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15/08/2010

qui méprise les grands peut bien mépriser les sots

Des sots gentils :

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Du mépris à la méprise, de la méprise au mépris ...

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Mépris , Le Mépris : assez emphatique !

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« A Nicolas-Claude Thiriot

[Monsieur Thiriot l'aîné

rue des Prouvères à Paris]

A Londres 4 août v.s. [15 n.s.] 1728



Voici qui vous surprendra, mon cher Thiriot, c'est une lettre en français. Il me paraît que vous n'aimez pas assez la langue anglaise pour que je continue mon chiffre avec vous. Recevez donc en langue vulgaire les tendres assurances de ma constante amitié. Je suis bien aise d'ailleurs de vous dire intelligiblement que si on a fait en France des recherches de La Henriade chez les libraires ce n'a été qu'à ma sollicitation ; j'écrivis il y a quelque temps à M. le garde des Sceaux et à M. le lieutenant de police de Paris pour les supplier de supprimer les éditions étrangères de mon livre [i], et surtout celles où l'on trouverait cette misérable critique dont vous me parlez dans vos lettres [ii]. L'auteur est un réfugié connu à Londres, et qui ne se cache point de l'avoir écrite. Il n'y a que Paris au monde où l'on puisse me soupçonner de cette guenille. Mais odi profanum vulgus et arceo [iii], et les sots jugements et les folles opinions du vulgaire ne rendront point malheureux un homme qui a appris à supporter des malheurs réels, et qui méprise les grands peut bien mépriser les sots. Je suis dans la résolution de faire incessamment une édition correcte du poème auquel je travaille toujours dans ma retraite. J'aurais voulu, mon cher Thiriot, que vous eussiez pu vous en charger pour votre avantage et pour mon honneur [iv]. Je joindrai à cette édition un essai sur la poésie épique qui ne sera point la traduction d'un embryon anglais mal formé [v] mais un ouvrage complet et très curieux pour ceux qui quoique nés en France veulent avoir une idée du goût des autres nations. Vous me mandez que des dévots gens de mauvaise foi ou de très peu de sens ont trouvé à redire que j'aie osé, dans un poème qui n'est point un colifichet de roman, peindre Dieu comme un être plein de bonté et indulgent aux sottise de l'espèce humaine. Ces faquins-là feront tant qu'il leur plaira de Dieu un tyran, je ne le regarderai pas moins comme un être aussi bon et aussi sage que ces messieurs sont sots et méchants.



Je me flatte que vous êtes pour le présent avec votre frère. Je ne crois pas que vous suiviez le commerce comme lui. Mais si vous le pouviez faire j'en serais fort aise car il vaut mieux être maître d'une boutique que dépendant d'une grande maison. Instruisez-moi un peu de l'état de vos affaires et écrivez moi, je vous en prie, plus souvent que je ne vous écris. Je vis dans une retraite dont je n'ai rien à vous mander au lieu que vous êtes dans Paris où vous voyez tous les jours des folies nouvelles qui peuvent encore réjouir votre pauvre ami assez malheureux pour n'en plus faire.



Je voudrais bien savoir où est Mme Berniè[res] et ce que fait le chevalier anglais des Alleurs [vi]. Mais surtout parlez-moi de vous à qui je m'intéresserai toute ma vie avec toute la tendresse d'un homme qui n'a rien de mieux à faire au monde qu'à vous aimer.[vii] »


i Le 2 mai, en anglais, à Thiriot : « … il faut que vous alliez chez M. Hérault, le lieutenant de police ; je lui ai déjà envoyé un exemplaire de La Henriade, en le priant instamment de faire saisir tous ceux qui pourraient se glisser en France avant que j'aie reçu du gouvernement la permission de publier ce livre... » ; Thiriot doit aussi « implorer » l'appui de Hérault contre l'édition « pirate » entreprise en France.

 

ii La critique de Faget ; cf. lettre au Daily Post du 31 mars.

 

iii = Je hais la foule profane et la tiens à l'écart.

 

iv Le 2 mai, à Thiriot , il demande de s'entendre avec un libraire français réputé si une permission était accordée : « il faut que le libraire fasse deux éditions, l'une in-quarto pour mon propre compte, et une autre in-octavo à votre profit. » Thiriot se déroba.

