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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Quoique les finances de la France soient encore plus dérangées que celles du Virtemberg, il paraît cependant qu’on a bea

... XVIIIè siècle ou XXIè, rien de changé en France, et la comparaison avec l'Allemagne est toujours d'actualité .

 

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

21è juillet 1764 à Ferney

Ma main me refuse le service aujourd’hui, monseigneur, attendu que mes yeux sont affligés de leur ancienne fluxion ; ainsi mon héros permettra que je reprenne ma charge de dictateur 1. Il m’a été absolument impossible d’aller à Genève faire ma cour à M. le duc de Lorges. Vous savez d’ailleurs que je n’aime à faire ma cour qu’à vous.

M. le duc de Virtemberg n’est point allé à Venise, comme on le disait ; il reste chez lui pour mettre ordre à ses affaires ; ce qui ne sera pas aisé. Son frère 2 est toujours mon voisin, et mène la vie du monde la plus philosophique. Quoique les finances de la France soient encore plus dérangées que celles du Virtemberg, il paraît cependant qu’on a beaucoup de confiance dans le nouveau ministère. M. de La Verdy fait assurément mieux que ses prédécesseurs, car il ne fait rien du tout, et cela donne de grandes espérances.

Je crois actuellement M. de Lauraguais jugé 3 ; vous croyez bien que je m’intéresse au bienfaiteur du théâtre 4; il l’a tiré de la barbarie, et s’il y a aujourd’hui un peu d’action sur la scène, c’est à lui qu’on en est redevable. Avec tout cela, on peut fort bien avoir tort avec sa femme et avec soi-même ; j’ai peur qu’il ne soit dans ce cas, et qu’il ne soit ni sage ni heureux.

J’ai toujours eu envie de prendre la liberté de vous demander ce que vous pensez de l’affaire de M. de Lally 5 : on commence toujours en France par mettre un homme trois ou quatre ans en prison, après quoi on le juge. En Angleterre, il n’aurait du moins été emprisonné qu’après avoir été condamné et il en aurait été quitte pour donner caution, comme dans la comédie de l’Écossaise 6. La Bourdonnais fut quatre ans à la Bastille 7; et quand il fut déclaré innocent, il mourut du scorbut, qu’il aurait gagné dans ce beau château.

Je ne sais si j’ai eu l’honneur de vous mander que M. Fargès, maître des requêtes, en opinant dans l’affaire des Calas, avait dit, en renforçant sa petite voix, qu’il fallait faire rendre compte au parlement de Toulouse de sa conduite inique et barbare. M. d'Aguesseau trouva l’avis un peu trop ferme ; oui, messieurs, reprit M. Fargès, je persiste dans mon avis ; ce n’est pas ici le cas d’avoir des ménagements.  Voilà tout ce qui est parvenu dans ma profonde retraite.

On me parle beaucoup de vos landes, qu’on a voulu défricher, et de votre mer, qu’on a voulu dessaler 8; je ne croirai ni l’un ni l’autre que quand vous aurez daigné me dire si la chose est vraie. Ces deux entreprises me paraissent également difficiles, je souhaite non seulement que vous dessaliez l’Océan et la Méditerranée, mais que vous fassiez cette expérience sur cent vaisseaux de ligne.

Vous savez, monseigneur, que j’ai eu la hardiesse de vous demander si, dans la Saintonge et l’Aunis, les huguenots ont des espèces de temples 9. Je vous demande bien pardon d’être si questionneur. Daignez recevoir, avec votre indulgence ordinaire, mes questions, mon tendre respect, et mon inviolable attachement. »

1 Un premier emploi de dictateur dans ce sens est dans la lettre du 5 décembre 1759 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/12/05/je-n-ai-point-de-culs-noirs-xii-et-j-ai-renonce-aux-blancs-q.html

2 Louis-Eugène qui lui succèdera .

3 Sa femme lui a intenté un procès en séparation au motif qu'elle aurait été battue ; voir lettre du 19 juin 1763 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2018/06/12/les-renards-et-les-loups-furent-longtemps-en-guerre-6058833.html

4 Lauraguais a mérité la reconnaissance de V* pour avoir débarrassé la scène du Théâtre français des petits-maîtres .

7 Sur les malheurs de La Bourdonnais, voir la lettre du 22 février 1751 à d'Argental : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1751/Lettre_2198

8 V* a eu récemment connaissance de ce projet par Pierre-Isaac Poissonnier ; voir : https://data.bnf.fr/fr/12449240/pierre-isaac_poissonnier/

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Isaac_Poissonnier

 

9 Cette lettre n'est pas connue .

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11/09/2019 | Lien permanent

Une douzaine d’êtres pensants, à la tête desquels vous êtes, empêche que la France ne soit la dernière des nations

... Dédicace à Emmanuel Macron .

Ca me fait penser qu'on n'a pas dit la même chose à Jésus, si j'en crois mon catéchisme , et pour cause, les apôtres n'étant pas réputés pour leur savoir et leur réflexion, de plus la France n'était que la Gaule  ! Je souhaite une fin plus heureuse à notre président .

