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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Cette pièce soutient fortement l'incompétence de messieurs des requêtes, et la nullité de leur arrêt

... LIOT , groupuscule qui se fait mousser, est heureusement renvoyé à juste titre sur la touche par l'article 40 . Hurler que la démocratie est bafouée simplement parce qu'on applique des articles légaux , faire du clientélisme  de la plus stupide des manières, voila ce qui est vraiment insupportable . LIOT rime évidemment avec idiots  : https://www.20minutes.fr/politique/4040071-20230606-refor... ***

*** "cauchemar" mot à la mode inutilement utilisé dans la presse en mal de publicité .

CHAUNU on Twitter: "✏️ dessins du jour ! #reformedesretraites #liot  #decourson #actu #dessindepresse #PPLLiot https://t.co/reDxFKOB36" / Twitter

Faute ! Double faute !! Retour au vestiaire ...

https://twitter.com/EmmanuelChaunu/status/1663786614928166912

 

 

« A Daniel-Marc-Antoine Chardon

Monsieur,

Il paraît que le Conseil cherche bien plus à favoriser le commerce et la population du royaume qu'à persécuter des idiots qui aiment le prêche, et qui ne peuvent plus nuire 1. Dans ces circonstances favorables, je prends la liberté de rappeler à votre souvenir l'affaire des Sirven, et d'implorer votre protection et votre justice pour cette famille infortunée. On dit que vous pourrez rapporter cette affaire devant le roi. Ce sera, monsieur, une nouvelle preuve qu'il aura de votre capacité et de votre humanité. Il s'agit d'une famille entière qui avait un bien honnête, et qui se voit flétrie, réduite à la mendicité, et errante, en vertu d'une sentence absurde d'un juge de village.

Il n'y a pas longtemps, monsieur, qu'on a imprimé à Toulouse 2, par ordre du parlement, une justification de l'affreux jugement rendu contre les Calas. Cette pièce soutient fortement l'incompétence de messieurs des requêtes, et la nullité de leur arrêt. Jugez comme la pauvre famille Sirven serait traitée par ce parlement si elle y était renvoyée après avoir demandé justice au Conseil. Vous êtes son unique appui, je partage son affliction et sa reconnaissance.

J'ai l'honneur d'être avec beaucoup de respect,

monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire .

14è novembre 1767 à Ferney.»

1 Des mesures pratiques d'apaisement ont été prises en faveur des protestants ainsi d'ailleurs que les juifs ; voir lettre du 18 novembre 1767 à Damilaville ( lettre 7070 de https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut )

2 On n'a trouvé aucune trace de cet imprimé auquel V* fait encore allusion dans les lettres du 25 décembre 1767 (et non 23 ) à Moultou  et du 25 décembre 1767 à Olivier des Monts : 7105 et 7107 de https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut

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08/06/2023 | Lien permanent

On ne fait pas toujours tout ce dont on serait capable

... Y compris mettre en ligne au jour le jour les notes de son blogounet . Heureusement il y a la post-synchronisation ...

 

 

« A Charles Bordes

16è septembre 1768 1

Mon cher correspondant, si les ouvrages gais guérissent les vapeurs, il faut vous dire : Médecin, guéris-toi toi-même 2 ; vous êtes à la source des remèdes. Qui fait, quand il le veut, des choses plus gaies, plus agréables, plus spirituelles que vous ?

Il est très vrai que Jean-Jacques a mis tous ses petits bâtards à l’hôpital. Je suis fort aise qu’il fasse une fin, et que la sorcière termine ses amours en épousant son sorcier 3. Je ne croyais pas qu’il y eût dans le monde quelqu’un qui fût fait pour Jean-Jacques.

Il est bien vrai que j’avais promis, il y a trois mois, à l’Électeur palatin, d’aller lui faire ma cour 4; mais ma détestable santé m’a privé de cet honneur et de ce plaisir.

Je n’ai point entendu parler des prétendues faveurs du parlement de Paris. J’ai un neveu actuellement conseiller à la Tournelle, qui ne m’aurait pas laissé ignorer tant de bontés. On ne fait pas toujours tout ce dont on serait capable.

Je vous embrasse de tout mon cœur, mon cher ami ; portez-vous bien. J’espère recevoir encore quelques amusettes pour vous. »

1 L'édition de Kehl amalgame des extraits de la présente lettre et des lettres de septembre-octobre 1768, du 18 novembre , du 29 novembre et du 17 décembre 1768 pour ne faire une seule lettre datée du 17 décembre 1768, en supprimant le paragraphe sur Rousseau. Cayrol rétablit en grande partie la situation .

2 Evangile de Luc, iv, 2 : https://saintebible.com/luke/4-23.htm

3 J.-J. Rousseau a épousé Thérèse Levasseur le 28, le 29 ou plus probablement le 30 août 1768 . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie-Th%C3%A9r%C3%A8se_Levasseur

4Par la lettre du 24 mai 1768 à Collini , dans laquelle il lui promet, « mort ou vif », de l’embrasser à la fin de juillet : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/01/15/je-veux-avant-de-mourir-remplir-mon-devoir-et-jouir-de-quelq-6480363.html

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02/04/2024 | Lien permanent

j'ai toujours pensé qu'un négociant était plus capable de conduire les finances que les maîtres des requêtes ordinaires

... Mais c'est compter sans les choix politiques qui aussi déraisonnables soient-ils, sont notre lot français (je ne parle que d'un pays que je connais à peu près ! ).