 

v Effectivement, il ne fera pas une simple traduction de l'Essay ; cf. lettre à Swift du 25 décembre 1727.

 

vi A des Alleurs, en anglais, en avril : « Vous qui êtes un parfait Britannique, vous devriez passer la manche et venir nous trouver. Je vous assure de nouveau qu'un homme de votre caractère ne serait pas mécontent d'un pays où chacun n'obéit qu'aux lois et à sa fantaisie. »

 

vii Dernière lettre d'Angleterre connue (1990) ; V* aurait eu quelques fâcheuses affaires à la fin de son séjour et serait parti en octobre-novembre, furieux contre les Anglais selon Lord Peterborough.

14/08/2010

Il y a un empereur, un jardinier, un colonel, un lieutenant d'infanterie, un soldat, des prêtres païens et une petite fille tout à fait aimable.

Possédé , possédés de toute sorte :

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Allons, pour vous mettre dans l'ambiance des hauts lieux où la possession est religion, à écouter avec son gri-gri autour du cou (pour ceux qui ont les moyens, une rivière de diamants ou une chaine de platine ; pour les autres, les mains de votre chéri(e), ce qui est diantrement plus  efficace pour les retours d'affection !):

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental


14 auguste 1768


J'ai reçu une lettre véritablement angélique du 4 auguste, que les Welches appellent août. Mais voici bien une autre facétie. Il vint chez moi le 1er auguste un jeune homme fort maigre [i], et qui avait quelque feu dans deux yeux noirs. Il me dit qu'il était possédé du diable ; que plusieurs personnes de sa connaissance en avaient été possédées aussi ; qu'elles avaient mis sur le théâtre les Américains, les Chinois, les Scythes, les Illinois, les Suisses [ii], et qu'on y voulait mettre les Guèbres. Il me demanda un profond secret ; je lui dis que je n'en parlerais qu'à vous, et vous jugez bien qu'il y consentit.


Je fus tout étonné qu'au bout de douze jours, le jeune possédé m'apportât son ouvrage. Je vous avoue qu'il m'a fait verser des larmes, mais aussi il m'a fait craindre la police. Je serais très fâché, pour l'édification publique, que la pièce ne fût pas représentée [iii]. Elle est dans un goût tout à fait nouveau, quoiqu'on semble avoir épuisé les nouveautés.


Il y a un empereur, un jardinier, un colonel, un lieutenant d'infanterie, un soldat, des prêtres païens et une petite fille tout à fait aimable.


J'ai dit au jeune homme avec naïveté que je trouvais sa pièce fort supérieure à Alzire, qu'il y a plus d'intérêt et plus d'intrigue ; mais [que] je tremble pour les allusions, pour les belles allégories, que font toujours messieurs du parterre ; qu'il se trouvera quelque plaisant qui prendra les prêtres païens pour des jésuites ou pour des inquisiteurs d'Espagne ; que c'est une affaire fort délicate et qui demandera toute la bonté, toute la dextérité de mes anges.


Le possédé m'a répondu qu'il s'en rapportait entièrement à eux ; qu'il allait faire copier sa pièce qu'il intitule Tragédie plus que bourgeoise [iv] ; que si on ne peut pas la faire massacrer par les comédiens de Paris, il la fera massacrer par quelque libraire de Genève . Il est fou de sa pièce, parce qu'elle ne ressemble à rien du tout, dans un temps où toutes les pièces se ressemblent. J'ai tâché de le calmer ; je lui ai dit qu'étant malade comme il est, il se tue avec ses Guèbres ; qu'il fallait plutôt y mettre douze mois que douze jours. Je lui ai conseillé des bouillons rafraichissants.


Quoi qu'il en soit, je vous enverrai ces Guèbres par M. l'abbé Arnaud, à moins que vous ne me donniez une autre adresse.


Une autre fois, mon cher ange, je vous parlerai de Ferney [v]; c'est une bagatelle ; et je ne ferai sur cela que ce que mes anges et Mme Denis voudront. Si Mme Denis est encore à Paris quand les Guèbres arriveront, je vous prierai de la mettre dans le secret.



