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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Je crois qu’il restera dans mon voisinage, c’est du moins une victime arrachée à la gueule du fanatisme

... Il serait bon qu'enfin Julian Assange entende ces paroles britanniques et échappe définitivement aux mains des USA, champions du monde de l'hypocrisie et challengers top niveau pour le titre de menteurs officiels. Ils ont tellement de choses sordides à cacher que leur mise au grand jour les effraie , le bullshit pue et tache le drapeau étoilé . Poutine lui, tue directement ses opposants ; les USA  bâillonnent les leurs et les enferme à vie , les tue à petit feu , ce qui n'est guère mieux . Ce qui au fond n'est guère étonnant d'un pays qui a élu un Trump sans sourciller et en redemande .

https://www.youtube.com/watch?v=AfpSRnahQig&ab_channe...L-Affaire-Aange.jpg

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/20/j...

 

 

 

« A Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont

Avocat au Parlement

rue Pavée près de la rue Hautefeuille

à Paris

3è Juillet 1768 à Ferney par Lyon et Versoix 1

Je ne vous ai pas encore remercié, mon cher Cicéron ; ce n’est pas que mon cœur ne soit pénétré de vos bontés , mais c’est que j’ai été bien malade.

Vous avez donc deviné A et B 2. Personne assurément ne sait mieux son alphabet que vous. Il est très clair que B sera déshonoré dans sa compagnie, dans sa province, et auprès du Conseil du roi. Il y aurait assurément un factum très plaisant à faire contre M. le président. On pourrait le couvrir à la fois d’opprobre et de ridicule. Mais je tenterai auparavant toutes les voies de la conciliation. Je ne suis à craindre que quand je suis poussé à bout. J’ai actuellement des choses un peu plus pressées.

Quoi ! vous trouvez que c’est un mal d’exister, quand vous existez avec madame de Beaumont ? Il faut donc que vous ayez eu quelque nouveau chagrin que vous ne me dites pas. Mais une telle union doit changer tous les chagrins en plaisirs ; et que ferai-je donc, moi, qui ai la calomnie à combattre depuis environ cinquante ans, et qui suis persécuté par la nature autant que par la méchanceté des fanatiques ?

Je vois que vous voulez choisir un sujet qui puisse flatter un roi du Nord. La bienfaisance est une belle chose ; mais il y a des pays où l’on ne connaît guère les bienfaits et où l’on ne fait que des marchés.

Je voudrais bien savoir quel est notre concitoyen qui a remporté le prix à Pétersbourg ; le sujet était cette question : S’il est avantageux à un État que les serfs deviennent libres, et que les cultivateurs travaillent pour eux-mêmes. C’était là un sujet digne de vous ; mais quelque problème que vous vous amusiez à résoudre, vous rendrez toujours service aux hommes quand vous écrirez.

Je ne crois pas que Sirven puisse tenter par autrui la réhabilitation de sa femme, qu’il n’ose pas entreprendre lui-même. Il n’a point, du moins jusqu’à présent, trouvé de parent qui veuille s’exposer à se faire dire, par le parlement de Toulouse : « De quoi vous avisez-vous de prendre parti dans une affaire où les condamnés tremblent de paraître ? ». Je crois qu’il restera dans mon voisinage, c’est du moins une victime arrachée à la gueule du fanatisme.

Adieu, mon très cher Cicéron ; ma lettre est courte, mais je suis encore bien languissant. Un corps faible de soixante-quinze ans n’est pas fort alerte. Adieu, couple aimable, que j’ai eu le malheur de ne point voir, et auquel je suis attaché autant que ceux qui jouissent de ce bonheur. »

1 Original, cachet « de Lyon » ; édition Cayrol.

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20/02/2024 | Lien permanent

la plupart vous viennent du pays des Cévennes où il y a beaucoup de fous ; ils se sont mis ici à être sots ; et ils fini

... Aïe ! avec un tel choix de titre je ne vais pas me faire que des amis . J'ai seulement en tête le fait que nombre de Cévenols, suite à une lourde hérédité [sic] ont embrassé la carrière politique, sont allés dans la capitale ou à Strasbourg, et qu'il ne me déplait pas de les titiller en détournant un tantisoi une déclaration de Voltaire qui lui pensait aux fous de Dieu . D'autres régions auraient fait aussi bien l'affaire, je ne suis pas sectaire, et si vous voulez être cités à ce tableau de chasse, manifestez-vous , dénoncez votre région la plus détestée !

