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04/04/2010

Où est celui qui a l’âme assez forte et le coup d’œil assez juste pour oser

 http://www.dailymotion.com/video/x8eyz0_les-chiens-chanteurs-jingles-bels_music

 

dogattack.jpg
Et sans transition, quelques nouvelles du château de Volti .
Pâques = oeufs en chocolat et carrément "chasse" à l'oeuf . 5000 ont été largués par des lapins
volontaires de l'équipe de l'Office de tourisme de Ferney avant 10 h ce matin .
Plus de 1000 chasseurs se sont manifestés !
Il semblerait bien qu'un vol de sautterelles ou d'étourneaux soit comparable à leur efficacité !
Parallèlement, il y avait  Oeufs-Enigmes-Chocolat, jeu de piste avec petit questionnaire sympa sur
Voltaire et son château, pondu par l'équipe CMN ! Gros succès là aussi et il faudra voir plus grand
l'an prochain si cette opération est reconduite . Des petits lots de friandises distribués, je n'ai vu
que la couleur, et le sourire des gamins.
Pas de crise de foie, ni de foi, pour moi !
Par contre, avis de tempête sur le Saint-Siège ! Il faut assumer, messieurs !
 

 

 

 

« A Frédéric II, roi de Prusse

 

[vers le 5 avril 1767]

 

             Sire,

             Je ne sais plus quand les chiens qui se battent pour un os et à qui on donne cent coups de bâton, comme le dit très bien Votre Majesté, [dans le conte «  Les Deux Chiens et l’Homme » envoyé par Frédéric le 10 février à V*, qui l’a remercié le 3 mars] pourront aller demander un chenil dans vos Etats. Tous ces petits dogues là [les Genevois ; le 5 janvier 1767, V* écrit à Frédéric : « Le diable est déchainé dans Genève. Ceux qui voulaient se retirer à Clèves restent… »], accoutumés à japper sur leurs paliers, deviennent indécis de jour en jour. Je crois qu’il y a deux familles, qui partent incessamment mais je ne puis parler aux autres, la communication étant interdite par un cordon  de troupes dont on vante déjà les conquêtes. On nous a pris plus de douze pintes de lait et plus de quatre paires de pigeons. Si cela continue, la campagne sera extrêmement glorieuse. Ce ne sont pourtant pas les malheurs de la guerre qui me font regretter le temps que j’ai passé auprès de Votre Majesté. Je ne me consolerai jamais du malheur qui me fait achever ma vie loin de vous. Je suis heureux autant qu’on peut l’être dans ma situation, mais je suis loin du seul prince véritablement philosophe. Je sais fort bien qu’il y a beaucoup de souverains qui pensent comme vous, mais où est celui qui pourrait faire la préface de cette Histoire de l’Eglise [la préface de l’Abrégé de l’histoire ecclésiastique de Fleury… ; Frédéric avoua le 15 décembre 1766 qu’il était l’auteur de cette « terrible préface », puis qu’il est l’auteur de cet Abrégé …, traduit de l’anglais]? Où est celui qui a l’âme assez forte et le coup d’œil assez juste pour oser voir et dire qu’on peut très bien régner sans le lâche secours d’une secte ? Où est le prince assez instruit pour savoir que depuis dix-sept cents ans la secte chrétienne n’a jamais fait que du mal ? Vous avez vu sur cette matière bien des écrits auxquels il n’y a rien à répondre. Ils sont peut être un peu trop longs, ils se répètent  peut-être quelquefois les uns les autres. Je ne condamne pas toutes ces répétitions, ce sont les coups du marteau qui enfoncent le clou dont on perce la tête du fanatisme, mais il me semble qu’on pourrait faire un excellent recueil de tous ces livres, en élaguant quelques superfluités et en resserrant les preuves. Je me suis longtemps flatté qu’une petite colonie de gens savants et sages viendrait se consacrer dans vos Etats à éclairer le genre humain  [projet de colonie philosophique à Clèves notamment ; cf. lettre du 23 juillet 1766 à d’Alembert]. Mille obstacles à ce dessein s’accumulent tous les jours.

 

             Si j’étais moins vieux, si j’avais la santé, je quitterais sans regret le château que j’ai bâti et les arbres que j’ai plantés pour venir achever ma vie dans le pays de Clèves avec deux ou trois philosophes et pour consacrer mes derniers jours sous votre protection à l’impression de quelques livres utiles.

