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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Cette affaire peut avoir les suites les plus funestes, puisqu’on a manqué d’arrêter le mal dans son principe

... On peut le dire de toutes ces guerres qui dévastent notre monde et qui n'ont en réalité pour cause que l'appât du gain camouflé sous des prétextes idéologiques flatteurs . Que tous ces tueurs, sous toutes les latitudes, aillent au diable au plus tôt .

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

28è janvier 1767 1

Quoi que vous en disiez, mon cher ami, et quoi qu’on en dise, nous serons toujours dans des transes cruelles. Cette affaire 2 peut avoir les suites les plus funestes, puisqu’on a manqué d’arrêter le mal dans son principe. Je m’abandonne à la destinée : c’est tout ce qu’on peut faire quand on ne peut remuer, et qu’on est dans son lit, entouré de soldats et de neige.

M. de Chardon me mande qu’il a trouvé le mémoire de M. de Beaumont pour les Sirven bien faible. Vous étiez de cet avis . Il est triste que vous ayez raison. Vous aurez incessamment Les Scythes ; j'y travaille encore .

On dit des merveilles de mon confrère Thomas . Je vous supplie d'envoyer l'incluse 3 à votre ami . Je souffre beaucoup mais je vous aime davantage . »

 

1 L'édition de Kehl, suivant la copie Beaumarchais et suivie de toutes les éditions amalgame des versions abrégées e cette lettre et de la lettre du 30 janvier 1767 sous la date 30 janvier 1767 ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/04/correspondance-annee-1767-partie-10.html

2 Toujours l’affaire Lejeune.

3 Non pas la préface des Scythes avec l'hommage rendu à Diderot , comme le pensait Besterman, car l'envoi n'eut lieu que le 30 janvier 1767, mais bien la lettre à d'Alembert du même 28 janvier 1767 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/05/20/l-esprit-malin-s-est-empare-de-notre-petit-pays-c-est-la-dis-6382785.html

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20/05/2022 | Lien permanent

Dans l'incertitude où je suis

... je renouvelle mon appel à nouvelles de Mam'zelle Wagnière-LoveVoltaire disparue d'Overblog depuis le 13 juin, elle qui est un modèle de fidélité exemplaire pour la mise en ligne de l'oeuvre de Voltaire . SVP , je suis plus qu'inquiet ;

 

 

« A Jacques Lacombe

Libraire

Quai de Conti

à Paris

Dans l'incertitude où je suis, monsieur, si on jouera Les Scythes, et dans la confiance que j'ai en vous, je vous envoie cette tragédie . Elle réussira plus auprès des Français que les héros romains . Il y a de l'amour comme dans l’opéra-comique, et c'est ce qu'il faut à vos belles dames . M. le duc de Choiseul et M. le duc Praslin ont déjà vu cet ouvrage, que l'auteur leur a dédié du pied du mont Caucase , ainsi les censeurs ne peuvent vous faire aucune difficulté . Je suis même si persuadé de l’amitié de M. Marin que c'est à lui que j'adresse la pièce pour vous être remise . Je vous prie de vouloir bien me mander par quelle voie et à quelle adresse vous me faites parvenir l'Histoire d'Italie 1 .

Voudriez-vous bien me marquer tout ce que vous savez de particulier touchant Bélisaire 2. Vous me ferez plaisir de donner 3 un honoraire de vingt-cinq louis d'or sur votre édition, si la pièce a quelque succès .

Je vous embrasse à mon ordinaire sans cérémonie, aimant beaucoup mieux votre amitié que les compliments .

V.

14è mars 1767 .

2 L'affaire Bélisaire  de Marmontel : https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A9lisaire_(Marmontel)

3 A Lekain .

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24/08/2022 | Lien permanent

elles ne sont pas comme vous au-dessus de ces outrages. Plus vous êtes grande, plus vous êtes clémente.

... Comparons les élues , et Mme Elisabeth Borne : https://www.20minutes.fr/politique/4029596-20230325-renon...

 

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

A Ferncy, le 3 auguste 1767.