Bon ! Ne voilà-t-il pas mon endiablé qui m'apporte sa pièce brochée et copiée ! Je l'envoie à M. l'abbé Arnaud avec une sous-enveloppe . S'il arrivait un malheur, les anges pourraient se servir de toute leur autorité pour avoir leur paquet.



Si ce paquet arrive à bon port, je les aurai du moins amusés pendant une heure ; et en vérité c'est beaucoup par le temps qui court.


V. »


 

iV* lui-même, auteur de Les Guèbres.

http://www.voltaire-integral.com/Html/06/07GUEBRE.htm#a1

ii = Alzire, = L'Orphelin de la Chine, = Les Scythes de V* ; = Hirza ou les Illinois de Billardon, = Guillaume Tell de Lemierre.

iii Elle ne le fût pas ; seulement imprimée en 1769.

http://books.google.be/books?id=-xY7AAAAcAAJ&pg=RA2-P...

iv A Mme Denis, il proposera le 17 décembre « pour prévenir toutes les chicanes … d ne point intituler la pièce Les Guèbres, mais si l'on veut, Les Deux Frères, ou Les Deux Officiers, tragédie dont la p^lupart des acteurs sont de simples citoyens, dans le goût des tagédies bourgeoises. »

v V* seul à Ferney songe à vendre son domaine.

Voudriez-vous ravir aux particuliers le droit de se défendre?

 

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Et la vérité dans tout ça ?

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Vérité d'ici, vérité d'ailleurs :

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Vérité, mais d'où viens-tu?

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Qui es-tu ?

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"Trop petit pour ne pas me défendre " : c'est vrai , à appliquer chaque jour .

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha


14è auguste 1767, à Ferney


Madame,


Je suis pénétré jusqu'au fond du cœur des lettres dont votre Altesse Sérénissime m'honore. Vos bontés devraient sans doute bannir de mon esprit toute idée d'un La Beaumelle [i]. S'il n'était question que de moi, je n'y penserais pas, mais daignez songer, Madame, que je dois répondre au tribunal de l'Europe des vérités que j'ai dites dans le Siècle de Louis XIV, siècle heureux où toute la branche Ernestine dont vous êtes aujourd'hui l'ornement était la meilleure alliée de la France. Je trahirais lâchement mon devoir si je laissais subsister les calomnies que La Beaumelle réimprime contre presque tous ceux qui ont illustré ce beau siècle. Je sais que Votre Altesse Sérénissime est trop instruite et trop juste pour se laisser séduire par ces impostures, mais combien de lecteurs, Madame, ne sont ni justes ni éclairés! Considérez, Madame, qu'il n'y a pas une seule cour qui ne s'empresse de réfuter dans les papiers publics les mensonges des gazettes. Ces combats durent quelquefois des mois entiers. Voudriez-vous ravir aux particuliers le droit de se défendre? Non, sans doute, et ce n'est pas même comme simple particulier que je dois agir, mais comme un homme qui a été chargé de la cause publique. Je dirais plus encore. Votre Altesse Sérénissime sait avec quelle insolence La Beaumelle a parlé de votre auguste maison [ii]. Voudriez-vous que je l'oubliasse, parce que vous lui pardonnez ? Je ne le puis, Madame. La vérité ne pardonne point, mais elle ne punit qu'en se montrant. C'est par sa lumière qu'elle confond ceux qui veulent l'obscurcir. Les princes auxquels ce misérable a jeté de la boue feront ce que leur grandeur et leur clémence pourront leur dicter, mais pour moi, je suis trop petit pour ne pas me défendre.



La reconnaissance que je dois à toutes vos bontés, Madame, est le sentiment le plus profond qui m'occupe. Vous êtes ma protectrice et ma consolation. Je suis également dévoué à la vérité et à Votre Altesse Sérénissime avec le plus profond respect, et la plus vive reconnaissance.



Votre vieux suisse. »


iLe 24 juillet, après « avoir prié et conjuré (V* qui a pris à témoin le duc et la duchesse) les mains jointes … qu'il ne soit plus question du duc et d'(elle) dans toute cette affaire », le 10 août la duchesse le « conjurait » « d'abandonner et l'affaire et le procès et le pauvre aventurier à leur triste sort », de ne plus se « chamailler avec un extravagant ...»


ii Dans Mes Pensées ; cf. lettre du 3 août à Lavaysse.



