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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

n’avez-vous jamais vu un ministre donner audience, écouter cent affaires, et ne se soucier d’aucune ?

... Si, bien sûr ! la liste remonte à l'antiquité et n'a pas de fin .

Sinon ce serait trop beau d'avoir des ministres attentifs à tous les problèmes et trouvant des solutions adéquates .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

21 novembre [1762]

O mes anges ! n’avez-vous jamais vu un ministre donner audience, écouter cent affaires, et ne se soucier d’aucune ? n’avez-vous jamais vu un avocat plaider trois ou quatre causes sans s’en mettre en peine, et les juges prononcer sans les entendre ? Vous croyez donc qu’il en est de même de votre créature des Alpes ? Il me faut à la fois faire imprimer, revoir, corriger une Histoire générale, une Histoire de Pierre-le-Grand ou le cruel, et Corneille avec ses commentaires, et passer de cet abîme à une tragédie. Le tripot, le tripot doit l’emporter, j’en conviens ; mais, encore une fois, je n’ai qu’une âme logée dans un chétif corps usé, sec, et souffrant. J’avais mis votre Olympie en séquestre, afin de la revoir avec un œil sain et frais. Il était nécessaire de laisser tomber les grosses taies que l’enthousiasme étend sur les prunelles d’un auteur, dans la première ivresse d’une composition rapide. Je vous donnerai votre Olympie pour votre carême ; c’est un temps tout à fait sacerdotal, et digne d’une pièce dont l’action se passe dans un couvent. L’Opéra-Comique célébrera gaiement, au commencement de l’hiver, les plaisirs de la paix, et Paris aura mon grave hiérophante pour sa quadragésime. Ne trouvez-vous pas cet arrangement tout à fait convenable ? Puisque je suis à présent enfoncé dans l’historique, permettez-moi de vous demander simplement le secret de l’État, qui est le secret de la comédie. Les Espagnols cèdent-ils bien réellement la Floride ?1 la chose m’intéresse. Une famille suisse, qui m’est très recommandée, veut aller s’établir dans ce pays-là, et ne veut point vendre son petit fonds helvétique sans être sûre de son fait. Ne négligez pas, je vous en prie, ma question . Elle peut être hasardée, mais elle est charitable, et vous êtes anges du temporel comme du spirituel.

Avez-vous à Paris M. de La Marche ? c’est encore un point dont je vous supplie de m’instruire.

Le philosophe épouseur 2 arrivera donc. Nous requinquerons Cornélie-Chiffon, nous la parerons. Elle prétend qu’elle pourra savoir un peu d’orthographe : c’est déjà quelque chose pour un philosophe. Enfin nous ferons comme nous pourrons . Ces aventures-là s’arrangent toujours d’elles-mêmes . Il y a une providence pour les filles.

J’avais bien deviné que M. de Chauvelin m’avait trahi. Vous vous entendez comme larrons en foire. Il a sans doute beaucoup d’esprit et de goût. Plus vous en avez, mes chers anges, plus vous sentez combien une tragédie est une œuvre difficile, surtout quand le goût du public est usé.

Je voudrais bien que M. le duc de Bethfort 3 vît Tancrède, et qu’il souscrivît pour mademoiselle Corneille.

Zulime est de mediocribus.4

Mille tendres respects. »

1 Par le traité, la Grande-Bretagne restituait La Havane et Manille, et obtenait en échange la Floride et diverses autres compensations ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Paris_(1763)

et : http://mjp.univ-perp.fr/traites/1763paris.htm

3 Ministre plénipotentiaire anglais , le duc de Bedford .

4 Médiocre .

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05/10/2017 | Lien permanent

Toutes ces sottises couvertes par d’autres sottises tombent dans un éternel oubli au bout de vingt-quatre heures

... Un exemple entre autres : https://fr.style.yahoo.com/stephane-plaza-seducteur-clien...

à multiplier par centaines de milliers en notre monde d'absurdie .

 

 

« A Claude-Joseph Dorat 1

4 mars [1767] 2

Je ne sais, monsieur, si mon amour-propre corrompt mon jugement ; mais vos derniers vers 3 me paraissent valoir mieux que les premiers . Ils sont, à mon gré, plus remplis de grâces. Votre muse fait ce qu’elle veut ; je la remercie d’avoir voulu quelque chose en ma faveur, quoiqu’il y ait encore un coup de patte. Je vous jure, sur mon honneur, que je n’ai aucune connaissance des vers qu’on a faits contre vous  4. Personne ne m’en a écrit un mot ; il n’y a que vous qui m’en parliez. Toutes ces sottises couvertes par d’autres sottises tombent dans un éternel oubli au bout de vingt-quatre heures. Je suis uniquement occupé de l’affaire de Sirven, dont vous avez peut-être entendu parler. Ce nouveau procès de parricide va être jugé au conseil du roi ; il m’intéresse beaucoup plus que les Scythes, dont je ne fais nul cas. Je n’avais destiné cet ouvrage qu’à mon petit théâtre ; mais on imprime tout : on a imprimé ce petit amusement de campagne. Les comédiens se repentiront probablement d’avoir voulu le jouer. J’ai donné un rôle à Mlle Durancy, à qui j’en avais promis un depuis très longtemps. Je ne connaissais point Mlle Dubois ; je vis ignoré dans ma retraite, et j’ignore tout. Si j’avais été informé plus tôt de son mérite et de ses droits, j’aurais assurément prévenu ses plaintes ; mais je vous prie de lui dire qu’elle n’a rien a regretter : le rôle qu’elle semble désirer est indigne d’elle. C’est une espèce de paysanne pendant trois actes entiers ; c’est une fille d’un petit canton suisse qui épouse un Suisse ; et un petit-maître français tue son mari. Je ne connais point de pièce plus hasardée ; c’est une espèce de gageure, et je gage avec qui voudra contre le succès. Mais on peut faire une mauvaise pièce de théâtre, et ambitionner votre amitié . C’est là ma consolation et ma ressource.

Je vous supplie, monsieur, de compter sur les sentiments très sincères de votre très humble, etc. »

2 L'original est passé à la vente Lucas de Montigny, 30 avril 1860 ; l'édition C.-J. Dorat , Mes nouveaux torts, 1775, ne donne que des fragments de la lettre ; ici, édition de Kehl .

4 Il s'agit des vers commençant comme suit :

Bon Dieu, que cet auteur est triste en sa gaieté !

