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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Alcibiade faisait couper la queue à son chien pour empêcher les Athéniens de remarquer certaine frasque dont on commença

http://www.deezer.com/listen-5937336

 

http://www.eleves.ens.fr/home/cuvelier/wwwpolitique/alcib...

Faute de couper la queue du chien, on peut en nos temps modernes : recevoir des parents d'otages, voyager aux quatres points cardinaux, s'agiter, mentir, encenser les uns, vilipender les autres, faire le beau, se réjouir des lapsus (révélateurs) des alliés et des adversaires,...

 

Et comme il fait encore beau :

http://www.deezer.com/listen-5967600

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

 

3 octobre [1764]

 

Divins anges, vous avez à étendre vos ailes sur deux hommes assez singuliers ; c'est le petit ex-jésuite en vers, et le petit huguenot Des Buttes en prose [i]. Ce Des Buttes auteur du Dictionnaire trouve vos idées et vos conseils tout aussi bons que le jésuite, et il y défère tout aussi vite. Il m'apporta hier un gros cahier d'articles nouveaux et d'anciens articles corrigés. Je les ai lus, je les ai trouvé à la fois plus circonspects et plus intéressants que les anciens. C'est un travailleur qui ne laisse pas d'avoir quelque érudition orientale et qui cependant a quelquefois dans l'esprit une plaisanterie qui ressemble à celle de votre pays. S'il n'était pas si vieux et si malade, vous pourriez en faire quelque chose.

 

Ce serait un grand coup d'engager frère Marin [ii] à faire imprimer les nouveaux cahiers de frère Des Buttes. Il y aurait assurément du bénéfice, et si on n'ose pas proposer à frère Marin cette rétribution, il peut en gratifier quelque ami. Il peut surtout adoucir quelques teintes un peu trop fortes, s'il y en a, ce que je ne crois pas, car Des Buttes s'est tenu par les cordons.

 

Dans quelques jours on enverrait le reste de l'ouvrage. Il pourrait aisément être répandu dans Paris avant que son diabolique prédécesseur fût connu. Tout ce que je puis dire sur ce livre c'est qu'il n'est point de moi, et que ceux qui me l'attribuent sont des malavisés, des gens sans pitié, des Welches.

 

Je voudrais que mon ami le défroqué servit son ami Des Buttes, qu'il pût faire jouer le drame des Roués pour faire diversion, comme Alcibiade faisait couper la queue à son chien pour empêcher les Athéniens de remarquer certaine frasque dont on commençait à parler.

 

Voici Des Buttes qui entre chez moi. Il ne me donne aucun repos. Il faut donc que je vous en donne et que je finisse.

 

Le paquet du huguenot est adressé à M. le duc de Praslin.

 

Respect et tendresse.

 

N.B.- J'ai reçu deux lettres de frère Marin cachetées de vos armes ou au moins d'un cachet fort approchant. J'ai cru qu'il les avait écrites chez vous et j'en ai été bien aise !

 

J'apprends dans ce moment que votre ami M. Tiepolo vient de mourir [iii]. J'en suis sensiblement affligé. »


i Auteurs fictifs, respectivement d'Octave ou Le Triumvirat, et du Dictionnaire philosophique. Le 10 octobre, d'Alembert , à propos du nom de « Dubut » que V* lui a indiqué : « au lieu du petit ministre Dubut, j'avais imaginé le grand diable Belzébuth ; je me doutais bien qu'il y avait du Buth à ce nom-là, et je vois que je ne me trompais guère. »

ii François-Louis-Claude Marin qui occupe un poste dans les services de la censure et du commerce des livres.

iii L'ambassadeur de Venise, qui était venu se faire soigner par Théodore Tronchin.

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03/10/2010 | Lien permanent

tir au 44 : deux coups ! zut, loupé!