 Je cite "Ce devait être, selon Michel Sapin, "l'année de la bascule vers plus de croissance et plus d'emplois". Mais ce pourrait être l'inverse" ; voir : http://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/pacte-de-responsabilite-les-mesures-du-gouvernement-vont-elles-detruire-60-000-emplois_629755.html

Michel Sapin , énarque promotion Voltaire 1978, n'a vraiment rien de rien de voltairien . Vous me direz si ! il est très fortuné comme Voltaire, ce à quoi je vous réponds que c'est un peu léger comme qualité voltairienne et que Voltaire, lui, n'est pas devenu riche par simple héritage comme l'est notre ministre des finances , aucun effort de gestion excessif de sa part, il a gagné la timbale en argent/or et a pu s'offrir un futur président de la République (volage) comme témoin de son second mariage ; la porte du copinage a été largement ouverte, celle des capacités manageriales close . A suivre, mais je crains bien qu'il finisse (lui aussi) pendu au rétroviseur , dégageant une odeur de grillé, ne rappelant pas du tout sa forêt d'origine .

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 On trouve à la vérité de mauvais chapeaux à Genève ...

 

« A Jean-Robert Tronchin

Aux Délices 7 mai [1759]

Pourquoi M. Silhouette, ou de Silhouette, fait-il de si beaux arrangements ? Pourquoi calcule-t-il si bien l'intérêt du roi et du public ? Pourquoi prend-il le train d'égaler la recette à la dépense autant qu'il pourra ? C'est, mon cher monsieur, qu'il a été élevé 1 pour être négociant ; tel fut le grand Colbert, et celui-ci a l'avantage d'avoir travaillé en Angleterre et en Hollande 2; j'ai toujours pensé qu'un négociant était plus capable de conduire les finances que les maîtres des requêtes ordinaires de notre hôtel ; ceci soit dit sans vous déplaire . À l'égard des juments dont j'ai eu l'honneur de vous parler il faut que je vous explique mon économie . Je mets tous mes chevaux, excepté deux privilégiés, tantôt au carrosse, tantôt au chariot, tantôt à la charrue . Je choisis mes juments comme on doit choisir sa femme, ni trop belle ni trop laide, mais capable de faire des enfants ; et je veux que mes juments en fassent puisque mes servantes n'en font point ; si donc vous trouvez deux créatures convenables à mon sérail, noires et jeunes comme la maîtresse de Salomon 3, vous me ferez grand plaisir de me les envoyer à votre aise, à votre loisir, surtout si elles ne sont pas extrêmement chères .

À l'égard des soixante aunes de drap, est-ce que je me serais expliqué aussi mal que maître Guillaume ?4 n'ai-je pas demandé quarante aunes de gros drap vert foncé, gris de fer, et doublures en jaune foncé pour ces dites quarante aunes gris de fer ? Voilà pour des habits ; n'ai-je pas demandé vingt aunes de gros drap jaune foncé pour des vestes ? Je me charge de l'article des culottes et de la doublure pour les vestes ; vous convenez de tout cela et moi aussi . Je suppose qu'on a ces petites provisions-là à meilleur marché quand on en prend beaucoup et surtout quand on les prend de la première main . Je pense surtout que quand on s'est consacré comme moi à la campagne et qu'on a des tours et des ponts-levis, il faut avoir un bon magasin de livrées de domestiques, afin de n'être pas exposé à des nuances différentes quand on achète son drap au hasard : je pense aussi qu'il faut avoir sa provision de boutons , une douzaine de garnitures, au moins , qu'il les faut durables et que si quelqu'un de vos amis en peut fournir, ce sera une nouvelle obligation que mon petit ménage vous aura . Mon économie s'étend encore sur les galons de chapeaux . On trouve à la vérité de mauvais chapeaux à Genève qui ne sont pas excessivement chers ; mais les galons , qui n'y valent rien, sont un tiers plus chers qu'à Lyon ; douze bordures de chapeaux seront donc mon affaire . Mais voici bien une autre affaire . Vous me demandez ce qu'il faudra payer vers la Saint Jean pour mes provinces de Tournay et de Ferney . Vous avez je crois, l'énoncé des lettres de change, dont partie est déjà payée ; il me semble que vous devez donner dix huit mille livres pour Tournay, et environ cinquante ou soixante mille livres pour Ferney : je n'ai pas ici les contrats . À l'égard du domaine sacerdotal de Diodati, dont j'ai payé partie de ma poche, vous en avez payé pour votre part 13150 livres au temps de Pâques, ou je suis fort trompé . Je vous ai encore épargné une vingtaine de mille francs pour d’autres acquisitions auxquelles mon petit pécule s'est trouvé par hasard en état de suffire . J'ai payé aussi sans vous importuner les lods en grande partie et le centième denier et le contrôle et tous les faux frais, qui sont immenses . Vous voyez qu'après le baron de Grandcour, je suis bien grand seigneur . Mais tout grand seigneur que je suis , je sens que je n'ai pas assez de foin ; il m'en faudra environ 4000 quintaux par année, et je ne veux plus rien acheter de ma vie que du sel et du bœuf ; je veux vivre en patriarche . On me propose un domaine au denier 20 qui me mettrait au dessus d'Isaac et de Jacob . Ce domaine me coûterait environ 1700 livres argent courant que certainement je ne donnerai pas de ma poche . Il en faudrait moitié à la Saint Jean et moitié aux Rois préfix 5; reste à savoir si vous êtes assez riche pour payer cela de votre trésor . Je ne sais point du tout comment nous sommes ; j'ai bien peur qu'il ne faille bientôt vendre à bon marché les annuités achetées chères, c'est sur quoi j'attends vos ordres .