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pour une heure de vérité, il faut se remuer le popotin et les méninges ! Non ?

13/08/2010

elle ne peut réussir que par votre art, très peu connu, de faire valoir le médiocre, et d'escamoter le mauvais par un mot heureusement substitué à un autre

 

Shakespeare in love, certainement pas inspiré par Volti ; je choisis cet extrait musical "Fight" (Combat, ce qui correspond au ton de la lettre)et qui est suivi du Jeu et du Mariage (comme qui dirait la réconciliation sur l'oreiller !)

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Et comme il est question de bordel :

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Cru, ce qu'exprime cette demoiselle  ?

Oui ! Assumons ! Vous qui n'aimez pas à moitié, vous qui n'aimez pas le tiède, je vous recommande sa fréquentation.

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert


13 d'auguste [1776]


Je sens bien, mon cher ami, que je n'ai pas assez travaillé ma déclaration de guerre à l'Angleterre [i]; elle ne peut réussir que par votre art, très peu connu, de faire valoir le médiocre, et d'escamoter le mauvais par un mot heureusement substitué à un autre, par une phrase heureusement accourcie, par une expression sous-entendue, enfin par tous les secrets que vous avez [ii].


Tout le plaisant de l'affaire consiste assurément dans le contraste des morceaux admirables de Corneille et de Racine, avec les termes du bordel et de la halle que le divin Shakespeare met continuellement dans la bouche de ses héros et de ses héroïnes . Je suis toujours persuadé que quand vous avertirez l'Académie qu'on ne peut pas prononcer au Louvre ce que Shakespeare prononçait si familièrement devant la reine Élisabeth, l'auditeur qui vous aura bon gré de votre retenue laissera aller son imagination beaucoup au-delà des infamies anglaises qui resteront sur le bout de votre langue.


Le grand point, mon cher philosophe, est d'inspirer à la nation le dégoût et l'horreur qu'elle doit avoir pour Gilles Le Tourneur, préconiseur de Gilles Shakespeare, de retirer nos jeunes gens de l'abominable bourbier où ils se précipitent,[iii] de conserver un peu de notre honneur, s'il nous en reste. Je remets tout entre vos mains. Soyez aujourd'hui mon Raton [iv]; coupez, taillez, rognez, surtout effacez. Mais je vous conjure de laisser subsister mon invocation à la reine et à nos princesses. Il faut les engager à prendre notre parti. Je dois surtout prendre la reine pour ma protectrice, puisqu'elle a daigné renoncer à Lekain, pendant un mois en ma faveur [v]. Elle aime le théâtre tragique ; elle distingue le bon du mauvais, comme si elle mangeait du beurre et du miel [vi]; elle sera le soutien du bon goût.


Je vous prierai de me renvoyer la diatribe, quand vous aurez daigné la lire et l'embellir. J'y retravaillerai encore ; j'ai des matériaux, et je vous la renverrai par M. de Vaines. Je crois que c'est au libraire de l'Académie d'imprimer ce petit morceau. Il augmentera le nombre de mes ennemis ; mais je dois mourir en combattant, quand vous êtes mon général. »

 


iLa Lettre … à l'Académie française … par laquelle il répond à l'éloge qu'a fait Le Tourneur de Shakespeare au détriment des auteurs français, et qu'il vient d'envoyer à d'Alembert pour obtenir l'aval de l'Académie ; cf. lettres de 19 et 30 juillet à d'Argental.

ii Le 4 août, d'Alembert a demandé, au nom de l'Académie, quelques modifications avant la lecture publique du 25 : « … il est nécessaire de taire le nom du traducteur … il serait nécessaire … de retrancher dans les citations de Shakespeare quelques traits un peu trop libres pour être hasardés dans une pareille lecture. » Pour gagner du temps il proposa de se charger des « retranchements ».

iii Cf. lettre du 30 juillet à d'Argental.

 

iv Raton = V* et d'Alembert = Bernard ; cf lettres à d'Alembert des 1, 4 et 15 janvier 1773.

vPour que Lekain vienne jouer à Ferney et à Genève ; cf. lettre du 24 juin à d'Argental.

vi Citation d'Isaïe.

