa famille. J'ai vu bien des choses extraordinaires en ma vie je n'en ai point vu qui approchassent de certaines choses qui se passent et que je ne peux dire. Ma philosophie s'affermit et se nourrit de toutes ces vicissitudes.
Vous ai-je mandé que M. et Mme de Montferrat sont venus ici bravement faire inoculer un fils unique qu'ils aiment autant que leur propre vie ? Mesdames de Paris, voilà de beaux exemples. Mme la comtesse de Toulouse ne pleurerait pas aujourd'hui M. le duc d'Antin 4, si on avait eu du courage. Un fils du gouverneur du Pérou 5, qui sort de mon ermitage, me dit qu'on inocule dans le pays d'Alzire. Les Parisiens sont vifs et tardifs.
Ce ne sont pas les auteurs de l'Encyclopédie qui sont tardifs je crois le septième tome imprimé, et je l'attends avec impatience. La cour de Pétersbourg n'est pas si prompte elle m'envoie toutes les archives de Pierre le Grand. Je n'ai reçu que le recueil de tous les plans, et un des médaillons d'or grands comme des patènes.
Je vous assure que je suis bien flatté que les descendants de Lisois 6 soient contents de ce qui m'est échappé, par-ci par-là, sur leur respectable maison. Nous autres badauds de Paris, nous devons chérir les Montmorency par-dessus toutes les maisons du royaume. Ils ont été nos défenseurs nés, ils étaient les premiers seigneurs, sans contredit, de notre Ile-de-France, les premiers officiers de nos rois, et, presque en tout temps, les chefs de la gendarmerie royale. Ils sont aux autres maisons ce qu'une belle dame de Paris est à une belle dame de province et, en qualité de Parisien et de barbouilleur de papier, j'ai toujours eu ce nom en vénération. Ce serait bien autre chose si je voyais la beauté près de laquelle vous avez le bonheur de vivre.
Quel est donc ce paquet que vous m'envoyez contre-signé Bouret ? Je voudrais bien que ce fût un paquet russe car j'ai actuellement plus de correspondance avec la grande Permie et Archangel qu'avec Paris. Est-il vrai que M. Bouret n'a plus le portefeuille des fermes générales 7, et qu'il est réduit à ne plus songer qu'à son plaisir ? Bonsoir ; je vous quitte pour aller planter.


mais planter à cet âge !
Disaient trois jouvenceaux, enfants du voisinage;
Assurément il radotait 8
.


Au moins, je radote heureusement; et je finis plus tranquillement que je n'ai commencé. Vale, amice.
Le Suisse V. »   

1 Vieille tournure digne de Marot ou La Fontaine .

2 C'est ainsi que le roi de Prusse signe ses lettres à V* .

3 George Keith, dixième comte Marischal appelé par V* « milord Maréchal ». http://fr.wikipedia.org/wiki/George_Keith

4 Louis de Pardaillan de Gondrin, dernier duc d'Antin, né en 1727, mort en Allemagne peu de temps auparavant ; petit-fils et filleul de Mme de Gondrin, à laquelle est adressée une épître : page 227 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113266/f229.image.r=gondrin

Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_de_Pardaillan_de_Gondrin_%281727-1757%29

5 De 1746 à 1762, le gouverneur du Pérou fut José Manso de Velasco, comte de Superunda . On peut voir dans cette mention une des sources de l'épisode de l'Eldorado dans Candide .

7 Non, il l'a toujours .

8 La Fontaine : Le vieillard et les trois jeunes hommes : http://www.shanaweb.net/lafontaine/le-vieillard-et-les-trois-jeunes-hommes.htm

 

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31/12/2012 | Lien permanent

il faut chercher la paix de l’âme dans la vérité, et fouler aux pieds des erreurs monstrueuses qui bouleverseraient cett

... Et c'est ce qui est arrivé : François Hollande est candidat , jouet des fripons de gauche pour s'opposer aux truands de droite, donc doublement joué : https://www.bfmtv.com/politique/elections/legislatives/le...