Le papier manque . Il faut finir de crainte de vous parler encore de quelque terre à acheter . Je trouve qu'à mon age il n’y a que la campagne de convenable . Mais il faudrait vous y voir quelquefois . Je vous embrasse de tout mon cœur .

Je ne vous ai point parlé de la muraille de la Chine qu'on veut faire aux Délices . C'est l'affaire de monsieur votre frère . »

1 Élevé est en surcharge sur un autre mot biffé .

2 Silhouette a effectivement voyagé dans ces deux pays .

5 Préfix, terme de droit signifiant fixé à l'avance .

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23/06/2014 | Lien permanent

Vous n’ignorez pas combien cette famille est attachée à la France

... En particulier celle de Fadwa Suleiman et Omar, et depuis hier Omar seul, sans Fadwa qui est morte trop tôt, sans avoir pu revoir son pays, la Syrie, en paix et la chute du premier fauteur de troubles Bachar Al Assad .

Fadwa, toi qui ne vécus jamais la tête baissée, combattante qui mérite d'être honorée et suivie, tu fais honneur aux femmes, tu es un modèle pour les hommes . Que jamais on ne t'oublie, particulièrement en France, patrie de Voltaire .

http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2017/08/17/l-a...

http://www.lemonde.fr/m-styles/article/2012/04/06/fadwa-s...

 Fadwa Suleiman à Paris  le 31 mars, lors de la  manifestation hebdomadaire de solidarité avec le peuple syrien, place du Châtelet.

 Fadwa Suleiman, un regard attachant, une volonté sans faille, une belle âme .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

23è septembre , au château de Ferney

Mes divins anges, je dois d’abord vous dire combien j’ai été frappé du mémoire de M. de Beaumont. Il me semble que chaque ligne porte la conviction avec elle. Je lui en ai fait mon compliment 1. Je crois qu’il est impossible que les juges résistent à la vérité et à l’éloquence.

Voici une autre affaire dont les objets peuvent être plus importants, quoique moins tragiques. C’est à M. le comte de Choiseul à voir s’il trouvera mon idée praticable . Je la soumets à ses lumières et à sa prudence. Le secrétaire de l’ambassade anglaise est, comme vous savez, l’âme unique de cette négociation, et elle peut avoir quelques épines. Ce secrétaire a un beau-frère et un ami dans un homme de la famille des Tronchin . Vous n’ignorez pas combien cette famille est attachée à la France. Celui dont je vous parle y a tout son bien . Il est fils d’un premier syndic de Genève, homme d’esprit et de probité, comme tous les Tronchin le sont, très capable de rendre des services avec autant d’honneur que de zèle. Son beau-frère a en lui une entière confiance. Peut-être n’y a-t-il pas de moyen plus sûr et plus honnête d’aplanir les difficultés qui pourront survenir, et de faire agréer les insinuations contre lesquelles on serait en garde si elles venaient de la part du ministère de France, et qu’on recevrait avec moins de défiance si elles étaient inspirées par un parent et par un ami. Je peux vous répondre que M. Tronchin servira la France avec le plus grand empressement, sans manquer en rien à ce qu’il doit à son beau-frère. Je n’imagine pas que M. le comte de Choiseul puisse jamais trouver une personne plus capable de répondre à ses vues pacifiques et généreuses, et plus digne de toute sa confiance dans une négociation si importante.

C’est une idée qui m’est venue, et qui peut-être mérite d’être approfondie et suivie. Mon suffrage est bien peu de chose ; mais soyez bien persuadé que je ne ferais pas une telle proposition, si je n’étais pas sûr de la probité et du zèle de M. Tronchin.

Si on ne trouve pas mon offre déraisonnable, que M. le comte de Choiseul me donne ses ordres ou par lui-même ou par vous, c’est la même chose ; et que Dieu nous donne la paix. Je ne sais s’il est bien vrai qu’il y ait une guerre commencée en Russie, mais je suis sûr qu’il y a des nuages.

Je n’ai point encore eu de nouvelles de M. le maréchal de Richelieu . Je le crois à Lyon avec madame la duchesse de Lauraguais 2. S’ils viennent tous deux chez Baucis et Philémon, Ferney sera bien étonné d’être la cour des pairs.

Nous avons joué aujourd’hui Olympie devant MM. de La Roche-Guyon 3 et de Villars. Cela n’a pas été trop mal ; mais cela pourrait être mieux. Il n’y avait que moi qui ne savais pas mon rôle, tant je songeais à ceux des autres.

Mille tendres respects.

V. »

2 Erreur, la compagne de Richelieu n'est pas la duchesse de Lauraguais, Adélaïde de Mailly-Nesle, épouse de Louis de Brancas, duc de Lauraguais ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Diane-Ad%C3%A9la%C3%AFde_de_Mailly

), mais Élisabeth -Pauline de Gand-de-Mérode de Montmorency, femme de Louis-Léon-Félicité de Brancas, comte de Lauraguais, futur duc de Brancas ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis-L%C3%A9on_de_Brancas ) .

3 Alexandre de La Rochefoucauld, duc de La Roche Guyon : voir http://clioroche.chez.com/chateau.html

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18/08/2017 | Lien permanent

Si nous sommes encore sots et barbares, c’est aux instructeurs qu’il faut s’en prendre

... "L'année scolaire 2020-2021 sera caractérisée par le développement du sport et de la culture dans la vie de chaque élève. L'éducation physique et sportive ainsi que l'ensemble des disciplines artistiques seront au cœur de cette priorité."