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

1er mai [1763] 1

Mon cher et grand philosophe, je suis aveugle quand il neige, et je commence à voir quand la terre a pris sa robe verte. Vous me demandez ce que je fais . Je vois et je voudrais bien vous voir : comptez que c’est un très grand plaisir d’avoir les yeux crevés pendant quatre mois ; cela rend les huit autres délicieux. Je souhaite que madame du Deffand puisse avoir mon secret. Quand je serai aveugle tout à fait, je lui écrirai régulièrement ; mais je ne suis pas encore digne d’elle .

J’ai lu la Poétique 2 dont vous me parlez : on voit que c’est un philosophe-poète qui a fait cela. Si vous ne le faites pas intrare in nostro docto corpore 3 à la première occasion, en vérité, messieurs, vous aurez grand tort. Il faut qu’il entre, et qu’ensuite Diderot entre ; et si Jean-Jacques avait été sage, Jean-Jacques aurait entré ou serait entré ; mais c’est le plus grand petit fou qui soit au monde. Il y a des choses charmantes dans sa  Lettre à Christophe : il lui prouve que le tout est plus petit que la partie chez les papistes , il prétend qu’il est très vraisemblable que Christ en instituant la divine eucharistie, mangea de son pain bénit, et qu’alors il est visible qu’il mit sa tête dans sa bouche . Mais nous répondrons à cela que la tête dans le pain n’était pas plus grosse qu’une tête d’épingle. Au reste Jean-Jacques parle un peu trop de lui dans sa lettre ; il assure que tous les États policés lui doivent une statue . Il jure qu’il est chrétien, et donne à notre sainte religion tous les ridicules imaginables. Il y a un petit mot sur Omer Fleury ; il soupçonne Omer d’être un sot, mais ce n’est qu’en passant : Christophe et Christ sont ses grands objets. Luc lui donne un habit par an, du bois et du blé, et il vit dans son tonneau assez fièrement à Môtiers-Travers, entre deux montagnes.

Pour Simon Le Franc, apprenez qu’on se moque de lui à Montauban comme à Paris . On y chante sa chanson, et il fait de nouveaux cantiques hébraïques dans sa belle bibliothèque. Depuis Montmaur 4, l’abbé Malotru 5 et M. Chiempot la Perruque 6, personne n’a plus égayé sa nation.

Si vous allez voir Luc, passez par chez nous : vous trouverez que Genève a fait de grands progrès, et qu’il y a plus de philosophes que de sociniens. Luc est l’ami de votre impératrice ; rien ne vous empêchera d’aller voir votre Catherine. Vous serez plus fêté, plus honoré que tous nos ambassadeurs . Mais repassez par chez nous en revenant. Je vous avertis que toute la cour de Catherine joue des pièces françaises. Bientôt on parlera français chez les Kalmoucks. Ce n’est pourtant ni à messieurs du parlement, ni à messieurs des convulsions, ni à nos généraux, ni à nos premiers commis qu’on doit cette petite distinction. Une douzaine d’êtres pensants, à la tête desquels vous êtes, empêche que la France ne soit la dernière des nations. Continuez, mon cher philosophe, à lui faire honneur ; jouissez de votre considération personnelle et de votre noble indépendance. C’est à vous qu’il appartient de rire de tout, car vous vous portez bien, et je ne suis qu’un vieux malade. Au surplus, écrasez l’infâme.

Nota bene Voici un jeune anglais digne de vous voir et qui veut vous voir . C’est M. Makartney 7, savant pour son âge, philosophe, et qui brillera comme un autre et mieux qu’un autre en parliament. Je prends la liberté de recommander liberum hominem homini libero 8

V.»

1 La lettre à laquelle V* répond ici n'est pas connue .

2 La Poétique française, de Marmontel .

3 Le Malade imaginaire, intermède, acte III .

4 Sans doute le « parasite Montmaur », objet de virulentes satires, à savoir Pierre de Montmaur, professeur de langue grecque au Collège Royal .Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_de_Montmaur

5 Note de Beuchot : « Dans des recueils manuscrits de chansons et autres pièces [sans doute le chansonnier Clérambault-Maurepas], de 1711 à 1727, on en trouve une intitulée : Portrait de l'abbé Malotru , avec un abrégé de l'histoire de sa vie, dédié à M. l'abbé de Saint-Martin. L'abbé [Michel] de Saint-Martin est bien connu par la Mandarinade, 1738-1739 . né à Saint Lô en 1614, il est mort en 1687 . quant à l'abbé Malotru, il paraît qu'il était protonotaire et écuyer, et auteur de diverses pièces . Il habitait peut-être Caen . »»

7 George Macartney, plus tard comte Macartney (1737-1806) , allait comme envoyé extraordinaire à Saint Pétersbourg ; il n'entra jamais au parlement . Sur sa visite, voir de Beer-Rousseau .

8 Un homme libre à un homme libre .

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22/04/2018 | Lien permanent

votre humanité et votre générosité me prêteront leurs secours pour tâcher de changer en hommes utiles, des sujets qu'on

 ... Voici ce que devraient dire les agents de l'ANPE au gouvernement et aux employeurs potentiels .

 Ou alors, les uns et les autres sont eux-mêmes des bêtes inutiles , hélas . Générosité et humanité sont encore présentes, le Téléton en est un signe, mais elles mériteraient d'être appliquées au plus haut niveau de l'Etat et par ces fichus individus que sont les fonctionnaires .

