11/04/2010
la disposition des esprits qu’on ne peut connaître que quand ils sont calmés.
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental
11è avril 1767
Je reçois deux lettres bien consolantes de M. d’Argental et de M. de Thibouville écrites du 2 avril [Les Scythes n’ont pas eu de succès à la première représentation le 26 mars, ce sera mieux à la 3ème et 4ème et dernière où il y eut 785 spectateurs]. Ma réponse est qu’on s’encourage à retoucher son tableau lorsqu’en général les connaisseurs sont contents ; mais qu’on est très découragé quand les faux connaisseurs et les cabales décrient l’ouvrage à tort et à travers. Alors on ne met de nouvelles touches que d’une main tremblante, et le pinceau tombe des mains.
Vous me faites bien du plaisir, mon cher ange, de me dire que Mlle Durancy a saisi enfin l’esprit de son rôle et qu’elle a très bien joué, mais je doute qu’elle ait pleuré, et c’était là l’essentiel. Mme de La Harpe pleure.
Je vais écrire à M. le maréchal de Richelieu, qui ne fait que rire de toutes les choses très essentielles pour les amateurs de beaux-arts, et je lui parlerai de Mlle Durancy comme je le dois[f1] . Mais vous avez à Paris M. le duc de Duras, qui a du goût et de la justice. Je suppose, mon cher ange, que vous avez raccommodé la sottise de Lacombe [le 30 mars, V* reprochait à Lacombe l’attribution , dans son catalogue, de la Lettre au docteur Pansophe (contre J-J. R.), qu’il a « toujours désavouée »]. Vous me demandez pourquoi j’ai choisi ce libraire : c’est qu’il avait rassemblé, il y a deux ans, avec beaucoup d’intelligence, beaucoup de choses éparses dans mes ouvrages, et qu’il en avait fait une espèce de Poétique [ la Poétique de M. de Voltaire, ou Observations recueillies de ses ouvrages, concernant la versification française (1766)] qui eut assez de succès.
Je ne savais pas qu’il fût lié avec Fréron. Il me semble qu’il en a agi comme les Suisses qui servaient tantôt la France et tantôt la maison d’Autriche. Enfin il me fallait un libraire, et j’ai préféré un homme d’esprit à un sot.
Il faut vous dire encore que lorsque je lui envoyai la pièce à imprimer, mon seul but était de faire connaître aux méchants, et à ceux qui écoutent les méchants, qu’un homme occupé d’une tragédie ne pouvait l’être de toutes les brochures qu’on m’attribuait. Vous savez bien que je voulais prouver mon alibi.[ce qu’il disait déjà le 20 novembre 1766 et le 16 février 1767]
A présent je suis un peu plus tranquille et un peu plus rassuré contre la rage des Velches, j’ai revu Les Scythes avec des yeux plus éclairés, et j’y ai fait des changements assez importants. Je crois que la meilleure façon de vous faire tenir toutes ces corrections éparses est de les rassembler dans le volume même ; j’y ferai mettre des cartons bien propres afin de ménager vos yeux.
J’attends l’édition de Lacombe pour vous renvoyer deux exemplaires que j’ai corrigés ; mais croirez-vous bien que je n’ai pas cette édition encore ? La communication interrompue entre Lyon et mon petit pays me prive de tous les secours. J’ai vingt ballots à Lyon qui ne m’arriveront probablement que dans trois mois. Je ne sais pas pourquoi je ris de la guerre de Genève,[dans La Guerre civile de Genève] car elle me gène infiniment et me rend l’habitation que j’ai bâtie bien insupportable.
Si je ne puis avoir l’édition de Lacombe, je me servirai de celle des Cramer, quoiqu’elle soit déjà chargée de corrections qui font peine à la vue.
Quand vous aurez la pièce en état, je vous demanderai en grâce qu’on la joue deux fois après Pâques en attendant Fontainebleau [ les Scythes ne seront pas repris ; V* le 25 mai, écrira à d’Argental pour noter « l’affront » et « l’injustice inouïe » et « l’ingratitude » de la part des Comédiens.]. Une fois même me suffirait pour juger enfin de la disposition des esprits qu’on ne peut connaître que quand ils sont calmés.
Peut-être le rôle d’Athamare n’est pas fait pour Lekain. Il faudrait un jeune homme beau, bien fait, passionné, pleurant tantôt d’attendrissement et tantôt de colère, n’ayant que des paroles de feu à la bouche, dans sa scène avec Obéide au troisième acte, point de lenteur, point de gestes compassés.