Je n'invente rien, c'est officiel : https://www.education.gouv.fr/la-circulaire-de-rentree-20...

Avec ça, nos enfants sont bien lotis ! Costauds, agiles et bien dans leurs baskets, aussi cultivés que les champions de TLMVPSP et les 12 Coups de midi, nous aurions des adultes idéaux, et ainsi nous n'aurions plus jamais besoin d'avoir des Gisèle Halimi ni des Jacqueline Sauvage ?

Il serait bon qu'on n'oublie pas de rendre hommage à ces femmes, et qu'on enseigne pour quoi et contre quoi elles se sont battues , modèles de courage pour rendre notre monde meilleur . Mesdames, Voltaire est de votre côté .

Comment attraper son cheval au pré - Blog équestre

Nos enfants en juillet 2021

 

 

« A Théophile Imarigeon Duvernet 1

Ferney, le 16 avril 1765

Je fais mon compliment, monsieur l’abbé, aux habitants de la ville de Vienne de vous avoir confié leur collège. Les jeunes gens de cette ville auront fait un grand pas vers la sagesse lorsqu’ils commenceront à rougir de l’atrocité de leurs ancêtres à l’égard du malheureux Servet. Il est très-important de leur apprendre de bonne heure que ce médecin espagnol, moitié théologien et moitié philosophe, avant d’être cuit à petit feu dans Genève, avait déjà été condamné à être brûlé vif à Vienne, au milieu du marché aux cochons. Il faut encore que ces jeunes gens sachent que Servet était l’ami et le médecin de l’archevêque et du premier magistrat de cette ville : ils devaient l’un et l’autre leur santé aux soins de Servet ; le fanatisme éteignit en eux tout sentiment d’amitié et de reconnaissance. Le prélat permit à son official, escorté d’un inquisiteur de la foi, de déclarer hérétique son médecin ; et le magistrat, escorté de quatre à cinq assesseurs aussi ignorants que lui, crut que, pour plaire à Dieu et pour édifier les bonnes femmes du Dauphiné, il devait en conscience faire brûler son ami Servet, déclaré hérétique par un inquisiteur de la foi.

Vous trouverez certainement dans la bibliothèque de votre collège une grande partie des matériaux qui vous seront devenus nécessaires pour l’histoire des révérends pères jésuites. Vous êtes très en état, monsieur, de bien faire cette histoire, et vous êtes sûr d’être lu, lors même qu’il n’y aurait plus au monde ni jésuites ni ennemis des jésuites. Vous rendrez un grand service aux hommes en leur faisant connaître des religieux qui les ont trompés, et qui les ont fait battre en les trompant.

Un grand philosophe géomètre, qui daigne me mettre au nombre de ses amis, vient de publier un discours très-éloquent sur la destruction de ces religieux 2. Ce discours, plein de chaleur, de sel et de vérités, est une excellente préface à l’histoire que vous préparez. Vous devez sentir, monsieur, plus que personne, que la destruction de cette Société, dite de Jésus, est un grand bien qui s’opère en Europe. C’est une légion d’ennemis de moins que les gouvernements et la philosophie auront désormais à craindre et à combattre. Il est à désirer que les hommes de lettres qui les remplacent dans l’enseignement de la jeunesse aient autant de courage et de lumières que vous en avez pour faire le bien. On verra bientôt en France, en Espagne, en Portugal, une génération d’hommes très-instruits qui sentiront vivement combien il est affreux de se tourmenter pour des subtilités métaphysiques, et de faire un enfer anticipé de ce monde, qui ne devrait être, pendant le peu d’instants que nous nous y arrêtons, que le séjour des plaisirs et de la vertu. Si nous sommes encore sots et barbares, c’est aux instructeurs qu’il faut s’en prendre. Les études dans les collèges n’ont été jusqu’ici réglées que d’après les principes d’une théologie dogmatique ; et c’est de cette source empoisonnée que sont sorties tant de sectes qui, en l’honneur de Jésus-Christ, se sont chargées d’anathèmes, et qui, après s’être querellées grossièrement, ont employé des milliers de bourreaux pour s’exterminer, et ont fait, en s’exterminant, un vaste cimetière de l’Europe, tantôt pour les couleurs eucharistiques, et tantôt pour la grâce versatile.

Ce que vous me dites, monsieur, du nombre de ceux qui ne croient pas en Dieu est une vérité incontestable. Le temps où il y eut en Europe plus d’athées et plus de crimes de toutes les espèces est celui où l’on eut plus de théologiens et de persécuteurs, M. Charles Gouju 3 est entièrement de votre sentiment, et il s’en rapporte à votre prudence au sujet de la petite homélie qu’il adresse à ses frères sur la banqueroute des révérends pères jésuites, et sur l’athéisme des théologiens.

