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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

si on pouvait bien digérer ! mais avoir toujours mal à l'estomac, craindre les rois, et les libraires, et les Pucelles!

 

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http://www.laboucherielitteraire.com/atelier-du-poisson-soluble-1-jeunesse/article/224.html

 

 

 

« A M. le comte d'ARGENTAL.

Aux prétendues Délices, octobre [1755]

Tout va de travers dans ce monde, mon cher ange. Il m'est mort un petit Suisse 1 charmant, qui m'avait fait avoir une maison assez agréable auprès de Lausanne 2, me l'avait meublée, ajustée, et qui m'y attendait avec sa femme. J'allais à cette maison, où j'avais fait porter mes livres je comptais y travailler à votre Orphelin. Mon Suisse est mort dans ma maison ses effets étaient confondus avec les miens. J'ai été très-affligé, très-dérangé, je n'ai pas pu faire un vers. Vous ne savez pas, vous autres conseillers d'honneur, ce que c'est que de faire bâtir en Suisse, en deux endroits à la fois, de planter et de changer des vignes en pré, et de faire venir de l'eau dans un terrain sec, pendant qu'on a une Histoire générale sur les bras, et une maudite Pucelle qui court le monde en dévergondée, et un petit Suisse qui s'avise de mourir chez vous. Faites comme il vous plaira avec votre Orphelin, il n'a de père que vous, il me faudrait un peu de temps pour le retoucher à ma fantaisie. Je suis toujours dans l'idée qu'il faut parler de Confucius dans une pièce chinoise. Les petits changements que je ferais à présent ne produiraient pas un grand effet. C'est Mlle Clairon qui établit tout le succès de la pièce. On dit que Lekain a joué à Fontainebleau plus en goujat qu'en Tartare; qu'il n'est ni noble, ni amoureux, ni terrible, ni tendre, et que Sarrasin a l'air d'un vieux sacristain de pagode. J'aurais beau mettre dans leur bouche les vers de Cinna et d'Athalie, on ne s'en apercevrait pas. J'ai besoin d'une inspiration de quinze jours pour rapiécer ou rapiéceter mon drame; nos histrions seraient quinze autres jours à remettre le tout au théâtre, et je ne serais pas sûr du succès. Vous avez fait réussir mes magots avec tous leurs défauts, mon cher et respectable ami vous les ferez supporter de même. Je ne les ai imprimés que pour aller au-devant de la Pucelle, qu'on vend partout. Il fallait absolument désavouer ces abominables copies qui courent dans l'Europe. J'ai besoin d'un peu de repos dans ma vieillesse et dans une vieillesse infirme qui ne résisterait pas à des chagrins nouveaux. Ma lettre 3 à Jean- Jacques a fait un assez bon effet, du moins dans les pays étrangers mais je crains toujours les langues médisantes du vôtre. Comptez, mon divin ange, que le génie poétique ne s'accommode pas de toutes ces tribulations. Ce maudit Lambert parle toujours de réimprimer presto, presto, mes sottises non corrigées. Il ne veut point attendre, il a grand tort de toutes façons c'est encore là une de mes peines. Encore si on pouvait bien digérer ! mais avoir toujours mal à l'estomac, craindre les rois, et les libraires, et les Pucelles! On n'y résiste pas. Êtes-vous content de Cadix 4? Pour moi, j'en suis horriblement mécontent.
Le roi de Prusse m'a fait mille compliments, et me demande de nouveaux chants de la Pucelle; il a le diable au corps. Comment va le pied de Mme d'Argental ? Je suis à ses pieds. Adieu, divin ange. »

 

1 De Giez, banquier à Lausanne .

2 Monrion.

 

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08/04/2012 | Lien permanent

vous connaissez trop bien la faiblesse humaine pour ne pas savoir que nous ne sommes les maîtres de rien

 

Lettre rédigée le 27 août 2011 pour parution le 15 octobre 2010.