Bon Dieu, qu'il est pesant dans sa légèreté […]

et se terminant par :

Il est, si je l'en crois, un heureux petit-maître ;

Mais si j'en crois ses vers, ah ! Qu'il est triste d'être

Ou sa maîtresse ou son lecteur !

cités dans la Correspondance littéraire . Effectivement ils émanent de Ferney, mais ils sont l’œuvre de La Harpe ; voir : https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article7698

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12/08/2022 | Lien permanent

sa mémoire est prodigieuse ; son esprit est digne de sa mémoire, et il a toute la modestie convenable à ses talents

... Emilien bien sûr : "Bravissimo" : https://www.allocine.fr/tvactu/articles/article-100010633...

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Gentil couple

 

 

 

« A Catherine II, impératrice de Russie

A Ferney 1er avril 1769 1

Madame,

Un jeune homme 2 des premières familles de Genève, qui, à la vérité, a près de six pieds de haut, mais qui n’est âgé que de seize ans, assistant chez moi à la lecture de l’instruction que Votre Majesté impériale a donnée pour la rédaction de ses lois, s’écria : « Mon Dieu, que je voudrais être Russe ! » Je lui dis en présence de sa mère : « Il ne tient qu’à vous de l’être ; Pictet 3, qui est plus grand que vous, l’est bien ; vous êtes plus sage et plus aimable que lui. Madame votre mère veut vous envoyer dans une université d’Allemagne apprendre l’allemand et le droit public : au lieu d’aller en Allemagne, allez à Riga , vous apprendrez à la fois l’allemand et le russe ; et à l’égard du droit public, il n’y en a certainement point de plus beau que celui de l’impératrice. »

Je proposai la chose à sa mère, et je n’eus pas de peine à l’y faire consentir. Ce jeune homme s’appelle Gallatin ; il est de la plus aimable et de la plus belle figure ; sa mémoire est prodigieuse ; son esprit est digne de sa mémoire, et il a toute la modestie convenable à ses talents. Si Votre Majesté daigne le protéger, il partira incessamment pour Riga, après avoir commencé à suivre votre exemple en se faisant inoculer. Je suis fâché de n’offrir à Votre Majesté qu’un sujet ; mais je réponds bien que celui-là en vaudra plusieurs autres.

Oserai-je prendre la liberté de demander à Votre Majesté à qui il faudra que je l’adresse à Riga ? Sa mère ne peut payer pour lui qu’une pension modique. J’ose me flatter qu’il n’aura pas été un an à Riga sans être en état de venir saluer Votre Majesté en russe et en allemand. Qu’est devenu le temps où je n’avais que soixante ans ? Je l’aurais accompagné.

Si Votre Majesté va s’établir à Constantinople, comme je l’espère, il apprendra bien vite le grec . Car il faut absolument chasser d’Europe la langue turque, ainsi que tous ceux qui la parlent. Enfin, madame, au nom de toutes vos bontés pour moi, j’ose vous implorer pour le jeune Gallatin, et je puis répondre qu’il méritera toute votre protection. J’attends les ordres de Votre Majesté impériale 4.

J'apprends que les braves troupes russe ont déjà battu les Tartares . Cette nouvelle diminue une maladie cruelle dont je suis actuellement accablé . Puisse la gloire de vos armées égaler celle de votre génie !

Je suis avec le plus profond respect et la plus sensible reconnaissance,

madame,

de Votre Majesté impériale

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire . »

1 Copie contemporaine (Moscou) bien datée (voir l'avant-dernier paragraphe de la présente lettre) seule complète de la fin qui a été suivie ; édition Cayrol.

2 Jean Gallatin, fils d'Abraham et de Louise Gallatin : https://gw.geneanet.org/rossellat?lang=fr&n=gallatin&oc=20&p=jean

4 Les ordres de Catherine vinrent dans une lettre datée du 26 avril (nouveau style ) : « A Saint-Pétersbourg 15 [26 n.s.] d'avril 1769

« J'ai reçu, monsieur, votre belle lettre du 26 février . Je ferai mon possible pour suivre vos conseils, si Moustapha ne sera pas rossé, ce ne sera assurément ni votre faute ni la mienne, ni celle de mon armée, mes soldats vont à la guerre contre les Turcs comme s’ils allaient à une noce . Puisque l'envie de faire cause commune contre les barbares est passée aux autres puissances de l'Europe, la Russie seule cueillera ces lauriers-ci, et son attention à bien abattre ses ennemis ne sera point distraite par des combinaisons de campagnes concertées auxquelles souvent, il n'y a eu que les ennemis qui aient gagné . Si vous pouviez voir tous le embarras dans lesquels ce pauvre Moustapha se trouve, à la suite du pas précipité qu'on lui a fait faire, contre l'avis de son Divan et des gens le plus raisonnables, il y aurait des moments où vous ne pourriez vous empêcher de le plaindre comme homme, et comme homme très mal dans ses affaires .

Il n'y a rien qui me prouve plus la part sincère que vous prenez, monsieur, à ce qui me regarde que ce que vous me dites sur ces chars de nouvelle invention . Mais nos gens de guerres ressemblent à ceux de tous les autres pays, les nouveautés non éprouvées leur paraissent douteuses .

Je suis bien aise, monsieur, de ce que mon instruction a votre approbation, je doute qu'elle ait celle du Saint-Père et du Moufti . Les cardinaux devraient élire ce dernier pour pape, ils sont présentement si bien avec lui . Ce serait aux cardinaux ultramontains à en faire la proposition au conclave .

Je vous prie, monsieur, d'être assuré que tout ce qui me vient de votre part me fait un plaisir infini, je ne saurais pas assez vous remercier de l'envoi que vous m’avez fait, le tableau de M.  Huber y compris, c'est un vrai cadeau . Je regretterais bien d'être privée de ce qui paraîtrait à l'avenir, je crois qu'il faudrait l’envoyer en Hollande par la voie de quelque marchand, et de là on me l'enverrait ou par la poste ou d'autres occasions qui ne sont pas rares de ce pays-là.