 

fous de dieu cévenols.jpg

 

« A François-Louis Allamand 1

pasteur

par Vevey

à Bex

Je vous ai envoyé, monsieur, un paquet de sottises qui doit vous être venu par Lausanne ; mais j’aurais bien de la peine à en faire autant que maints de vos confrères en ont fait cette année ; je leur ai un peu fait donner sur les doigts ; mais il faudrait les leur couper pour les empêcher d'écrire leurs impertinences ; il est vrai que la plupart vous viennent du pays des Cévennes où il y a beaucoup de fous ; ils se sont mis ici à être sots ; et ils finiraient par être méchants si on les laissait faire ; votre style est si éloigné de celui de ces gens-là qu'il ne semble pas que vous soyez de leur métier ; mais puisque vous avez le malheur d'en être, oubliez-le toujours avec moi ; je ne vous connais que par vos lettres, si votre conversation est aussi aimable qu'elles, venez me voir , méprisez votre profession tant que vous pourrez ; faites votre devoir tellement quellement et dites toujours du bien de monsieur le prieur 2. C'est le conseil de Rabelais qui valait mieux que tous les prêtres de son temps et du nôtre ; je vous embrasse philosophiquement .

V.

Au château de Tournay par Genève 21 mars [1759] »

2 V* a écrit un essai intitulé Ce qu'on ne fait pas et ce qu'on pourrait faire (composé au plus tard en 1742) commençant ainsi : « Laisser aller le monde comme il va, faire son devoir tellement quellement, et dire toujours du bien de monsieur le prieur, est une ancienne maxime de moine . » C'est une formule proverbiale . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-opuscule-ce-qu-on-ne-fait-pas-100400717.html

 

 

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05/05/2014 | Lien permanent

On dit que les banqueroutes pleuvent en Allemagne tandis que vous buvez en paix

... Et au risque de déplaire à tous ceux qui me rabâchent que la France va mal, qu'elle est fichue sans Sarko le vibrionnant, qu'elle ne se relèvera pas, je leur soutiens la thèse inverse et me félicite du changement, fort de l'exemple de l'histoire qui montre tour à tour grandeurs et décadences de nations . Il y a du pain sur la planche, cuisons le pour que tous en aient .

1757 : gros titres "banqueroutes en Allemagne" , 2012 : "Allemagne première économie de la zone euro" capable de dire "nein" au FMI : http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0202324862007-a-tokyo-l-allemagne-contre-le-reste-du-monde-500068.php

Alors, qui a raison d'espérer et d'y croire  ?

Sur ce, je boirai bien un bon verre de jus de pommes pressées en équipe de bonne volonté . Tchin tchin !

Et puis, pour rester raccord avec le sujet , une 1664 !

 J'ai dit " boire en paix , SVP !"

 boire en paix.jpg

 

« A Jean-Robert Tronchin

Monrion 18 mars [1757]

Je vous supplie mon aimable correspondant de vouloir bien dépêcher l'incluse à Briasson après l'avoir lue 1.

Que devient Damiens son nouveau testament et son canif ?

Mais que devient la Saxe ? Elle est abimée et voilà les Kalmouks qui arrivent et les Francs qui partent . On dit que les banqueroutes pleuvent en Allemagne tandis que vous buvez en paix et que trois Tronchin et un baron 2 s'amusent, ou à guérir des Lyonnaises ou à leur plaire .

De notre côté nous jouons la comédie à Lausanne tant que nous pouvons . Il y a du bien et du mal dans ce monde . Renvoyez-nous les deux Tronchin au printemps 3, ils font mes beaux jours .

Votre très humble et obéissant serviteur .

V. »

1 Le 13 mars il écrit à Jean-Robert Tronchin : “... je vous prie d'avoir la bonté de m'envoyer les livres que Briasson le libraire vous adresse, et quand ils vous seront parvenus voulez-vous bien avoir la bonté de lui faire toucher 415 livres tournois à Paris...”

2 M. de Labat .

3 François Tronchin, le conseiller, avait demandé l'autorisation le 7 mars de se rendre à Lyon pour quelques semaines, et le 12 ce fut Théodore Tronchin, le médecin, qui fit cette même demande de “petit voyage à Lyon”.