 

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

15 octobre [1755]

 

Mon cher ange, vous commencez donc à être un peu content . Vous le seriez davantage sans trois terribles empêchements, la maladie, l'éloignement et une Histoire générale qui me tue . Puis-je songer au seul Gengis 1, quand je me mêle du gouvernement de toute la terre ? Les Japonais et les Anglais, les jésuites et le talapoins, les chrétiens et les musulmans me demandent audience . J'ai la tête pleine du procès de tous ces gens-là . Vous avez beau me dire que la cause de Gengis doit passer la première ; vous connaissez trop bien la faiblesse humaine pour ne pas savoir que nous ne sommes les maîtres de rien . Dites à vos fleurs de s'épanouir, à vos blés de germer ; ils vous répondront : attendez ; cela dépend de la terre et du soleil . Mon cher ange, ma pauvre tête dépend de tout . Je fais ce que je peux, quand je peux . Plus je vais en avant, plus je me tiens une machine griffonnante . Pour vous , messieurs de Paris, faites suivant vos volontés, ordonnez, coupez, taillez, rognez, faites jouer mes magots devant les marionnettes de Fontainebleau, et qu'on y déchire l'auteur au sortir de la pièce, tandis que je languis malade dans mon ermitage entre la casse et des livres ennuyeux .

 

J'ai mandé à Lambert que je serai peut-être assez fou pour lui donner en son temps une nouvelle tragédie à imprimer 2, mais ce n'est pas du pain cuit pour Lambert . Il faut que les nations soient jugées, et que le génie me dise : travaille . En attendant, mon divin ange, j'ai recours à vous auprès de Lambert . Il s'avise d'imprimer un recueil de toutes mes sottises et il n'a encore aucune des corrections, aucun des changements sans nombre que j'y ai faits . C'est encore un travail assez grand de mettre tout cela en ordre . Dites-lui , je vous en conjure, qu'il ne fasse rien avant que je lui aie fait tenir tous mes papiers . Ce paresseux est bien ardent quand il croit qu'il y va de son intérêt, mais son intérêt véritable est de ne rien faire sans mes avis et sans mes secours . De quoi se mêle-t-il de commencer sans me le dire une édition de mes œuvres lorsqu'il sait que j'en fais une à Genève, et lorsqu'il a passé une année entière sans vouloir profiter des dons que je lui offrais ? Il m'envoya il y a un an une feuille de La Henriade 3 et s'en tint là ; et point de nouvelles . Je lui mandai enfin que je paierais sa feuille et qu'il s'allât promener . Je donnai mes guenilles à d'autres . Et à présent le voilà qui travaille, et sans m'avoir averti .

 

Je vous prie , mon cher ange, de lui laver la tête en passant, si vous le rencontrez en allant à la comédie, si vous vous en souvenez, si vous voulez bien avoir cette bonté . Je vous demande bien pardon de mon importunité . Mais encore faut-il être imprimé à sa fantaisie . Adieu, je voudrais travailler à la vôtre, et réussir autant que j'ai envie de vous plaire . »


3 V* en a accusé réception le 24 septembre 1754 .

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15/10/2010 | Lien permanent

Le feu Roi ne voulait et ne pouvait vouloir que le bien, mais il s'y prenait mal

"Le feu Roi" , -Jacques Chirac corporellement vivant, mais présidentiellement décédé,-  laisse exercer le pouvoir à un "sucesseur" indésirable qui est bien loin d'être inspiré par Marc-Aurèle . Voir les avis du feu roi dans sa mise à nu présidentielle .

http://www.deezer.com/listen-3454032   :  Le roi est mort, vive le roi !

 

Une cote de popularité pour le petit héritier, qui va bientôt flirter avec le chiffre de la majorité légale , qui dit mieux ?

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« A Jean Le Rond d'Alembert

 

15è juin 1774

 

Mon cher maître, le petit discours patriotique de M. Chambon 1 a réussi chez tous les étrangers . C'est le premier éloge vrai, que j'aie jamais lu . Si Louis XV pouvait revivre, il le signerait . Mais il l'a signé, puisqu'il dit précisément la même chose dans son testament .

 

Je vois que vous êtes mécontent de ces mots : Ce que Louis XV a établi et ce qu'il a détruit, mérite notre reconnaissance 2. Mais ce qu'il a établi, c'est l'Ecole militaire, ce qu’il a détruit, c'est la faction intolérable des jésuites . J'ose ajouter la faction 3 de MM. Crépin , Quatresous, Quatrehommes, Gelet, Poirau qui firent la guerre de la Fronde, et leurs successeurs qui ont fait la guerre aux beaux-arts et à la raison . Ce n'est pas à vous de prendre le parti des éternels ennemis de ces arts et de cette raison dont vous êtes le soutien .