Madame,

Mon attachement pour Votre Altesse sérénissime, qui durera autant que ma vie, a réveillé, il est vrai, ma sensibilité à la vue d'une nouvelle édition de La Beaumelle, dans laquelle il renouvelle les insolences qu'il osa vomir, il y a plusieurs années, contre votre auguste maison. Plusieurs étrangers même s'en sont plaints à notre ministère. Il est bien surprenant qu'un tel homme ait eu la hardiesse d'écrire 1 à Votre Altesse sérénissime. On lui a fait parler par M. le marquis de Gudanes, commandant du pays de Foix, où il est exilé ; on a supprimé son édition, et on l'a menacé, de la part du roi, de le punir très sévèrement s'il écrivait avec une pareille licence. Les autres personnes intéressées n'ont pas été aussi indulgentes que vous, madame, parce qu'elles ne sont pas comme vous au-dessus de ces outrages. Plus vous êtes grande, plus vous êtes clémente. Il résulte de la lettre qu'on a daigné écrire à cet homme, en votre nom, qu'il partit de vos États avec une misérable servante 2 voleuse. Il appartient bien à un tel homme de parler des princes et de les juger ! Votre nom respectable est mêlé dans ses ouvrages à ceux de Louis XIV et de toute la maison royale, infiniment plus outragée que Votre Altesse sérénissime. De tous ceux qu'il a insultés, il n'a osé écrire qu'à votre personne, tant il a compté sur la bonté de votre caractère et sur votre clémence. Pour moi, je ne puis que garder le silence et ne point profaner votre nom par une justification qui est trop au-dessous de ce nom, qui m'est sacré. Cette petite affaire m'avait fait sortir de ma léthargie. Je me suis ranimé au bord de mon tombeau pour renouveler à Votre Altesse sérénissime les protestations de mon inviolable attachement et de mon profond respect.

Le vieux Suisse V. »

1 Le 18 juin. C'est le conseiller Rousseau qui lui répondit le 24 juillet, au nom de la duchesse .

2 Une gouvernante d'enfants, nommée Schwecker.

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11/03/2023 | Lien permanent

Vous êtes assurément un plus aimable enfant que je ne suis un aimable papa . C'est ce que toutes les dames vous certifie

... Voyez comme se font les réputations ! Le poids des mots suffit, même sans le choc des photos . Quoique ...

La Pucelle d’Orléans

 

 

 

« A Michel-Paul-Guy de Chabanon de

l'Académie des sciences

rue du Doyenné Saint-Louis-du-Louvre

à Paris

20è novembre 1767 à Ferney

Vous êtes assurément un plus aimable enfant que je ne suis un aimable papa . C'est ce que toutes les dames vous certifieront, depuis les portes de Genève jusqu'à Ferney. Vous allez faire à Paris de nouvelles conquêtes; mais j'espère que vous n'abandonnerez pas l'Empire romain et les Vandales.

Je sais que le tripot de la Comédie est tombé comme cet empire. Il n'y a plus ni acteurs ni actrices . Mais vous travaillez pour vous-même. Un bon ouvrage n'a pas besoin d'un tripot pour se soutenir, et vous le ferez jouer à votre loisir quand la scène sera un peu moins délabrée. Je voudrais être assez jeune pour jouer le rôle de l'ambassadeur vandale sur notre petit théâtre , mais vous avez assez d'acteurs sans moi, car j'espère toujours vous revoir ici. Je suis comme toutes nos femmes; elles n'ont qu'un cri après vous, et Mme de La Harpe sera une très bonne Eudoxie.

Mon cher confrère en tragédies, avez-vous vu M. de La Borde, votre confrère en musique ? Amphion 1 ne doit pas l'avoir découragé. Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que dans sa Pandore il y a bien des morceaux qui vont à l'oreille et à l'âme. Ranimez, je vous prie, sa noble ardeur; il ne faut pas qu'il enfouisse un si beau talent. Il me paraît surtout entendre à merveille ce que personne n'entend ; c'est l'art de dialoguer. Vous ferez quelque jour un bien joli opéra avec lui, mais je ne prétends pas que Pandore soit entièrement sacrifié.

Nos dames, sensibles à votre souvenir, vous écriront des lettres plus galantes; mais je vous avertis que je suis aussi sensible qu'elles, tout vieux que je suis. Ma santé est détestable, mais je suis heureux autant qu'un vieux malade peut l'être. Votre façon d'être heureux est d'une espèce toute différente.

Adieu; je vous souhaite tous les genres de félicité, dont vous êtes très digne. »

 

1 Opéra de Thomas, musique de La Borde, joué le 13 novembre 1767 : http://jean-claude.brenac.pagesperso-orange.fr/LA_BORDE_AMPHION.htm

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11/06/2023 | Lien permanent

Quel parti prenez-vous ? - Celui du désespoir . Corrigez : Que vous restera-t-il ? Hélas ! - Le désespoir .