Vivez , monsieur, et réjouissez-vous lorsque mes braves guerriers auront battu les Turcs . Vous savez je pense qu’Azof à l’embouchure du Tanaïs est déjà occupé par mes troupes, le dernier traité de paix stipulait que cette place resterait abandonnée de part et d'autre . Vous aurez vu par les gazettes que nous avons déjà envoyé promener les Tartares dans trois différents endroits lorsqu’ils ont voulu piller l'Ukraine, cette fois-ci ils s'en sont retournés aussi gueux qu'ils étaient sortis de la Crimée, je dis gueux car les prisonniers qu'on a faits sont couverts de lambeaux et non d'habits . S'ils n'ont pas réussi leurs désirs chez nous, en revange [sic] ils se sont dédommagés en Pologne, il est vrai qu'ils y avaient été <envoyés> par leurs alliés les protégés du nonce du Pape .

L'on fait très bien ici la porcelaine dite en biscuit, je ne sais monsieur comment j'ai pu dire que votre buste était en plâtre, une dame française dirait que c'est une bévue qui ne ressemble à rien, mais comme je n'ai pas l'honneur d'être welche, je dirai que c'est une distraction digne de Moustapha .

Au moment où j'achevais ces lignes, j'ai reçu votre lettre, monsieur, du 1 d'avril . Le conseil que vous avez donné au jeune Gallatin m'est une nouvelle marque bien flatteuse de votre amitié pour moi . La vérité m’oblige de vous dire que si ce jeune homme doit encore étudier à quelque université, je crois que ses parents feront mieux de l'y envoyer qu'à Riga , où je crains qu'il ne trouverait point l’équivalent des universités d'Allemagne ; mais s'il ne s'agit que de lui apprendre l'allemand, Riga est aussi propre que Leipzig même, et alors vous voudrez bien monsieur l'adresser au gouverneur général de la Livourne, M. de Braun, qui réside à Riga, auquel j'écrirai à ce sujet . Nous en aurons soin, s'il conserve l'envie de s'établir en Russie ; sinon il sera très libre de faire ce qui lui plaira, et même de venir assister à votre entrée à Constantinople, où vous m'avez promis de me venir trouver, quand j'y serai s'entend . En attendant je tâcherai d'étudier un beau compliments grec que je vous débiterai . Il y a deux ans lorsque j'étais à Kazan , j'avais apprises [sic] quantité de phrases tartares et arabes ce qui faisait un grand plaisir aux habitants de cette ville, qui , pour la plupart sont de cette nation, bons musulmans, bien riches, et qui bâtissent une magnifique mosquée en pierre depuis mon départ . Je suis bien fâchée de ce que votre santé ne réponde pas à mes souhaits, si les succès de mes armées peuvent contribuer à la rétablir, je ne manquerai pas de vous paire part de tout ce qui nous arrivera d'heureux . Jusqu'ici Dieu merci je n'ai encore que de très bonnes nouvelles de tous côtés, on renvoie bien étrillés tout ce qui se montre Turks, Tartares, mais surtout les mutins de Pologne .

J'espère dans peu avoir des nouvelles de quelque chose de plus décidé que des affaires de partis entre troupes légères, je suis avec une estime bien particulière .

« Catherine. » Cette lettre est datée 4-15 août 1769 dans l'édition Garnier : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1769/Lettre_7633#cite_ref-1

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03/10/2024 | Lien permanent

allez vous faire f... avec votre Paris, je ne l'aime point, je ne l'ai jamais aimé

 ...  Bon , c'est dit ! je ne le répèterai pas cent fois car il y a des choses nettement plus importantes .

Je me dois tout d'abord de vous informer sur l'actualité : Nouveau miracle à Lourdes 

Les baptisés (premiers chrétiens qui s'ignoraient ) ont commencé à célèbrer Jésus Christ , le dimanche , -plutôt que d'aller au bistrot, au foot ou brûler des portiques éco-taxes,- alors qu'il était encore enfant, si j'en crois les écritures . Trop fort ces catholiques ! Pour preuve de ce que j'avance, l'homélie de ce jour à Lourdes faite par Mgr Georges Pontier qui emporté par son élan lyrique, sinon poétique, assène cette énorme coïonnerie, digne d'un politicien en mal d'élection .

Si « le Père prépare le  repas du Ressuscité » comme l'évêque prépare son homélie, il y a du souci à se faire, au moins pour l'assaisonnement ; les à-peu-près des mesures ne me rassurant pas du tout , je préfère rester en république plutôt qu'aller en son royaume .

Le Christ est peut-être un soleil levant, mais aujourd'hui l'évêque n'est pas une lumière du sud, il a oublié de mettre de l'eau dans son pastis et veut nous faire croire que  la sardine  bouche le Vieux-Port !

 « Témoigner de notre foi en Christ Ressuscité, par la manière même de vivre notre vie, nos épreuves, nos joies, nos engagements, les moments où la mort menace et frappe. Faisons-le de manière fidèle le dimanche, ce jour où depuis plus de 2000 ans, les Baptisés se rassemblent pour fêter le Christ, soleil levant, vainqueur du péché et de la mort, pour participer au repas du Ressuscité, signe de celui que le Père prépare en son Royaume ! »

Prédicateur : évêque de Marseille  Monseigneur Georges Pontier
Références bibliques : 2 M 7, 1-2.9-14 ; Ps 16 ; 2 Th 2, 16-3,5 ; Lc 20, 27-38
Paroisse :
Basilique Notre-Dame du Rosaire
Ville :
Lourdes »
Pour les amateurs de textes hautement édifiants : http://www.lejourduseigneur.com/Web-TV/Homelies/Temps-Ord...

 Reste une lueur d'espoir, fantôme du bonheur

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« A Jean-Baptiste-Nicolas Formont

[vers le 3 octobre 1758]

Mon cher philosophe , votre souvenir m'enchante ; vous êtes un gros et gras épicurien de Paris, et moi un maigre épicurien du lac de Genève . Il est bon que les frères se donnent quelquefois signe de vie . Mme du Deffand est plus philosophe que nous deux puisqu'elle supporte si constamment la privation de la vue et qu'elle prend la vie en patience . Je m'intéresse tendrement, non pas à son bonheur, car ce fantôme n'existe pas, mais à toutes les consolations dont elle jouit, à tous les agréments de son esprit, au charme de sa société délicieuse . Je voudrais bien en jouir, sans doute, de cette société délicieuse, j'entends de la vôtre et de la sienne, mais allez vous faire f... avec votre Paris, je ne l'aime point, je ne l'ai jamais aimé . Je suis cacochyme ; il me faut des jardins , il me faut une maison agréable dont je ne sorte guère, et où l'on vienne . J'ai trouvé tout cela, j'ai trouvé les plaisirs de la ville et de la campagne réunis, et surtout la plus grande indépendance . Je ne connais pas d'état préférable au mien . Il y aurait de la folie à vouloir en changer . Je ne sais si j'aurai cette folie, mais au moins c'est un mal dont je ne suis pas attaqué à présent, malgré toutes vos grâces . Je ne regrette ni Iphigénie en Crimée 1 , ni Hypermnestre 2. Je crains seulement plus encore pour la perte des fonds publics que pour celle des talents . La compagnie des Indes, le commerce, la marine me paraissent encore plus en décadence que le bon goût . Jamais on n'a tant fait de livres sur la guerre et jamais nos armes n'ont été plus malheureuses . J'ai trente volumes sur le commerce, et il dépérit . Ni les livres sur l'esprit et sur la matière, ni les arrêts du conseil sur ces livres ne remédieront à tant de maux .