 

Le feu Roi ne voulait et ne pouvait vouloir que le bien, mais il s'y prenait mal ; son successeur semble inspiré par Marc-Aurèle . Il veut le bien, et il le fait . S'il continue, il verra son apothéose avant l'âge où les badauds sont majeurs 4.

 

Je suis fâché de mourir avant d'avoir vu les prémices du beau règne dont vous allez jouir . Je sens que je n'en ai que jusqu'à la chute des feuilles .

 

J'emploie mes derniers jours à faire réformer, si je puis, la plus détestable injustice que l'ancien parlement 5 ait jamais faite . Si j'y réussissais je mourrais content . La seule chose dont Raton soit très mécontent, c'est de partir sans avoir embrassé son cher Bertrand . »


1 L’Éloge funèbre de Louis XV, de V* ; voir lettre à De Lisle du 30 mai : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/05/28/nous-sentons-bien-qu-on-peut-lui-reprocher-un-petit-manque-d.html

3 L'ancien parlement dissous par Maupéou .

4 A savoir, avant l'âge de vingt cinq ans . Voir : http://www.jeanlouis-garret.fr/Majorite.htm

5 La condamnation et exécution de de La Barre, et condamnation par contumace de d'Etallonde, devenu officier au service de la Prusse, à l'instigation de V* . D'Etallonde a demandé un congé d'un an à Frédéric II, et est venu à Ferney pour travailler à sa réhabilitation .

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11/06/2011 | Lien permanent

Nous sommes bien éloignés d’oser mettre des conditions à vos bienfaits

Pluie du matin, n'arrête pas le pélerin ! Soit, à condition d'être sous une pélerine...

 

 

« A Anne-Robert-Jacques Turgot

 

                            Monseigneur,

 

                            Nos États, et moi chétif, nous vous réitérons que nous acceptons avec transport les propositions que M. de Trudaine a eu la bonté de nous faire de concert avec vous [le 31 août, lettre à Fabry : « Le bienfait très signalé et très inattendu est que nous soyons débarrassés de cette foule d’employés qui vexe la province, qui remplit les prisons, et qui interdit tout commerce… Nous profiterons … de notre liberté pour faire proposer aux fermiers généraux de nous livrer le sel au même prix qu’à Genève… Ainsi il vous sera très aisé de prendre sur la vente de ce même sel une somme assez considérable pour payer les dettes de la province, pour donner une indemnité à la ferme, pour subvenir à la confection des chemins. La liberté qu’on daigne nous offrir, l’abolissement des corvées sont des bienfaits inestimables… »]. Nous sommes bien éloignés d’oser mettre des conditions à vos bienfaits. Notre province sera trop heureuse en pouvant commercer librement. Toutes les mesures sont déjà prises pour profiter de la grâce que vous daignez nous accorder ; et on vient de faire bâtir des magasins à Ferney pour recevoir toutes les marchandises qui viendront des pays méridionaux par Genève.

 

                            On veut nous faire craindre que la ferme générale insiste sur une indemnité annuelle de quarante à cinquante mille livres .Vous savez, Monseigneur, combien notre petit pays est pauvre. Les bureaux multipliés qui achèvent notre ruine ont été très souvent à charge à la ferme générale ; et malgré les vexations les plus continues, elle n’en a jamais tiré plus de sept mille francs, dans les années les plus lucratives. Nous offrons de leur en donner quinze mille. Cette somme sera prise, comme de raison, sur tous les possesseurs des terres ; rien n’est plus juste. Notre petit pays est digne de votre attention, parce qu’il est très malheureux. Il ne le sera plus. M.  Laffichard [Joseph Laffichard à qui V* faisait mine d’attribuer son épître en l’honneur de Turgot Le Temps présent ], de plusieurs académies, me mande qu’il viendra danser avec nous dès qu’il apprendra l’effet de vos bontés.

 

                            Daignez agréer, Monseigneur, le respect et la reconnaissance du vieux malade de Ferney, aussi vieux que M. Laffichard.

 

 

                            V.

                            8è octobre 1775, à Ferney. »

 

 

 

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rh...



http://www.voltaire-integral.com/Html/10/37_Present.html...