 

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

7è décembre 1768

Puisque vous vous êtes amusée de cela 1, madame, amusez-vous de ceci : c’est un ouvrage de l’abbé Caille 2, que vous avez tant connu, et qui vous était bien tendrement attaché.

Eh, pardieu ! madame, comment pouvais-je faire avec le président ? Mille gens charitables, dans Paris, m’attribuaient cet ouvrage contre lui ; on me le mandait de tous côtés. Jamais Ragotin n’a été plus en colère que moi. Je n’ai découvert l’auteur que d’aujourd’hui, après trois mois de recherches. Ce n’est point sans doute le marquis de Belestat 3, c’est un gentilhomme de sa province, qu’on appelle aussi monsieur le marquis. Il est très profond dans l’histoire de France, c’est une espèce de comte de Boulainvilliers, très poli dans la conversation, mais hardi et tranchant la plume à la main. Il est bien injuste envers M. le président Hénault, et bien téméraire envers le petit-fils de Shah-abas 4. Si j’ai assez de matériaux pour le réfuter, j’en userai avec toute la circonspection possible. Je veux que l’ouvrage soit utile, et qu’il vous amuse. Il s’agit de Henri IV ; j’ai quelque droit sur ce temps-là ; je compte même dédier mon ouvrage 5 à l’Académie française, parce que j’y prends le parti d’un de ses membres. La plupart des gens voient déchirer leur confrère avec une espèce de plaisir . Je prétends leur apprendre à vivre.

Vous savez sans doute que quand l’évêque du Puy ennuyait son monde à Saint-Denis 6, une centaine d’auditeurs se détacha pour aller visiter le tombeau d’Henri IV. Ils se mirent tous à genoux autour du tombeau, et, attendris les uns par les autres, ils l’arrosèrent de leurs larmes. Voilà une belle oraison funèbre et une belle anecdote. Cela ne tombera pas à terre 7.

Je me flatte, madame, que votre petite mère 8 n’a rien à craindre des sots contes que l’on débite dans Paris contre son mari, que je regarde comme un homme de génie, et par conséquent comme un homme unique dans le petit siècle qui a succédé au plus grand des siècles.

Oui, sans doute, la paix vaut encore mieux que la vérité . C’est-à-dire qu’il ne faut pas contrister son voisin pour des arguments . Mais il faut chercher la paix de l’âme dans la vérité, et fouler aux pieds des erreurs monstrueuses qui bouleverseraient cette âme, et qui la rendraient le jouet des fripons.

Soyez très-sûre qu’on passe des moments bien tristes à quatre-vingts ans, quand on nage dans le doute. Vos amis les Chaulieu et les Saint-Aulaire sont morts en paix. "

3 Dans la lettre du 28 novembre 1768 à Marmontel , Voltaire a dit qu’il n’y avait point de marquis de Belestat : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/06/08/la-censure-contre-dans-le-cul-6502046.html

4 Louis XV, ainsi qu'on l'a vu , voir passages cités dans la lettre du Voyez les passages cités dans la lettre du 13 septembre 1768 à Hénault : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/06/08/la-censure-contre-dans-le-cul-6502046.html

5 Voltaire n’a point fait cet ouvrage pour la défense du président Hénault ; il a rédigé seulement quelques notes dont nous avons parlé ; voir page 532 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome15.djvu/542

6 Sur l'oraison funèbre prononcée par Lefranc de pompignan, voir lettre du 9 septembre 1768 à Chabanon : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/03/24/les-droits-des-hommes-et-les-usurpations-des-autres-6491084.html

7 Voltaire en parla dans l’édition suivante de son Essai sur les Mœurs ; voir page 562 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome12.djvu/572

 

8 Mme de Choiseul, que Mme du Deffand appelait sa grand-maman.

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16/06/2024 | Lien permanent

vous vous préparez à accabler du poids de votre crédit, une femme que vous croyez sans appui ...Mais je vous avertis, mo

... Voilà encore un exemple de la volonté de justice de ce Voltaire que j'aime/nous aimons .