Il faudrait d’autres vieillards que Dauberval, il faudrait d’autres confidents ; mais le spectacle de Paris, le seul spectacle qui lui fasse honneur dans l’Europe, est tombé dans la plus honteuse décadence et je vous avoue que je ne crois pas qu’il se relève.
M. de La Harpe était le seul qui pût le soutenir. Le mauvais goût et les mauvaises intentions l’effraient. Il n’a rien, il n’a été que persécuté,[par l’échec de Gustave Vasa] il pourra bien renoncer au théâtre et passer dans les pays étrangers.
Vous me parlez des caricatures que vous avez de ma personne [« caricatures » que lui a demandées « une dame du Pont-l’Evêque, nommée Mme de Pouchin de Cicherèle » et qu’il lui a envoyées par d’Argental le 27 mars]. Je n’ai jamais eu l’impudence d’oser proposer à quelqu’un un présent si ridicule. Je ne ressemble point à Jean-Jacques, qui veut à toute force une statue [J.J. Rousseau écrit dans sa Lettre à M. de Beaumont : « … s’il existait en Europe un seul gouvernement vraiment éclairé … il eût rendu des honneurs publics à l’auteur d’Emile, il lui eût élevé des statues », et V* se moque de lui dans une lettre aux d’Argental du 25 avril 1763.]. Il s’est trouvé un sculpteur dans les rochers du Mont Jura [Rosset ; cf. lettre du 4 mai] qui s’est avisé de m'ébaucher de toutes les manières. Si vous m’ordonnez de vous envoyer une de ces figures de Callot, je vous obéirai.
Je vous assure que je suis très affligé de n’être sous vos yeux qu’en peinture.
Mlle de Saint-Val, comme je vous l’ai dit, me demande à jouer Olympie. Si elle a ce qu’on n’a plu au théâtre, c’est-à-dire des larmes : de tout mon cœur.
Vous trouvez qu’on peut faire un partage des autres pièces entre Mlle Dubois et Mlle Durancy. Votre volonté soit faite.
Je compte qu’une grande partie de cette lettre est pour M. de Thibouville aussi bien que pour mes anges. J’obéirai d’ailleurs aux ordres de M. de Thibouville à la première occasion que je trouverai.
Je me mets aux pieds de madame d’Argental. »
[f1]Le 25 avril , il écrira : « Mlle Durancy joue, dit-on … avec toute l’intelligence et tout l’art imaginable ; elle est faite pour remplacer Mlle Dumesnil, amis elle ne sait popint pleurer, et par conséquent ne fera jamais répandre de larmes ».
Le 27 mai : « J’avais vu chez moi Mlle Durancy … je lui avais trouvé du talent, elle me demanda le rôle d’Obéide, on dit qu’elle le joua très mal à la première représentation, mais qu’à la troisième et la quatrième elle fit un très grand effet. On me mande qu’elle joe avec beaucoup d’intelligence et de vérité, mais qu’elle n’est pas d’une figure agréable et qu’elle n’a pas le don des larmes. »
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10/04/2010
qu’ils terrassent leurs indignes ennemis
« A Jean Le Rond d’Alembert
Aux Délices 10 avril [1758]
Mon cher philosophe, il est bon d’être ferme, mais il ne faut pas être impitoyable. Ne résistez plus au cri du public, et au mémoire des libraires [ Mémoire des libraires associés à l’Encyclopédie, sur les motifs de la suspension actuelle de cet ouvrage (1758)] qui sont à vos genoux. Faites-vous tirer à quatre, et puis donnez grâce [V* est prêt dans ce cas à corriger les articles qu’il a redemandés et à les faire publier dans le VIIIème tome si Diderot prend la peine de l’en prier ! ]. Mais quand vous aurez repris les rênes empêchez les déclamations. Quelle pitié ! quels plats articles à côté des vôtres !
Mandez-moi, je vous prie, quel parti vous aurez pris. J’ai à vous remercier de vos deux volumes qu’un libraire de Lausanne m’a donnés à part [Deux volumes de Mélanges de littérature, d’histoire et de philosophie, de d’Alembert]. Ce sera l’ornement de mon petit muséum lausannois.