« A François-Louis Allamand

Pasteur de l’église à Bex [1709-1784 pasteur à Ormont, professeur de grec]

 

         Je suis venu , Monsieur, me faire marmotte à Montriond pour l’hiver, après avoir essuyé mon petit tremblement de terre tout comme un autre [le 9 décembre]. Le meilleur des mondes possibles me parait une mine. Je plains comme vous, les Portugais ; mais les hommes se font encore plus de mal sur leur petite taupinière que ne leur en fait la nature. Nos guerres égorgent plus d’hommes que les tremblements de terre n’en engloutissent. Si on n’avait à craindre dans ce monde que l’aventure de Lisbonne[tremblement de terre du 1er novembre 1755], on se trouverait encore passablement bien. Au reste on dit que la moitié de cette ville est encore sur pied. On commence toujours par faire le mal ou le bien plus grand qu’il n’est. Je crois que Lisbonne a encore moins l’apparence du bouleversement que les abîmes et les rochers où vous êtes. Si vous pouviez quitter votre antre pour venir dans mon trou de marmotte, nous raisonnerions ensemble du mal physique et du mal moral dans le temps de relâche que mes maux physiques peuvent me donner. Je serais charmé de voir comment une imagination aussi brillante que la vôtre a pu conserver son feu dans le pays des frimas. Vous me paraissez ressembler au vin de Champagne qui n’en est que mieux quand il est à la glace.

Je vous embrasse en philosophe sans cérémonie à mon ordinaire.

        

         Voltaire à Montriond près de Lausanne

         16 décembre 1755 »

 

« les hommes se font encore plus de mal sur leur petite taupinière que ne leur en fait la nature. Nos guerres égorgent plus d’hommes que les tremblements de terre n’en engloutissent » c’est ce qui a sans doute passé dans la tête du journaliste lanceur de chaussures qui a mon grand regret a manqué sa cible (manque d’entrainement sans doute !). Il y a quelques décennies le rondelet Nikita Kroutchev s’était contenté de frapper son bureau à l’ONU avec son 42 fillette , « gross skandal » (mais pas petite sandale), grosse trouille pour certains, petits résultats en définitive ; Nikita, c’est vrai, il n’y a pas de mal à s’offrir ce plaisir quand on a suffisamment de bombes nucléaires pour rayer l’adversaire de la carte et à tout prendre les dégâts sont pour le moral U.S.. GWB , malgré sa coquetterie dans le regard , a esquivé. Double vue !? Aurait-il été alerté par une senteur suspecte ? Une prescience de l’attentat ? Je n’aimerais pas en ce moment faire partie de ses gardes du corps, les coups de pied au c..  doivent pleuvoir, et le chômage en étrennes programmées.

Qu’on fiche la paix à l’homme aux pieds nus, sa colère est légitime ;  le poids des mots ne suffit pas toujours, le choc des godasses est souvent nécessaire pour des têtes à claques dirigeant des pays soit disant développés et modèles.

         Je peux vous confirmer que depuis 1755 le  « pays des frimas » est toujours fidèle à sa réputation, mais que certains de ses habitants –comme Babeth, pour ne pas la nommer - ont le cœur généreux et offrent un agréable moment à un collègue (im)méritant. La lutte contre le froid chez moi prend une tournure spéciale : laissons pousser la barbe ! Je ne suis pas encore plausible en père Noël, ni en Robert Hue, mais plutôt nain de jardin ascendant Simplet !

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16/12/2008 | Lien permanent

Les Autrichiens font tout . Les Français semblent se borner aux quartiers d'hiver

... Ah ! si Voltaire avait connu le ski , qu'aurait-il dit ?

 Toutes mes excuses aux skieurs français dont malheureusement je ne suis pas les performances, étant régulièrement à l'écoute de RSR 1 (radio suissse romande) qui, d'une manière très chauvine, ne parle que de ce qui lui chatouille le nombril et ignore superbement les exploits des étrangers .

Autre domaine où, comme on dit, je ne touche pas ma bille : l'économie

autriche école économique.png

 

« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

7 novembre 1757

Voici une goute d'eau, monsieur, pour la mer de M. de Montmartel 1. Ces trois mille livres serviront pour les pitons dorés et pour les colifichets de Mme Denis, et pour les forêts que je plante dans vos jardins . Je ne sais d'autres nouvelles sinon que je crois Leipsik secouru après avoir payé . Les Autrichiens y sont venus quelques jours trop tard . On est ivre de joie à Vienne d'avoir été deux jours dans Berlin et d'avoir emporté deux cent mille écus à celui qui prenait tout . Ils ont bien promis d'y revenir . L'impératrice a dit Dawn 2 m'a fait plus de bien, mais Hadisk 3 m'a fait plus de plaisir .La révolution va grand train . Les Autrichiens font tout . Les Français semblent se borner aux quartiers d'hiver . Le temps dévoilera ce mystère . Si vous en savez davantage instruisez votre fermier qui vous aime de tout son cœur .

V.