Je suis, etc. »

1 La lettre à laquelle répond V* n'est pas connue ; Théophile-Imarigeon Duvernet, né à Ambert en Auvergne, en 1734, mort en ou avant 1797, est auteur d’une Vie de Voltaire publiée pour la première fois en 1786, et dont la dernière édition est de 1797. Il avait été l’éditeur et le mutilateur des Lettres de M. de Voltaire à M. l’abbé Moussinot, son trésorier, 1781, in-8°. . Voir : https://books.google.fr/books?id=hUIgvFD5M7sC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9007035p/f2.image

2 Sur la destruction des jésuites, de d'Alembert .

3 A propos de la Lettre de Charles Gouju à ses frères par les révérends pères, 1761, voir la lettre à Thieriot du 14 septembre 1761 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/08/22/si-a-son-age-elle-joue-des-roles-de-petite-fille-on-peut-fai-5838720.html

et : https://fr.wikisource.org/wiki/Lettre_de_Charles_Gouju/%C3%89dition_Garnier

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30/07/2020 | Lien permanent

Comptez qu'un homme en place peut toujours nuire

... Tous.tes ceux.celles qui ont quelques places dite supérieures, humains lambda physiologiquement parlant, mélanges de qualités (parfois )  et défauts (toujours ), ne manquent pas , quand ça leur convient, de nuire sans remords .Ils comptent sur l'esprit de corps pour échapper aux sanctions méritées . Même dans la police ? me direz-vous ? Oui ! l'uniforme ne rend pas meilleur que vous ou moi (surtout moi ! ).

Nous sommes capables de nuire à la nature même, alors ...

Nuire pour le plaisir, c’est le propre de l’homme

https://www.europe1.fr/emissions/la-morale-de-linfo/nuire...

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

13 janvier 1768

Je reçois votre lettre du 7 janvier, mon cher ami. Ne soyez point étonné de l'extrême ignorance d'un homme qui n'a pas vu Paris depuis vingt ans. J'ai connu autrefois un M. d'Ormesson 1, qui était conseiller d'État, chargé du département de Saint-Cyr. Il n'était pas jeune; je ne sais si c'est lui ou son fils 2 de qui dépend votre place. Il y a deux ou trois ans qu'un homme de lettres, qui était précepteur dans la maison, m'envoya des ouvrages de sa façon, dédiés à un M. d'Ormesson, lequel me faisait toujours faire des compliments par cet auteur, et à qui je les rendais bien. J'ai oublié tout net le nom de cet auteur et celui de ses livres; j'ai seulement quelque idée que nous nous aimions beaucoup quand nous nous écrivions. Il me passe par les mains cinq ou six douzaines d'auteurs par an ; il faut me pardonner d'en oublier quelques-uns. Mettez-vous au fait de celui-ci. Il avait, autant qu'il m'en souvient, une teinture de bonne philosophie. Il pourrait nous aider très efficacement dans notre affaire. Mandez-moi à quel d'Ormesson il faut que j'écrive ; je vous assure que je ne serai pas honteux. Mais surtout, mon cher ami, ne vous brouillez point avec l'intendant de Paris 3. Comptez qu'un homme en place peut toujours nuire. Mme de Sauvigny a de très bonnes intentions, et quoiqu'elle protège M. Mabille, je peux vous répondre qu'elle n'a nulle envie de vous faire tort ; sa seule idée est de faire du bien à M. Mabille et à vous.

Encore une fois, n'irritez point une famille puissante . J'ai reçu aujourd'hui une lettre de M. le duc de Choiseul 4 . Il ne parle point de votre affaire ; tout roule sur le pays de Gex et sur Genève.

M. d'Alembert ne m'a point accusé la réception du paquet d'Italie 5. Je voudrais bien avoir Le Joueur de Saurin 6, qu'on va représenter ; mais je serais bien plus curieux de lire le rapport que M. Chardon doit faire au Conseil. Je compte lui écrire pour lui faire mon compliment de la victoire remportée sur le parlement de Paris. J'espère qu'il battra aussi le parlement de Toulouse à plate couture. J'espère que vous triompherez comme lui, et je vous embrasse dans cette douce idée. »

1 Henri-François de Paule Le Fèvre d'Ormesson , 1681-1756 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Fran%C3%A7ois_de_Paule_Lef%C3%A8vre_d%27Ormesson

2 Le plus jeune fils Louis-François de Paule Le Fèvre d'Ormesson, 1718-1789 , que l'on confond souvent avec Marie-François de Paule Le Fèvre, marquis d'Ormesson, 1710-1774, qui occupa des postes du même ordre que lui, mais professait des idées bien différentes .

3 Berthier de Sauvigny, intendant à Paris, a succédé à Courteilles et a refusé de travailler avec Damilaville si celui-ci est nommé directeur du vingtième de la généralité de Paris ( voir lettre de d'Alembert à V* du 14 novembre 1767 : http://dalembert.academie-sciences.fr/Correspondance/oeuv... ) en remplacement du titulaire , malade .

4 Elle est conservée .

6 Il s'agit de Beverley, tragédie bourgeoise, en cinq actes et en vers libres, que Saurin annonce à V* le 3 janvier 1768, primitivement intitulée Le Joueur anglais, adaptée de The Gamester d'Edward Moore . Cette pièce fut représentée pour la première fois en public à la Comédie-Française le 7 mai 1768 .

Voir : https://data.bnf.fr/fr/12002643/bernard-joseph_saurin/

et : https://www.gutenberg.org/files/16267/16267-h/16267-h.htm

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07/08/2023 | Lien permanent

je ne me mêle point, Dieu merci, des affaires des rois, et je me contente de plaindre les peuples

...

 le malheur des peuples.gif

réveil du tiers état.jpg

 

 

« A Jean-Marie-Samuel Formey

Au château de Tournay par Genève

le 3 mars [avril] 1759 1

J'ai reçu votre lettre 2 avec un très grand plaisir , monsieur, je me sers, pour vous répondre sans qu'il vous en coûte de frais, de la voie des mêmes négociants qui envoient mes paquets au Salomon et à l'Alexandre du Nord : il se pourrait bien faire que ce paquet-ci tombât entre les mains de quelques housards ; car le champ des horreurs est déjà ensanglanté dans le meilleur des mondes possibles ; mais on ne verra dans mes paquets que de quoi rire ; je ne me mêle point, Dieu merci, des affaires des rois, et je me contente de plaindre les peuples .