 Pour votre gouverne, et par curiosité, voici quelques "hommes utiles" parmi lesquels, heureusement, on trouve des femmes

 hommes utiles.jpg

 Voir : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6542525p/f309.image

 

« A Antoine-Jean-Gabriel Le Bault

Aux Délices route de Genève 18 novembre 1758

Monsieur, quatre tonneaux de votre bon vin d'ordinaire sont ce qu'il me faut . Je pense qu'on doit préférer une chère honnête de tous les jours aux repas de parade . Ainsi , monsieur, puisque vous voulez bien que nous buvions de votre vin, pourriez-vous avoir la bonté de m'en faire parvenir quatre tonneaux ou deux queues 1 à 360 livres la queue, les deux queues ou les quatre tonneaux enfermés dans d'autres tonneaux pour prévenir les Suisses qui voudraient en tâter sur le chemin .

Je n'ai appris que depuis peu que M. de Murard conseille nos princes . Je voudrais qu'il conseillât tous les rois et leur fit faire la paix . Je vous remercie bien tendrement monsieur, de la bonté que vous avez 2 d'écrire en ma faveur à M. de Murard . Il n'est pas encore certain que ce soit Mgr de La Marche qui reste possesseur de Gex, mais si dans ses partages cette terre lui demeure, il aura là un pays bien dépeuplé, bien misérable, sans ressource . Mon terrain est excellent et cependant j'ai trouvé cent arpents appartenant à mes habitants, qui restent sans culture . Le fermier n'avait pas ensemencé la moitié de ses terres . Il y a sept ans que le curé n'a fait de mariages,et cependant on n'a point fait d'enfants parce que nous n'avons que des jésuites dans le voisinage et point de cordeliers . Genève absorbe tout,engloutit tout . On ne connait point l'argent de France . Les malheureux ne comptent que par petits sous de Genève, et n'en ont point . Voilà les déplorables suites de la révocation de l’Édit de Nantes . Mais une calamité bien plus funeste c'est la rapacité des fermes générales et la rage des employés . Des infortunés qui ont à peine de quoi manger un peu de pain noir sont arrêtés tous les jours, dépouillés, emprisonnés pour avoir mis sur ce pain noir un peu de sel qu'ils ont acheté auprès de leurs chaumières . La moitié des habitants périt de misère et l'autre pourrit dans des cachots . Le cœur est déchiré quand on est témoin de tant de malheurs . Je n'achète la terre de Ferney que pour y faire un peu de bien. J'ai déjà la hardiesse d'y faire travailler quoique je n'ai pas passé le contrat . Ma compassion l'a emporté sur les formes . Le prince qui sera mon seigneur dominant devrait plutôt m'aider à tirer ses sujets de l'abîme de la misère , que profiter du droit goth et visigoth des lods et ventes 3. Je suis persuadé , monsieur, que votre humanité et votre générosité me prêteront leurs secours pour tâcher de changer en hommes utiles, des sujets qu'on a rendus des bêtes inutiles . Je serai toute ma vie, monsieur, avec la plus respectueuse et la plus tendre reconnaissance

votre très humble et très obéissant serviteur,

Voltaire . »

1 La queue est un tonneau de 400 à 500 litres . Voir : http://www.genefourneau.com/mesures.html#TONNEAU

2 Sur le manuscrit, suivi de eue, supprimé .

3 Cette lettre montre remarquablement l'attention de Voltaire à l'égard de ses paysans, souci qui ne le quittera pas jusqu'à sa mort . Il est manifeste qu'il a visité avec soin le domaine de Ferney avant de signer définitivement . En même temps il est très soucieux de ses intérêts et demande l'allègement maximum d'un droit qu'on peut comparer à nos droits d'enregistrement . Dans la lettre du 15 octobre 1758 à Fabry il sous estime le prix réel qu'il paie pour cette terre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/11/20/temp-2edd5609192627d0f0799c533a70c07c-5226153.html

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11/12/2013 | Lien permanent

Le grand homme échappe au vulgaire

... Ce qui vaut  pour le président en activité.

"Vous me paraissez bien plus grand,
Puisque vous êtes plus aimable."

Ce fut loin, oh ! bien loin d'être la première qualité de feu Sarko que j'ai trouvé d'une vulgarité crasse ( à nettoyer au Kärcher ! et à la paille de fer )  qui, elle, n'a pas eu besoin de perquisitions pour être mise au jour .

J'ai vu en page titre aujourd'hui que Carla, -oui, LA Carla !-, est atteinte de douleurs effroyables qui l'empêchent même de porter sa petite Giulia , que faire ? En aurait-elle plein le dos, déjà, de son vibrionnant époux déçu*/déchu* (Note * : ce qui est équivalent pour un Auvergnat ! fouchtra !! ) ? Si je puis me permettre, il est un remède facile à trouver : travailler pour gagner son pain, ça fait oublier ses maux  .

 Et comme une "mauvaise" nouvelle ne vient jamais seule, peut-être, je dis bien peut-être , arrivera ceci ?

l echo des savanes.jpg

 

 

« A M. le maréchal duc de RICHELIEU

Aux Délices, 3 mai [1756]

Mon héros, recevez mon petit compliment, il aura du moins le mérite d'être le premier 1. Je n'attends pas que les courriers soient arrivés. Il n'y aurait pas grand mérite à vous envoyer de mauvais vers quand tout le monde vous chantera. Je m'y prends à l'avance; c'est mon droit de vous deviner. Je vous crois à présent dans Port-Mahon, je crois la garnison prisonnière de guerre et si la chose n'est pas faite quand j'ai l'honneur de vous écrire, elle le sera à la réception de mon petit compliment. Une flotte anglaise peut arriver. Eh bien elle sera le témoin de votre triomphe. Enfin pardonnez-moi si je me presse. Vous vous pressez encore plus d'achever votre expédition. Il y a longtemps que je vous ai entendu dire que vous étiez primesautier 2.