On dit qu’on vient de faire encore un libelle atroce contre Diderot. C’est une nouvelle raison pour que vous ne l’abandonniez pas pourvu qu’il soit entièrement uni à vous. Faudrait-il d’ailleurs que Duclos vous remplaçât ? et comment vous remplacerait-il ? Enfin mon avis est toujours que les Encyclopédistes et consorts soient inséparables, qu’ils quittent tous ensemble, et qu’ils reprennent tous ensemble, et qu’ils terrassent leurs indignes ennemis. »
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09/04/2010
C’est un méchant métier que celui de vouloir instruire les hommes.
http://www.youtube.com/watch?v=BMfSBohCrRc#
http://www.youtube.com/watch?v=MRHWptpxEJA&feature=related
http://www.youtube.com/watch?v=GSl-Y5D1ZAw&feature=related

"C’est un méchant métier que celui de vouloir instruire les hommes. Ceux qui les trompent et qui les volent sont plus adroits que nous. Ils sont mieux récompensés, et ni vous ni moi ne voudrions pourtant être à leur place."
S'il en était besoin, ces quelques lignes montrent à l'évidence la grande part de l'idéalisme de Volti face à un réalisme remarquable.
Persiste et signe !!
« A Jean-François Marmontel
de l’Académie française, Historiographe de France
à Paris.
8è avril 1777, à Ferney
L’accident qui m’est arrivé [« attaque d’apoplexie » le 13 mars], mon cher ami, ne m’a pas tellement affaibli que je n’aie été en état de faire le voyage du Mexique et du Pérou [lecture de Les Incas, ou la Destruction de l’empire du Pérou, de Marmontel]. Je l’ai fait dans votre beau vaisseau, et je ne saurais assez vous en témoigner ma reconnaissance. Mme Denis qui a partagé mon plaisir [le 7 avril, V* écrit à d’Argental : « J’espérais que ces Incas m’amuseraient beaucoup dans ma convalescence. Je vous avoue que j’ai été bien trompé. Il y a des sujets auxquels il ne faut rien changer. Le grand intérêt est dans le simple récit. Celui qui ajouterait des fictions aux batailles d’Arbèle et de Pharsale glacerait le lecteur au lieu de l’échauffer… » ! ], se joint à moi pour vous remercier.
Je n’entends point dire que la Sorbonne ait pris le parti du révérend père inquisiteur qui lut en latin cette bulle du pape à l’Inca Atabalipa, et qui fit pendre et brûler sur le champ notre Inca pour n’avoir pas entendu la langue latine. Mais j’apprends que messieurs du Châtelet soutiennent bien mieux notre sainte religion que messieurs les sorbonniqueurs. On me mande qu’ils ont condamné au bannissement perpétuel ce pauvre Delisle de Sales, auteur de six volumes sur la nature [la Philosophie de la nature, éditée la première fois en 1769, condamnée au feu en 1776, Le jugement fut exécuté le 21 mars 1777, alors que V* venait de recevoir la troisième édition ; cf. lettre à Condorcet du 28 février] dans lesquels il a mis tout ce qu’il n’a jamais lu. Cette abomination est révoltante ; elle est du quatorzième siècle. On prétend même que le parlement en est indigné, et qu’il va réformer la sentence du Châtelet.
Auriez-vous lu cette Philosophie de la nature ? Je vois que tout philosophe court de grands risques. C’est un méchant métier que celui de vouloir instruire les hommes. Ceux qui les trompent et qui les volent sont plus adroits que nous. Ils sont mieux récompensés, et ni vous ni moi ne voudrions pourtant être à leur place.
Adieu, mon cher confrère, mon cher ami. Je vous avoue que je suis fâché de mourir sans vous avoir revu. »
http://www.youtube.com/watch?v=0Wv3Ya9nskA
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08/04/2010
Les pastophores vont s’assembler et tout est à craindre
http://www.youtube.com/watch?v=FJuWSveLvnU

Ratons-laveurs qui ont de bonnes bouilles mais
qui n'ont pas malheureusement la capacité d'effacer nos erreurs, ou les avanies qu'on nous fait !
Le Raton -Volti a encore bien du souci pour lui et un de ses protégés .
Rassurez-vous, il va s'en tirer et encore faire du bien .
« A Jean Le Rond d’Alembert
et à
Marie-Jean-Antoine de Caritat, marquis de Condorcet
A Ferney ce 8è avril 1775
Raton à Messieurs Bertrands,
Raton a reçu la petite histoire de Jean-Vincent Antoine [« Un mémoire concernant Jean-Vincent-Antoine Ganganelli » = Clément XIV], et remercie Messieurs Bertrands.