J'ai fort connu le meurtrier Manstein dont vous me parlez 3; Dieu veuille avoir son âme ; c'était un vigoureux alguazil : il avait arrêté le général Munich, et s'était battu avec lui à coups de poing pour le service de sa gracieuse impératrice ; il s'enfuit quelque temps après du beau pays de la Russie pour venir dans votre sablonnière . Il me montra ses mémoires de Russie, que je corrigeai à Potsdam . Pendant que nous étions occupés à cette besogne, le roi m'envoya des vers par un coureur . Manstein, impatient de voir que je préférais les vers de Frédéric à la prose de Manstein , s'en plaignit au modeste Maupertuis, lequel encore plus fâché de ce que le roi ne le consultait pas sur la manière d'exalter son âme et d'enduire le corps de poix-résine, s'avisa de dire que le roi n'envoyait qu'à moi son linge sale à blanchir .

Après avoir dit ce prétendu bon mot, il s'avisa de m'en faire l'honneur, et de là vinrent toutes les belles tracasseries qui n'ont fait aucun profit, ni à Frédéric le Grand, ni à Maupertuis, ni à moi .

Depuis ce temps-là milord Maréchal m'a parlé à ma campagne de ce manuscrit que je connaissais mieux que lui . On a proposé aux Cramer, libraires de Genève, de l'imprimer . Mais qui diable a pu vous dire que je l'avais voulu acheter mille ducats ! Pourquoi l'achèterais-je ? Vous me croyez donc bien riche et bien curieux ! Il est vrai que je suis bien riche, mais je ne donnerais pas mille ducats de l'ancien testament, à plus forte raison d'un manuscrit moderne .

Je vous assure que je suis très sensible à la perte que vous avez faite ; mais , s'il vous reste autant d'enfants que vous avez fait de livres, vous devez avoir une famille de patriarche 4. Je serais fort aise de voir votre Philosophe païen 5, attendu que je suis assez païen et assez philosophe . A l’égard de vos Consolations pour les valétudinaires 6, je n'en ai pas besoin depuis que j'ai recouvré la santé avec la liberté dans un séjour charmant . Envoyez-moi plutôt des conseils pour gouverner mes paysans et mes curés . J'ai acheté deux belles terres à une lieue des Délices , je suis devenu laboureur et je vais semer cette année avec la nouvelle charrue : cela me donne la santé . Je croyais n'avoir pas deux mois à vivre quand je vins aux Délices . Votre roi se serait amusé à faire de moi une plaisante oraison funèbre ; il me mandait l'autre jour que Maupertuis se mourait 7; si cela est, il mourra au lit d'honneur ; car il vient d'avoir un petit procès à Bâle 8 pour avoir fait un enfant à une fille, et il s'en est tiré fort glorieusement .

Vous avez donc travaillé aussi à l'Encyclopédie . Eh bien ! Vous n'y travaillerez plus : la cabale des dévots l'a fait supprimer, et peu s'en est fallu qu'elle n'ait été brûlée comme les œuvres de Calvin . Laissons aller le monde comme il va . Puisse la guerre finir bientôt, et que votre chancelier en signe les articles ! Faites-lui bien des compliments .

Si ce n'était pas une indiscrétion, vous me feriez un plaisir extrême à me mander ce qu'est devenu l'abbé de Prades 9.

Adieu, monsieur, je suis de tout cœur,

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

comte de Tournay, gentilhomme ordinaire

du roi etc. »

1 Date fausse, indiquée par Formey, car la lettre de Frédéric dont parle V* est du 2 mars 1759 .http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/310-jean-henri-formey

2 Cette lettre ne nous est pas connue .

3 Formey premier éditeur de cette lettre dans Les Souvenirs d'un citoyen [page 294 : http://books.google.de/books?id=pXAGAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

], en donne un commentaire . Il avait écrit à V* de la part de la veuve du général Christopher Hermann von Manstein, qui, ayant entendu dire que V* offrait mille ducats pour les mémoires manuscrits de son mari, voulait savoir s'il était toujours dans les mêmes intentions . C'est à ces ouvertures que répond ici V* . En fait le livre, quoique rédigé en français devait être publié en anglais, [David Hume], Contemporary Memoirs of Russia from the year 1727 to 1744, Londres , 1770 .Voir : https://archive.org/stream/contemporarymem00mansgoog#page/n5/mode/2up

4 Formey eut une nombreuse progéniture, mais seulement sept ou huit de ses enfants survécurent .

6 Consolations pour les personnes valétudinaires, 1758 . http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k75719z

7 Dans sa lettre du 2 mars, Frédéric II demandait : « […] laissez […] mourir en paix un homme que vous avez cruellement persécuté, et qui selon toutes les apparences n'a plus que peu de jours à vivre. » Maupertuis mourra le 27 juillet 1759 .

 

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27/05/2014 | Lien permanent

enfin, malgré tous les maux que les querelles de religion répandirent autrefois sur votre maison, vous régnez paisibleme

... Enfin, malgré tous les maux que les querelles de parti répandirent ... un nouveau gouvernement , etc. ... est appelé à règner sans paix !

 

 

 

« A madame la duchesse de SAXE-GOTHA
A Monrion, 10 février 1756.