C'est une terrible tâche que d'être obligé d'avoir toujours raison dans quatorze tomes

A tort ou à raison :

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C'est une bonne raison, la seule, qui est de la perdre :

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Volti a raison, Darwin aussi :

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Allons, une Raison de Plus , sur la Rumeur , ce qui va pas trop mal avec cette lettre :

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« A Bernard-Louis Chauvelin

Aux Délices 13 aoust [1762]



Vous connaissez donc aussi , Monsieur, le prix de la santé par les maladies ! vous avez donc souffert comme moi ? Il y a quelque cinquante ans que je fais le métier [i] et je n'y suis pas encore entièrement accoutumé. Je vous crois bien persuadé que les rois et les représentants des rois [ii] n'ont rien de mieux à faire qu'à se bien porter. On parle d'une colique violente qui a délivré Pierre Ulric du petit désagrément d'avoir perdu un empire de deux mille lieues [iii]. Il ne manquera plus qu'un Ninias à votre Sémiramis pour rendre la ressemblance parfaite [iv]. J'avoue que je crains d'avoir le cœur assez corrompu pour n'être pas aussi scandalisé de cette scène qu'un bon chrétien devrait l'être. Il peut résulter un très grand bien de ce petit mal. La providence est comme étaient autrefois les jésuites. Elle se sert de tout . Et d'ailleurs quand un ivrogne meurt de la colique, cela nous apprend à être sobres.



Si vous n'avez pas les mémoires des Calas [v], ordonnez par quelle voie vous voulez qu'on vous en adresse. Cette aventure est bien mince en comparaison de tout ce qui se passe chez les grands de la terre, mais enfin c'est quelque chose qu'un vieillard, qu'un père de famille accusé d'avoir pendu son fils par dévotion et roué sans aucune preuve. Tantum religio potuit suadere malorum [vi]. Voici, en attendant, deux petites relations qui pourront vous amuser quelques moments. Elles supposent des mémoires précédents. Mais ces mémoires enfleraient trop le paquet.



La tragédie des Calas, et celle qui se joue depuis Pétersbourg jusqu'en Portugal ne m'ont pas fait abandonner la famille d'Alexandre [vii]. Je n'ai pas cru devoir laisser imparfait un ouvrage sur lequel vous avez daigné m'honorer de vos conseils. Vous m'avez rendu chère cette pièce à laquelle vous avez bien voulu vous intéresser. Si jamais il vous prend envie de la relire, vous n'avez qu'à commander.



Pierre Corneille m'occupe encore plus que Pierre Ulric. C'est une terrible tâche que d'être obligé d'avoir toujours raison dans quatorze tomes.



Il faut donc renoncer à l'espérance de voir Vos Excellences dans nos jolis déserts. Cependant le théâtre est tout prêt et quand madame l'ambassadrice voudra faire pleurer les Allobroges, il ne tiendra qu'à elle [viii]. Il faudra que mademoiselle votre fille joue dans Athalie et moi si l'on veut je ferai le confident de Mathan, qui ne sert ni Baal ni le dieu d'Israël [ix]. Ma piété en sera effarouchée mais il faut se faire tout à tous [x].



Que Votre Excellence me conserve ses bontés. J'en dis autant à madame l'ambassadrice à qui ma nièce présente la même requête. »

 

i De malade !

ii Chauvelin est ambassadeur à Turin.

iii Pierre III, tsar, a été retrouvé mort le 17 juillet après avoir été détrôné par sa femme le 9 juillet ; elle sera Catherine II. Elle est soupçonnée de l'avoir fait assassiner et publie un manifeste où elle attribue la mort de son mari aux hémorroïdes et à des coliques.

iv Selon une légende utilisée par V* dans sa tragédie Sémiramis (créée en août 1748), la reine Sémiramis aurait tué son mari pour prendre le pouvoir et aurait été tuée à son tout par Ninias qui voulait venger son père. V* surnommera Catherine « la Sémiramis du Nord ».

v V* pense peut-être aussi au premier mémoire de l'avocat Mariette qui « travaille à un nouveau (mémoire) » le 9 août. Cf. Lettre à Théodore Tronchin du 28 juillet, du 5 juillet à d'Argental et Bernis le 21 juillet.

vi Tant la religion a pu conseiller de crimes.

vii La tragédie de Cassandre-Olympie.

viii En allant prendre leur poste à Turin en novembre 1759, Chauvelin et son épouse ont assisté à Tournay à une représentation de Tancrède au cours d'une fête somptueuse donnée en leur honneur ; cf. lettre à Mme de Fontaine du 5 novembre 1759 . V* par la suite fera allusion aux représentations théâtrales données à Turin par Mme Chauvelin.

ix D'après Athalie.

xCorinthiens.