Que dites vous de la défaite de mes Russes ? C'est bien pis qu'à Narva 3 ; tout est mort ou blessé ou pris . Il y a eu trois batailles consécutives . Les Prussiens n'ont eu que trois mille hommes de tués, mais ils ont dix mille blessés au moins . Si le comte de Daun tombait sur eux dans ces circonstances, peut-être ferait-il aux Prussiens ce que ceux-ci ont fait aux Russes . Il y a une tragédie anglaise dans laquelle le souffleur vient annoncer à la fin que tous les acteurs de la pièce ont été tués 4 ; cette cruelle guerre pourra bien finir de même .

N[ota] qu'il n'est pas vrai qu'on ait battu trois fois les Russes, comme on le dit, c'est bien assez d'une .

Présentez je vous prie, mes très tendres respects à Mme du Deffand et souvenez-vous quelquefois du vieux Suisse V. qui vous aimera toujours . »

1De Claude Guymond de La Touche jouée avec un grand succès à partir du 4 juin 1757 ; voir lettre du 5 janvier 1758 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/03/13/ils-me-donnent-quelquefois-des-articles-peu-interessants-a-f.html

2Tragédie de Antoine Marin Le Mierre dont Thieriot entretenait V* dans sa lettre du 12 septembre 1758 : « On représente aux Français une noire tragédie d'Hypermnestre […] qui a remporté quatre fois le prix de l'Académie . Il me semble qu'elle a le premier sort heureux d'Iphigénie en Tauride pour la représentation, mais je crains qu'à la lecture elle ne soit pas distinguée de l'autre . Je ne l'ai point encore vue mais je l'ai entendue . La versification m'en a paru médiocre en général et la pièce m'a surpris et ne m'a point touché . » La pièce fut représentée le 31 août 1758 et eut douze représentations ; elle fut reprise plusieurs fois et demeura l'une des tragédies les plus populaires de son époque . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine-Marin_Lemierre

3 Que Pierre le Grand assiégeait et que Charles XII dégagea vigoureusement en 1700 .

4 C'est Frédéric II qui s'était servi de cette image pour décrire la situation après la bataille de Zorndorf, mais la pièce qu'il invoque est La Thébaïde de Racine : « A peine y resta-t-il le moucheur de chandelles » dit-il dans sa lettre du 2 octobre 1758 . la modification qu'introduit V* est très significative : il substitue Hamlet à La Thébaïde .

 

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10/11/2013 | Lien permanent

un moment a tout détruit : nous n’avons à présent qu’une perspective très triste

 Après la journée de la Femme, mesdames, il serait bon que vous chantiez ainsi !

 http://www.youtube.com/watch?v=3hd4Mi-UeXc&feature=re...

 

 

 

http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.worldtem...

 

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Y a-t-il eu ce type de montres à Ferney sous les yeux du Patriarche ?

 

 

 

 

 

 

 

 

« A de La Ponce

 

[mars 1771]

 

             Si vous allez à Chanteloup je me recommande à vos bons offices. Je vous prie de me mettre aux pieds de M. le duc, de Mme la duchesse de Choiseul, et de Mme la duchesse de Gramont. Leurs bontés seront toujours gravées dans mon cœur. Il me semble que je suis comme la France, je dois beaucoup à ce grand ministre.

 

             S’il a fait pacte de  famille [traité d’alliance entre les Bourbons de France et d’Espagne en 1761] , s’il vous a donné la paix [terminé la Guerre de Sept ans en 1763], si la Corse est au roi [en 1768], je lui dois aussi l’établissement de Mlle Corneille, les franchises de mes terres, et les grâces dont il a comblé toutes les personnes que j’ai pris la liberté de lui recommander. Ainsi, Monsieur, je crois qu’il peut très raisonnablement compter sur les cœurs de la France, sur le vôtre et sur le mien.

 

             Ce n’est pas que je ne trouve l’érection des six nouveaux conseils admirable[f1]  , ce n’est pas que je ne sois persuadé que nous avons besoin d’une nouvelle jurisprudence, mais cela n’a rien de commun avec les services que M. le duc de Choiseul a rendus à l’État, ni avec la reconnaissance que je lui dois.

 

             Je vous remercie bien sensiblement, Monsieur, du service essentiel que vous venez de rendre à  ma petite colonie, en assurant par vos bontés et par vos soins l’envoi de la petite caisse adressée à M. le marquis d’Ossun [une caisse de montres destinées à l’Espagne, qu’il annonce le 6 mars au marquis]: vous ne pouviez mieux favoriser ces pauvres gens dans une circonstance plus critique . Ils sont maltraités de tous les côtés. Ils n’ont encore rien pu obtenir de ce qu’ils demandaient [entre autres, l’exemption de droits ], et notre petit pays qui se flattait, il y a quelques mois, de la protection la plus signalée [celle de Choiseul bien sûr] est bien près de retourner dans son ancienne barbarie. Je m’étais épuisé entièrement pour le vivifier un peu, un moment a tout détruit : nous n’avons à présent qu’une perspective très triste avec la famine dont nous avons bien de la peine à nous délivrer.

 

 

 

 

 


 [f1]Soutien de V* à la réforme du chancelier Maupéou, ennemi de Choiseul  qui a une responsabilité dans la disgrâce d'icelui. La duchesse qui n'admet pas cette approbation écrira à Mme du deffand : "Qu'il est pitoyable, ce Voltaire, et quil est lâche ! Il s'excuse, il s'accuse, se noie dans son crachat pour avoir craché sans besoin. Il chante la palinodie, il souffle le froid et le chaud . Il ne sait ce qu'il dit ; il fait dégoût et pitié." L'édit de Maupéou, du 23 février 1771 supprime la vénalité des charges, les épices, décentralise la justice et restreint le ressort du parlement de Paris en créant des conseils supérieurs ; il simplifie aussi la procédure.