Madame, je ne sais si Votre Altesse sérénissime se ressouvient qu'elle voulait, dans sa dernière lettre, que je me fisse un peu théologien. J'ai tâché de prendre mes degrés pour vous plaire. J'ai fort augmenté mon sermon mais j'ai peur d'y avoir fourré quelque hérésie. Plus je réfléchis sur le mal qui inonde la terre, et plus je retombe dans ma triste ignorance. Je souhaite seulement que cet axiome Tout est bien, se trouve vrai pour votre personne et pour toute votre auguste famille. Il me semble cependant que tout aurait pu être mieux pour vous, sans cette maudite bataille de Mulberg 1. Mais enfin, malgré tous les maux que les querelles de religion répandirent autrefois sur votre maison, vous régnez paisiblement sur des États où vous êtes adorée, et Votre Altesse sérénissime ajoute la considération personnelle la plus distinguée aux respects que sa naissance et son rang lui attirent. Elle cultive son esprit par les lettres, elle fait tout le bien qu'elle peut faire; enfin le nouveau proverbe Tout est bien est vrai à Gotha. On dit que tout est mal chez les Anglais, en Amérique, et chez les Français, sur mer. Les sauvages alliés de la France ont détruit et mis à feu et à sang Philadelphie 2, capitale de la Pennsylvanie, à ce que mande un jésuite iroquois à un jésuite lorrain.
Les Anglais se vengent en prenant tous les vaisseaux français qu'ils rencontrent. Le roi de Prusse les empêche au moins de se battre en Allemagne, et je crois que son dernier traité n'a pas déplu à votre nation.
Votre Altesse sérénissime croirait-elle que le roi de Prusse vient de m'envoyer un opéra en vers français de sa façon ? C'est ma tragédie de Mérope, qu'il m'a mise en vers lyriques. Je lui suis très-obligé de cette galanterie; je lui aurais plus d'obligation s'il réparait le mal qu'on a fait dans Francfort à une dame respectable et à moi 3. Cette réparation serait plus glorieuse pour lui qu'un opéra. Mais ses injustices sont moins présentes à mon cœur que vos bontés.
Je suis bien fâché, madame, d'être loin de Votre Altesse sérénissime, et de n'être pas à portée de dire tous les jours à la grande maîtresse des cœurs combien je révère la vraie Dorothée 4, la plus respectable, la plus aimable princesse de la terre, à qui je serai attaché pour jamais avec le plus profond respect. »


 

 

1 Gagnée en 1547 par Charles-Quint sur les protestants, commandés par l'électeur de Saxe Jean-Frédéric.

 

 

3 Rappel des « avanies de Francfort » lorsque V* et sa nièce Marie-Louise Denis furent arrêtés, maltraités, volés lorsque V* quitta la Prusse en 1753 .Voir page 445 : http://books.google.fr/books?id=1ykaAAAAYAAJ&pg=PA445&dq=avanies+de+francfort+voltaire&hl=fr&sa=X&ei=dzG0T_2pBsGFhQeTz6GZDg&ved=0CEUQ6AEwAw#v=onepage&q=avanies%20de%20francfort%20voltaire&f=false

 

 

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17/05/2012 | Lien permanent

je me fais un plaisir de chercher toutes les raisons qui peuvent justifier le succès d'un jeune homme qui a besoin d'enc

... Combien d'auteurs ratés, devenus critiques par défaut, seraient capables de cet altruisme voltairien ? Aucun !

Quel remarquable pédagogue que ce Voltaire qui encourage un débutant et fait la part du bon et du moins bon, en mettant en lumière d'abord ce qui mérite des félicitations, qui sent le potentiel d'un jeune et le fait savoir . On est loin des jugements hâtifs et péremptoires de ceux qui croient être détenteurs du bon goût, du savoir faire, et mesurent tout à l'aune de leur nombril .

The lost art of encouragement

 encouragement.jpg

 

 

« A M. Gabriel SÉNAC de MEILHAN 1
chez M. Sénac, premier médecin du roi, à Versailles.
A Lausanne, 12 janvier[1758]. 2
Mes yeux ne sont pas trop bons, monsieur, mais ils ont grand plaisir à lire vos lettres. Vous jugez très-bien il y a des vers un peu durs dans l'ouvrage 3 que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Quand vous vous amusez à en faire, les vôtres ont plus de douceur, de facilité et de grâce. Mais je sens aussi l'horrible difficulté de faire une pièce telle que celle-ci; et cette difficulté me rend bien indulgent. D'ailleurs on ne doit sentir que les beautés d'un auteur qui commence, le public même a besoin de l'encourager. Probablement l'auteur est sans fortune c'est encore une raison de plus pour disposer en sa faveur. On peut même dire de lui
Spirat tragicum satis, et feliciter audet.4
Il m'a toujours paru qu'au théâtre le public était moins flatté de l'élégance continue d'une belle poésie qu'il n'était frappé de la beauté des situations. Enfin je me fais un plaisir de chercher toutes les raisons qui peuvent justifier le succès d'un jeune homme qui a besoin d'encouragement. Nous allons jouer des pièces de théâtre dans ma retraite de Lausanne, où je passe mes hivers, et nous sentons tout le prix de l'indulgence.
Je me vanterai à Mme la marquise de Gentil 5, qui est une de nos actrices, que vous voulez bien me conserver un peu de souvenir. Pour moi, je ne vous oublierai jamais.
Je vous prie de vouloir bien présenter mes obéissances à monsieur votre père et à monsieur votre frère, et d'être persuadé de mes sentiments, qui vous attachent pour jamais

 

le Suisse V.
Mme Denis vous fait ses compliments. »

 





 

 

2 Cette lettre est dans Beuchot; M. de Lescure, dans son volume les Autographes, Paris, Gay, 1865, l'a reproduite d'après l'original, que lui avait communiqué M. le comte Le Coulteux de Canteleu; il a fourni quelques corrections et additions.