 

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14/10/2012 | Lien permanent

On est tenté de se faire débaptiser quand on lit les Saint Barthélémy, les massacres d'Irlande, et l'histoire des Calas

Un cauchemar trop vrai , la nuit de la St Barthélémy :

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Bien sur, il y a les guerres d'Irlande ...

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Et l'injustice , omniprésente :

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fonts baptisamaux st bathélémy liège 800px-Renier_de_Huy_JPG01.jpg

Fonts baptismaux du XIIè siècle qui réunissent ce paradoxe de se trouver dans l'abbatiale St Bathélémy et où l'on voit, entre autres, ici le baptème de Corneille ( ancien romain qui a peu à voir avec Pierre ! ). Volti aurait pu les voir s'il avait été punaise de sacristie croisé grenouille de bénitier.

 

 

 

 

 

 

 

« A Paul-Claude Moultou

 

[27 janvier 1763 ?]

 

Voici, Monsieur, un mémoire qu'on m'envoie 1; il avait été fait à Toulouse , il y très longtemps . Je suis bien fâché que les avocats de Paris ne l'aient pas connu ; il y a des choses bien essentielles dont ils auraient fait usage . Votre indignation et votre pitié redoubleront, s'il se peut, à la lecture de ce mémoire . On est tenté de se faire débaptiser quand on lit les Saint Barthélémy, les massacres d'Irlande, et l'histoire des Calas. On aurait du moins de bonnes raisons de se décatholiciser.

 

Je vous renvoie la lettre de votre ami, qui me parait faire fort peu de cas de l'arithmétique.

 

Je vous supplie , Monsieur, de vouloir bien envoyer le mémoire Calas à M. Debrus 2, quand vous l'aurez lu. Vous savez que l'affaire ne sera rapportée 3 que le 8 février. Je ne dormirai point la nuit du 7 au 8. Mon Dieu, que d'abominations !

 

Je prends la liberté de vous embrasser de tout mon cœur. »

 

1 Il s'agit d'un mémoire « que M. de Lavaysse a envoyé » écrit V* à Debrus . François-Alexandre Gaubert Lavaysse, fils de l'avocat toulousain David Lavaysse, était chez les Calas le soir où Marc-Antoine Calas fut retrouvé pendu.

2 Philippe Debrus, avocat et négociant à Genève.

3 Au Conseil du roi.

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28/01/2011 | Lien permanent

On est tenté de se faire débaptiser quand on lit les Saint-Barthélémy, les massacres d'Irlande, et l'histoire des Calas

... Tu as raison mon cher Voltaire, et ta liste n'a fait que s'allonger, les baptisés n'étant pas les derniers à faire aussi mal que les athées d'ailleurs .

 

 

« A Paul-Claude Moultou

[27 janvier 1763 ?]1

Voici, monsieur, un mémoire qu'on m'envoie 2; il avait été fait à Toulouse, il y a très longtemps . Je suis bien fâché que les avocats de Paris ne l'aient pas connu ; il y a des choses bien essentielles dont ils auraient fait usage . Votre indignation et votre pitié redoubleront, s'il se peut, à la lecture de ce mémoire . On est tenté de se faire débaptiser quand on lit les Saint-Barthélémy, les 3 massacres d'Irlande, et l'histoire des Calas . On aurait du moins grande raison de se décatholiciser 4.

Je vous renvoie la lettre de votre ami, qui me paraît faire peu de cas de l'arithmétique .

Je vous supplie, monsieur, de vouloir bien envoyer le mémoire Calas à M. Debrus, quand vous l'aurez lu . Vous savez que l'affaire ne sera rapportée que le 8 février . Je ne dormirai point la nuit du 7 au 8 . Mon Dieu que d'abominations !

Je prends la liberté de vous embrasser de tout mon cœur . »

1 L'édition Gaberel date « 9 janvier 1763» d'après une mention sur le manuscrit, d'une main contemporaine ; ce qui est manifestement impossible .