... Subtil distinguo , un choix contre une fatalité .

Qu'en disent les amis ukrainiens qui eux choisissent  "Braver impunément un prince et sa puissance ."?

 

 

« A Jacques Lacombe

[mars-avril 1767]

J'espère que M. Lacombe me fera le plaisir que je lui ai demandé . Je ne sais s'il a les corrections suivantes ; les voici à tout hasard :

page 33

Seraient tous à tes pieds, s'ils pouvaient être aux miens.

corrigez :

Seraient à tes genoux s'ils pouvaient être aux miens .

page 34, ligne 20

Eux-mêmes, corrigez eux même.

page 42

Quel parti prenez-vous ?

Obéide

Celui du désespoir .

corrigez :

Que vous restera-t-il ? Hélas !

Obéide

Le désespoir .

page 43

Braver impunément les rois et leur puissance.

corrigez :

Braver impunément un prince et sa puissance .

page 44

Que puis-je hasarder ? Corrigez : Et que puis-je hasarder ?

page 45

Qu'ils soient prêts – quel mortel tourne vers moi ses pas ?

corrigez :

Ils vaincront avec moi – qui tourne ici ses pas ?

page 59

Nous t'apprendrons bientôt ce qu’une austère loi

corrigez :

C'est à toi de remplir ce qu'une austère loi

page 64

Et bien qu'ordonnez-vous ? corrigez : Eh bien que ferez-vous ?

page 72

On y verra ton nom que l'amour a gravé .

corrigez :

On y verra ton nom, c'est là qu'il est gravé .

 

N. B. – Il faut effacer les deux notes qui sont des indications aux comédiens et qui étaient restées par mégarde dans la manuscrit sur lequel on a fait l'édition .

page 30

Hélas s'il était vrai !

Corrigez :

Si l'on me pardonnait !

parce que cet hémistiche se retrouve au deuxième acte . »

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14/09/2022 | Lien permanent

interea patitur justus /Entre temps, c'est le juste qui pâtit

... Comme d'hab !

 

« A Pierre de Buisson, chevalier de Beauteville

À Ferney, 13è janvier 1767

Monsieur,

Votre Excellence va être bien étonnée, et va prendre ceci pour une plaisanterie fort indiscrète ; mais comme je suis un peu embarrassé avec mes banquiers de Genève, tant pour leur argent de change inintelligible 1 que par leur agio trop intelligible, je suis obligé d’avoir recours à votre protection . Je suis un pauvre Scythe qui implore les bontés d’un ambassadeur persan. La lettre de change ci-jointe vous dira de quoi il est question. Si vous daignez engager M. le trésorier des Suisses à faire tenir cette lettre de change à Montbéliard, elle sera acceptée sans difficulté, et j’espère venir prendre cet argent chez monsieur le trésorier quand je serai assez heureux pour sortir de mon lit, et pour venir vous faire ma cour dans votre royaume.

Il est bien vrai que nous n’avons point eu aujourd’hui de bœuf pour faire du bouillon. Nous manquons de tout ; les Genevois mangent de bonnes poulardes de Savoie ; on s’imagine les avoir punis, et c’est nous que l’on punit. Le mal tombe surtout sur notre maison. Je prends la liberté grande de dire à M. le duc de Choiseul qu’il a le diable au corps , mais interea patitur justus 2.

Si je ne connaissais pas votre extrême bonté, je n’aurais pas tant d’effronterie.

Au reste, je vous réponds que je ne jouer[ai] pas mes deux cents louis au pharaon, comme le chevalier de Boufflers , mais aussi il ne m’est pas permis, à mon âge, d’être aussi plaisant que lui. Permettez-moi de dire les choses les plus tendres à M. le chevalier de Taulès, et daignez agréer l’attachement inviolable et le profond respect avec lequel j’ai l’honneur d’être ,

monsieur, de Votre Excellence le très humble et très obéissant serviteur.

Voltaire. »

 

1 L'édition Garnier met «  par leur argot de change inintelligible »

2 Entre temps, c'est le juste qui pâtit .

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25/04/2022 | Lien permanent

Tout va comme il plait à Dieu

... et le président est son prophète !