Mais Raton est désespéré qu’on lui impute pour la troisième fois, depuis si peu de temps, des marrons qu’il n’a jamais tirés du feu, et qui peuvent causer de terribles indigestions.
La dernière aventure du chevalier de Morton et du comte de Tressan, est aussi ridicule que dangereuse. Il est bien indécent que ce chevalier de Morton veuille se cacher visiblement sous la fourrure du vieux Raton [Epître au comte de Tres … sur ces pestes publiques qu’on appelle philosophes par le chevalier de Morton (1775) : Michel de Cubières Palmezeaux ; V* soupçonne Condorcet d’en être l’auteur et lui reproche presque explicitement le 8 mai de le lui laisser attribuer]. Il est bien mal informé quand il parle des petits soupers d’Epicure-Stanislas, qui ne soupa jamais, et qui empêcha longtemps ses commensaux de souper [V* écrivit parfois des billets de réclamation en août 1749, à la cour de Stanislas, au sujet des repas].
Il est bien extraordinaire que le comte de Tressan ait attribué cette pièce à Raton, et lui ait répondu en conséquence avec des notes [le 22 mars V* en fait le reproche à Tressan (qui lui avait écrit, parlant de l’Epître et y répondant lui-même par une Epître à Voltaire) dans une lettre où il critique le fond et la forme de l’Epître].
Le grand Référendaire [Mirosmesnil, garde des sceaux ; V* écrira à d’Hornoy le 12 mai que Lepeletier de Saint-Fargeau, président de la Grand’chambre du parlement de Paris « s’est fâché » quand on lui a lu l’Epître au comte de Tres…], dont Raton a un besoin extrême dans le moment présent, doit réprouver cette brochure, et être très piqué contre l’auteur indiscret. Les pastophores vont s’assembler [assemblée du clergé qui va avoir lieu le 17 juillet], et tout est à craindre. Cette saillie très mal placée dans le temps où nous sommes, peut surtout faire un tort irréparable au jeune homme à qui messieurs Bertrands s’intéressent [d’Etallonde]. Raton est très affligé, et a grande raison de l’être.
On aurait bien dû empêcher M. de Tressan de faire une si dangereuse équipée. On est obligé de suspendre tout dans l’affaire de notre jeune ingénieur, devenu aide de camp du roi son maître [V* a demandé pour d’Etallonde des promotions et fait allusion en écrivant à Frédéric le 28 mars aux titres d’aide du camp et ingénieur du roi]; il faut se taire pendant quelque temps ; mais surtout il est absolument nécessaire de rendre justice à Raton, et de lui point imputer un ouvrage si mal conçu, si mal rimé, dans lequel il y a quelques beaux vers, à la vérité, mais qui sont absolument hors de saison, et qui ne peuvent que gâter des affaires très sérieuses [à Condorcet, V* dira le 21 avril qu’il « serait dangereux dans le moment présent de (lui) imputer un ouvrage dans lequel le roi de Prusse [dont il a obtenu la protection pour d’Etallonde] est comparé à Vanini »].
Raton prie instamment messieurs Bertrands de détourner un calice si amer ; ses vieilles pattes sont assez brûlées ; ils sont conjurés de ne pas faire brûler le reste de son maigre corps. Sa nièce est très mal, et lui aussi, il faut qu’il meure en paix. »
Pour rester dans le ton de ce dernier voeu : http://www.youtube.com/watch?v=o9nnGoLPlag
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07/04/2010
un homme dont le cœur vrai, tendre et désintéressé vous sera attaché pour jamais.
« A Jean-Jacques Amelot de Chaillou
A Paris 7 avril [1744]
Monseigneur,
Permettez qu’après vous avoir excédé en vers et en chiffre [cf. lettre du 5 juin 1743], je vous ennuie un peu en prose. Vous n’aurez pas le temps de lire cette seconde édition du catéchisme de Neuton [Eléments de la philosophie de Newton, publiés probablement en mars 1744], mais honorez-la du moins d’une place dans votre bibliothèque.
Si vous daignez vous souvenir de moi plus que de mes livres, j’ose espérer que vous voudrez bien parler au roi des extrêmement petits services que j’ai rendus de si bon cœur [« mission » diplomatique en Prusse en 1743], et du juste refus que je fais d’une maison meublée et de douze mille francs de pension que le roi de Prusse m’offre ; j’aime mieux vivre sous la protection de mon souverain, que d’aller chercher les faveurs des autres rois . Et je me flatte que cette façon de penser ne vous déplaira pas.