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08/10/2009 | Lien permanent

Je vais vite parce que la vie est courte, et que j’ai bien des choses à faire

«  A Charles Augustin Ferriol, comte d’Argental et à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental

 

 

           O anges, sans vous faire languir d’avantage, voici la tragédie des coupe-jarrets [Octave ou Le triumvirat]. Elle n’est pas fade. Je ne crois pas que les belles dames goûtent beaucoup ce sujet. Mais comme on a imprimé au Louvres l’incomparable Triumvirat de l’inimitable Crébillon, j’ai cru que je pouvais faire quelque chose d’aussi mauvais sans prétendre aux honneurs du Louvre. Si vous croyez que votre peuple ait les mœurs assez fortes, assez anglaises pour soutenir ce spectacle digne en partie des Romains et de la Grève, vous vous donnerez le plaisir de le faire essayer sur le théâtre. Se no, no.

 

 

           Vous me direz : mais quelle rage de faire des tragédies en quinze jours ! Mes anges, je ne puis faire autrement. Il y avait un peintre élève de Raphaël qu’on appelait far presto et qui n’était pas un mauvais peintre.

 

 

           Je vais vite parce que la vie est courte, et que j’ai bien des choses à faire. Chacun travaille à sa façon, et on fait comme on peut. En tout cas vous aurez le plaisir de lire du neuf, cela vous amusera, et j’aime passionnément à vous amuser.

 

 

           Remarquez bien que tout est historique. Fulvie avait aimé Octave, témoin l’épigramme ordurière d’Auguste [citée par V* : « Quod futuit Glaphyram Antonius, hanc mihi poenam / Fulvia constituit, se quoque uti futuram… »]. Fulvie fut répudiée par Antoine. Sextus Pompée était un téméraire, il faisait des sacrifices à l’âme de son père Lucius César, proscrit, à qui on pardonna, était père de Julie.

 

 

           Antoine et Auguste étaient deux garnements, fort débauchés.

 

 

           Mes anges, j’ai vu votre chirurgien parmesan. C’est une bête. Mais il a dit que vous irez à Parme, que vous passerez par Ferney [d’Argental est ministre de Parme à Paris]. Je le voudrais. Quel jour pour moi ! que je mourrais content !

 

 

           Voltaire

           A Ferney 23è juillet 1763. »

 

 

 

 

Triumvirat ; histoire :

http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.cosmovis...

 

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Et moi, je vais vite parce que le château ouvre dans 2 minutes . A+...

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23/07/2009 | Lien permanent

on ose dire aujourd’hui bien des choses auxquelles on n’aurait osé penser il y a trente années

... L'inverse est vrai aussi !

 

 

« A Charles Bordes

27è octobre 1764 aux Délices 1

près de Genève

Puisque vous nous avez promis, monsieur, de nous confier votre comédie, vous tiendrez votre promesse. N’allez pas manquer de parole par excès de modestie. Il me paraît impossible qu’avec l’esprit que vous avez, vous n’ayez pas fait une très bonne pièce . J’ai vu de vous des choses charmantes dans plus d’un genre. Nous vous promettrons le secret, et nous remplirons, madame Denis et moi, toutes les conditions que vous nous imposerez.

Je vous assure sur mon honneur que le Dictionnaire philosophique est de plusieurs mains. L’article Apocalypse est de M. Abauzit, de Genève, vieillard de quatre-vingts ans, qui a un grand mérite et une science immense.

L’article Messie est du premier pasteur de Lausanne . Ce morceau me paraît savant et bien fait. Il était destiné pour l’Encyclopédie ; peut-être même l’y trouverons-nous imprimé.

Vous voyez qu’on ose dire aujourd’hui bien des choses auxquelles on n’aurait osé penser il y a trente années. Le marquis d’Argens vient d’imprimer à Berlin le discours de l’empereur Julien contre les Galiléens 2, discours à la vérité un peu faible, mais beaucoup plus faiblement réfuté par saint Cyrille. Des amis du genre humain font aujourd’hui des efforts de tous côtés pour inspirer aux hommes la tolérance, tandis qu’à Toulouse on roue un homme pour plaire à Dieu, qu’on brûle des juifs en Portugal, et qu’on persécute en France des philosophes 3.