Blagues - Alpha Classic

 

Bonne année à tous

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

26 septembre 1766 1

Je n'ai point reçu, mon cher ami, de réponse de M. Deodati . Il faut ou qu'il ne soit point à Paris ou qu'il soit malade, ou qu'il ne sache pas remplir les premiers devoirs de la société . Il me doit le témoignage de la vérité . Ma famille juge que la chose est importante . Je serai peut être forcé de m'adresser à monsieur le lieutenant de police .

Je vous ai déjà mandé que M. le duc de Choiseul et M. le duc de Praslin souhaitaient M. de Chardon pour rapporteur . J'ignore les sentiments présents de M. de Beaumont sur ce choix ; mais le point principal est l'impression de son mémoire . Je me flatte que M. d'Argental en aura le premier exemplaire .

Il me semble que le temps est favorable pour faire imprimer cet ouvrage, et pour disposer les esprits . L'automne est un temps d'indolence et de désœuvrement pendant lequel on est avide de nouveautés .

Vous savez sans doute que le sieur Saucourt 2, juge d'Abbeville, n'a pas voulu juger les autres accusés, et l'on croit qu'il se démettra de sa place . C'est ainsi qu'on se repent après que le mal est fait . J'attends votre paquet dans lequel j'espère trouver des consolations .

Si M. Boulanger, auteur du bel article Vingtième, vivait encore, il serait bien étonné que le blé coûte quarante francs le setier, et qu'on n'y mette point bon ordre . Tout va comme il plait à Dieu . Voulez-vous bien mon cher mai, envoyer cette lettre au libraire Lacombe ? Il y a aussi une lettre à lui adressée dans ce maudit recueil, et Lacombe sera sans doute plus honnête que Deodati .

Bonsoir , mon très cher ami . »

1 L'édition de Kehl amalgame cette lettre ébrégée et la lettre du 29 septembre 1766, également incomplète, sans destinataire . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/02/correspondance-annee-1766-partie-39.html

2 Belleval de Saucourt .

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01/01/2022 | Lien permanent

Ses cris sont furieux, et ses démarches secrètes sont encore plus affreuses

...La ministre Oudéa Castéra ?

https://www.20minutes.fr/sport/jo_2024/4071319-20240120-t...

 

 

« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Épinay

30 mai [1768]

Ma chère et respectable philosophe, M. de Lalive 1 m’apporte votre lettre du mois de mars 1767. Il a eu le temps de voir l’Italie, laquelle a rarement vu des Français aussi aimables que lui.

Je me recommande à vos bontés plus que jamais. La philosophie gagne par toute l’Europe ; mais quand elle parle haut, le fanatisme hurle plus haut. Ses cris sont furieux, et ses démarches secrètes sont encore plus affreuses. Les énergumènes soupirent après une seconde représentation de la tragédie du chevalier de La Barre. Ce sont là les spectacles qu’il faut à ces monstres. On est bien persuadé que vos amis détourneront les coups qu’on veut porter aux disciples de la raison, et qu’ils ne permettront jamais que de jeunes indiscrets nomment devant eux les personnes qu’on accuse bien injustement. Vous avez toujours pensé comme les frères rose-croix, qui faisaient leur séjour invisible dans ce monde 2; vous vivez avec les sages ; vous fuyez les méchants et les sots, ils ne peuvent vous faire de mal, mais ils peuvent en faire beaucoup à un homme qui vous est tendrement attaché pour le reste de sa vie.

S’il y a quelque chose de nouveau, ma chère philosophe, sur cet article très important, je vous supplie de me le mander. Le solitaire qui a l’honneur de vous écrire vous sera dévoué jusqu’à son dernier soupir avec l’attachement le plus respectueux et le plus tendre.

V. »

1 Louis-Joseph Lalive d'Épinay fils de madame d'Épinay (1746-1813).. Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louise_d%27%C3%89pinay

2 V* fait allusion à une affiche des Rose-Croix en 1623 : https://www.rose-croix.org/positio-fraternitatis/

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20/01/2024 | Lien permanent

les ministres s’étaient fait une loi de ne point se compromettre pour leurs amis, et de ne se rien demander les uns aux

... Voulez-vous que je vous dise : j'en doute , et même je suis quasiment sûr que c'est exactement le contraire qui prévaut . On ne devient pas ministre sans accointances . Les paris sont ouverts à partir de ce soir à 20H .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

12è janvier 1767

Vous serez peut-être impatienté, mon adorable ange, de recevoir si souvent de mes lettres ; mais c’est que je suis bien affligé d’en recevoir si peu de vous. Pardonnez, je vous en conjure, aux inquiétudes de Mme Denis et aux miennes.