Depuis plus de quarante années
Vous avez été mon héros;
J'ai présagé vos destinées.
Ainsi quand Achille à Scyros
Paraissait se livrer en proie
Aux jeux, aux amours, au repos,
Il devait un jour sur les flots
Porter la flamme devant Troie .
Ainsi quand Phryné dans ses bras
Tenait le jeune Alcibiade,
Phryné ne le possédait pas,
Et son nom fut dans les combats
Égal au nom de Miltiade.
Jadis les amants, les époux,
Tremblaient en vous voyant paraître
Près des belles et près du maitre
Vous avez fait plus d'un jaloux;
Enfin c'est aux héros à l'être.
C'est rarement que dans Paris,

Parmi les festins et les ris,
On démêle un grand caractère;
Le préjugé ne conçoit pas
Que celui qui sait l'art de plaire
Sache aussi sauver les États
Le grand homme échappe au vulgaire.
Mais lorsqu'aux champs de Fontenoi
Il sert sa patrie et son roi
Quand sa main des peuples de Gènes
Défend les jours et rompt les chaines;
Lorsque, aussi prompt que les éclairs,
Il chasse les tyrans des mers
Des murs de Minorque opprimée,
Alors ceux qui l'ont méconnu
En parlent comme son armée.
Chacun dit Je l'avais prévu.

 

Le succès fait la renommée.
Homme aimable, illustre guerrier,
En tout temps l'honneur de la France,
Triomphez de l'Anglais altier,
De l'envie, et de l'ignorance.
Je ne sais si dans Port-Mahon
Vous trouverez un statuaire;
Mais vous n'en avez plus affaire
Vous allez graver votre nom
Sur les débris de l'Angleterre;
Il sera béni chez l'Ibère,
Et chéri dans ma nation.
Des deux Richelieu sur la terre
Les exploits seront admirés;
Déjà tous deux sont comparés,
Et l'on ne sait qui l'on préfère.
Le cardinal affermissait
Et partageait le rang suprême
D'un maître qui le haïssait;
Vous vengez un roi qui vous aime.
Le cardinal fut plus puissant,
Et même un peu trop redoutable
Vous me paraissez bien plus grand,
Puisque vous êtes plus aimable.


Pardon, monseigneur, d'un si énorme bavardage vous avez bien autre chose à faire. »

1 Richelieu était entré à Port- Mahon vers le 20 avril; mais il ne parvint à s'emparer du fort Saint-Philippe que le 28 juin suivant.

2 Montaigne, Les Essais livre II, chapitre x  : Des livres : http://www.bribes.org/trismegiste/es2ch10.htm

« ...car j'ay un esprit primesautier …. Je ne fay rien sans gayeté ... »

 

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04/07/2012 | Lien permanent

Il se trouverait, en cas de malheur, que mes compliments n'auraient été qu'un ridicule

 ... C'est confirmé, les femmes sont plus intelligentes que les hommes !

http://lci.tf1.fr/science/nouvelles-technologies/c-est-confirme-les-femmes-sont-plus-intelligentes-que-les-hommes-7420233.html

 Et tant pis si l'égalité est bousculée .

Mais bien sûr, il ne s'agit là que de résultats statistiques, n'est-ce pas messieurs ? Individuellement,  il va sans dire que chaque homme dispose d'un égo d'une taille inversement proportionnelle à son estimation du  QI féminin . Grand bien lui fasse, le royaume de Dieu est accordé aux simples d'esprit !

Petit test, pour vérifier

 

test QI joke.jpg


 

 

 

« A M. LE COMTE D'ARGENTAL.

Aux Délices, 2 juillet [1756]

Avez-vous reçu enfin, mon cher ange, cette édition 1 qui est en chemin depuis plus d'un mois? C'est une pièce complexe, à ce que je vois, que celle de Port-Mahon. Nous ne touchons pas encore au dénoûment, et bien des gens commencent à siffler. Ma petite lettre, non trop tôt écrite, mais trop tôt envoyée par M. d'Egmont à Mme d'Egmont 2, donne assez beau jeu aux rieurs. On en a supprimé la prose, et on n'a fait courir que les vers, qui ont un peu l'air de vendre la peau de l'ours avant qu'on l'ait mis par terre 3. Si M. de Richelieu ne prend pas ce maudit rocher, il retrouvera à Versailles et à Paris beaucoup plus d'ennemis qu'il n'y en a dans le fort Saint-Philippe. Il faut, pour mon honneur, et pour le sien surtout, qu'il prenne incessamment la ville. Il se trouverait, en cas de malheur, que mes compliments n'auraient été qu'un ridicule. Je vous prie de bien dire, mon cher ange, que je n'ai pas eu celui de répandre des éloges si prématurés. Si M. d'Egmont avait été un grand politique, il ne les aurait fait courir qu'à la veille de prendre la garnison prisonnière.
La Beaumelle m'embarrasse un peu davantage il est triste d'être obligé de lui répondre cependant il le faut. Son livre a trop de cours pour que je laisse subsister tant d'erreurs et tant d'impostures. Il attaque cent familles, il prodigue le scandale et l'injure sans la moindre preuve; il parle de tout au hasard; et plus il est audacieux dans le mensonge, plus il est lu avec avidité. Je peux vous répondre qu'il y a peu de pages où l'on ne trouve des mensonges très-aisés à confondre. Il faut les relever, la preuve en main, dans des notes au bas des pages du Siècle de Louis XIV, sans aucune affectation, et par le seul intérêt de la vérité. Si vous et vos amis vous aviez remarqué quelque chose d'important, je vous serais bien obligé d'avoir la bonté de m'en avertir; peut-être même les yeux du public commencent-ils à s'ouvrir sur cette insolente rapsodie. On me mande que les gens un peu instruits en pensent comme moi à la longue ils dirigent le sentiment du public. Nous voilà bien loin de la tragédie, mon cher ange; j'ai besoin pour ce travail de n'en avoir aucun autre sur les bras, de quelque nature que ce soit. Tronchin 4 est revenu je lui donne ma santé à gouverner, et mon âme à vous.