 


Fin en queue de poisson, comme les vacances finissant dans les bouchons :

Si vous avez écouté jusqu'au bout vous aller trouver les chansons de ¨Patrick Sébastien aussi belles que du Victor Hugo !

PS : j'ai honte, mais bon ça me passera ...

Je suis dans les horreurs de la persécution que la canaille littéraire me fait depuis quarante ans

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De Paris ?

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Sans douceur ? ça râpe le rap !

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental


13 août [1755]


Mon cher ange, je ne suis pas en état de songer à une tragédie. Je suis dans les horreurs de la persécution que la canaille littéraire me fait depuis quarante ans. Vous m'aviez assurément donné un très bon avis. Ce Grasset [i] était venu de Paris tout exprès pour consommer son iniquité. Il n'est trop vrai que Chevrier était très instruit de ce maudit ouvrage, et de toute cette manœuvre . Fréron n'en avait parlé dans sa feuille que pour préparer cette belle entreprise [ii]. Vous savez de quelles abominations on a farci ce poème [iii]. On a voulu me perdre et gagner de l'argent. Je n'y sais autre chose que de déférer moi-même tout scandale qu'on voudra mettre sous mon nom en quelque lieu que je sois. Pour comble de douleur on m'apprend que Lyon est infecté d'un premier chant aussi plat que criminel dans lequel il n'y a pas quarante vers de moi. Mon malheur veut que monsieur votre oncle [iv] que je n'ai jamais offensé ait depuis un an écrit au roi plusieurs fois contre moi, et ait même montré les réponses. Il a trop d'esprit et trop de probité pour m'imputer les misères indignes qui courent, mais il peut sans les avoir vues écouter la calomnie. L'abbé Pernetti m'a écrit de Lyon qu'on me forcerait à quitter mon asile, qui m'a déjà coûté plus de quarante mille écus. Madame Denis se meurt de douleur et moi de colique.


J'écris un mot à Mme de Pompadour au sujet des cinq pagodes [v] que vous lui faites tenir de ma part.


Je me flatte qu'elle ne trouvera rien dans la pièce qui ne plaise aux honnêtes gens et qui ne déplaise à Crébillon. Je me flatte que si elle l'approuve, elle sera jouée malgré le radoteur Lycophoron [vi]. Adieu mon très cher ange qui me consolez. »



iCf. lettre du 28 juillet.

ii Fréron a parlé de La Pucelle dans l'Année littéraire du 12 septembre 1754 ; cf. lettres du 15 octobre et 20 novembre 1754.

iii « … Dort en Bourbon la grasse matinée / … Et saint Louis, là-haut mon compagnon / M'a prévenu qu'un jour certain Bourbon / M'en donnerait à pardonner bien d'autres ... » annotés par V* dans la marge de la copie de La Pucelle : « Quel est le laquais qui a fait la plupart de ces vers ? Quel est le maraud de la lie du peuple qui peut écrire ces insolentes bêtises ? »

iv Le cardinal de Tencin .

vL'Orphelin de la Chine, dans sa version en cinq actes.

vi C'est « le vieux Crébillon ». Lycophoron avait écrit un poème tragique d'une obscurité proverbiale.

 

 

Cool , p'tit' canaille :

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Et une curiosité qui me ramène à mes années estudiantines :

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12/08/2010

Savez-vous que les rois et les beaux esprits se rencontrent ?