2 Mémoire envoyé par Lavaysse, ce qui aide à dater la présente .

3 Saint-Barthélémy, les ajouté à la fin d'une ligne et au début de la suivante .

4 Ce néologisme n'a pas été enregistré par Littré . Il est du même ordre que les mots décatholiqué et descatholizé attestés en 1578 (Huguet ) . Pour le fond on notera que Moultou en recevant cette lettre écrivit à un correspondant ; « Voltaire m'écrit que quand on lit les horreurs que le fanatisme a produites, on serait tenté de se débaptiser ; je lui réponds qu'il serait bien mieux de se déshumaniser, car les livres des fondateurs [de l'église chrétienne] ne respirent que charité, et c'est à l'homme plus qu'au chrétien qu'il faut reprocher les maux dont la religion ne fut jamais que le prétexte . »

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21/12/2017 | Lien permanent

j'aime mieux les Romains que les Welches et les Bretons du XIVè siècle, mais les Romains ne sont plus à la mode

... Mais n'allez pas m'accuser de glottophobie, ce mal si pressant qu'il faut de toute urgence l'éradiquer par voie parlementaire : https://www.valeursactuelles.com/societe/une-proposition-...

Or si je m'en tiens à l'étymologie quand on parle de phobie on est dans le médical, une phobie échappe à la raison, il faut recourir au psychologue, au psychanalyste, au psychiatre et en aucun cas à un parlementaire ou un sénateur à moins qu'ils soient de ces professions .

Alors que tous ces zozos accentués vont blablater à l'Assemblée nationale sur l'oral, le français comme on le parle, ils laissent passer tous les anglicismes et acronymes dont ils sont friands et qui pourrissent l'écrit et l'oral . Mais bon, je ne suis qu'un ignare sans accent, un nanti bienheureux qui ne fait ni sourire ni demander que je répète .

SOS, j'ai pris l'accent français! Yapaslefeuaulac

Té ! bande de fadas ! Gare aux ch'tis ! Gnollus!

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

15 juillet 1765

Mes anges le présent paquet contient deux choses bien importantes que je mets sous votre protection . La première consiste en mauvais vers pour mettre à la place d'autres mauvais vers de l'ex-jésuite dans vos Roués . La seconde est un paquet de pièces un peu meilleures que nous présentons Mme Denis et moi à M. de Calonne 1, et nous espérons qu'elles ne seront point sifflées ; nous présumons que nos anges gardiens voudront bien lui faire parvenir ce paquet qui est réellement pour nous de la plus grande importance . Il contient l'acte de l'inféodation de nos dîmes .

Je voudrais perdre mes dîmes et que les Roués fussent intéressants, mais on ne peut tirer d'un sujet que ce qu'il comporte . Je le trouve intéressant, moi, parce que j'aime mieux les Romains que les Welches et les Bretons du XIVè siècle, mais les Romains ne sont plus à la mode . Je demande bien pardon à mes anges des libertés que je prends toujours avec eux .

Je les supplie de vouloir bien faire agréer par M. le duc de Praslin mon respect et ma reconnaissance .

V. »

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20/11/2020 | Lien permanent

Lisez et jugez

... Hardi donc, au Sénat !

https://www.lejdd.fr/politique/loi-immigration-le-senat-supprime-la-mesure-du-gouvernement-sur-les-regularisations-dans-les-metiers-en-tension-139518

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Pour info

 

 

« A Charles de Brosses, baron de Montfalcon

Je vous supplie, monsieur, de vouloir bien excuser ma courte lettre et mon long mémoire . Je me flatte que vous ne mépriserez ni mon amitié, ni l'estime du public, ni la mienne, ni l'attachement que j'ai pour vous . Lisez et jugez . Vous sentez bien que ma famille est obligée de présenter requête pour faire casser la clause insérée par Girod et pour demander réparation . Pour moi je ne demande que votre amitié, un peu de justice, et un procédé généreux dont vous n'aurez pas à vous repentir . Si vous m'aviez connu, monsieur, j'aurais fait à Tournay le même bien que j'ai fait à Tournay 1. Je méritais plus votre confiance que Girod . Tout dépendra de vous . J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments qu'un procédé noble fortifiera dans mon cœur,

monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire.

À Ferney 20 mars 1768. 2»

1 Lapsus évident pour Ferney.

2 Le même jour, Mme Du Deffand écrit à Crawford : « J'ai vu hier Mme Denis et M. et Mme Dupuits [,,,] ; ils prétendent que Voltaire les a envoyés à Paris solliciter le paiement des rentes qui lui sont dues [,,,] ; il est très possible qu'il se soit dégoûté d'eux et qu'il ait été bien aise de faire maison nette . Il n'a avec lui présentement que le père Adam jésuite, un avocat suisse et un Genevois ; son cuisinier est renvoyé ; il ne veut plus avoir un état de maison . L'ennui, l'avarice et quelques abus de sa confiance, en lui volant des manuscrits qu'un nommé La Harpe a rendus publics, peuvent être les véritables causes de leur bannissement. »

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09/11/2023 | Lien permanent

vous ne paraissez pas trop content de Paris et je crois fermement que vous avez raison.