Votre fermier et votre fermière renouvellent leur humble requête pour certaines larges baguettes dorées 4, ainsi que pour les pitons dorés et pour le prix des tapis d'Aubusson 5, et se recommandent dévotement au portier des Chartreux 6.

Plus voici un petit billet de Cadix que je retrouve . Plus je vous supplie de me mander par l'ordinaire prochain si je vous avais envoyé le mois passé en billets de Turkeim 9708 livres tournois ou 8708 livres tournois . »

1 Jean Pâris de Montmartel, financier : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_P%C3%A2ris_de_Monmartel

2 Le maréchal Dawn , bataille du 17 juin 1757 ; voir page 595 : http://books.google.fr/books?id=6jEaAAAAYAAJ&pg=PA595...

3 Le feld-marchal Andréas Hadik : voir lettre du 5 novembre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/01/23/l...

6 Qui doit fournir des arbres fruitiers ; voir lettre du 6 juillet 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/11/18/c...

 

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25/01/2013 | Lien permanent

tant que je vivrai je serai fâché que les truites du lac de Genève soient si loin des saucissons de Bologne

... On dirait bien un de ces messages surréalistes de Radio Londres adressés aux résistants .

https://www.youtube.com/watch?v=9BDyEB4T84g

Si on veut en revenir au XXIè siècle, on peut proposer ce rapprochement aux candidats de Top Chef ; j'ai déjà goûté aux truites du lac de Genève ( lac, qui pour tout Suisse autre qu'un Genevois se nomme impérativement lac Léman ), mais j'ignore tout des saucissons bolognais, quoique fort amateur de sauce du même nom .

Allons, instruisons-nous avant de passer à table : http://culture.ulg.ac.be/jcms/prod_618855/fr/saucisse-de-bologne

 saucisse7

 Pas terriblement glamour, mais nous vivons dans un monde où il faut parfois montrer des selfies qui déroutent !

 

« Au marquis Francesco Albergati

Capacelli, senatore di Bologna

à Bologna

Au château de Ferney en Bourgogne

par Genève 1er mai 1761 1

Monsieur, ne jugez pas de mes sentiments par mon long silence ; je suis accablé de maladies et de travaux . Horace pourrait me dire Tu secanda marmora locas sub ipsum funus 2. Figurez-vous ce que c'est que d'avoir à défricher des déserts, et à bâtir des maisons à l'italienne par des Allobroges, d'avoir à finir l'Histoire du czar Pierre, et d'ajuster un théâtre pour des gens qui se portent bien, dans le temps qu'on n'en peut plus . Je crois que le signor Goldoni y serait lui-même embarrassé, et qu'il faudrait lui pardonner s'il était un peu paresseux avec ses amis .

Je reçois, dans le moment , son nouveau théâtre 3. Je partage, monsieur, mes remerciements entre vous et lui ; dès que j'aurai un moment à moi, je lirai ses nouvelles pièces, et je crois que j'y trouverai toujours cette variété et ce naturel charmant qui font son caractère . Je vois avec peine en ouvrant le livre, qu'il s'intitule , poète du duc de Parme4 ; il me semble que Térence ne s'appelait point le poète de Scipion ; on ne doit être le poète de personne, surtout, quand on est celui du public . Il me paraît que le génie n’est point une charge de cour, et que les beaux-arts ne sont pas faits pour être dépendants .

Je présente les sentiments de la plus vive reconnaissance à M. Paradisi ; je me flatte qu'il aura un peu pitié de mon état , et qu'il trouvera bon que je le joigne ici, avec vous, monsieur, au lieu de lui écrire en droiture ; je ne lui manderais pas des choses différentes de celles que je vous dis . Je lui dirais combien je l'estime, et à quel point je suis pénétré de l'honneur qu'il me fait . Vous voyez, monsieur, que je suis obligé de dicter mes lettres . Je n'ai plus la force d'écrire, j'ai toutes les infirmités de la vieillesse, mais dans le fond du cœur tous les goûts de la jeunesse , je crois que c'est ce qui me fait vivre . Comptez, monsieur, que tant que je vivrai je serai fâché que les truites du lac de Genève soient si loin des saucissons de Bologne , et que je serai toujours avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur di cuore,

Voltaire. »