Grands esprits :

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Pour bébé qui est un grand esprit en devenir :

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Esprit, soutiens de mon pouvoir/espoir ! comme le prie/crie actuellement un président en déroute, et ses collègues :

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Bien que je ne sois pas fan de rap, surtout parce que c'est la négation de la musique, et que j'arrive rarement à comprendre les paroles, un petit exemple d'esprits contestataires qui ont eux aussi leur grandeur :

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Et puis aussi parce que j'apprécie certains esprits félés, alliance de deux esprits poétiques et excessifs : Higelin et Trenet, ce dernier inspirant le premier !

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« A Marie-Jean-Antoine-Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet


12è auguste 1774


Je ne vous écris aujourd'hui, Monsieur le Secrétaire,[de l'Académie des Sciences] ni sur les sciences et les beaux-arts, qui commencent à vous devoir beaucoup, ni sur la liberté de conscience dont on a voulu dépouiller ces beaux-arts qui ne peuvent subsister sans elle.


Vous avez rempli mon cœur d'une sainte joie quand vous m'avez mandé que le Roi avait répondu aux pervers qui lui disaient que M. Turgot est encyclopédiste : il est honnête homme et éclairé, cela me suffit


Savez-vous que les rois et les beaux esprits se rencontrent ? Savez-vous, et M. Bertrand [pseudonyme pour d'Alembert] sait-il que le poète Kien-Long, empereur de la Chine,[i] en avait dit autant il y a quelques années?


Avez-vous lu dans le trente-deuxième recueil des prétendues Lettres édifiantes et curieuses la lettre d'un jésuite imbécile nommé Benoît à un fripon de jésuite nommé Dugad ? Il y est dit en propres mots [ii] qu'un ministre d'État accusant un mandarin d'être chrétien, l'empereur Kien-Long lui dit : « La province est-elle mécontente de lui ? - Non. -Rend-il la justice avec impartialité ? -Oui. -A-t-il manqué à quelque devoir de son état ? -Non. -Est-il bon père de famille ? Oui. -Eh bien donc ! pourquoi l'inquiéter pour une bagatelle ? »


Si vous voyez M. Turgot, faites-lui ce conte.


Je vous envoie la copie d'une requête que j'ai barbouillée pour tous les ministres [iii]. Il n'y a que le roi à qui je n'en ai pas envoyé. Je souhaite passionnément que cette requête soit présentée au conseil de Commerce, dans lequel M. Turgot pourrait avoir une voix prépondérante. J'ai du moins la consolation de voir que malgré les grands hommes tels que Fréron, Clément [iv] et Sabatier [v], Ferney est devenu, depuis que vous ne l'avez vu, un lieu assez considérable, qui n'est pas indigne de l'attention du ministère. Il y a non seulement d'assez grandes maisons de pierre de taille pour les manufactures , mais des maisons de plaisance très jolies qui orneraient Saint-Cloud et Meudon. Tout cela va rentrer dans le néant d'où je l'ai tiré si le ministère nous abandonne. Je suis peut-être le seul fondateur de manufactures qui n'ait pas demandé de l'argent au gouvernement. Je en lui demande que d'écouter son propre intérêt. Je vous en fais juges, vous et M. Bertrand.


Je voudrais bien venir vous consulter tous deux sur une affaire qui vous intéressera davantage et que je vais entreprendre [vi]. J'invoque Dieu et vous pour réussir. Il s'agit de la bonne cause. Vous la soutiendrez toujours avec Bertrand. Je m'incline devant vous deux.


V. »

iSur le poème de Kien-Long et la réponse de V*, voir lettres à Thiriot et Catherine du 26 novembre 1770, à d'Hornoy le 28 novembre 1770 et à Frédéric le 20 décembre 1770.

ii A peu près !

iii Au roi en son Conseil ; V* voudrait obtenir pour Ferney et Versoix une exemption d'impôts qu'il juge indispensable pour la survie des manufactures fondées.

iv Cf. lettres du 30 décembre 1773 à d'Argental et du 6 janvier 1774 à d'Hornoy.

vCf. lettres des 1er janvier et 19 novembre 1773 à d'Alembert et du 30 avril 1774 à d'Argental.

vi La réhabilitation de d'Etallonde condamné avec de La Barre, mais par contumace, et qui après avoir demandé un congé au roi de Prusse, est venu travailler à Ferney sous la direction de V*. V* recommande l'affaire au chancelier Maupéou vers le 14 août.

 

Déclaration un peu déjantée :

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