Si vous êtes curieux d’une des dernières lettres du roi de Prusse, vous trouverez souligné l’article où il me reproche de ne pas venir occuper ma maison de Berlin. Donnez-moi, Monseigneur, je vous en prie, la plus belle récompense de mes rigueurs avec ce monarque, en disposant favorablement l’esprit de mon roi pour un homme dont le cœur vrai, tendre et désintéressé vous sera attaché pour jamais.
Je suis avec bien du respect,
Monseigneur,
Votre très humble et très obéissant serviteur.
Voltaire.
Je vous supplie de me renvoyer à Cirey la lettre du roi de Prusse. »
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06/04/2010
en proie aux maladies et aux ouvriers
http://www.youtube.com/watch?v=0CEsyupYQwU
Surprise !
Elie Bertrand au XXIème siècle n'a plus guère de rapports avec celui qui correspondait avec Volti ! Ou est-ce une réincarnation pour des rapports percutants ?
En tout cas, c'est ce que j'ai découvert en cherchant des images "Elie Bertrand" ! Vive Google qui me permet d'élargir mes connaissances musicales !
Elie au XVIIIème : le voici : http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lie_Bertrand
Perso : Ma belle Amie, je sens qu'après avoir lu cette note vous ajouterez comme moi deux noms à la liste des voués aux enfers : Altmann et von May !
http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://idata.over-b...
« A Elie Bertrand
Pasteur de l’Eglise française
à Berne
Aux Délices près de Genève,
6 avril 1756
Me voilà toujours cloué à mes Délices, mon cher Monsieur, en proie aux maladies et aux ouvriers. Je travaille à me défaire de tout cela pour venir rendre mes hommages à Berne. J’y viendrai lire le catéchisme dont vous me parlez, car en vérité je me sens un peu de votre religion, je suis indulgent comme vous, j’aime Dieu et le genre humain, et je ne damne personne. Ce n’est pas que l’auteur de la lettre anonyme n’ait fait une action damnable ou tout au moins condamnable : ce n’est point du fanatisme tout pur, c’est une méchanceté réfléchie ; j’avoue avec vous que l’auteur est un fou, mais c’est un fou très dangereux. Il écrit une lettre de Lausanne contre les premiers ecclésiastiques et les premiers magistrats du pays ; il me dit dans cette lettre que ceux qui me font l’honneur de venir chez moi écrivent à Berne contre moi. Il envoie sa lettre cachetée à un de ses parents à Berne, et le prie de mettre le dessus de la lettre. Ce parent se prête innocemment à cette manœuvre dont il ne soupçonne pas la malignité. Ce sont de ces choses qu’on peut aisément savoir de M. Roberty, employé à la poste de Berne. Pour comble de perversité, ce brouillon a cacheté sa lettre d’un cachet surmonté de la lettre H, et a répandu lui-même dans Lausanne qu’un magistrat de Berne m’avait écrit une lettre de reproches. Mes amis m’ont conseillé d’écrire à M. de Haller, me flattant qu’il pourrait me mettre au fait de cette manœuvre dans laquelle on semblait abuser de son nom, et qu’il en serait indigné. On m’avait dit qu’il avait quelque intendance sur les postes, et c’est cette raison qui me détermina à prendre la liberté de m’adresser à lui. Je n’osai pas lui expliquer ce que la lettre anonyme contenait ; je me contentai de lui parler en général pour obtenir quelques éclaircissements [de fait, V* avait commencé par soupçonner de Haller qui critiquait depuis longtemps ses œuvres dans les Göttinger gelehrten Zeitungen (= Documents savants de Göttingen); aussi, il avait écrit perfidement à Haller en lui demandant de reconnaitre la paternité du conseil -(de ne pas s’en prendre à la religion d’un pays tranquille) qui était donné dans la lettre anonyme- pour pouvoir l’en remercier ! ]. Je suis actuellement tout éclairci ; je sais de quelle main ce trait infâme est parti [en réalité il ne le saura qu’en 1759 par une lettre de Haller, le coupable est un pasteur bernois, Altmann, qui dès avant l’arrivée de V* avait déclaré : « Nous ne voulons pas d’un homme qui est le rebut de toute la terre. »], et je suis persuadé que vos magistrats ne souffriraient point qu’un homme écrivit de Lausanne des calomnies contre les premiers de Lausanne et les envoyât par la poste de Berne, pour faire croire que sa lettre est écrite par quelqu’un de ses souverains. Cet abus de toutes les lois et ce manque de respect à ses maîtres n’est pas tolérable. Je vous supplie, Monsieur, de vouloir bien communiquer ma lettre à M. de Freudenreich et à M. de Haller. Je sais qu’il y a bien des tracasseries à Lausanne, mais je ne m’en mêle point. Je n’ai été qu’une seule fois dans cette ville. On m’a dit que de jeunes ministres n’ont pas pour leurs anciens toute la considération qu’ils leur doivent ; que quelquefois même ils prêchent les uns contre les autres [ces insinuations ont fait accuser V* par un ami de Haller, von May, de « mettre la combustion (au pays) … en mettant ses parasites aux mains avec le ministère (du culte). »] ; mais ce n’est pas à moi à prendre connaissance de ces petits scandales. Un malade doit se tenir au coin de son feu, et un étranger doit se taire.