Adieu, monsieur ; n’aurais-je jamais le plaisir de vous revoir ? Je vous avertis que, si vous ne venez point à Ferney, je me traînerai à Lyon avec toute ma famille. Je vous embrasse en philosophe, sans cérémonie et de bon cœur.

V.

Je ne peux écrire de ma main ; ma santé et mes yeux sont dans un état pitoyable. »

1 L'édition de Kehl donne un texte abrégé amalgamé avec celui de la lettre du 6 octobre 1764 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/11/25/c-etait-un-apprenti-pretre-qui-a-renonce-au-metier-et-qui-parait-assez-phil.html

2 Sur l'ouvrage de Julien, voir la lettre du 15 octobre 1764 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/12/01/il-n-y-en-ait-pas-un-qui-s-empresse-a-porter-au-moins-un-peu-d-eau-quand-il.html

La défense du christianisme de saint Cyrille d'Alexandrie s'appelle Contra Julianum ; voir : https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1988_num_66_1_6933_t1_0126_0000_3

3 Si la justice a en France la main très lourde malgré un certain nombre de réformes ou adoucissements dans la pratique, on ne peut pas dire qu'elle ait réellement persécuté les philosophes ; ceux-ci forment même un parti puissant et influent ; aucun autre pays d'Europe, à l'exception de l'Angleterre, n'est dans la pratique plus tolérant par rapport à la circulation des idées . Ce qui est vrai, c'est que la publication du Dictionnaire philosophique et sa diffusion dans certains milieux (jeunes officiers par exemple ) provoquent une vive réaction dont l'affaire La Barre sera la principale manifestation ( https://fr.vikidia.org/wiki/Affaire_du_chevalier_de_La_Ba... ).

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16/12/2019 | Lien permanent

c'est bien dommage qu'il faille tant de paroles pour dire si peu de choses

...  Ainsi en est-il pour gloser sur le confinement ou le déconfinement, les permissions d'ouvertures de commerces et les indemnisations et prêts et tutti quanti dans ce marécage qu'est l'épidémie du Covid-19 .

 

Mis en ligne le 17/11/2020 pour le 5/9/2015

 

 

« Au marquis Francesco Albergati Capacelli, senatore di Bologna

à Bologna

Aux Délices 5è septembre 1760 1

Je suis dans mon lit depuis quinze jours, monsieur . Vieillesse et maladie sont deux fort sottes choses pour un homme qui aime comme moi le travail et le plaisir . Il est vrai que pour du plaisir vous venez de m'en donner par votre traduction 2, et par votre bonne réponse à ce Caraccioli 3, mais je ne vous en donnerai guère ; et j'ai bien peur que la tragédie des chevaliers errants ne vous ennuie beaucoup ; elle a été confiée à un huguenot de Genève nommé Lefort, parent du fameux Lefort, qui a déniaisé les Russes ; ce Lefort et son compagnon Souchay ont adressé le petit paquet, en toile cirée, à leur correspondant de Milan, ils doivent vous en avoir donné avis .

À l'égard de mon insolent Mylord Shaftsbury, il doit vous être parvenu par les sieurs Bianchi et Balestrerio, banquiers dans la même ville de Milan, où la tragédie est aussi . Mais je vous avoue que je ne sais pas le nom du banquier de la tragédie ; c'est vous qui m'apprenez que c'est un Nadal et un Rigaut à qui Pierre Souchay de Genève a adressé un paquet à Turin pour vous .

Or, retenez bien, monsieur, que ce paquet envoyé par P. Souchay, compagnon de Lefort à Turin, est la tragédie elle-même, bonne ou mauvaise, qu'elle doit aller avec sa toile cirée de Turin à Milan et de Milan à vous . Retenez bien encore que les Milanais Bianchi et Balestrerio ont le Shaftsbury ; vous voilà au fait ; c'est bien dommage qu'il faille tant de paroles pour dire si peu de choses ; je défie la tragédie de vous ennuyer autant que ma lettre .

Venons à ce qui n'est point ennuyeux ; c'est votre traduction de Phèdre, c'est le plus grand honneur qu’ai jamais reçu Racine . Je remercie tendrement l'enfant de la nature Goldoni ; je remercie le signor Paradisi, mais c'est vous surtout, monsieur, que je remercie .