 

             Mais, Sire, ne pouvez-vous pas sans vous compromettre faire encourager quelque libraire de Berlin à les réimprimer tous et à les faire débiter dans l’Europe à un prix qui en rende la vente facile ? Ce serait un amusement pour Votre Majesté, et ceux qui travailleraient à cette bonne œuvre en seraient récompensés dans ce monde plus que dans l’autre.

 

             Comme j’allais continuer à vous demander cette grâce, je reçois la lettre dont Votre majesté m’honore du 24 mars. Elle a bien raison de dire que l’Infâme ne sera jamais détruite par les armes [le 24 mars Frédéric répond à la lettre du 3 mars de V* : « …l’impératrice de Russie… a été sollicitée par les dissidents de leur prêter son assistance et … elle a fait marcher des arguments munis de canons et de baïonnettes, pour convaincre les évêques polonais des droits que ces dissidents prétendent avoir. Il n’est point réservé aux armes de détruire l’Infâme, elle périra par le bras de la vérité et par la séduction de l’intérêt », puis il exposait son plan.], car il faudrait alors combattre une autre superstition qui ne serait reçue qu’en cas qu’elle fût plus abominable [le 13 septembre 1766, le roi avait écrit : « … si les philosophes fondaient un gouvernement … au bout d’un demi-siècle le peuple se forgerait des superstitions nouvelles … quelque absurdité l’emporterait sur le culte pur et simple de l’Etre suprême »]. Les armes peuvent détrôner un pape, déposséder un Electeur ecclésiastique, mais non pas détrôner l’imposture.

 

             Je ne conçois pas comment vous n’avez pas eu quelque bon évêché pour les frais de guerre par le dernier traité, mais je sens bien que vous ne détruirez la superstition christicole que par les armes de la raison.

 

             Votre idée de l’attaquer par les moines est d’un grand capitaine. Les moines une fois abolis, l’erreur est exposée au mépris universel. On écrit beaucoup en France sur cette matière, tout le monde en parle. Les bénédictins eux-mêmes ont été si honteux de porter une robe couverte d’opprobre qu’ils ont présenté une requête au roi de France pour être sécularisés [ceux qui demandaient à quitter l’ordre avaient été autorisés à le faire le 15 juin 1766]. Mais on n’a pas cru cette affaire assez mûre. On n’est pas assez hardi en France, et les dévots ont encore du crédit.

 

             Voici un petit imprimé qui m’est tombé sous la  main [première Anecdote sur Bélisaire]. Il n’est pas long, mais il dit beaucoup. Il faut attaquer le monstre par les oreilles comme à la gorge.

 

             J’ai chez moi un jeune homme nommé M. de La Harpe qui cultive les lettres avec succès. Il a fait une épître d’un moine au fondateur de la Trappe qui me parait excellente [Réponse d’un solitaire de la Trappe à la lettre de l’abbé de Rancé]. J’aurai l’honneur de l’envoyer à Votre Majesté par le premier ordinaire. Je ne crois pas qu’on le condamne à être disloqué et brûlé à petit feu comme cet infortuné qui est à Vezel et que je sais être un très bon sujet [d’Etallonde, (compagnon du chevalier de La Barre) brûlé en effigie et qui a pris le nom de Morival ; V* avait parlé de lui le 3 mars 176 et Frédéric lui répondit le 24 mars : « Après bien des peines j’ai déterré le malheureux .., il se trouve porte-enseigne à Wesel et j’ai écrit pour lui. »].Je remercie Votre Majesté, au nom de la raison et de la bienfaisance, de la protection qu’elle accorde à cette victime du fanatisme de nos druides.

 

             Les Scythes sont un ouvrage fort médiocre. Ce sont plutôt les petits cantons suisses et un marquis français que les Scythes et un prince persan. Thiriot aura l’honneur d’envoyer de Paris cette rhapsodie à Votre majesté.

 

             Je suis toujours très fâché de mourir hors de vos Etats. Que Votre Majesté daigne me conserver quelque souvenir pour ma consolation.

http://www.youtube.com/watch?v=wUY8izll0e8

 

 

 

03/04/2010

Je n’ai d’autre avis sur ces querelles que celui dont le roi sera

On croirait entendre certains politiciens au moment du mini-ridicule remaniement ministériel français récent . Ouf ! ont-ils pensé, la foudre est tombée ailleurs !

Moi, je dis dommage !

Dommage aussi que les cloches ( en bronze et aussi celles à deux pattes ) qui partent à Rome en reviennent avec des aneries débitées par des mîtrés décorés comme des sapins de Nöel : c'est un comble pour Pâques et ça n'incite pas à se convertir !