 

 

 

 

http://www.youtube.com/watch?v=uFfD1Ke7_dM

 

 

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09/03/2010 | Lien permanent

il est bon d’avertir de ce qu’on peut et de ce qu’on ne peut pas

... N'est-ce pas Marine ? Tu peux (oups, pardon, quelle familiarité !) Vous pouvez peu et vous le savez . Vous devez, après l'entrevue avec le czar Poutine ( qui se fiche du FN comme de sa première cuillèrée de caviar ), vous hausser du col, faire la nique à Fanfoué Fillon (en économisant 50000 €), et au Parlement européen ( qui paye le voyage involontairement ), et puis connaitre logiquement la Bérézina en mai .

« Je sais que vous représentez un spectre politique en Europe qui croît rapidement. » dit Vlad , et il dit vrai !
* Spectre :
- Apparition fantastique, généralement effrayante, d'un mort, d'un esprit.
- Forme généralement blanche, sinistre, aux contours irréels .
- Personne très pâle et très maigre; personne évoquant une apparition par son apparence .
- Ce qui n'a plus que l'apparence de quelque chose.
- Image effrayante, peur obsessionnelle .
Ces définitions me semblent parfaitement correspondre et à la Marine et à son parti .
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/articl...
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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

26 avril [1762] 1

Madame la duchesse d’Anville 2, mes anges, fait bien de l’honneur aux Délices. Elle peut arriver quand il lui plaira ; il y aura de quoi loger quatre maîtres de plain-pied, même cinq 3. Mais que M. l’archevêque de Rouen 4 ne s’imagine pas être à Gaillon 5. Que toute cette illustre compagnie pense être aux eaux, et s’attende à être un peu à l’étroit. Tout le monde sera bien couché ; c’est la seule chose dont je réponds. On y trouvera de la batterie de cuisine ; mais comme la moitié de notre linge a été brûlée dans nos fêtes de Ferney, nous ne pouvons en fournir. Je sens combien il est désagréable de ne pas faire la galanterie complète ; mais il est bon d’avertir de ce qu’on peut et de ce qu’on ne peut pas.

Je suppose que madame la duchesse d’Anville enverra à l’avance quelque fourrier, quelque maréchal de ses logis qui viendra préparer les lieux. Tous les secours possibles se trouvent à Genève sous la main. Il ne sera pas mal de me faire avertir du jour de l’arrivée du maréchal de ses logis. Madame Denis arrangera tout avec lui ; car, pour moi, il n’y a pas d’apparence que je puisse sitôt sortir de Ferney. Je suis toujours malade ; je n’ai point porté santé depuis les journées de Tancrède et de Cassandre, et madame la duchesse d’Anville aura en moi un courtisan très peu assidu ; elle sera maîtresse absolue de la maison, et ne sera point gênée par son hôte. Voilà, mes divins anges, tout ce que je puis faire en conscience. Je ne doute pas que mes anges ne fassent mes très humbles excuses aux personnes que je voudrais mieux recevoir. Après tout, elles seront infiniment mieux qu’en aucune maison de Genève. Elles jouiront d’un assez joli jardin, d’un très beau paysage ; elles seront à l’abri de tout bruit et de toute importunité. Je crois que je dois au moins réparer par une lettre la mince réception que je fais à madame d’Anville ; permettez donc que j’insère ici ce petit billet, et que je prenne la liberté de vous l’adresser.

Voulez-vous à présent un petit mot pour Cassandre ? je persiste à croire que cette pièce ne souffre aucun moyen ordinaire. Lekain a dû le sentir à la représentation. Les choses sont tellement amenées, qu’il n’est ni décent ni possible que les deux rivaux agissent.

Cassandre, au quatrième acte, vient enlever sa femme ; mais il trouve la belle-mère expirante. Antigone dispose tout pour tuer Cassandre aux portes du temple ; mais il n’en sort pas. Au cinquième, il n’y a pas moyen de troubler la cérémonie du bûcher ; les deux princes ne peuvent se douter qu’Olympie va se jeter dedans, puisqu’ils voient les offrandes qu’on apporte à Olympie sur un autel, et qu’elle doit présenter à sa mère avec ses voiles et ses cheveux. Croyez que le tout fait le spectacle le plus singulier, et le plus grand tableau qu’on ait jamais vu au théâtre ; mais, encore une fois, il faut des nuances, et je ne peux travailler dans l’état où je suis ; à peine puis-je suffire à Pierre Corneille.

Nous avons ici le père de la petite, qui vient d’arriver de Cassel pour voir sa fille. Celui-ci ne sera jamais commenté, ou je suis le plus trompé du monde.

Eh bien ! on vient encore de vous prendre Sainte-Lucie 6 et le dernier de vos vaisseaux qui revenait de l’île de Bourbon.

Pauvres Français ! vous n’aviez autre chose à faire qu’à vous réjouir : de quoi vous êtes-vous avisés de faire la guerre ?

Mes anges, vivez heureux. Je baise le bout de vos ailes plus que jamais.

V.

J’ai une fluxion de poitrine, et je cesse tout travail.7 »

1 Date complétée par d'Argental .

2 Louise-Élisabeth de La Rochefoucauld, duchesse d'Anville, veuve du duc d'Anville mort en 1746 à Chibouctou . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_de_La_Rochefoucauld_de_Roye

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Maison_de_La_Rochefoucauld

3 même cinq est ajouté par V* au-dessus de la ligne .

4 Dominique de La Rochefoucauld, comte de Saint Ilpize . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dominique_de_La_Rochefoucauld

5 Où était la maison de campagne, résidence officielle des archevêques de Rouen .Voir : http://www.ville-gaillon.fr/

6 L'île de Sainte Lucie avait été prise pendant les mêmes campagnes .

7 Différentes rumeurs avaient couru sur la mort de V* ; Godenti en fait état dans une lettre du 28 avril 1762 à Bianchi ; voir aussi les Mémoires secrets en date du 8 mai 1762 . Pour sa part , Du Pan écrivait à Freudenreich (date non connue) : « Voltaire a été assez dangereusement malade, il serait guéri s'il voulait,mais il se conduit comme un poète . Sa mort aurait causé une grande joie chez bien des gens . Les gens sages de notre pays voudraient qu'il n'y fut jamais venu . Il a fait un mal incroyable dans notre ville en y faisant naître une faction composée de ministres et de dévots. » (Genève, Suppl. 1540, folios 87-88) . Voir page 78 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k206656w/f77.item.r=8%20mai%201762%20

 

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25/03/2017 | Lien permanent

Ils ont été nommés par leur nom ; c’est une dénonciation dans toutes les formes.