1 Les derniers mots « di cuore » sont autographes .

2 Toi, tout près du tombeau, tu fais tailler des marbres à façon ; Horace, Odes, II, xviii, 17-18 .

3 Delle comedie di Carlo Goldoni avvocato veneto tomo 1 [etc.], 1761 ; voir : http://doc.studenti.it/appunti/letteratura/edizioni-commedie-carlo-goldoni.html

et : https://it.wikipedia.org/wiki/Carlo_Goldoni

4 Dans sa dédicace à Philippe, duc de Parme, Goldoni se désigne lui-même comme son « serviteur, poète et pensionnaire. »

 

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09/04/2016 | Lien permanent

Vous êtes fait pour protéger le mérite ; c’est là, dans tous les temps, le partage des hommes supérieurs

... M. Macron, vous êtes prié de faire honneur à cette affirmation de Voltaire .

Foin du piston, où l'âne frottant l'âne [asinus asinum fricat], on n'a plus , venant de  nos chers politiques qu'une odeur d'écurie . Mention spéciale à Marine Le Pen et Dupont-Aignan, symboles de l'amour vache, d'où une odeur d'étable / détestable .

Alors En Marche, d'un bon pas  .

Hymne à la joie:  https://www.youtube.com/watch?v=wRvoB6faG8w

 

 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu

A Genève 22 juin [1762]

Ma misérable santé, Monseigneur, me confine à présent auprès du docteur Tronchin. Je me joins à la foule de ces dévots, qui vont au temple d’Epidaure. Je vous assure que, quoique je sois dans la patrie de Jean-Jacques Rousseau, je trouve que vous avez très grande raison, et je ne suis point du tout de son avis. Il n'y a que lui qui soit assez fou pour dire 1 que tous les hommes sont égaux et qu'un État 2 subsister sans subordination . Il a poussé la démence de ses paradoxes jusqu'à dire que si un prince trouvait la fille du bourreau honnête et jolie 3, il devrait l'épouser, et que son mariage devrait être approuvé de tout le monde 4.

Je me flatte que vous distinguez les gens de lettres de Paris de ce philosophe des Petites-Maisons . Mais vous savez que, dans la littérature comme dans les autres états, il y a un peu de jalousie. On accusait Corneille d’avoir favorisé le duel, et d’avoir violé toutes les bienséances dans le Cid ; on reprochait à Racine d’avoir mis les principes du jansénisme dans le rôle de Phèdre . Descartes fut accusé d’athéisme, et Gassendi d’épicurisme . La mode aujourd’hui est de prétendre que les géomètres et les métaphysiciens inspirent à la nation le dégoût des armes, et que si on a été battu sur terre et sur mer, c’est évidemment la faute des philosophes. Mais vous savez que les Anglais sont bien plus philosophes que nous, et que cela ne les a pas empêchés de nous battre.

Vous vous doutez bien, dans le fond de votre cœur, qu’il y a eu d’autres causes de nos malheurs, lesquelles ne ressemblent en rien à la philosophie. Vous êtes trop clairvoyant et trop juste pour vous laisser séduire par les cris de quelques envieux qui, ne pouvant atteindre au mérite de quelques génies que vous avez encore en France, tâchent de les décrier, afin qu’il ne reste plus à la nation aucune gloire. Vous êtes fait pour protéger le mérite ; c’est là, dans tous les temps, le partage des hommes supérieurs. Les bontés mêmes que vous avez toujours eues pour moi me font croire que vous en aurez pour ceux qui valent mieux que moi. Si la calomnie m’impute quelquefois des ouvrages que je n’ai point faits, elle empoisonne ceux dont ils sont les auteurs. Voyez comme on a traité ce pauvre Helvétius, pour un livre 5 qui n’est qu’une paraphrase des pensées du duc de La Rochefoucauld . Il n’y a qu’heur et malheur en ce monde. Mon heur est de vous être attaché jusqu’au dernier moment de ma vie avec le plus tendre et le plus profond respect.

V. »



2 V* a oublié « peut »

3Dans l'Emile , chapitre V : voir page 129 : http://www.rousseauonline.ch/pdf/rousseauonline-0022.pdf

4 L'édition de Kehl supprime la seconde moitié de ce paragraphe depuis Il n'y a que lui … : voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1762-partie-18-123050279.html

 

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08/05/2017 | Lien permanent

Avez-vous rien vu de moins vraisemblable que ce qui se passe depuis trois ans ?

... !?!?!?

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Les mots me manquent....