Et que ceux qui ne voient en lui qu'un chicanier, qu'ils se mettent à la place de la famille Calas, Sirven, de La Barre, des serfs de Saint-Claude, etc. et ils verront alors la qualité défensive et la valeur offensive de cet homme génial .

 

Sans titre111.png

 Avertissement aux barons de la finance et de la politique !

 

« A Charles de Brosses, baron de Montfalcon

20 octobre 1761 1

Vous n'êtes donc venu chez moi, monsieur, vous ne m'avez offert votre amitié que pour empoisonner par des procès la fin de ma vie . Votre agent le sieur Girod dit, il y a quelque temps , à ma nièce, que si je n'achetais cinquante mille écus, pour toujours, la terre que vous m'avez vendue à vie, vous la ruineriez après ma mort, et il n’est que trop évident que vous vous préparez à accabler du poids de votre crédit, une femme que vous croyez sans appui, puisque vous avez déjà commencé des procédures que vous comptez faire valoir quand je ne serai plus . Mais je vous avertis, monsieur, que vous ne réussirez pas dans cette entreprise odieuse .

J'achetai votre petite terre de Tournay à vie, à l'âge de soixante et six ans, sur le pied que vous voulûtes . Je m'en remis à votre honneur, à votre probité ; vous dictâtes le contrat, je signai aveuglément . J'ignorais que ce chétif domaine 2 ne vaut pas douze cent livres dans les meilleures années ; j'ignorais que le sieur Chouet votre fermier, qui vous en rendait trois mille livres, y en avait perdu vingt-deux mille . Vous exigeâtes de moi trente-cinq mille livres, je les payai comptant . Vous voulûtes que je fisse les trois premières années pour douze mille francs de réparations . J'en ai fait pour dix-huit mille en trois mois de temps, et j'en ai les quittances . J'ai rendu très logeable une masure inhabitable , j'ai tout amélioré, et tout embelli, comme si j'avais travaillé pour mon fils, et la province en est témoin ; elle est témoin aussi que votre prétendue forêt, que vous me donnâtes dans vos mémoires pour cent arpents, n'en contient pas quarante . Je ne me plains pas de tant de lésions, parce qu'il est au-dessous de moi de me plaindre .

Mais je ne peux souffrir (et je vous l'ai mandé, monsieur ) que vous me fassiez un procès pour deux cents francs, après avoir reçu de moi plus d'argent que votre terre ne vaut . Est-il possible que dans la place où vous êtes, vous vouliez nous dégrader l'un et l'autre, au point de voir les tribunaux retentir de votre nom et du mien pour un objet si méprisable ?

Mais vous m'attaquez . Il faut me défendre, j'y suis forcé . Vous me dîtes en me vendant votre terre au mois de décembre 1758, que vous vouliez que je laissasse sortir des bois de ce que vous appelez la forêt ; que ces bois étaient vendus à un gros marchand de Genève, qui ne voulait pas rompre son marché . Je vous crus sur votre parole ; je vous demandai seulement quelques moules de bois de chauffage, et vous me les donnâtes en présence de ma famille .

Je n'en ai jamais pris que six : et c'est pour six voies de bois que vous me faites un procès . Vous faites monter ces six voies à douze, comme si l'objet devenait moins vil .

Mais il se trouve, monsieur, que ces moules de bois m'appartiennent, et non seulement ces moules, mais tous les bois que vous avez enlevés de ma forêt depuis le jour que j'eus le malheur de signer avec vous . Vous me faites un procès, dont les suites ne peuvent retomber que sur vous, quand même vous le gagneriez .

Vous me faites assigner au nom d'un paysan de cette terre, à qui vous dites à présent avoir vendu ces bois en question . Voilà donc le gros marchand de Genève avec qui vous aviez contracté ! Il est de notoriété publique que jamais vous n'aviez vendu ces bois à ce paysan ; que vous les avez fait exploiter, et vendre par lui à Genève pour votre compte : tout Genève le sait . Vous lui donniez deux pièces de vingt-et-un sous par jour pour faire l'exploitation, avec un droit sur chaque moule de bois, dont il vous rendait compte . Il a toujours compté avec vous de clerc à maître . Je crus votre agent le sieur Girod, quand il me dit que vous aviez fait une vente réelle . Il n'y en a point, monsieur ; le sieur Girod a fait vendre en détail, pour votre compte, mes propres bois, dont vous me redemandez aujourd'hui douze moules .