... Et il n'est que temps que cela soit fait : https://www.francetvinfo.fr/societe/religion/pedophilie-d...

Comment croire en dieu après ça ? Comment confier son enfant à quelque religieux soit disant enseignant ? Ces religieux sont statistiquement aussi dépravés que le reste de la population,  la religion n'est qu'un vernis sur de la pourriture : "Il y a quelque chose de pourri au royaume de Danemark " dit Hamlet, il y a quelque chose de pourri dans l'Eglise catholique , peut-on affirmer maintenant . Et je ne pense pas que les autres églises soient indemnes de ce fléau , ce serait miraculeux, et pour tout dire invraisemblable, hélas .

 

 

« A André Morellet

7 juillet [1766]

C’est moi, mon cher frère, qui voudrais passer avec vous dans ma retraite les derniers six mois qui me restent peut-être encore à vivre. C’est Antoine qui voudrait recevoir Paul. Mon désert est plus agréable que ceux de la Thébaïde, quoiqu’il ne soit pas si chaud. Tous nos ermites vous aiment, tous chantent vos louanges, et désirent passionnément votre retour.

Le livre de Fréret 1 est bien dangereux, mais oportet hereses esse 2. Les manuscrits de Du Marsais 3 et de Chenelart 4 ont été imprimés aussi. Il est bien triste que l’on impute quelquefois à des vivants, et même à de bons vivants, les ouvrages des morts. Les philosophes doivent toujours soutenir que tout philosophe qui est en vie est un bon chrétien, un bon catholique. On les loue quelquefois des mêmes choses que les dévots leur reprochent, et ces louanges deviennent funestes, che sono accuse e paion' lodi 5. Le bruit de ces dangereux éloges va frapper les longues et superbes oreilles de certains pédants ; et ces pédants irrités poursuivent avec rage de pauvres innocents qui voudraient faire le bien en secret. La dernière scène qui vient de se passer à Paris prouve bien que les frères doivent cacher soigneusement les mystères et les noms de leurs frères. Vous savez que le conseiller Pasquier a dit, en plein parlement, que les jeunes gens d’Abbeville qu’on a fait mourir avaient puisé leur impiété dans l’école et dans les ouvrages des philosophes modernes. Ils ont été nommés par leur nom ; c’est une dénonciation dans toutes les formes. On les rend complices des profanations insensées de ces malheureux jeunes gens ; on les fait passer pour les véritables auteurs du supplice dans lequel on a fait expirer de jeunes indiscrets. Y a-t-il jamais eu rien de plus méchant et de plus absurde que d’accuser ainsi ceux qui enseignent la raison et les mœurs d’être les corrupteurs de la jeunesse ? Qu’un janséniste fanatique eût été coupable d’une telle calomnie, je n’en serais pas surpris ; mais que ce soit un conseiller de grand-chambre, cela est honteux pour la nation. Le mal est que ces imputations parviennent au roi, et qu’elles paraissent dictées par l'impartialité et par l’esprit de patriotisme. Les sages, dans des circonstances si funestes, doivent se taire et attendre.

Quand vous trouverez, mon cher frère, les livres que vous avez eu la bonté de me promettre, M. Damilaville les paiera à votre ordre. Rien ne presse, ne songez qu’à vos travaux et à vos amusements, vivez aussi heureux qu’un pauvre sage peut l’être, et souvenez-vous des ermites, qui vous seront très tendrement attachés. »

1 Examen critique des apologistes de la religion chrétienne 

2 Il convient d'être hérétique : Corinthiens, XI, 19 ; https://www.levangile.com/Bible-Annotee-1Corinthiens-11-Note-19.htm

4 L’Examen important de milord Bolingbroke ; voir la lettre du 26 juin 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/09/20/il-examine-d-abord-de-sang-froid-ensuite-il-argumente-avec-f-6338632.html

L'édition Garnier donne cette note : « Chénelart est probablement un nom sons lequel Voltaire voulait faire passer quelque opuscule. » 

5 Qui sont accusations et paraissent louanges .

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03/10/2021 | Lien permanent

La cour, sans avoir égard à tous les fatras qu’on vient d’écrire contre vous, et à toutes les sottises que vous avez écr

... déclare coupables de ce qu’ils ne disent pas ....

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

25 février 1763, à Ferney

Plus anges que jamais, madame Denis est toujours malade, et moi toujours aveugle, et vous ne me dites rien de vos yeux. L’âge avance ; on n’est pas plus tôt sorti du collège qu’on a soixante ans . En un clin-d’œil on en a soixante-dix ; on voit tomber ses contemporains comme des mouches. Mes nouveaux mariés, qui sont à vos pieds, ne savent rien de tout cela. Je voudrais que vous eussiez vu la crainte où était Marie de ne point avoir son Dupuits . « Mon père m’a signifié que je ne devais pas me marier ; qu’il n’y consentirait point. » Mes anges, que vouliez-vous que je pensasse ? Vous voulez que je commente François Corneille ; c’est bien assez de commenter Pierre. Ce Pierre me fait passer de mauvais quarts-d’heure ; je suis outré contre lui. Il est comme les bouquetins et les chamois de nos montagnes, qui bondissent sur un rocher escarpé, et descendent dans des précipices. J’avais cru que Racine serait ma consolation, mais il est mon désespoir. C’est le comble de l’insolence de faire une tragédie après ce grand homme-là. Aussi après lui je ne connais que de mauvaises pièces, et avant lui que quelques bonnes scènes.

Au nom de Dieu, laissez là votre Adélaïde. Elle est détestable, je vous en avertis 1; que veut dire ce héros blessé ? à quoi sert sa blessure ? à rien du tout, et je vous répète qu’il est impertinent d’imputer à un prince du sang le crime qu’il n’a point commis ; cela détruit tout intérêt.

Laissons un peu dormir Zulime ce carême. C’est bien dommage que cette Zulime ressemble à toutes les femmes délaissées qu’on a tant mises sur le théâtre : avec cela, elle pourrait être passable.