L'Algarotti a donc quitté Machiavel pour faire l'amour, il passe son temps entre les muses et les dames, et fait fort bien . Si le cher Goldoni m'honore d'une de ses pièces il me rendra la santé ; il faut qu'il fasse cette bonne œuvre . Au lieu de me faire donner l'extrême-onction, je fais répéter Alzire autour de mon lit, et nous allons ouvrir notre théâtre, dès que je serai debout ; nous n'avons pas de sénateurs Genevois qui jouent la comédie ; les pédants de Calvin n'approchent pas les sénateurs de Bologne ; je n'ai pu corrompre encore que la jeunesse ; je civilise autant que je peux les Allobroges . Les Genevois avant que je fusse leur voisin n'avaient pour divertissement que de mauvais sermons ; ils ne sont point nés pour les beaux-arts comme messieurs de Bologne ; Vous avez le génie et les saucissons, mais nos chers Genevois n'ont rien de tout cela ; ils ont besoin en fait de plaisir du compelle intrare 4. Adieu monsieur, je vous aime comme si je vous avais vu et entendu .

Recevez les respects de l'ermite

V. »

1 Une autre main a changé Bologna en Medicina sur le manuscrit original ; Les passages suivants sont omis dans toutes les éditions : « Caraccioli ; elle a été confiée […] Venons à ; A lieu de me faire donner l'extrême-onction, ; ils ont besoin en fait de plaisir du compelle intrave ; recevez […] V. »

2La Fedra, 1758 à Venise, traduction de Phèdre de Racine .

3 Apparemment une réponse par lettre à Louis-Antoine de Caraccioli .

4 Force les à entrer : Évangile de Luc, XIV, 23 .

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05/09/2015 | Lien permanent

lorsqu'il s'agit de faire du bien il est permis d'être imprudent

... Nos pompiers en sont de parfaits modèles, voir, entre autres sauvetages où ils* mettent leur vie en jeu :

https://www.lefigaro.fr/flash-actu/mulhouse-deux-pompiers...

Il faut quand même autant que possible n'être pas imprudent pour ne pas aggraver une situation dangereuse, c'est la base de l'instruction des pompiers :

https://www.soldatdufeu.fr/actus/41/sauvegarde-operationn...

* Je mets "ils" : comprendre tous les pompiers hommes ET femmes .

sauvetage!!!!! - pompier 59

Merci et honneur à vous !

 

 

« Au baron Frédéric Melchior von Grimm

[vers le 14 août 1765]1

Je n'avais pas manqué mon cher prophète, d’écrire à l'impératrice de Russie, car lorsqu'il s'agit de faire du bien il est permis d'être imprudent . Cette souveraine qui m'a daigné écrire une lettre aussi philosophique que charmante 2 vient de se signaler par deux actions dont aucune de nos dévotes n’est capable . Les philosophes vraiment français contribuent à sa réputation, et les Welches ne pourront la ternir .

Je suspends ma lettre pour aller entendre Mlle Clairon qui va jouer Electre dans la tragédie d'Oreste .

J'en viens, j'ai été dans le ciel pendant deux heures . Il y a eu bien des talents en France, il n'y en a aucun qui en son genre ait été poussé à cette perfection . Je suis hors de moi . Il est convenable, il est juste que Mlle Clairon ait des dégoûts, et que Fréron soit honoré et récompensé .

Ce qui vous étonnera c'est que cette sublime personne n'a été déparée par aucun acteur tant elle les animait tous . Je suis bien sûr qu'elle n'a jamais fait plus d'impression à Paris que dans ma masure allobroge où j'avais rassemblé environ cent cinquante personnes, la plupart dignes de l'entendre .

Malgré tous mes transports, Mlle Clairon ne me fait pas oublier Mme Calas : mon cœur est fait pour les grandes passions . Dans l'instant je reçois quelques signatures de souscripteurs . J'espère que cette entreprise ne sera pas infructueuse, et je doute que le nombre des estampes puisse suffire . Je suis aux pieds de M. de Carmontel ; il fait une action digne de ses crayons ; vous en faites une digne de votre cœur . Je présente mon respect à ma charmante philosophe que je n'oublierai jamais . Puissent tous les Welches devenir français ! Je vous embrasse avec la plus vive tendresse . »

1 Le destinataire se déduit du ton de la lettre et la date parce que c'est juste avant ou après le 14 août que Mlle Clairon joue Oreste : voir lettre du 12 août 1765 à d'Argental http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/11/23/le-petit-bonhomme-dont-vous-protegez-l-ouvrage-a-fait-absolument-tout-ce-qu.html

et lettre du 14 août 1765 à Jean-Robert Tronchin : htmlhttp://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/12/04/vous-n-avez-qu-a-prescrire-la-forme-et-vous-serez-obei.html

Une copie contemporaine sans nom de destinataire et seulement datée d'août existe .