... Peut on me souffler à l'oreille depuis quelque temps !

 Que d'interdits !

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« A Pierre -Robert Le Cornier de CIDEVILLE.

Aux Délices, 1er septembre [1758].

Mon cher et ancien ami, je reviens dans mes chères Délices, après un assez long voyage à la cour palatine. Je trouve, en arrivant, vos jolis vers 1, dans lesquels vous ne paraissez pas trop content de Paris et je crois fermement que vous avez raison. Mais avez-vous, dans votre Launay, un peu de société? Il me semble que la retraite n'est bonne qu'avec bonne compagnie. Vous savez, mon cher Cideville,

Que ce fantôme ailé qu'on nomme le bonheur

N'habite ni les champs, ni la cour, ni la ville.

Il faudrait, nous dit-on, le trouver dans son cœur;

C'est un fort beau secret qu'on chercha d'âge en âge.

Le sage fuit des grands le dangereux appui,

Il court à la campagne, il y sèche d'ennui

J'en suis bien fâché pour le sage.

Ce n'est pas des sages comme vous et moi que je parle; je suis bien sûr que l'ennui n'approche pas plus de votre Launay que de mes Délices. Je prends acte surtout que je n'ai pas quitté mes pénates champêtres par inquiétude, pour aller chez l'électeur palatin par vanité. Je vous avouerai que j'ai mis dans cette cour, et entre les mains de l'électeur, une partie de mon bien, qu'on pille presque partout ailleurs. Il a bien voulu avoir la bonté de faire avec moi un petit traité qui me met en sûreté, moi et les miens, pour le reste de ma vie. Le bon Horace dit Det vitam, det opes; æquum mi animum ipse parabo.2

Il aurait dû ajouter det amicos 3; mais vous me direz que c'est notre affaire, et non celle du ciel. C'est l'amitié de mes nièces qui fait de près le bonheur de ma vie c'est la vôtre qui le fait de loin Excepto quod non simul essem, caetera laetus.4

Je vous ai bien souvent regretté, et votre souvenir m'a consolé. Vous n'êtes pas homme à franchir les Alpes, et à me venir voir sur les bords de mon lac, comme Mme du Boccage 5 . Vous vous contentez de cueillir les fleurs d'Anacréon dans vos jardins; vous n'allez pas chercher comme elle la couronne du Tasse au Capitole.

Satis beatus unicis Sabinis.6

Adieu, mon cher et ancien ami mes deux nièces, toute ma famille, vous font les plus tendres compliments.

V.

Eh bien, les Anglais ont donc quitté vos côtes normandes, nonobstant clameur de haro.  Est-il vrai qu'ils ont pris beaucoup de canons, de vaches, de filles, et d'argent? Le Canada va donc être entièrement perdu, le commerce ruiné, la marine anéantie, tout notre argent enterré en Allemagne ? Je vous trouve très heureux, mon cher Cideville, de posséder la terre de Launay. Je n'ai aux Délices que l'agréable, et vous possédez l'agréable et l'utile.

Beatus ille qui, procul ridiculis,

Fœcunda rura bobus exercet suis 7»

1 Lettre du 26 juillet 1758 consistant en une douzaine de quatrains ; extraits : «  Que laissai-je à Paris ? Des masques politiques / Cachant leur air d'avidité/ Et le Luxe en son char, dans les places publiques / Insultant à la Pauvreté […] / Je reviens sans regrets, en ce coin de la terre , / Où mes aïeux s'étaient bannis […] Le Sage, indépendant du joug des artifices, / Règne heureux, chez soi confiné:/ Vous illustre, opulent, vrai seigneur des Délices, / Moi, sans nom, peu riche à Launay. […] Oh ! Si j'écoutais l'oncle , en lorgnant ses deux nièces, / Tous trois charmants, peintres tous trois : / Si volant leurs crayons, j'en prenais leurs finesses, / Mon sort serait selon mon choix . »

2 Que [Jupiter] me donne la vie, qu'il me donne des ressources : pour l'égalité d’âme ,c'est à moi-même à me l'assurer ; Épîtres I, xviii, 112.