Bonsoir, mon cher philosophe religieux et humain. Mille respects, je vous en prie à M. le baron de Freidenreck et à M. le baron de Haller.

Juste pour nous souvenir que l'abstention n'est pas si facile dans certains pays !
Personnellement je n'arrive toujours pas à choisir entre deux mauvaises choses, aussi je choisis de m'abstenir ! Honte à moi de choisir ce type d'opposition, peut-être ...
20:08 | Lien permanent | Commentaires (0)
05/04/2010
je suis indigné contre ceux qui m’attribuent tant de belles choses
http://www.youtube.com/watch?v=FZIoarxXqmA
http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://farm4.static...
http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Juste_de_Beauvau-Craon

« A Charles-Just de Beauvau, prince de Beauvau-Craon
A Ferney 5è avril 1771
Je me jette aux pieds de mon très respectable confrère [qui vient d’être élu à l’Académie] qui veut bien m’appeler de ce nom, comme un chêne est le confrère d’un roseau. Le roseau en levant sa petite tête dit très humblement au chêne : « Ceux de Dodone n’ont jamais mieux parlé. » Il est vrai, illustre chêne, que vous n’avez point prédit l’avenir, mais vous avez raconté le passé avec une noblesse, une décence, une finesse, un art admirable [dans le discours de réception à l’Académie].
En parlant de ce que le roi a fait de grand et d’utile, vous avez trouvé le secret de faire l’éloge d’un ministre votre ami [Choiseul, qui vient de tomber en disgrâce], dont les soins ont rendu le Comtat d’Avignon à la couronne, subjugué et policé la Corse, rétabli la discipline militaire, et assuré la paix à la France. Vous avez sacrifié à l’amitié et à la vérité. Je n’ai que deux jours à vivre, mais j’emploierai ces deux jours à aimer et à révérer un grand ministre qui m’a comblé de bontés, et le roi approuvera ma reconnaissance.
Je ne me mêle pas assurément des affaires d’Etat ; ce n’est pas le partage des roseaux ; j’applaudis comme vous l’érection des six conseils, à la justice rendue gratuitement, aux frais de justice dont les seigneurs des terres sont délivrés [réforme de Maupéou]; mais je n’écris point sur ces objets ; j’en suis bien loin ; et je suis indigné contre ceux qui m’attribuent tant de belles choses [en 1771, il a pourtant écrit l’Avis important d’un gentilhomme à toute la noblesse du royaume (en janvier), le Fragment d’une lettre écrite de Genève le 19 mars 1771 par un bourgeois de cette ville, à un bourgeois de L***, la Lettre d’un jeune abbé, la Réponse aux remontrances de la cour des Aides, les Sentiments des six conseils établis par le roi et de tous les bons citoyens, les Très humbles et très respectueuses remontrances du grenier à sel].
Il y a, entre autres écrits, un Avis important à la noblesse de France [dont il est bien l’auteur], dont la moitié est prise mot pour mot d’un petit livre d’un jésuite, intitulé Tout se dira [Tout se dira, ou l’esprit des magistrats destructeurs (1763) de André Christophe Balbany]; et on a l’injustice et l’ignorance de m’imputer cette feuille qui n’est qu’un réchauffé. Qu’on m’impute Barmécide [Epître à la duchesse de Choiseul, après la disgrâce de son mari : Benaldaki à Caramoufle, femme de Giafar le Barmécide], voilà mon ouvrage ; je le réciterai au roi.
Mais dans ma vieillesse et dans ma retraite, je ne peux que rendre justice obscurément et sans bruit au mérite. C’est ainsi que ce pauvre roseau cassé en use avec le beau chêne verdoyant ; auquel il présente son profond respect.
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