Voyez encore une fois dans quel embarras cruel nous a jetés le délai de parler à monsieur le vice-chancelier, que dis-je, mon cher ange, de lui faire parler ? On s’est borné à lui faire écrire, et il n’a reçu la lettre de recommandation qu’après avoir porté l’affaire à un bureau de conseillers d’État. Voilà certainement de ces occasions où M. le duc de Praslin aurait pu parler sur-le-champ, interposer son crédit, donner sa parole d’honneur, et finir l’affaire en deux minutes.

Vous nous mandâtes quelque temps auparavant, à propos de M. de Sudre, que les ministres s’étaient fait une loi de ne point se compromettre pour leurs amis, et de ne se rien demander les uns aux autres. Ce serait assurément une loi bien odieuse que l’indifférence, la mollesse et un amour-propre concentré en soi même, auraient dictée. Je ne puis m’imaginer qu’on n’ait de chaleur que pour des vers de tragédie, et qu’on n’en mette pas dans les choses les plus intéressantes pour des amis tels que vous.

Il ne m’appartient pas de me dire l’ami de M. le duc de Choiseul, comme Horace l’était de Mécène ; mais il m’honore de sa protection. Sachez que, dans le temps même que vous ne vous adressiez pas à votre ami pour une affaire essentielle qui peut vous compromettre autant que moi-même, M. le duc de Choiseul, accablé d’affaires, parlait à monsieur le vice-chancelier pour un maître des comptes, beau-frère de Mlle Corneille qui a épousé M. Dupuits. M. le duc de Choiseul, qui ne connaît ni M. Dupuits ni ce maître des comptes, faisait un mémoire à ma seule recommandation, le donnait à M. de Maupéou, m’envoyait copie du mémoire, m’envoyait une lettre de quatre pages de monsieur le vice-chancelier sur cette affaire de bibus 1. Voilà comme on en agit quand on veut obliger, quand on veut se faire des créatures. M. le duc de Choiseul a tiré deux hommes 2 des galères à ma seule prière, et a forcé M. le comte de Saint-Florentin à faire cette grâce. Je ne connaissais pas assurément ces deux galériens ; ils m’étaient seulement recommandés par un ami.

Est-il possible que dans une affaire aussi importante que celle dont il s’agit entre nous, votre ami, qui pouvait tout, soit demeuré tranquille ! Pensez-vous qu’une lettre de Mme la duchesse d’Anville, écrite après coup, ait fait une grande impression, et ne voyez-vous pas que le président du bureau peut, s’il le veut, faire un très grand mal ?

Quand je vous dis que Lejeune passe pour être l’associé de Merlin, je vous dis la vérité, parce que La Harpe l’a vu chez Merlin, parce que sa femme elle même a dit à son correspondant qu’elle faisait des affaires avec Merlin. En un mot, pour peu que le président du bureau ait envie de nuire, il pourra très aisément nuire ; et je vous dirai toujours que cette affaire peut avoir les suites les plus douloureuses si on ne commence par chasser de son poste le scélérat Jeannin. Dès qu’il sera révoqué, je trouverai bien le moyen de lui faire vider le pays sur-le-champ ; ne vous en mettez pas en peine.

Est-il possible que vous ne vouliez jamais agir ! Quelle difficulté y a-t-il donc d’obtenir de M. de La Reynière ou de M. Rougeot la révocation soudaine d’un misérable et d’un criminel ? N’est-ce pas la chose du monde la plus aisée de parler et de trouver quelqu’un qui parle à un fermier général ? Je vous répète encore ce que nous avons dit, Mme Denis et moi, dans notre dernière lettre : demandons des délais à M. de Montyon. Faites agir cependant, ou agissez vous-même auprès de M. de Maupéou ; qu’on lui fasse sentir l’impertinente absurdité de m’accuser d’être le colporteur de quatre-vingts (car je sais à présent qu’il y en a tout autant) exemplaires du Vicaire savoyard 3 de Jean-Jacques, mon ennemi déclaré ! Songez bien surtout à notre dernier mémoire, signé de Mme Denis, du 28 décembre, commençant par ces mots : Le sieur de Voltaire étant retombe malade . Observez que tous nos mémoires sont uniformes. Réparez, autant que vous le pourrez, le dangereux énoncé que vous avez fait que la femme Doiret était parente de notre femme de charge ; nous avons toujours affirmé tout le contraire, selon la plus exacte vérité. Nous avons même donné à monsieur le vice-chancelier, et par conséquent au président du bureau, la facilité de savoir au juste cette vérité par le moyen du président du grenier à sel de Versailles, beau-frère de notre femme de charge. Nous n’avons épargné aucun soin pour être en tout d’accord avec nous-mêmes, et cette malheureuse invention de rendre la femme Doiret parente de nos domestiques est capable de tout perdre.