3 Qu'il me donne des amis .

4 Si ce n'est que nous ne sommes pas ensemble, pour le reste, je suis heureux .Horace, Épîtres I, x, 50

5Voir la lettre de Mme du Boccage à Mme du Perron du 8 juillet 1758 : page 464 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411355v/f467.image

6 Assez heureux avec mon seul domaine sabin. Horace, Odes II, i, 14.

7 Heureux qui, loin des ridicules, travaille sa terre féconde avec ses propres bœufs . Horace, Épodes, II,i,3 .

 

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12/10/2013 | Lien permanent

Nec tibi regnandi veniat tam dira cupide / Qu'il ne te prenne pas une si cruelle envie de régner

... Souhait à chacun des prétendants à la place de premier ministre .

En première ligne, actuellement, comme aux USA, une femme, Lucie Castets  : https://www.lavoixdunord.fr/1486384/article/2024-07-24/premiere-ministre-le-moment-est-grave-lucie-castets-demande-macron-de-prendre

 

 

 

« A Alexandre-Marie-François de Paule de Dompierre d'Hornoy

Au château de Ferney ce 12 janvier 1769 1

Mon cher conseiller, vous voilà entre un oncle et une tante qui vous ont également de l'obligation . Je savais bien que le maréchal était un peu sourd ; mais vous m'apprenez qu'il a perdu la mémoire . Je me flatte que Mme Denis la lui rafraîchira, et qu'il ne fera pas longtemps la sourde oreille avec elle .

À l'égard de M. de Lézeau, comme il n'est que marquis, il ne peut honnêtement usurper les droits d'un maréchal de France, et son paiement est sûr, grâce aux soins du procureur boiteux 2 qui n'est pas manchot .

Les affaires des grands se traitent aussi mal que celles des rois . C'est une chose pitoyable que cette longue discussion de la succession de la duchesse de Guise . MM. Magon 3 et de Laborde font une affaire nette de cinq à six millions en une matinée, et trois ou quatre pauvres diables de grands seigneurs en savent pas s'arranger depuis dix ans pour cinquante à soixante mille livres tournois de rente . Je ne crois pas que les créanciers en doivent souffrir, et je pense que si le procureur boiteux présentait requête pour être payé, il faudrait bien qu'il le fût . C'est la terre de Recourt qui doit, sans examiner à qui cette terre appartient, c'est sur elle qu'on pourrait saisir, sauf aux prétendants à s'arranger entre eux . Du moins cela me paraît juste ; mais la justice chicaneuse pense peut être autrement . Si cette voie était courte et facile, je prierais le boiteux de s'en charger ; mais un autre boiteux nommé le temps pourrait bien rendre la besogne longue . Ce vieillard-là n'est pas si prompt que moi, je le connais bien, il y a soixante et quinze ans que je vis avec lui . Au reste, Mme Denis a reçu depuis le 1er mars dernier vingt mille livres . Je suis un mauvais fermier mais un bon payeur . Je puis vous assurer que la terre de Ferney, ne m'a valu que beaucoup de peine dans une année qui était pourtant fort bonne . Cette terre est très belle à cela près qu'elle ne rapporte rien. Maman aurait très bien fait de la vendre, elle aurait eu de l'argent comptant et je me serais retiré à Tournay, Harpagon De Brosses s’étant mis enfin à la raison .

Je n'entends rien à vos édits de finance . L'objet me paraît également mince et prématuré . Les Anglais me paraissent meilleurs calculateurs que vous autres . Leur Compagnie des Indes a trouvé le secret de se faire un revenu de trois millions de livres sterling indépendamment de son commerce . Vous avez coupé la tête du brutal Lally ; mais vous n'avez pas trouvé d'or dedans . Vous n'en trouverez pas davantage en Corse . Cette île sera comme Ferney qui coûte beaucoup et rapporte peu . Un officier général mandait de ce pays-là qu'il fallait, pour soumettre la Corse, vingt millions, vingt mille hommes et vingt bourreaux.

Nec tibi regnandi veniat tam dira cupide 4.