Mille tendres respects à tous les anges."


1 Imprimée par les frères Cramer.

2 MIle de Richelieu, née à Montpellier le 1er mars 1740; mariée le 10 février 1756 au comte d'Egmont-Pignatelli, nommé lieutenant général en 1762.

3 La Fontaine, livre V, fable xx.

4 Théodore Tronchin , fameux médecin genevois .

 

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Quel est l'homme en effet qui n'aimerait pas mieux être né libre que sujet ?

... Question d'une cruelle actualité alors qu'on parle d'esclavage en Libye, en paraissant découvrir ce fléau qui n'a jamais cessé en fait de sévir, en particulier dans ces pays où le racisme mène au crime , où les lois ne sont que des mots vides de sens face à des traditions ancestrales iniques , à vomir .

 http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/11/21/la-mise-...

 Image associée

 

 

« Au Ministre Paul-Claude Moultou

à Genève

9 janvier [1763]1

Je suis très touché, monsieur, de votre lettre, et de plus très éclairé ; je sens bien que je marche sur des charbons ardents ; on est tantôt en colère, et on a tantôt envie de pouffer de rire quand on lit l'histoire des Hébreux . En vérité l'olivier sauvage sur lequel on a greffé l'olivier franc, était un vilain chardon .

Vous êtes bien plus hardi que moi, vous me proposez d'oser dire qu'on ne peut attribuer à la divinité des lois intolérantes ; je suis bien de votre avis , mais le Deutéronome n'en est pas, car ce Deutéronome ordonne de tuer son frère, son fils, sa fille, sa mère , sa femme 2, s'ils prophétisent des choses vraies, et si en prophétisant ils s'éloignent du culte reçu ; cela est aussi absurde qu'horrible, mais comment le dire ? Nos seigneurs les évêques me feraient brûler comme un porc . Je me vois entre des gens qui disent que deux et deux font cinq, et des prépuciés qui disaient que deux et deux et deux font six ; je ne laisse pas d'être assez embarrassé entre ces deux espèces de petites-maisons .

Je n'ai jamais dit, révérence parler, que les huguenots était par principe ennemis des rois . Je crois cependant, entre nous, qu'il en est quelque chose . Quel est l'homme en effet qui n'aimerait pas mieux être né libre que sujet ? J'ai dit seulement que Jacques 3 ( qu’Henri appelait toujours maître Jacques) regardait les presbytériens comme ennemis du trône , et il n'avait que trop raison .

Il est bien vrai que les évêques se servent des rois, et les rois des évêques, pour affermir tour à tour leur pouvoir . Je crois qu'il faut tâcher d'éloigner ici cette question odieuse ; n'effarouchons point ces deux puissances, tâchons plutôt de leur plaire .

J'ai beaucoup retravaillé l'ouvrage en question ; je me dis toujours, il faut tâcher qu'on te lise sans dégoût ; c'est par le plaisir qu'on vient à bout des hommes ; répands quelques poignées de sel et d'épices dans le ragoût que tu leur présentes, mêle le ridicule aux raisons, tâche de faire naître l'indifférence, alors tu obtiendras sûrement la tolérance .

J'aurais bien des choses à vous dire sur tout cela, et principalement sur les voies qu'on pourrait prendre pour qu'on traitât comme des citoyens les malhonnêtes gens qui ne croient pas qu'un même corps puisse être à la fois en cent mille endroits différents, qu'un capucin fait Dieu, et que ce Dieu est mangé des rats quand ce capucin n'a pas soin de fermer la boîte .

Je vous remercie de vos livres : mais je vous remercierais bien davantage, si vous aviez la bonté de venir coucher à Ferney quelque jour avec notre arien 4, ou sans votre arien .

En cas que vous n'ayez pas votre équipage, ordonnez le mien pour le jour qu'il vous plaira .

Rien n'est égal à mon estime et à mon attachement pour vous . »

1 L'édition Taillandier donne la lettre sans date et très incomplète .

2 Deutéronome, XIII, 6-10 ; à ceci près que ce texte n'ordonne pas le meurtre des mères . Voir : http://saintebible.com/deuteronomy/13-6.htm et suiv.