Pardon, mon cher ange, si je vous parle ainsi. L’affaire est beaucoup plus grave que vous ne pensez, et il faut, en affaires, s’expliquer sans détour avec ceux qu’on aime tendrement.

Ne dites point que les mots d’affaire cruelle et déshonorante soient trop forts ; ils ne le sont pas assez : vous ne connaissez pas l’esprit de province, et surtout l’esprit de notre province. Il y a un coquin de prêtre 4 contre lequel j’ai fait intenter, il y a quelques années, un procès criminel pour une espèce d’assassinat dévotement commis par lui ; il lui en a coûté quatre mille francs, et vous pensez bien qu’il ne s’endort pas : et quand je vous dis qu’il faut faire chasser incessamment Jeannin, qui est lié avec ce prêtre, je vous dis la chose du monde la plus nécessaire et qui exige le plus de promptitude.

On parle déjà d’engager l’évêque 5 du pays à faire un mandement allobroge. Vous ne pouvez concevoir combien le tronc de cette affaire a jeté de branches, et tout cela pour n’avoir pas parlé tout d’un coup, pour avoir perdu du temps, pour n’avoir pas employé sur-le-champ l’intervention absolument nécessaire d’un ministre qui pouvait nous servir, d’un ami qui devait vous servir.

Si la précipitation gâte des affaires, il y en a d’autres qui demandent de la célérité et du courage : il faut quelquefois saper ; mais il faut aussi aller à la brèche.

Pardon encore une fois, mon très cher ange, mais vous sentez que je ne dis que trop vrai.

Pour faire une diversion nécessaire au chagrin qui nous accable, et pour faire sentir à toute la province que nous ne redoutons rien des deux plus détestables engeances de la terre, c’est-à-dire des commis et des prêtres, nous répétons les Scythes ; nous les allons jouer, on va les jouer à Genève et à Lausanne ; nous vous conseillons d’en faire autant à Paris. J’envoie la pièce corrigée avec les instructions nécessaires en marge, sous l’enveloppe de M. le duc de Praslin. Je souhaite que la pièce soit représentée à Paris comme elle le sera chez moi. Je me joins à Mme Denis pour vous embrasser cent fois, avec une tendresse qui surpasse de bien loin toutes mes peines.

V.

Ah ! il est bien cruel que M. de Praslin ne se mêle que des Scythes 6. »

2 Condamnés pour un délit de chasse commis dans un domaine de la couronne.

3 Le Vicaire savoyard faisait partie du Recueil nécessaire, dont presque toutes les pièces sont de Voltaire. Un passage comme celui-ci montre peut-être pourquoi V* l'y a inséré : il y joue en quelque sorte le rôle d'alibi en suggérant que V* ne peut être responsable du recueil, car il n'y aurait pas inclus une œuvre de son ennemi Rousseau .

6 Cette lettre de V* à d'Argental est complétée et éclairée par une lettre de Mme Denis à la comtesse d'Argental, que V* a certainement vue , sinon dictée pour le plus grande partie ; la voici :