 

 

 

« A Joseph PARIS-DUVERNEY
Aux Délices, 7 janvier [1760].
Je vous souhaite, monsieur, les années du cardinal de Fleury, bien convaincu d'ailleurs que vous avez des vues plus nobles et plus étendues que les siennes ; il n'eût jamais établi l'École militaire 1.
Permettez que je vous propose une action digne de votre caractère. Il s'agit de rendre à la patrie une famille entière, de la plus ancienne noblesse du royaume. Vous avez peut-être connu autrefois le marquis de Langallerie 2, lieutenant général des armées, que son humeur trop vive et l'ineptie de M. de Chamillart obligèrent d'aller servir l'empereur .
J'ai engagé son fils,3 qui est un homme de probité et de mérite, à retourner en France. La religion protestante qu'il professe en Suisse, où il a quelques possessions encore, ne mettra aucun obstacle à son retour. Votre École militaire est la vraie place de ses enfants. Une pension pour eux, sur les économats, paraîtra très-bien appliquée ; un grade de maréchal de camp pour le père n'est qu'un parchemin. D'ailleurs M. le marquis de Gentil Langallerie, âgé de quarante-huit ans, peut rendre service, parlant l'allemand comme le français, et connaissant tous les buissons des pays où l'on fait la guerre.
J'ose confier cette négociation à votre générosité et à votre discrétion. Si vous entreprenez l'affaire, elle réussira. Voulez-vous en parler à Mme de Pompadour ? Je crois servir l'État en servant M. le marquis de Gentil, quoique le roi ne manque pas de braves officiers. J'ai cru, dans cette affaire, ne devoir m'ouvrir qu'à vous, le marquis de Gentil ayant de grands ménagements à garder en Suisse, où il a encore une partie de sa fortune.
Daignez me dire naturellement ce que vous pouvez et ce que vous voulez faire, Auriez-vous cru que le roi de Prusse tînt si longtemps contre les trois quarts de l'Europe ? Avez-vous rien vu de moins vraisemblable que ce qui se passe depuis trois ans ?
Adieu, monsieur, conservez toujours un peu d'amitié pour le plus ancien peut-être de vos admirateurs, pour votre très- attaché, très-humble et très-obéissant serviteur.
Voltaire. »

1 C'est sur l'initiative d'un des frères Pâris-Duverney, Jean Pâris, puis Joseph Pâris-Duverney, que Louis XV avait créé l’École militaire, d'abord installée à Vincennes, avant d'être au Champs de Mars . Voir : http://rde.revues.org/3552#tocto1n1

et : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_militaire_%28France%29

3 Frédéric-Philippe-Alexandre de Genlis, marquis de Langallerie, propriétaire jusqu'en 1750 du château d'Allaman , qui avait épousé une sœur de David-Louis et François-Marc-Samuel Constant de Rebecques , Suzanne-Angélique-Alexandrine ; voir : http://jm.ouvrard.pagesperso-orange.fr/armor/fami/g/gentil.htm

et voir lettre du 27 février 1757 à Vernes : voir page 171 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411355v/f174.image.r=vernes

 

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16/01/2015 | Lien permanent

Il me semble que j’ouvre une porte d’or pour sortir du labyrinthe des colifichets où la foule se promène

... Le "labyrinthe des colifichets", nous y sommes à longueur de journée, le Minotaure se régale de notre fièvre acheteuse , lui qui n'a à craindre que la fièvre aphteuse . Plus besoin de colporteurs, les écrans/vitrines sont partout . Les gogos ne sont pas une espèce en voie de disparition .

Le fil d'Ariane est bien ténu, difficile à trouver et suivre pour s'en sortir . On peut, avec encore un éclair de lucidité, garder  Voltaire comme un de ces guides utiles dont il est peu .

http://mytaratata.com/taratata/127/hugues-aufray-knock-kn...