4 Jacob Vernes .

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24/11/2017 | Lien permanent

Est-il possible que personne ne veuille entreprendre une chose si importante et si aisée, lorsqu’on est sûr de la plus g

... De ce fait, Emmanuel Macron se lance et condamne le coup d'Etat militaire au Burkina Faso , ce qui est la moindre des choses : https://www.lefigaro.fr/international/burkina-faso-emmanu...

Il est bon qu'il ne soit pas encore candidat déclaré à sa succession, des prises de positions risqueraient d'être repoussées post-élection, avec le goût amer du trop tard  .

A suivre ...

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

28 octobre 1766 1

On aurait bien dû m’avertir, mon cher ami, que j’étais fourré dans la querelle du philosophe bienfaisant 2, et du petit singe ingrat 3. Vous savez que je vous ai toujours dit que je ne connaissais pas cette lettre 4 qu’on prétend que j’avais écrite à Jean-Jacques. Si vous la retrouvez, faites-moi le plaisir de me l’envoyer ; je veux voir si cette lettre est aussi plaisante que je le souhaite. Renvoyez-moi donc les trois lettres de ce Huron, écrites à M. du Theil.

Le projet de ce pauvre Boursier ne reste sans exécution que parce que vous ne lui fournissez pas les secours nécessaires. S’il avait seulement deux personnes de votre caractère, il se flatterait bien de réussir. Ces deux personnes ne risqueraient rien de faire le voyage 5. Est-il possible que personne ne veuille entreprendre une chose si importante et si aisée, lorsqu’on est sûr de la plus grande protection !

Point de nouvelles de Meyrin 6. Êtes-vous bien sûr que le paquet 7 a été mis à la diligence ? Mes maladies augmentent tous les jours. Je m’imagine que l’élixir de Boursier pourrait seul me faire du bien ; mais il faudrait que ce fût vous qui le préparât 8.

Je vous prie, mon cher ami, de faire mettre une enveloppe à la lettre de M. d’Alembert 9, et d’envoyer l’autre 10 à son adresse.

Comme je vous embrasse ! »

1 L'édition Correspondance littéraire source de la copie est sans destinataire .

2 Hume, qui avait, obtenu du roi d’Angleterre une pension pour J.-J. Rousseau.

3 J.-J. Rousseau

4 La Lettre au docteur Pansophe.

5 Le texte de l'édition Besterman comporte ici une lacune qui n'est pas comblée dans les errata du tome XLVI . Elle omet les mots de votre caractère, il se flatterait bien de réussir . Ces deux personnes . La rectification a été apportée pour la présente édition .

7 Lettre de Diderot ; voir lettre du 15 octobre 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/01/13/m-6360082.html

8 L'accord de personne est négligé, comme souvent chez Marivaux ; cf. Marivaux et le marivaudage, de F. Deloffre, 1955 ; les éditions corrigent préparât en préparassiez .

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25/01/2022 | Lien permanent

Nous attendons tout de vous

... Et c'est bien là l'erreur, que d'attendre tout du gouvernement français, du parlement européen, des Ricains, des Popofs, de nos maires amers, de nos mères , des Papous papas ou pas, de nos voisins de palier, de la concierge, du chien Rantanplan et du raton laveur .

Que diable ! a-t-on aussi besoin de l'avis lavasse d'un Lorànt Deutsch qui prône le retour légal du délit de blasphème en France ? quel trou du cul ! non mais quel trou du cul mal embouché ! bien entendu il défend ici qu'on s'attaque à la sacro-sainte religion qu'il pratique, le catholicisme ; comme si cette religion et ses pratiquants et ses prêtres, tout comme toutes les autres religions, avait un semblant d'irréprochabilité ! Qu'elles cessent de faire peur pour tenter de gagner un paradis club Med, ainsi elles ne preteraient pas le flanc à la moquerie et à la critique .

Lorànt, je te laisse tes osties et ton eau bénite, tes prières à qui tu veux,  laisse-moi mes miches et mon vin, mon droit de m'exprimer . Amen !

 

démocratie blaspheme.jpg

 

 

« A Louis-Gaspard FABRY
Aux Délices, 25 [janvier 1760]
Monsieur, je n'ai que le temps, et j'ai à peine la force, étant très-malade, de vous envoyer le mémoire ci-joint.
L'avanie que nous essuyons est inouïe 1, et l'insolence des commis bien punissable. Nous attendons tout de vous. Votre très- humble et obéissant serviteur.
VOLTAIRE,
De tout mon cœur.
Je suis trop malade pour les cérémonies. Vous aurez nécessairement, monsieur, des nouvelles de M. de Lab[at].
Vous êtes supplié d'envoyer copie de notre déclaration au subdélégué général. »

1 La saisie de voitures de blé, voir lettre précédente : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/01/27/le-ble-et-les-equipages-ont-ete-saisis-par-le-brigadier-qui-a-dit-que-je-ne.html

et lettres suivantes du 26 janvier, 30 janvier, 2 février, 4 février, 6 février 1760 .

 

 

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29/01/2015 | Lien permanent

j’aime mieux encore succomber que de signer un compromis qui me couvrirait de honte

Notre président "bien-actif" faute d'être "bien- aimé", -tout comme Volti qui "aime mieux encore succomber que de signer un compromis qui me couvrirait de honte"- , ne saurait accepter "qu'on renvoie sine die à d'autres sommets la résolution de problèmes dont on connait parfaitement la nature". Il est vrai qu'Angela l'a dopé aux bisous affectueux.