« A Ferney 10 janvier 1767 /  « Dans l'excès de ma douleur, madame, votre lettre a été pour moi d'une grande consolation. Il est vrai que cette douceur est encore empoisonnée par mes craintes car quelle faveur a faite monsieur le vice-chancelier en faisant juger l'affaire par une commission dont le président peut la criminaliser? Il est certain que si on lui avait parlé d'abord au lieu de lui écrire trop tard, l'affaire aurait été étouffée comme le demandait mon oncle dans ses premières démarches. M. d'Argental lui mande aujourd'hui qu'il lui a fallu du temps pour se bien assurer que c'était à monsieur le vice-chancelier qu'il fallait s'adresser et à quel autre, madame, était-il possible de recourir, lorsqu'on mandait le 23 décembre que c'était à monsieur le vice-chancelier que le malheureux receveur de Collonges venait d'écrire en droiture? Collonges est le premier bureau de France, et monsieur le vice-chancelier lui a donné depuis longtemps les ordres les plus rigoureux, de sa propre main. M. d'Argental reçut le billet avant que monsieur le vice-chancelier, occupé d'autres affaires, pût recevoir le procès-verbal. C'était le cas de courir sur-le-champ à Versailles on arrêtait tout, on prévenait tout. Si M. d'Argental ne pouvait prendre sur lui de parler lui-même, c'était assurément le cas d'employer le crédit de M. le duc de Praslin. Mme la duchesse d'Anville n'a rien fait, si elle s'est contentée d'écrire; il faut parler, dans une affaire aussi importante, et parler fortement.

Monsieur le vice-chancelier a fait tout le contraire de ce que nous espérions . Nous nous flattions qu'il retiendrait le fond de l'affaire à lui seul, et qu'il laisserait à la justice ordinaire le soin de décider si la saisie de mon équipage était légale ou non.

Nous demandions qu'il se fît instruire de ce que c'est qu'une femme Doiret de Châlons ; nous empêchions par là qu'on ne perçât jusqu'à une dame Lejeune, trop connue dans le pays où nous sommes, et surtout par les domestiques de M. de Beauteville, qui n'est que trop instruit de cette affaire.

Un malheureux délai, dans des circonstances qui demandaient la plus grande célérité, nous jette dans un abîme nouveau et l'idée de faire passer la dame Lejeune pour la parente de notre femme de charge, idée contraire à tout ce que nous avions mandé et à la vérité, a augmenté notre malheur et notre désespoir. Il n'y a rien de si funeste dans les affaires de cette espèce que les contradictions elles peuvent tenir lieu de conviction d'un délit que nous n'avons certainement pas commis, et ce n'est pas à moi de payer l'amende et d'être déshonorée dans le pays pour une femme étrangère, dont j'ignore absolument le commerce.

Il était tout naturel de penser que M. le duc de Praslin, ou M. d'Argental, aurait prévenu d'un mot le funeste état où nous sommes.

Tout ce qui reste à faire, à mon avis, c'est d'engager M. de Montyon à différer son rapport, sous prétexte que nous avons. encore des pièces essentielles à produire. C'est ce que mon oncle lui mande, et ce que mon frère , son ami intime, lui certifiera.

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24/04/2022 | Lien permanent

queste coglionerie mi trastullano un poco

Les "coïonneries" de Volti me réjouissent toujours, et celle du jour m'incite à faire appel à Mam'zelle Wagnière qui doit, avec moi,  féliciter son pépé d'avoir donné ce bon titre à cette lettre .

 

 

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Il a l'art de faire remarquer, sans y toucher, que son correspondant ne lui écrit pas beaucoup, de donner des nouvelles en paraisssant les recevoir, de faire des demandes en soufflant les réponses, un jeu terriblement agréable à mes yeux.

A ce propos, Mam'zelle Wagnière, moi aussi je ne suis pas très assidu dans ma correspondance, mais soyez persuadée que je pense d'autant plus à vous que je vous écris peu . Je n'ai pas une réputation de bavard à défendre . 

http://www.deezer.com/listen-3984205

 

 

 

 

 

 

 

 

« A Etienne-François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul

 

« Folie à M. le duc de Choiseul i»

 

16è mars 1768

 

J'ai reçu avec satisfaction la lettre de bonne année que vous avez pris la peine de m'écrire en date du 4 janvier ; je continuerai toujours à vous donner des marques de mes bontés ; et quoique vous radotiez quelquefois j'aurai de la considération pour votre vieillesse, attendu que je connais votre sincère attachement pour ma personne, et les idées que vous avez de mon caractère . J'ai souvent fait des grâces à des Genevois quand vous m'en avez prié, quoiqu'ils ne les méritent guère . Ils m'ont excédé pendant deux ans pour leurs sottes querelle ; et quand ils ont obtenu un jugement définitif, ils ne s'y sont point tenus . C'était bien la peine que je leur fis l'honneur de leur envoyer un ambassadeur du Roi ii!