Si vous avez fait une vente réelle à votre paysan, qui ne sait ni lire ni écrire, montrez moi l'acte par lequel vous avez vendu, et je suis prêt à payer .

Quoi ! Vous me faites assigner par ce paysan au bas de l'exploit même que vous lui envoyez ! Et vous dites dans votre exploit, que vous fîtes avec lui une convention verbale ! Cela est-il permis, monsieur? les conventions verbales ne sont elles pas défendues par l'ordonnance de 1667, pour tout ce qui passe la valeur de cent livres ?

Quoi, vous auriez voulu en me vendant si chèrement votre terre, me dépouiller du peu de bois qui peut y être ! Vous en aviez vendu un tiers il y a quelques années , votre paysan a abattu l'autre tiers pour votre compte . Son exploit porte qu'il me vend le moule douze francs, et qu'il vous en rend douze francs ( en déduisant, sans doute, sa rétribution ). N'est-ce pas là une preuve convaincante, qu'il vous rend compte de la recette et de la dépense ? que votre vente prétendue n'a jamais existé, et que je dois répéter tous ces bois que vous fîtes enlever de ma terre ? Vous en avez fait débiter pour deux cents louis, et ces deux cents louis m'appartiennent . C'est en vain que vous fîtes mettre dans notre contrat que vous me vendiez à vie le petit bouquet nommé forêt, excepté les bois vendus .

Oui, monsieur, si vous les aviez vendus en effet, je ne disputerais pas; mais encore une fois, il est faux qu'ils fussent vendus, et si votre agent 3 s'est trompé, c'est à vous de rectifier cette erreur .

J'ai supplié monsieur le premier président, monsieur le procureur général, M. le conseiller Le Bault, de vouloir bien être nos arbitres . Vous n'avez pas voulu de leur arbitrage, vous avez dit que votre vente au paysan était réelle ; vous avez cru m'accabler au bailliage de Gex . Mais , monsieur, quoique monsieur votre frère soit bailli du pays, et quelque autorité que vous puissiez avoir, vous n'aurez pas celle de changer les faits, il sera toujours constant qu'il n'y a point eu de vente véritable .

Vous dites dans votre exploit signifié à ce paysan, que vous lui vendîtes une certaine quantité de bois . Quelle quantité s'il vous plait ? Vous dites que vous les fîtes marquer : par qui ? Avez-vous un garde-marteau ? Aviez-vous la permission du grand maître des Eaux et Forêts ?

La justice de Gex est obligée de juger contre vous si vous avez tort ; elle jugerait contre le roi, si un particulier plaidait avez raison contre le domaine du roi . Le sieur Girod prétend qu'il fait trembler en votre nom tous les juges de Gex ; il se trompe encore sur cet article , comme sur les autres .

S'il faut que monsieur le chancelier et tous les ministres, et tout Paris soient instruits de votre procédé, ils le seront, et s'il se trouve dans votre compagnie respectable une personne qui vous approuve, je me condamne .

Vous m'avez réduit, monsieur, à n'être qu'avec douleur, votre très humble et très obéissant serviteur . »

1 Copie envoyée à Ruffey et à Claude-Philippe Fyot de La Marche . V* a porté sur le manuscrit « Copie de la lettre de M. de Voltaire à M. le président De Brosses du 20 octobre » ; deux autres copies portent des mentions semblables, de sa main et de celle de Wagnière .

2 Note de V* sur la copie envoyée à Le Bault (d'après Mandet-Gracey ) : « Je viens de l'affermer douze cents livres et trois quarterons [75 bottes ?] de paille et un char de foin . »

3 Note de V* en marge de la troisième copie : « votre agent, c'est à dire vous « ; et sur la copie destinée à Le Bault : « Pardieu l'agent n'est là que par politesse . »

 

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08/10/2016 | Lien permanent

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