J’aime assez le Droit du Seigneur, je vous l’avoue ; mais je voudrais qu’il y eût un peu plus de ces honnêtes libertés que le sujet comporte, et que les dames aiment beaucoup, quoi qu’elles en disent.

Mariamne est médiocre, malgré mon Essénien 2.

Olympie est prodigieusement supérieure à cette Mariamne, et n’est pas encore trop bonne ; tout m’humilie et me chagrine ; je suis difficile pour moi-même comme pour les autres. Il est dur de sentir la perfection et de n’y pouvoir atteindre.

Ne remplissez pas mes vieux jours d’amertume ; ne me faites point mourir, en ressuscitant Adélaïde ; empêchez-moi de boire ce calice ; je vous le demande avec la plus vive instance.

Mes divins anges, je vous supplie d'engager M. le président de La Marche à mettre la dernière main à ma pièce de Marie-Corneille et de Claude Dupuits . Il est absolument nécessaire que j'aie le contrat qu'il m'a promis et il est ridicule que je ne l'aie pas ? Voilà une plaisante façon de procéder en affaire .3

Eh bien ! a-t-on enfin rapporté l’affaire des Calas ? Je vois qu’il est beaucoup plus aisé de rouer un homme que d’admettre une requête. Il me semble que M. de Crosne ne demande pas mieux que de parler, et assurément, il parlera bien. J’aurais fait trois ou quatre actes depuis le temps qu’on fait languir cette pauvre veuve. J’avoue que son aventure ne contribue pas à me faire aimer les parlements. Malheur à qui a affaire à eux ! fût-on jésuite, on s’en trouve fort mal.

Puisque j’ai du papier de reste, il faut que je dise à mes anges que j’ai jugé les jésuites. Il y en avait trois 4 chez moi, ces jours passés, avec une nombreuse compagnie. Je m’établis premier président ; je leur fis prêter serment de signer les quatre propositions de 1682 5, de détester la doctrine du régicide, du probabilisme, de renoncer à tout privilège contraire à nos lois, et d’obéir au roi plutôt qu’au pape. Ils firent serment, après quoi je prononçai : « La cour, sans avoir égard à tous les fatras qu’on vient d’écrire contre vous, et à toutes les sottises que vous avez écrites depuis deux cent cinquante ans, vous déclare innocents de tout ce que les parlements disent contre vous aujourd’hui, et vous déclare coupables de ce qu’ils ne disent pas ; elle vous condamne à être lapidés avec les pierres de Port-Royal, sur le tombeau d’Arnaud. » Tout le monde convint que j’avais raison, et les jésuites l’avouèrent aussi. Et vous, mes anges, qu’en pensez-vous ?

Respect et tendresse.

V. »

1 Phrase omise par l'édition de Kehl .

2 Sohème , « prince asmonéen » et non essénien, qui a remplacé Varus dans la nouvelle édition . Voir : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/VOLTAIRE_MARIAMNE.xml

3 Ce paragraphe entier manque dans l'édition de Kehl .

4 Y compris le père Adam .

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29/01/2018 | Lien permanent

je l'avertis que je vais m'arranger pour vivre autant que Fontenelle; il doit trembler que je ne lui tienne parole

... Dixit Jean Jouzel qui compte bien rester le caillou dans la chaussure de Patrick Pouyané, à ceci près que ce dernier s'en moque éperdument, comme de son premier plein : https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/j-ai-recu-un-acc...

Bernard Fontenelle : Il est temps que je m'en aille ! Je commence à voir les choses telles qu'elles sont.

Non ! non, ne lâchons pas le morceau !

 

 

« A Monsieur le Président

Germain-Gilles-Richard de Ruffey etc.

à Dijon

A Ferney, 30è janvier 1768

Mon très cher confrère, je vous fais mon compliment sur tous les succès de votre Académie, et j'en fais à M. Legouz sur ses magnificences 1.

Vous me parlez de M. le président de Brosses . Voyez, monsieur, si vous voulez lui faire lire ce que je vais vous représenter .

1° Il avait affermé sa terre de Tournay à un ivrogne, fils d'un syndic de Genève 2, lequel ivrogne s'était engagé à lui en donner trois mille livres par an, sans la connaître et sans pouvoir le payer 3. Ce pauvre diable est mort insolvable. Ce polisson en aurait donné six mille francs aussi bien que trois mille. Le fait est que, quand j'ai voulu l'affermer, je n'en ai jamais pu trouver que douze cents livres, avec un char de foin, trois chars de paille et un tonneau de vin.

2° M. de Brosses m'a vendu à vie cette terre, qui ne me produit pas seize cents livres de rente 4, pour un capital de quarante-sept mille livres.

3° Dans ce capital de quarante-sept mille livres il a compté pour cinq cents livres de rente un petit bois, dont lui-même avait fait couper la plus grande partie, et dans lequel je n'ai pas pris seulement une bûche pour me chauffer. Ce bois est vieux, entièrement dévasté par lui-même, qui avait vendu ce qu'il y avait de passable, et par les troupes, qui ont pillé le reste.

4° Dans les quarante-sept mille livres que cette malheureuse acquisition m'a coûté, il y avait douze mille livres en réparations, j'en ai fait pour plus de vingt mille livres.

5° Les choses sont tellement changées à Genève que jamais assurément aucun Genevois n'achètera cette terre.

6° S'il veut m'en faire un prix raisonnable je l'achèterai pour ma nièce afin de la joindre à Ferney, qui est une terre beaucoup plus seigneuriale, et qui n'est point un démembrement d'une autre terre comme l'est Tournay.

Tout cela n'est pas trop académique. Mais si M. de Brosses ne veut pas s'accommoder avec moi, je l'avertis que je vais m'arranger pour vivre autant que Fontenelle; il doit trembler que je ne lui tienne parole.

Adieu, mon très cher confrère, je vous embrasse très tendrement sans aucune cérémonie.