 

Je sais que vous avez très bien traité les troupes que j'ai fait séjourner neuf mois dans vos quartiers, que vous avez fourni le prêt à la légion de Condé iii, que vous avez eu dans votre chaumière pendant deux mois M. de Chabrillant iv et tous les officiers du régiment de Conti, et si M. de Chabrillant, chargé des plus importantes affaires, a oublié de marquer sa satisfaction à madame Denis qui lui a fait de son mieux les honneurs de votre grange, je prends sur moi de vous savoir gré de votre attention pour les officiers et des couvertures que vous avez fait donner aux soldats dans votre hameau .

 

Je n'ignore pas que le grand chemin ordonné par moi pour aller de l'inconnu Meyrin à l'inconnu Versoix dans l'inconnu pays de Gex vous a coupé quatre belles prairies, et des terres que vous ensemencez au semoir v. Cela aurait ruiné l'homme aux quarante écus vi de fond en comble, mais je vous conseille d'en rire .

 

Tout décrépit que vous êtes, on ne dira pas que vous êtes vieux comme un chemin ; car vous avez, ne vous en déplaise, soixante et quatorze ans passés et mon chemin de Versoix n'a qu'un an tout au plus .

 

Je sais que vous avez pleuré comme un benêt de ce que j'ai opiné dans le Conseil contre la requête de Sirven . Vous êtes trop sensible pour un vieillard goguenard tel que vous êtes . Ne voyez-vous pas que toutes les formes s'opposaient à l'admission de la requête de Sirven vii, et que dans les circonstances où je suis, il y a des usages consacrés que je ne dois jamais heurter de front ?

 

Consolez-vous . Je sais que Sirven est dans votre maison avec sa famille . Elle est bien infortunée et bien innocente . J'en aurai soin, je leur donnerai dans Versoix un petit emploi qui avec ce que vous leur fournissez les fera vivre doucement . Je ferai le bien que je peux, mais il m'est impossible de tout faire .

 

On m'a dit que La Harpe s'était pressé d'apporter à Paris votre second chant de La Guerre de Genève qui n'était pas achevé viii. Il faut que vous le raccommodiez . Est-il vrai qu'il y a cinq chants ?

 

Envoyez-les moi, queste coglionerie mi trastullano un poco ix. Elles me délassent de mille requêtes inconsidérées, et de mille propositions ridicules que je reçois tous les jours .

 

Je veux que vous me donniez la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV . C'était un beau siècle, celui-là, pour les gens de votre métier . Je suis fâché d'avoir oublié de recommander à Taulès de vous fournir des anecdotes . Votre ouvrage en vaudrait mieux . C'est un monument que vous érigez en l'honneur de votre patrie . Je pourrai le présenter au roi dans l'occasion .

 

Portez-vous bien, et si vous avez quelques petits calculs dans la vessie et dans l'urètre prenez du remède espagnol x. Je m'en trouve bien . L'Espagne doit contribuer à ma guérison puisque j'ai contribué à sa grandeur et à celle de la France par mon pacte de famille xi.

 

Bonsoir ma chère marmotte, je crois que je deviens aussi bavard que vous .

 

15 mars 1768signé Le duc de Choiseul. »

 

i Ce titre a été donné par Wagnière sur la minute de cette lettre pastiche où V* « simule » la lettre que pourrait lui adresser Choiseul .

ii Pour présider à la médiation ; Le Règlement de la Médiation a été refusé par le Conseil général le 15 décembre 1766 ;

voir lettre du 8 mars 1768 à Mme Denis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/03/08/j...

 

iii Il a fourni l'argent avec lequel les officiers font l'avance de la paie aux soldats .

iv Joseph Dominique de Moreton, marquis de Chabrillan , colonel à 20 ans du régiment de Conti infanterie .

v V* était très fier de son semoir à cinq socs , à une époque où l'on sème encore à la main .

 

vi Allusion au conte du même titre paru en 1768 .

Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-conte-l-homme-a...

etc.

vii On avait demandé que l'affaire Sirven soit révisée par le Conseil du roi et non par le parlement de Toulouse .

Cf. lettre à Chardon du 3 février 1768 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/02/04/r...

 

ix Ces couillonneries m'amusent un peu .

xUne plante appelée Chanca piedra = briseur de pierre, en espagnol : voir : http://www.alphanatura.com/exportproduct/FRA/np3-02.html

xi Traité d'alliance entre France et Espagne signé le 15 août 1761 .

 

 

 

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