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« A Charles-Jean-François Hénault

25 juin 1761

Mon cher et respectable confrère, je crois qu’il s’agit de l’honneur de l’Académie et de la France. Il faut fixer la langue, que vingt mille brochures corrompent ; il faut imprimer, avec des notes utiles, les grands auteurs du siècle de Louis XIV, et qu’on sache à Pétersbourg et en Ukraine en quoi Corneille est grand, et en quoi il est défectueux. Vous encouragez cette entreprise, qui ne réussira pas si vous ne permettez que je vous consulte souvent. Je pense qu’il sera honorable pour la France de relever le nom de Corneille dans ses descendants. J’étais à Londres quand on apprit qu’il y avait une fille de Milton aveugle, vieille, et pauvre ; en un quart d’heure elle fut riche. La petite-fille d’un homme très supérieur à Milton n’est, à la vérité, ni vieille, ni aveugle, elle a même de très beaux yeux, et ce ne sera pas une raison pour que les Français l’abandonnent. Il est vrai qu’elle est à présent au-dessus de la pauvreté ; mais à qui mieux qu’elle appartiendrait le produit des Œuvres de son aïeul ? Les frères Cramer sont assez généreux pour lui céder le profit de cette édition, qui ne sera faite que pour les souscripteurs.

Nous travaillons donc pour le nom de Corneille, pour l’Académie, pour la France. C’est par là que je veux finir ma carrière. Il en coûtera si peu pour faire réussir cette entreprise ; quarante francs, chaque exemplaire, sont un objet si mince pour les premiers de la nation, qu’on sera probablement empressé à voir son nom dans la liste des protecteurs de Cinna et du sang de Corneille.

Je me flatte que le roi, protecteur de l’Académie, permettra que son nom soit à la tête des souscripteurs. Je charge votre caractère aussi bienfaisant qu’aimable, de nous donner la reine. Qu’elle ne considère pas que c’est un profane qui entreprend ce travail ; qu’elle considère la nation dont elle est reine.

Qui sont les noms de vos amis que je ferai imprimer ? pour combien d’exemplaires souscriront nos académiciens de la cour ? Comptez que les Cramer ne tireront que le nombre des exemplaires souscrits, et que ce livre restera un monument de la générosité des souscripteurs, qui ne sera jamais vendu au public. Fera des petites éditions qui voudra, mais notre grande sera unique. Vous pouvez plus que personne ; et il sera digne de celui qui a si bien fait connaître la France de protéger le grand Corneille, quand il n’y a pas un seul acteur digne de jouer Cinna, et qu’il y a si peu de gens dignes de le lire . Il me semble que j’ouvre une porte d’or pour sortir du labyrinthe des colifichets où la foule se promène.

Recevez les tendres et respectueux sentiments de Voltaire .

Mille pardons à madame du Deffand, cette entreprise ne me laisse pas un moment, et j’ai des ouvrages immenses, des moutons et des procès à conduire. »



 

 

 

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27/05/2016 | Lien permanent

mon cinquième acte n’en est pas moins insipide. Je ne sais plus comment m’y prendre pour trouver des sujets nouveaux : j

... fausse couche "

Fanfoué Hollande résume ainsi son quinquennat s'il est encore lucide, ou alors on peut attribuer cette citation  au regrettable Niko Sarkozy , -mais non regretté-, en 2011 .

Toutefois je doute que notre président sortant  soit "malade", au plus déçu ; le pouvoir est un baume merveilleux qui rend dépendant, accro, addict ! le désir de se représenter en est une preuve . Peut-on le  considérer comme  maladie professionnelle ? Est-ce pour ça qu'on leur octroie une si confortable retraite ?

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental, Envoyé

de Parme etc.

rue de la Sourdière

à Paris

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

15 Juin 1761.

Divins anges, ne m’avez-vous pas pris pour un hâbleur qui vous faisait un portrait exagéré de ses fardeaux et tribulations ? Je ne vous en ai pas dit la moitié . Voici le comble. J’abandonne ma tragédie 1. Le cinquième acte ne pouvait être déchirant ; et, sans grand cinquième acte, point de salut. J’ai tourné et retourné le tout dans ma chétive tête . Froid cinquième acte, vous dis-je. Vous me direz que ce sont mes procès qui m’appauvrissent l’imagination ; au contraire, ils me mettent en colère, et cela excite . Mais mon cinquième acte n’en est pas moins insipide. Je ne sais plus comment m’y prendre pour trouver des sujets nouveaux : j’ai été en Amérique et à la Chine . Il ne me reste que d’aller dans la lune. J’en suis malade ; me voilà comme une femme qui a fait une fausse couche. Est-il vrai qu’on a représenté Athalie avec magnificence 2, et que le public s’est enfin aperçu que Joad avait tort, et qu’Athalie avait raison ?

Protégez-vous la petite Durancy ? protégez-vous Crispin Hurtaud 3 ? Mais est-il bien vrai qu’on ne prendra point Belle-Isle 4?