V. »

1  Note du premier éditeur : «  La fondation de prix de l'École gratuite des Beaux-Arts établie à Dijon et le don d'un cabinet d'histoire naturelle fait à l'Académie. La donation du jardin de botanique de Dijon par Legouz de Gerland n'eut lieu qu'en 1773. »

Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A9nigne_Le_Gouz_de_Gerland

2 Jean-Louis, fils de Jean-Robert Chouet .

C'est à Chouet le père, en sa qualité de premier syndic de Genève, qu'est adressée la lettre de Voltaire du 29 décembre 1758 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/01/17/lesquels-ne-portent-point-de-noix-et-sont-sur-le-retour-5274175.html

Rousseau le nomme dans ses Confessions (partie II, livre viii, page 118 de https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Confessions_(Rousseau)/Livre_VIII ), à propos de la dédicace du Discours sur l'inégalité. Dans une Lettre de la montagne, il parle d'une harangue célèbre de M. le syndic Chouet, prononcée en 1707 : page 92 de https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwiErZaDh5KBAxXWTKQEHUj-C_gQFnoECBIQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.rousseauonline.ch%2Fpdf%2Frousseauonline-0028.pdf&usg=AOvVaw3lEMq-WDM-HAPKzHUEm28n&opi=89978449

Ce dernier est-il bien le père du fermier de M. de Brosses? (Th. Foisset.)

Voir aussi lettre à De Brosses 23 septembre 1758: http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/11/03/mon-grand-plaisir-serait-de-n-avoir-affaire-de-ma-vie-ni-a-u.html

3 Sans nier l'inconduite de Chouet, M. de Brosses affirme que ce fermier le payait bien. (Th. Foisset.)

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05/09/2023 | Lien permanent

Nous ne savons plus de quel côté nous tourner pour faire venir les choses les plus nécessaires à la vie ; et je mets les

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« A Etienne-Noël Damilaville

3è avril 1767 1

Je reçois, mon cher ami, votre lettre du 21è mars par M. Mallet, et je n’ai reçu encore aucun des envois que vous avez bien voulu me faire par Lyon. Tous les mémoires de M. de Beaumont en faveur des Sirven sont encore à la douane . Je ne sais pas quand je pourrai les avoir. Toute communication entre Lyon et Genève est interrompue.

M. Fournier vous avait envoyé l’étui de mathématiques 2 pour M. Lemberta , il y a environ trois semaines, par la même voie que vous aviez vous-même choisie, et par laquelle vous aviez reçu le factum des Sirven signé de toute la famille. Il était à croire que l’étui de mathématiques, qui coûte, comme vous savez, cent écus, vous parviendrait de même. Il faut que quelque grand mathématicien ait mis la main dessus et se le soit approprié ; car il est un des meilleurs ouvriers de l’Europe.

Nous ne savons plus de quel côté nous tourner pour faire venir les choses les plus nécessaires à la vie ; et je mets les bons livres parmi les choses absolument nécessaires .

Je suis actuellement séparé du reste du monde. Je me sais bien bon gré de vous avoir envoyé ma lettre pour M. Linguet 3. Je le croyais de vos amis intimes, puisqu’il m’envoyait son livre 4 par vous, et que M. Thieriot me l’avait vanté comme un des meilleurs ouvrages qu’on eût vus depuis longtemps. Je n’ai pas plus reçu le livre que les autres ballots ; mais je vous en crois sur ce que vous me dites, il est bon de savoir à qui on a à faire. Vous vous êtes conduit très sagement, je vous en loue, et je vous en remercie.

On m’a envoyé la lettre de l’abbé Mauduit 5. Il me semble qu’elle n’est que plaisante, et qu’elle n’a aucune teinture d’impiété. L’auteur s’égaie peut-être un peu aux dépens de quelques docteurs de Sorbonne, mais il paraît respecter beaucoup la religion . C’est, comme nous l’avons dit tant de fois ensemble, le premier devoir d’un bon sujet et d’un bon écrivain. Aussi je ne connais aucun philosophe qui ne soit excellent citoyen et excellent chrétien. Ils n’ont été calomniés que par des misérables qui ne sont ni l’un ni l’autre. Je ne sais point qui est M. de La Ferrière ; mais il paraît que c’est un Burrhus, je souhaite qu’il ne trouve point de Narcisse 6.

On m’avait déjà touché quelque chose de ce qu’on imputait à Tronchin 7. Je ne l’en ai jamais cru capable, quoiqu’il me fît l’injustice d’imaginer que je favorisais les représentants de Genève. Je suis bien loin de prendre aucun parti dans ces démêlés . Je n’ai d’autre avis que celui dont le roi sera. Il faudrait que je fusse insensé, pour me mêler d’une affaire pour laquelle le roi a nommé un plénipotentiaire. Je suis auprès de Genève comme si j’en étais à cent lieues, et j’ai assez de mes propres chagrins, sans me mêler des tracasseries des autres. Je suis exactement le conseil de Pythagore : Dans la tempête, adorez l’écho.

Adieu, mon très cher ami. E L.

On reçoit dans ce moment la nouvelle que l'étui de mathématiques est arrivé . Le quart de cercle que vous demandez 8 ne sera pas sitôt prêt . Vous savez que jamais les ouvriers de Genève n'ont été si profonds politiques et si mauvais artisans . On se donne beaucoup dans ce pays-là le passe-temps de se tuer . Voilà quatre suicides en six semaines,mais on n'accuse pas encore les pères de tuer leurs enfants . Il faut espérer que cette mode nous viendra de France .

Adieu, mon digne et vertueux ami . Souvenez-vous de ce que vous m'avez promis de donner à Mme de Florian . Embrassez bien pour moi le très aimable Lamberta . »

1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais omet les trois premiers paragraphes et fait des deux derniers une autre lettre ; Beuchot restitue le début de la lettre, non sans en altérer la continuité .

2 La Lettre au conseiller, de d’Alembert. (Georges.Avenel.)

Voir lettre du 6 mars 1767 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/08/18/ils-aiment-la-liberte-comme-des-fous-et-moi-aussi-6396756.html

3 Sur cette lettre et sur les circonstances de son expédition, voir lettre du 14 ou 15 mars 1767 à Linguet : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/08/25/m-6397882.html

4 Théorie des lois civiles. (G.A.)

5 L’Anecdote sur Bélisaire. (G.A.)

6 Personnage de Britannicus de Racine, symbolisant le premier, le soldat bourru et loyal,le second , le favori intrigant et perfide . Voir : https://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/RACINE_BRITANNICUS.pdf

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Britannicus_(Racine)

7 Voir lettre suivante premier paragraphe , ainsi que les lettres de Rochefort d'Ally qui dément ces propos, et de Fabry à Chaillou qui semble les confirmer . Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/04/03/d47390cbc2b9a2aca95442bc49979283.html

8 Probablement la « lettre ostensible » reproduite à propos de la lettre du 21 mars 1767 à Damilaville , mais l'allusion au « quart de cercle » n'est pas claire : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/09/07/i...

 

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19/09/2022 | Lien permanent

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