Du coup "pas question de caprice, pas une question d'ego", il ne reste comme alternative que l'altruisme qui va permettre -promis, juré,craché !- "un nouveau soutien aux pays les plus pauvres".

Tiendra, tiendra pas ?

Wait and see, is'n't it !!

 

 Je passe la parole à Volti qui se défend -encore !- et qui ne veut pas mentir -quand ça le dessert !- bien sùr .

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental, conseiller au parlement, rue de la Grange-Batelière, à Paris

 

 

                            Mon respectable ami, j’aime mieux encore succomber sous le libelle de Desfontaines, que de signer un compromis qui me couvrirait de honte [V* aurait dû renier le Préservatif et Desfontaines renier La Voltairomanie]. Je suis plus indigné de la proposition que du libelle.

 Desfontaines.jpg

                            Tout ce malentendu vient de ce que M. Hérault qui a tant d’autres affaires plus importantes n’a pas eu le temps de voir ce que c’est que ce Préservatif, qu’on veut que je désavoue comme un libelle purement et simplement.

 

                            Ce Préservatif publié par le chevalier de M. [Mouhy] contient une lettre de moi qui fait l’unique fondement de tout le procès [lettre à Mafféi de septembre 1736 où V* dit qu’il a fait sortir Desfontaines de Bicêtre qui a alors malgré celà rédigé un libelle ]. Cette lettre authentique articule tous les faits qui démontrent mes services et l’ingratitude du scélérat qui me persécute. Désavouer un écrit qui contient cette lettre c’est signer mon déshonneur, c’est mentir lâchement et inutilement. L’affaire me semble, consiste à savoir si Desfontaines m’a calomnié ou non. Si je désavoue ma lettre dans laquelle je l’accuse, c’est moi qui me déclare calomniateur. Tout ceci ne peut-il finir qu’en me chargeant de l’infamie de ce malheureux ? Comment veut-on que je désavoue, que je condamne la seule chose qui me justifie, et que je mente pour me déshonorer ?

 

                            M. de Meinières [parent de Hérault] ne pourrait-il faire à M. Hérault ces justes représentations ? Qu’il promette une obéissance entière à ses ordres, mais qu’il obtienne  des ordres plus doux, qu’il ait la bonté de faire considérer à M. Hérault que pendant dix années l’abbé Desfontaines m’a persécuté moi et tant de gens de lettres par mille libelles, que j’ai été plus sensible qu’un autre parce qu’il a  joint la plus noire ingratitude aux plus atroces calomnies envers moi . Il a fait entendre à M. Hérault que j’ai rendu outrage pour outrage, que j’ai fait graver une estampe dans laquelle il est représenté à Bicêtre, mais l’estampe a été dessinée à Vérone, gravée à Paris, et l’inscription est à peine française. M’en accuser c’est une nouvelle calomnie.

 

                            Enfin, mon cher ange gardien, je suis persuadé qu’une représentation forte de M. de Meinières jointe à la vivacité de M. d’Argenson qui ne démord pas, emportera la place, et cette place c’est une réparation authentique, non un compromis.

 

                            Si vous pouviez faire un petit mot à M. Hérault, par M. Maurepas, l’affaire n’en irait pas plus mal. Ah ! mon cher et respectable ami, que de persécutions, que de temps perdu ! Eripe me a dentibus eorum. [= arrache moi à leurs dents]

 

                            Mon autre ange, celui de Cirey, vous écrit, ainsi je quitte la plume, je m’en rapporte à tout ce qu’elle vous a dit. L’auteur de Mahomet 2 [La Noue] m’a envoyé sa pièce, elle est pleine de vers étincelants, le sujet était bien difficile à traiter. Que diriez-vous si je vous envoyais bientôt Mahomet premier ? Paresseux que vous êtes, j’ai plus tôt fait une tragédie que vous n’avez critiqué Zulime !

 

                            Ah ! Mettez mon âme en repos, et que tous mes travaux vous soient consacrés.

 

                            Faites lire à vos amis l’Essai sur Louis XIV, je voudrais savoir si on le goûtera, s’il paraitra vrai et sage.

 

                   Adieu mon cher ange gardien, mille respects à Mme d’Argental.

 

 

                   V.

                   2 avril 1739.»

 

Pour les curieux :

ref : Bicêtre au XVIII ème: http://www.initiales.org/Dans-la-nuit-de-Bicetre.html

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02/04/2009 | Lien permanent

le roi de France l’emporte sur tous les rois, puisqu’il fait des miracles

Ces textes vont peut-être paraitre sans commentaire . Ce sera la signe que votre indigne serviteur est encore à la bourre, mais ni bourré, ni bourru !!!En tout cas pas aujourd'hui ...

 chatte petit t'as d beaux yeux.jpg

 

 

  

-Chat alors ! T'as d'beaux yeux, tu sais !