Je préfère, de loin, le résonnement au raisonnement qui lui, a conduit un soi-disant dignitaire à trouver l'Eglise (une, sainte catholique et tout le barda ) victime de mauvais jugements, quasiment du niveau antisémite !

Diable, où vas-tu te nicher ?

Sors de ces surplis dorés que je déteste ( seule consolation : leur réalisation donne un peu de travail à quelques ouvriers ; vous voyez bien que je n'ai pas mauvais fond ! ) !

cloche.JPG

Et même Beau Dommage ! :

http://www.tagtele.com/videos/voir/8573

Si Ginette ne vous convient pas, vous pouvez mettre Gaston , Nicolas ou Carla, qui vous voulez !

Un coup de blues :

http://www.youtube.com/watch?v=cJ6SGCOXCoo

 

 

« A Philippe-Antoine de Claris, marquis de Florian

 

3è avril 1767

 

             Mon cher grand écuyer [Florian avait apporté son soutien au projet de char de guerre  « assyrien » de V* en 1756-1757], parmi toutes mes détresses, il y en a une qui m’afflige infiniment et qui hâtera mon petit voyage à Montbéliard et ailleurs. Plusieurs personnes dans Paris accusent Tronchin d’avoir dit au roi qu’il n’était point mon ami et qu’il ne pouvait pas l’être, et d’en avoir donné une raison très ridicule, surtout dans la bouche d’un médecin.[V* écrira à nouveau à Florian le 3 avril : « J’aurais souhaité que Tronchin eût été plus médecin que politique, qu’il se fût moins occupé des tracasseries d’une ville qu’il a abandonnée… »]. Je le crois fort incapable d’une telle indignité et d’une telle extravagance. Ce qui a donné lieu à la calomnie, c’est que Tronchin a trop laissé voir, trop dit, trop répété que je prenais le parti des représentants [partisans de la démocratisation, qui présentaient souvent des « repésentations » au Conseil de Genève], en quoi il s’est bien trompé. Je ne prends assurément aucun parti dans les tracasseries de Genève, et vous avez bien dû vous en apercevoir par la petite plaisanterie intitulée La Guerre genevoise [La Guerre civile de Genève] qu’on a dû vous communiquer de ma part.

 

             Je n’ai d’autre avis sur ces querelles que celui dont le roi sera ; et il ne m’appartient pas d’avoir aucune opinion quand le roi a nommé des plénipotentiaires. Je dois attendre qu’ils aient prononcé et m’en rapporter entièrement au jugement de M. le duc de Choiseul.

 

             Voilà à peu près la vingtième niche qu’on me fait depuis trois mois dans mon désert.

 

             Votre cidre n’arrivera point et sera gâté. Il arrive la même chose à mon vin de Bourgogne. Vingt ballots envoyés de Paris avec toutes les formalités requises sont arrêtés, et Dieu sait quand ils pourront venir et dans quel état ils viendront. J’aurais bien assurément l’honnêteté de vous envoyer des Honnêtetés [les Honnêtetés littéraires], mais on est si malhonnête que je ne puis même vous procurer ce léger amusement.

 

             Je me souviens bien en effet d’avoir envoyé quelques mauvais vers au roi de Dannemarck [trois quatrains joints à la lettre du 4 février 1767, et commençant par : « Pourquoi généreux prince, âme tendre et sublime… »]; il faut qu’ils aient fait le voyage de Copenhagen à Paris, car assurément je n’en ai donné copie à personne, je n’en ai pas seulement gardé une [V* les fera paraître dans les Nouveaux mélanges , à Genève en 1768]. Ce sont des vers qui ne sont bons que pour les rois. Je ne sais si je vous ai mandé que je suis enchanté de la nouvelle calomnie répandue sur les Calas[f1] . Il est heureux que les dévots qui persécutent cette famille et moi soient reconnus pour des calomniateurs. Ils font du bien sans le savoir, ils servent la cause des Sirven. Je recommande bien cette cause à mon cher grand Turc [l’abbé Mignot, qui publiera une Histoire de l’empire ottoman, en 1771]. Il y a des gens qui disent qu’on pourrait bien la renvoyer au parlement de Paris. Je compte alors sur la candeur, sur le zèle, sur la justesse d’esprit de mon gros goutteux [d’Hornoy, fils de sa nièce  Mme de Fontaine-Florian] que j’embrasse de tout mon cœur, aussi bien que sa mère. Vivez tous sainement et gaiement, il n’y a que cela de bon.