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08/12/2020 | Lien permanent

Je suis bien aise de ne point parler en mon nom, il y a toujours quelque ridicule à parler de soi

... Qu'on se le dise, cher(e)s autobiographes de tout poil !

Je mets dans le même sac les logorrhéiques des réseaux dits so-ciaux (en réalité commer-ciaux ) .

Heureusement pour vous, le ridicule ne tue pas, en tout cas pas physiquement . Longue vie à vous dont les heurs et malheurs font rire et pleurer dans les chaumières .

 Image associée

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

6è juillet 1763 à Ferney 1

Mes divins anges sauront que je ne sais rien de la Gazette littéraire à laquelle ils s'intéressent ; il est toujours fort singulier qu'après les peines que je me suis données, les auteurs ne m'aient rien fait dire, et ne m'aient pas envoyé une de leurs gazettes : ne trouvez-vous pas cela fort encourageant ? Mes anges servire e non gradire e una costa per far morire 2.

Le président Hénault 3 m'a envoyé une préface anglaise en son honneur, qui est à la tête de la traduction de sa chronologie ; il ne me parle que de cela, et date de Versailles, et moi je ne lui parle point de la traduction anglaise de l'Histoire générale , je ne parle de cette histoire qu'à vous ; nous avons imaginé avec Cramer une tournure, pour que le parlement ne soit pas fâché, et nous vous enverrons incessamment le petit avertissement . Je suis bien aise de ne point parler en mon nom, il y a toujours quelque ridicule à parler de soi .

M. de Thibouville crie toujours après un cinquième acte, vraiment j'ai bien d'autre chose à faire, il faut attendre que l'inspiration vienne ; malheur à qui fait des vers quand il le veut, quiconque n'en fait pas malgré soit , en fait de mauvais .

Mes anges, je veux que vous vous amusiez de ma lettre à M. Hellot 4, elle est historique, et quand vous l'aurez lue, je vous supplie de la lui faire remettre . Toutes ces lettres me font perdre du temps, et vous savez que le temps perdu ne se retrouve jamais .

Permettez encore ce petit billet pour Lekain 5. Il vous apprendra que je suis le plus grand acteur qu'il y ait en Suisse . J'ai joué à l'âge de près de soixante-dix ans Gengis Khan avec un applaudissement universel . Nous avions parmi les spectateurs une espèce de Kalmouk, qui disait que je ressemblais à Gengis Kan comme deux gouttes d'eau, et que j'avais le geste tout à fait tartare, mais Mme Denis jouait encore mieux que moi, s'il est possible .

Je n'ai pas encore le moment de remercier la muse limonadière 6.

Respect et tendresse .

V. »

1 L'édition de Kehl, suivie par les autres, supprime le 4è paragraphe et remplace le dernier et la formule par un morceau emprunté à la lettre du 29 juillet 1763 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/06/correspondance-annee-1763-partie-24.html

2 Proverbe italien, enregistré par Gino Capponi dans Raccolta di proverbi toscani, 1891 ; servir sans agréer est pour faire mourir .

3 Des extraits de la lettre du 29 juin 1763 d'Hénault nous sont parvenus ; la traduction en question est A new chronological abridgment of the history of France, translated […] by M. [Thomas] Nugent […], 1762 .

4 Hellot avait adressé à V* , le 28 juin 1763, une longue lettre sur « la princesse veuve du czarevitz, fils de Pierre le Grand », « encore vivante » sous le nom de Mme de Madagne, « au village de Vitry, près Paris » ; la réponse de V* n'est pas connue .

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24/06/2018 | Lien permanent

pour les capucins, Votre Majesté a bien senti qu’il n’était pas en son pouvoir de les changer en hommes, depuis que sain

... Au XVIè et XVIIè siècle on disait : " « Si tu vas aux Amériques, confie ta femme à un Jésuite, et ton argent à un capucin, mais ne fait jamais le contraire ! » François d'Assise tes suiveurs ont été, et pour certains encore, sont de drôles de bougres .