Il me paraît pourtant bien nécessaire que M. le duc de Choiseul, à qui je suis véritablement dévoué, réussisse dans son entreprise .

Adieu, mon très cher et très aimable conseiller, embrassez pour moi toute la famille .

On vous dépêche par la diligence de Lyon le seul Siècle qui reste . Dieu sait quand il vous parviendra .

V. »

1 Original, de la main de Bigex sauf les deux derniers paragraphes à partir de « Adieu [...] » de celle de Wagnière.

2 D'Hornoy lui-même .

3 Jean-Baptiste Magon de La Balue, banquier et fermier égénéral, comme Laborde . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_Magon_de_La_Balue

4 Virgile, Georgiques, I, 37 : Qu'il ne te prenne pas une si cruelle envie de régner .

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24/07/2024 | Lien permanent

Victoire, victoire, mes chers anges. Vous avez triomphé des démons de la cabale

 http://www.deezer.com/listen-7199981

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

Conseiller d'honneur du parlement

Rue Saint-Honoré à Paris

 

Ce 26 septembre [1748] à Lunéville

 

Monsieur le coadjuteur [i] m'écrit une lettre bien éloquente, et bien consolante sur Sémiramis. Victoire, victoire, mes chers anges. Vous avez triomphé des démons de la cabale [ii]. Je suis toujours résolu à ne la pas imprimer ou à vouloir qu'on s'attende à l'impression, sans quoi on me jouera certainement le tour qu'on m'a déjà joué [iii]. Prévenez, je vous en conjure, les éditions que je crains, comme vous avez protégé les représentations. J'envoie une petite requête à Fontainebleau à M. le duc d'Aumont. Je le supplie d'ordonner que si on y joue Sémiramis, nous ayons une nuit profonde pour l'ombre, que cette ombre ne soit plus un gros garçon joufflu à visage découvert, mais qu'on imite la statue du festin de pierre [iv] avec une cuirasse. Comptez que cela fera un effet terrible. Il est aisé de faire la nuit, en éteignant toutes les bougies des coulisses, en faisant descendre un châssis épais derrière les lustres, et en baissant les lampions. Si Cindré [v] voulait se donner un peu de peine, on pourrait encore se tirer d'affaire à Fontainebleau [vi]. Il faudra absolument à la reprise que les Slodtz [vii] réparent leur honneur. Il leur sera aisé de faire une très belle décoration. On m'a écrit quatre lettres anonymes du parterre dans lesquelles on demande des décorations moins indignes de la pièce. Enfin voilà cette pièce en grâce, et on peut à la reprise lui donner une nouvelle vie. Vous ne sauriez croire à quel point vos bontés m'ont rendu Sémiramis chère. Je l'aime plus que je croyais. Je vais tâcher d'y travailler, car il faut mériter tout ce que vous faites. Mme du Châtelet vous fait les plus tendres compliments. On ne respire ici que les plaisirs, et cependant je n'ai jamais été si fâché d'être loin de vous. Mes chers anges, vous faites mon bonheur et ma gloire.

 

V. 

 

A propos j'implore la protection de M. de Pont-de-Veyle pour des moyeux [viii]. Qu'il écrive un petit mot à M. de La Marche. C'est un point bien important.»

 

i L'abbé de Chauvelin chargé des répétitions de Sémiramis en l'absence de V* et d'Argental.

ii 21 représentations pour la pièce, mais elle avait failli tomber à la première car des jeunes gens engagés pour soutenir la pièce auraient baillé ostensiblement. Crébillon avait aussi retranché quelques vers « absolument nécessaires » que V* avait dû demander à Berryer de Ravenoville le 30 août d'approuver de sa main. De plus, Bidault de Montigny a composé une parodie annoncée par le Théâtre-Italien en avertissant Berryer de Ramenoville le 24 septembre.

iii « Le tour que (Prault) (lui) a déjà joué pour l'impression de Mahomet qu'il débita clandestinement sur une copie très informe » cf. lettre à d'Argental du 21 septembre ; le 8 septembre, V* avertit Berryer de Ramenoville que « des copies informes » circulaient.

iv Du Don Juan, de Molière.

v Le Noir de Cindré, employé aux « menus plaisirs ».

vi V* écrit le 4 octobre que « le théâtre [de Fontainebleau] est impraticable ».

vii Les frères Slodtz.

viii Prunes confites.

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26/09/2010 | Lien permanent

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