 

-Oui, je sais, je sais, je sais ... mais ne touche pas à la prunelle de mes yeux ! (=petit goinfre dodu au dodo).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 « A Jean Le Rond d’Alembert

 

 

Vous n’avez probablement point reçu, mon cher philosophe, une lettre que je vous avais écrite il y a près d’un mois, sous l’enveloppe de M. de Vaines. Je vous priais de dire un petit mot au roi de Prusse au sujet de M. d’Etallonde de Morival. Ce monarque vient de combler nos vœux et de surpasser nos espérances [lettre de Frédéric du 17 mai ]. Il appelle M. de Morival auprès de lui, il le fait son ingénieur et capitaine, il lui donne une pension. Cela vaut mieux, ce me semble que d’aller se mettre à genoux à Paris devant Messieurs, et de leur avouer qu’on est un impie qui vient faire entériner sa grâce [« Je vous répète que nous ne voulons point de lettre de grâce, que grâce, de quelque manière qu’elle soit tournée, suppose crime, et que nous n’en avons point commis. De plus la grâce exige qu’on la fasse entériner à genoux et c’est ce que nous ne ferons jamais. » lettre à d’Argental, 16 avril 1775.].

 

 

           Le roi de Prusse en faisant cette belle action m’écrit la lettre la plus touchante et la plus philosophique [«… l’infâme frémira vraiment de dépit, en voyant que Voltaire et moi pauvre individu, nous sauvons de ses griffes un jeune garçon qui n’a pas observé le Puntiglio et le cérémonial ecclésiastique. » Frédéric].

 

 

           Je vous envoie la requête au Roi Très Chrétien, par laquelle M. de Morival ne lui demande rien [ Le cri du sang innocent adressé au « Roi très chrétien en son conseil », requête « … faite que pour inspirer l’horreur de la persécution, et pour fortifier les bons sentiments des esprits raisonnables. » lettre à d’Argental du 10 juillet].

 

 

           V.

           A Ferney ce 7è juillet 1775. »

 

 

«  A Frédéric II, roi de Prusse

 

 

           Sire,

 

           Morival s’occupait à mesurer le lac de Genève, et à construire sur ses bords une citadelle imaginaire, lorsque je lui ai appris qu’il pourrait en tracer  de réelles dans la Prusse occidentale ou dans vos autres états. Il a senti vos bienfaits, avec une respectueuse reconnaissance égale à sa modestie. Vous êtes son seul roi, son seul bienfaiteur. Puisque vous permettez qu’il vienne se jeter à vos pieds dans Potsdam, voudriez-vous bien avoir la bonté de me dire à qui il faudra qu’il s’adresse pour être présenté à Votre Majesté ?

 

 

           Permettez que je me joigne à lui dans la reconnaissance dont il ne cessera d’être pénétré ; je ne peux pas aspirer comme lui, à l’honneur d’être tué sur un bastion ou sur une courtine ; je ne suis qu’un vieux poltron, fait pour mourir dans mon lit. Je n’ai que de la sensibilité, et je la mets tout entière à vous admirer et à vous aimer.

 

 

           Votre alliée l’impératrice Catherine fait, comme vous, de grandes choses. Elle fait surtout du bien à ses sujets [Frédéric écrit à V*, le 17 juin : « Votre Impératrice se signale à Moscou par ses bienfaits et par la douceur dont elle traite le reste de adhérents de Pugatschef [l’insurgé] : c’est un bel exemple pour les souverains… »]; mais le roi de France l’emporte sur tous les rois, puisqu’il fait des miracles. Il a touché à son sacre deux mille quatre cents malades d’écrouelles, et il les a sans doute guéris [21 juin, V* à Frédéric :  « On fait coucher tout de son long un pauvre roi en chemise devant des prêtres, qui lui font jurer de maintenir tous les droits de l’Église et on ne lui permet d’être vêtu que lorsqu’il a fait son serment . Il y a des gens qui prétendent que c’est aux rois de se faire prêter serment par les prêtres. Il me semble que Frédéric le Grand en use ainsi en Silésie et dans la Prusse occidentale. »]. Il est vrai qu’il y eut une des maitresses de Louis XIV qui mourut de cette maladie, quoiqu’elle eût été très bien touchée, mais un tel cas est très rare.

 

 

           Votre majesté avait eu la bonté de me mander qu’après ses revues elle se délasserait un moment à entendre Lekain et Aufresne [24 juillet, Frédéric à V* : « Lekain a joué les rôles d’Œdipe, de Mahomet et d’Orosmane … L’année passée j’ai entendu Aufresne ; peut-être lui faudrait-il un peu du feu que l’autre a de trop … Cependant je n’ai pu retenir mes larmes ni dans Œdipe ni dans Zaïre. ». Lekain avait quitté Paris pour la Prusse le 13 mai]; mais je vois bien que vos héros guerriers qui marchent sous vos drapeaux l’emportent sur les héros de théâtre. Votre Majesté les passe en revue dans quatre cents lieues de pays pendant un mois [= 500 milles de France]. C’est à peu près avec cette rapidité qu’un de vos prédécesseurs, nommé Jules césar, parcourait notre petit pays des Velches. Il faisait des vers aussi, ce Jules ou Julius, car les véritablement grands hommes font de tout.

 

 

           Je suis plus que jamais l’adorateur et l’admirateur des gens de ce caractère, qui sont en si petit nombre.

 

 

           Agréez, Sire, avec bonté, le profond respect, la reconnaissance et l’attachement inviolable de ce vieux malade du mont Jura.

 

 

           Voltaire

           A Ferney, 7 juillet 1775. »

 

 

 

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