 

 

«  À Catherine II, impératrice de Russie

[novembre 1765] 1

 

L’abeille est utile sans doute,
On la chérit, on la redoute,
Aux mortels elle fait du bien,
Son miel nourrit, sa cire éclaire ;
Mais, quand elle a le don de plaire,
Ce superflu ne gâte rien.

Minerve, propice à la terre,
Instruisit les grossiers humains,
Planta l’olivier de ses mains,
Et battit le dieu de la guerre.
Cependant elle disputa
La pomme due à la plus belle ;
Quelque temps Pâris hésita,
Mais Achille eût été pour elle.



Madame,

Que Votre Majesté impériale pardonne à ces mauvais vers . La reconnaissance n’est pas toujours éloquente . Si votre devise est une abeille 2, vous avez une terrible ruche ; c’est la plus grande qui soit au monde . Vous remplissez la terre de votre nom et de vos bienfaits. Les plus précieux pour moi sont les médailles qui vous représentent. Les traits de Votre Majesté me rappellent ceux de la princesse votre mère 3.

J’ai encore un autre bonheur, c’est que tous ceux qui ont été honorés des bontés de Votre Majesté sont mes amis ; je me tiens redevable de ce qu’elle a fait si généreusement pour les Diderot, les d’Alembert, et les Calas. Tous les gens de lettres de l’Europe doivent être à vos pieds.

C’est vous, madame, qui faites les miracles ; vous avez rendu Abraham Chaumeix tolérant 4, et s’il approche de Votre Majesté, il aura de l’esprit ; mais pour les capucins, Votre Majesté a bien senti qu’il n’était pas en son pouvoir de les changer en hommes, depuis que saint François les a changés en bêtes. Heureusement votre Académie va former des hommes qui n’auront pas affaire à saint François,

Je suis plus vieux, madame, que la ville où vous régnez, et que vous embellissez. J’ose même ajouter que je suis plus vieux que votre empire, en datant sa nouvelle fondation du créateur Pierre le Grand, dont vous perfectionnez l’ouvrage, Cependant je sens que je prendrais la liberté d’aller faire ma cour à cette étonnante abeille qui gouverne cette vaste ruche, si les maladies qui m’accablent me permettaient, à moi pauvre bourdon, de sortir de ma cellule.

Je me ferais présenter par M. le comte de Shouvalow et par madame sa femme, que j’ai eu l’honneur de posséder quelques jours dans mon petit ermitage. Votre Majesté impériale a été le sujet de nos entretiens, et jamais je n’ai tant éprouvé le chagrin de ne pouvoir voyager.

Oserais-je, madame, dire que je suis un peu fâché que vous vous appeliez Catherine ? les héroïnes d’autrefois ne prenaient point de nom de saintes . Homère, Virgile, auraient été bien embarrassés avec ces noms-là . Vous n’étiez pas faite pour le calendrier.

Mais, soit Junon, Minerve, ou Vénus, ou Cérès, qui s’ajustent bien mieux à la poésie en tout pays, je me mets aux pieds de Votre Majesté Impériale, avec reconnaissance et avec le plus profond respect.

Voltaire . »

1 Voltaire a porté sur la copie : « A l'impératrice de Russie 1765 » . La lettre a toujours été placée en septembre, mais comme elle répond à la lettre du 2 septembre 1765 de Catherine II, qui a dû parvenir fin octobre ou début novembre, et que l'impératrice y fit réponse le 9 décembre, on a la date proposée avec le plus de vraisemblance .Voir lettre du 5 novembre 1765 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/02/27/nous-sommes-tres-etonnes-d-un-cote-de-lire-des-productions-q-6300322.html

et du 6 novembre 1765 à Mme Du Deffand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/02/27/il-faut-bien-pourtant-que-les-francais-valent-quelque-chose-puisque-des-etr.html

2 Voir lettre de Catherine II du 11-22 août 1765 : « Ma devise est une abeille qui, volant de plante en plante, amasse son miel pour le porter dans sa ruche, et l’inscription en est l’Utile » : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1765/Lettre_6089

4 Voir lettre du 11-22 août 1765 de Catherine II .

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