 

             Nouvelles tracasseries encore de la part des commis [« les commis condamnés à restituer les cinquante louis d’or (au moment de l’affaire Lejeune, cf. lettres de janvier-février 1767) cherchent à les regagner par toutes les vexations de leur métier. »] et point de justice ; et je partirai, mais gardez-moi le secret ; car je crains la rumeur publique. Je vous embrasse tous bien tendrement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 [f1]V* écrivait à Elie de Beaumont le 30 mars qu’on avait répandu le bruit que « la servante de Mme Calas (Jeanne Viguière) venait) d’avouer par devant notaire, à l’article de la mort, que Mme Calas, son mari, un de ses fils et M. de Lavaysse, leur ami, avaient en effet étranglé Marc-Antoine Calas pour avoir eu quelque tentation d’entrer dans la communion romaine… » Mais « on a fait paraître cette servante qu’on disait morte. Les calomniateurs ont été confondus… »]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

http://www.youtube.com/watch?v=uG2H8jy10_Y&feature=re...

Et pourquoi pas , Amie chère à mon coeur ...

02/04/2010

ses organes ne se déploient que dans la passion

"le premier mérite d’un acteur est de se faire entendre." : celui d'un guide aussi.

Oyez ! Oyez ! braves gens, le château de Voltaire à Ferney-Voltaire (01210) ouvre ses portes jusqu'au 31 octobre 2010 .

Qu'on se le dise !

Comme Jean-PhilippeRameau, je bats le rappel :

 http://www.youtube.com/watch?v=_3nb29ACNJA&feature=re... : le rappel des oiseaux !

En fait dans le parc du château ce sont les oiseaux qui chantent leurs amours et je les crois de bon augure .

 

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental

Conseiller d’honneur du Parlement

rue de la Sourdière à Paris.

 

Aux Délices près de Genève

2 avril 1755

 

             Lekain est parti, mon cher ange, avec un petit paquet pour vous. Ce paquet contient les quatre derniers magots [4 dernier actes de L’Orphelin de la Chine], il vous sera aisé de juger du premier par les quatre ; je vous l’enverrai incessamment ; il n’y a plus que quelques ongles à terminer. Vous y trouverez encore quatre autres figures qui appartiennent à la chapelle de Jeanne [4 chants de La Pucelle annoncés le 6 février]; et je vous promets de temps en temps quelque petite cargaison dans ce goût, si Dieu me permet de travailler de mon métier.

 

             Lekain a été, je crois bien étonné : il a cru retrouver en moi le père d’Orosmane et de Zamor, et il n’a trouvé qu’un maçon, un charpentier et un jardinier ? Cela n’a pas empêché pourtant que nous n’ayons fait pleurer presque tout le Conseil de Genève ; la plupart de ces messieurs étaient venus à mes Délices, nous nous mîmes à jouer Zaïre pour interrompre le cercle ; je n’ai jamais vu verser plus de larmes ; jamais les calvinistes n’ont été si tendres [Ce même jour il écrit à Jean-Robert Tronchin : « Nous avons joué presque toute la pièce de Zaïre devant les Trochin et les syndics … Calvin ne se doutait pas que des catholiques feraient un jour pleurer des huguenots dans le territoire de Genève . Le fameux acteur Lekain … nous a bien aidés … Mme Denis a lu Zaïre à merveille, et j’ai fait le bonhomme Lusignan. »]. Nos Chinois ne sont pas  malheureusement dans ce goût ; on n’y pleurera guère, mais nous espérons que la pièce attachera beaucoup : nous l’avons jouée Lekain et moi [Lekain, parlant de ce séjour qu’il situe par erreur à Ferney, décrira la scène effroyable que lui a faite V* quand il a joué le rôle de Gengis devant lui ; il reconnaitra que c’est grâce à ses conseils qu’il eut un grand succès à Paris]; elle nous faisait un grand effet. Lekain réussira beaucoup dans le rôle de Gengis aux derniers actes, mais je doute que les premiers lui fassent honneur ; ce qui n’est que noble et fier, ce qui ne demande qu’une voix sonore et assurée, périt absolument dans sa bouche ; ses organes ne se déploient que dans la passion ; il doit avoir joué fort mal Catilina ; quand il s’agira de Gengis, je me flatte que vous voudrez bien le faire souvenir que le premier mérite d’un acteur est de se faire entendre.

 

             Vous voyez, mon cher et respectable ami, que malgré l’absence, vous me soutenez toujours dans mes goûts. Ma première passion sera toujours l’envie de vous plaire. Je ne vous écris point de ma main ; je suis un peu malade aujourd’hui, mais mon cœur vous écrit toujours. Je suis à vous pour jamais : madame Denis vous en dit autant. Mes tendres respects à toute la famille des anges.