N’allez pas me laisser là, s’il vous plaît, si je ne trouve pas un beau sujet . Il ne faut pas chasser un vieux serviteur, parce qu’il n’est plus bon à rien ; il faut le plaindre et l’encourager.

Avez-vous les Trois sultanes 5? On dit que cela est charmant ; point d’intrigue, mais beaucoup d’esprit et de gaieté.

Enfin, mes chers anges, vous avez donc fait grâce au Droit du Seigneur 6 ; vous avez comblé de joie madame Denis : elle était folle de cette bagatelle. Je ne sais si Thieriot sera bien adroit, ni comment il s’y prend.

Mille tendres respects. »

1 La version révisée de Zulime .

2 Une nouvelle mise en scène d'Athalie avait donné lieu à une première représentation le 4 mai 1761 avec un succès moindre que pour la série précédente de février-mars 1759 . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Athalie_%28Racine%29

3 Pseudonyme de V* pour Le Droit du seigneur .

4 Cette île était déjà prise .Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Prise_de_Belle-%C3%8Ele-en-Mer

5 Soliman second , comédie de Favart connu aussi sous le nom des Trois sultanes, avait été joué au Théâtre -Italien le 9 avril 1761 . Voir : https://archive.org/details/solimansecondoul00favauoft

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-Simon_Favart

6 D'Argental avait présenté la pièce aux comédiens ou était sur le point de le faire . Diderot écrivait à Damilaville en juin-juillet 1761 : « Comment voulez-vous qu'au milieu de tout cela on se souvienne de votre petit conseiller de Dijon ? Cependant sa pièce a été remise aux semainiers qui en ont fait leur rapport ; et il est décidé que, lundi prochain, elle sera reçue ou refusée . Voilà ce que vous pouvez dire à M. d'Argental, en lui présentant mes respects . » ; les semainiers sont les acteurs en charge des affaires courantes pour la semaine . Voir : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/VOLTAIRE_DROITDUSEIGNEUR.xml

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_de_cuissage

 

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10/05/2016 | Lien permanent

je n'ai jamais trop été du goût de mettre des vers au bas d'un portrait

... Pas plus que des vers au pied d'un cercueil !

 

 

« A Ivan Ivanovitch Schouvalov

Au château de Ferney par Genève

10 janvier 1761 1

Monsieur, je n'ai jamais trop été du goût de mettre des vers au bas d'un portrait ; cependant puisque vous voulez en avoir pour l'estampe de Pierre le Grand, en voici quatre que vous me demandez :

Ses lois et ses travaux ont instruit les mortels ;

Il fit tout pour son peuple, et sa fille l'imite .

Zoroastre, Osiris, vous eûtes des autels :

Et c'est lui qui les mérite .2

Le seul nom de Pierre le Grand, monsieur, vaut assurément mieux que ces quatre vers ; mais puisqu'il y est question de son auguste fille, je demande grâce pour eux .

M. de Soltikoff m'a dit qu'il n'avait aucune nouvelle de M. Puskin, que personne n'en avait eu depuis son départ de Vienne , il est à craindre que dans un voyage il n'ait été pris par les Prussiens ; quoi qu'il en soit, je n'ai encore aucuns matériaux pour le second volume . J'ai déjà eu l'honneur de mander plusieurs fois à Votre Excellence qu'il est impossible de faire une histoire tolérable sans un précis des négociations et des guerres ; mon âge avance, ma santé est faible, j'ai bien peur de mourir sans avoir achevé votre édifice . Ce qui achèverait de me faire mourir avec amertume, ce serait d'ignorer si la digne fille de Pierre le Grand , a daigné agréer le monument que j'ai élevé à l'honneur de son père . L'amour qu'elle a pour sa mémoire me fait espérer qu'elle voudra bien descendre un moment du haut rang où le ciel l'a placée, pour me faire assurer par Votre Excellence qu'elle n'est pas mécontente de mon travail ; c'est ainsi que nos rois ont la bonté d'en user, même avec leurs propres sujets . Les lettres du roi Stanislas que vous avez eu la bonté de m'envoyer, monsieur, sont une preuve de l'état déplorable où il était alors ; je crois que les réponses de l'empereur Pierre le Grand seraient encore plus curieuses . C'est sur de pareilles pièces qu'il est agréable d'écrire l'histoire ; mais n'ayant presque rien depuis la paix de Pruth, il faut que je reste les bras croisés . Quand il plaira à Votre Excellence de me mettre la plume à ma main, je suis tout prêt .