 

3 Sans doute Iphigénie en Tauride de Guimond de La Touche : http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Guimond_de_La_Touche

 

4 Il respire le tragique comme il convient et il a des audaces heureuses . Horace, Épîtres, II, I, 166 .

 

5 Née Constant ; la marquise de Gentil, demeurait à Mon-Repos, dans un faubourg de Lausanne, et chez laquelle Voltaire eut une salle de théâtre où il jouait avec ses acteurs de société.

Voir lettre du 15 juin 1756 à Brenles : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/07/12/ce-fantome-de-la-vie-on-s-en-plaint-on-la-maudit-on-la-prodi.html

 

 

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21/03/2013 | Lien permanent

homo sum , cela suffit

... Je suis Un Homme: Zazie, Jean-Pierre Pilot, Philippe Paradis, Zazie,  Philippe Paradis, Zazie: Amazon.fr: CD et Vinyles}

Moi, avant épilation

https://www.youtube.com/watch?v=oSIoP7h4B_M

 

 

 

« A Michel-Paul-Guy de Chabanon

30 auguste 1766

Vous vous êtes douté, mon cher confrère, que j’étais affligé des horreurs dont la nouvelle a pénétré dans ma retraite ; vous ne vous êtes pas trompé. Je ne saurais m’accoutumer à voir des singes métamorphosés en tigres ; homo sum 1 cela suffit pour justifier ma douleur. Je vois avec plaisir que la vie frivole et turbulente de Paris vous déplaît ; vous en sentez tout le vide : il est effrayant pour quiconque pense. Vous avez heureusement deux consolations toujours prêtes, la musique et la littérature. Vous ferez votre tragédie quand votre enthousiasme vous commandera, car vous savez qu’il faut recevoir l’inspiration, et ne la jamais chercher.

Vous souvenez-vous que vous m’aviez parlé de Mme de Scallier 2? Il y a quelques jours qu’une dame vint dans mon ermitage avec son mari ; elle me dit qu’elle jouait un peu du violon, et qu’elle en avait un dans son carrosse ; elle en joua à vous rendre jaloux, si vous pouviez l’être ; ensuite elle se mit à chanter, et chanta comme Mlle Le More ; et tout cela avec une bonté, avec un air si aisé et si simple, que j’étais transporté. C’était Mme de Scallier elle-même avec son mari, qui me paraît un officier d’un grand mérite. Je fus désespéré de ne les avoir tenus qu’un jour chez moi. Si vous les voyez, je vous supplie de leur dire que je ne perdrai jamais le souvenir d’une si belle journée.

J’ai eu depuis une autre apparition de Mme de Saint-Julien, la sœur du commandant de notre province. Il est vrai qu’elle ne joue pas du violon, et qu’elle ne chante point ; mais elle a une imagination et une éloquence si singulières que j’en suis encore tout émerveillé. Même bonté, même naturel, mêmes grâces que Mme de Scallier, avec un fonds de philosophie qui est rare chez les dames. Ces deux apparitions devaient chasser les idées tristes que donne la méchanceté des hommes . Cependant elles n’ont pas réussi 3. Si quelque chose peut faire cet effet sur moi, c’est votre lettre : elle m’a fait un extrême plaisir. Il m’est bien doux de voir les grands talents et la raison joints à la sensibilité du cœur.

On m’a parlé d’un Artaxerce 4 qui a, dit-on, du 5 succès. Les pauvres comédiens avaient besoin 6 de ce secours. L’opéra-comique est devenu, ce me semble, le spectacle de la nation. Cela est au point que les comédiens de Genève se préparent à venir jouer sur mon petit théâtre un opéra-comique. On dit qu’ils s’en tirent à merveille, mais ils ne peuvent jouer ni une tragédie de Racine, ni une comédie de Molière.

Vous m’annoncez une nouvelle bien agréable, en me flattant que Mlle Clairon pourrait venir. Je n’ai plus d’acteurs, mon théâtre est perdu pour la tragédie, mais j’aime bien autant sa société que ses talents. Elle se lassera elle-même de la déclamation, et elle sera toujours de bonne compagnie. Ce qu’elle pense et ce qu’elle dit vaut mieux que tous les vers qu’elle récite, surtout les vers nouveaux.

Toute ma petite famille vous remercie tendrement de votre souvenir ; la vôtre doit bien contribuer à la douceur de votre vie. Je me mets aux pieds de madame votre mère et de madame votre sœur. Adieu, monsieur ; conservez-moi une amitié qui me sera toujours chère, et que je mérite par tous les sentiments que vous m’avez inspirés pour toute la vie. »

1 Je suis homme ; Térence : Heauton timorumenos, Ac ; I, sc. 1 : http://remacle.org/bloodwolf/comediens/Terence/eauton.htm

3 Ces deux mots sont remplacés par pu réussir dans les éditions .

4 Pièce d'Antoine-Marin Le Mierre, représentée le 20 août 1766 avec un succès mitigé : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57723787.texteImage

5 Ce mot manque dans la copie Beaumarchais .

6 Mot précédé de grand dans les éditions .

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25/11/2021 | Lien permanent

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