 

01/04/2010

je me tue pour amuser ma foutue patrie,

Poisson-lune.jpg

Poisson d'avril !

http://www.youtube.com/watch?v=oQibquf180k

Je remercie Hautetfort qui me permet de faire paraitre le 1er avril une lettre écrite le 3 ! On entre dans la quatrième dimension je crois ...

De même je serai encore apte à vous faire lire des lettres écrites après ma mort (enfin ! c'est juste un exemple !  ;-)  )

 

 

« A Nicolas-Claude Thiriot

 

[vers le 1er avril 1733]

 

             J’ai donc achevé Adélaïde [Adélaïde du Guesclin, qui sera représentée au Théâtre français le 18 janvier 1734]; je refais Eriphyle et j’assemble des matériaux, pour ma grande Histoire du siècle de Louis XIV. Pendant tout ce temps, mon cher ami, que je m’épuise, que je me tue pour amuser ma foutue patrie, je suis entouré d’ennemis, de persécutions et de malheurs. Ce Temple du goût [paru le 15 mars 1733] a soulevé tous ceux que je n’ai pas assez loué à leur gré, et encore plus ceux que je n’ai point loué du tout ; on m’a critiqué, on s’est déchainé contre moi, on a tout envenimé. Joignez à cela le crime d’avoir fait imprimer cette bagatelle sans une permission scellée avec de la cire jaune, et la colère du ministère contre cet attentat, ajoutez-y les criailleries de la cour et la menace d’une lettre de cachet ; vous n’aurez avec cela qu’une faible idée de la douceur de mon état et de la protection qu’on donne aux belles-lettres. Je suis donc dans la nécessité de rebâtir un second temple [elle aura l’Approbation délivrée par le censeur Crébillon qui ne demande que peu de corrections, mais elle n’aura pas le privilège], et in triduo reedificavi illud [et en trois jours je l’ai rebâti ]. J’ai tâché dans ce second édifice d’ôter tout ce qui pouvait servir de prétexte à la fureur des sots, et à la malignité des mauvais plaisants, et d’embellir le tout par de nouveaux vers sur Lucrèce, sur Corneille, Racine, Molière, Despréaux, La Fontaine, Quinault, gens qui méritent bien assurément que l’on ne parle point d’eux en simple prose. J’y ai joint de nouvelles notes qui seront plus instructives que les premières et qui serviront de preuve au texte. Monsieur votre frère qui me tient ici lieu de vous et qui devient de jour en jour homme de lettres  vous enverra le tout bien conditionné et vous pourrez en régaler si vous voulez quelque libraire [en Angleterre où est Thiriot qui fait imprimer les Lettres ; cependant ce nouveau Temple du goût sera imprimé en Hollande chez Desbordes]. Je crois que l’ouvrage sera utile à la longue et pourra mettre les étrangers au fait des bons auteurs. Jusqu’à présent il n’y a personne qui ait pris la peine de les avertir que Voiture est un petit esprit et  Saint-Évremond un homme bien médiocre, etc.

 

             Cependant les Lettres en question [Letters concerning the English nation  ou Lettres anglaises, qui en France seront les Lettres philosophiques] peuvent paraître à Londres. Je vous fais tenir la Lettre sur les académies qui est la dernière. J’aurais ajouté de nouvelles Lettres, mais je n’ai qu’une tête, encore est-elle petite et faible ; et je ne peux en vérité faire tant de choses à la fois. Il ne convient pas que cet ouvrage paraisse donné par moi. Ce sont des lettres familières que je vous ai écrites, et que vous faites imprimer. Par conséquent, c’est à vous seul de mettre à la tête un avertissement qui instruise le public que mon ami Thiriot à qui j’ai écrit ces guenilles vers l’an 1728 les fait imprimer en 1733, et qu’il m’aime de tout son cœur.

 

             Tell my friend Fakener he should write me a word when he has sent his fleet to Turki [Fakener est devenu ambassadeur à Constantinople et doit à ce titre partir en Turquie par mer avec une escadre]. Make much of all who are so kind as to remember me. Get some money with my poor works, love me, and come back very soon after the publication of em. But Sallé will go over to you. At least come back with her. Farewell my dearest friend. [Dites à mon ami Fakener qu’il aurait pu m’écrire un mot quand il a envoyé sa flotte en Turquie. Dites mille choses à tous ceux qui sont assez gentils pour se souvenir de moi. Obtenez quelque argent de mes pauvres œuvres, aimez-moi, et revenez très vite après leur publication. Sallé ira vers vous. Au moins revenez avec elle. Adieu, mon très cher ami.]