Je présume, monsieur, que vous avez daigné écrire au secrétaire d'ambassade en Hollande, pour faire venir le ballot, que j'ai eu l'honneur d'adresser pour vous, à feu M. le comte de Gollofskin ; je me flatte aussi que vous avez reçu les petits paquets que j'ai adressés en droiture à Votre Excellence par M. le duc de Choiseul, ministre d’État en France, et par M. le comte de Choiseul, ambassadeur de France à Vienne .

Je finis par vous assurer de tous les vœux que je fais pour votre bonheur particulier, et pour la prospérité de vos armes . J'ai l'honneur d'être avec un attachement sincère et respectueux,

monsieur

de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire . »

 

1 Les éditions à la suite et comme celle de Kehl omettent toutes l'avant-dernier paragraphe : Je présumme … Vienne .

2 Ces vers reviennent, sous une forme légèrement améliorée, dans la lettre du 30 mars 1761 à Schouvalov : « Ses lois et ses travaux ont instruit les mortels ; / Il les rendit heureux ; et sa fille l'imite ./ Jupiter, Osiris, vous eûtes des auteles / Et c'est lui seul qui les mérite . »

 

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10/01/2016 | Lien permanent

ce que vous refuserez si la proposition offense votre honneur

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Cette légion d'honneur qui ne vaut plus un kopek dès lors qu'elle est accordée pour "raison protocolaire", et donc plus une roupie de sansonnet aux yeux des gens véritablement honorables, eux .

Bravo et honneur à Sophie Marceau qui renvoie les flagorneurs à leurs magasins de hochets, et bravo aussi à Franz-Olivier  Giesbert qui refuse une décoration qu'il estime ne pas mériter .

Dix bons points et vous aurez une image, dix images et vous aurez la légion d'honneur : pas plus dur que ça  ! On va avoir la même inflation de décorés que de bacheliers , mais à quoi bon ?

Mgr Barbarin, tout prêtre qu'il soit , a atteint le grade d'officier de la légion d'honneur - preuve s'il en est de sa modestie naturelle ! - , ce qui bien entendu n'est pas un signe de qualité indiscutable , ni de courage , l'actualité nous le prouve .  Croix républicaine, croix catholique, pourvu que ça brille il est preneur . On est loin, très loin de ce véritable grand homme, l'abbé Pierre .

  http://culturebox.francetvinfo.fr/tendances/evenements/ce...

Ami Brassens, vous avez diablement raison : https://www.youtube.com/watch?v=3k3aSk1kB04

 

 

« A Octavie Belot

Aux Délices 29 mars [1761]

Vous avez trouvé le secret

De philosopher et de rire,

Et de votre charmante lyre

Vous faites un joli sifflet

Pour siffler notre ami Trublet,

Que je révère et dont j'admire

La profondeur et le caquet .

Badinez tandis qu'il compile,

Égayez souvent par vos sons

La pesanteur de son beau style ;

Et bafouez dans vos chansons

Son journal 1 et son évangile .

À présent venons au fait, madame, vous n'êtes pas riche, voici ce que j'ai imaginé, et ce que vous refuserez si la proposition offense votre honneur . Un jeune magistrat de Dijon 2 a fait une comédie, et il veut être ignoré à cause des fleurs de lis et de la grave sottise de monsieur son père le président . Voulez-vous, pouvez-vous garder le plus profond secret ? On vous fera tenir la pièce . Vous partagerez les honoraires de la représentation et de l'impression. Je crois que la comédie aura du succès . Elle est en vers, en cinq actes . Vous ferez la préface, et la pièce s'en débitera mieux . Si cette offre vous choque, j'en demande pardon à vos charmes et à votre esprit .

Le laboureur V.

secrétaire de l'empereur de la Chine.3

Savez-vous que ce malheureux petit Jean-Jacques le transfuge, m’écrivit il y a un an, vous corrompez ma république pour prix de l'asile qu'elle vous a donné ? »

2 V* bien sûr, qui se présente aussi à l'occasion comme un jeune académicien de Dijon , ce qu'il est réellement .La comédie est Le Droit du seigneur ; voir lettre du même jour aux d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/03/15/tant-que-son-amant-ne-sera-qu-un-sot-elle-ne-sera-pas-digne-5774501.htm

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16/03/2016 | Lien permanent

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