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26/09/2010

Si vous êtes chèvre, Madame, il n'y a personne qui ne veuille devenir bouc

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« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Épinay

[à Madame de La Live d'Épinay

Place Vendôme à Paris]

26è septembre 1766

 

Si vous êtes chèvre,[i] Madame, il n'y a personne qui ne veuille devenir bouc ; mais vous m'avouerez que de vieux singes devenus tigres sont une horrible espèce. Comment se peut-il faire que des êtres pensants et sensibles ne cherchent pas à vivre ensemble dans un coin du monde à l'abri des coquins absurdes qui le défigurent ? Je jouis de cette consolation depuis quelques années, mais il y a des êtres qui me manquent . J'aurais voulu vivre surtout avec vous et vos amis. Il est vrai que le petit nombre de sages répandus dans Paris peut faire beaucoup de bien en s'élevant contre certaines atrocités, et en ramenant les hommes à la douceur et à la vertu. La raison est victorieuse à la longue, elle se communique de proche en proche. Une douzaine d'honnêtes gens qui se font écouter produit plus de bien que cent volumes. Peu de gens lisent, mais tout le monde converse, et le vrai fait impression.

 

Votre petit Mazar,[ii] Madame, a pris, je crois , assez mal son temps pour apporter l'harmonie dans le temple de la discorde. Vous savez que je demeure à deux pas de Genève, je ne sors jamais ; j'étais très malade quand ce phénomène a brillé sur le noir horizon de Genève. Enfin , il est parti à mon très grand regret sans que je l'aie vu. Je me suis dépiqué en faisant jouer sur mon petit théâtre de Ferney des opéras-comiques pour ma convalescence. Toute la troupe de Genève, au nombre de cinquante, a bien voulu me faire ce plaisir. Vous croyez bien que l'auteur de La Henriade a fait jouer Henri IV [iii]. Nous avons tous pleuré d'attendrissement et de joie quand nous avons vu la petite famille se mettre à genoux devant ce bon roi. Tout cela est consolant, je l'avoue, mais il y a trop de méridiens entre vous et moi. Mon malheur est que mon château n'est pas une aile du vôtre. C'est alors que je serais heureux. Mme Denis pense comme moi. Permettez-nous d'embrasser M. Grimm . Adieu, Madame, vivez heureuse. Agréez mon très tendre respect. »

i A savoir, si vous êtes à La Chevrette, résidence d'été de Mme d'Epinay.

ii Mozart qui a alors dix ans.

iii Dans sa lettre du 14 septembre, V* a précisé qu'on a joué : La partie de chasse de Henri IV, Le Roi et le fermier, Rose et Colas de Sedaine et Monsigny, Annette et Lubin de Favart et Lourdet de Santerre (et non de Voisenon comme le croit V*, d'après une nouvelle de Marmontel).

on le traita de séditieux parce qu'il prononça un peu haut : « Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien."

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http://fr.wikipedia.org/wiki/Suzanne_Curchod

 

Curchod necker_Suzanne.jpg

 

 

 

« A Suzanne Necker

 

26è septembre 1770

 

Je vous crois actuellement à Paris, Madame ; je me flatte que vous avez ramené M. Necker [i] en parfaite santé. Je lui présente mes très humbles obéissances aussi bien qu'à monsieur son frère [ii], et je les remercie tous deux de la petite correspondance qu'ils ont bien voulu avoir avec mon gendre le mari de Mlle Corneille.

 

J'ai actuellement chez moi M. d'Alembert [iii] dont la santé est raffermie , et dont l'esprit juste et l'imagination intarissable adoucissent tous les maux dont il m'a trouvé accablé. J'achève ma vie dans les souffrances et dans la langueur sans autre perspective que de voir mes maux augmentés si ma vie se prolonge. Le seul remède est de se soumettre à la destinée.

 

M. Thomas fait trop d'honneur à mes deux bras, ce ne sont que deux fuseaux fort secs, ils ne touchent qu'à un temps fort court, mais ils voudraient bien embrasser ce poète philosophe qui sait penser et s'exprimer. Comme dans mon triste état ma sensibilité me reste encore, j'ai été vivement touché de l'honneur qu'il a fait aux lettres par son discours académique, et de l'extrême injustice qu'on a faite à ce discours en y entendant ce qu'il n'avait pas certainement voulu dire [iv]. On l'a interprété comme les commentateurs font Homère ; ils supposent tous qu'il a pensé autre chose que ce qu'il a dit. Il y a longtemps que ces suppositions sont à la mode.

 

J'ai ouï conter qu'on avait fait le procès dans un temps de famine à un homme qui avait récité tout haut son Pater noster, on le traita de séditieux parce qu'il prononça un peu haut : « Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien. »

 

Vous me parlez, Madame, du Système de la nature, livre qui fait grand bruit parmi les ignorants, et qui indigne tous les gens sensés [v]. Il est un peu honteux à notre nation que tant de gens aient embrassé si vite une opinion si ridicule. Il faut être bien fou pour ne pas admettre une grande intelligence quand on en a une si petite. Mais le comble de l'impertinence est d'avoir fondé un système tout entier sur une fausse expérience faite par un jésuite irlandais qu'on a pris pour un philosophe [vi]. Depuis l'aventure de ce Malcrais de La Vigne, qui se donna pour une jolie fille faisant des vers [vii], on n'avait point vu d'arlequinade pareille. Il était réservé à notre siècle d'établir un ennuyeux système d'athéisme sur une méprise. Les Français ont eu grand tort d'abandonner les belles-lettres pour ces profondes fadaises, et on a tort de les prendre sérieusement.

 

A tout prendre, le siècle de Phèdre et du Misanthrope valait mieux.

 

Je vous renouvelle, Madame, mon respect, ma reconnaissance et mon attachement.

 

V. »

i Son époux Jacques Necker, de retour des eaux de Spa.

http://www.deezer.com/listen-2021171 : Why not ? !

ii Le professeur Louis Necker.

iii Il resta une quinzaine de jours, accompagné de Condorcet.

iv Antoine-Léonard Thomas, pronoça un discours en recevant Loménie de Brienne le 5 septembre à l'Académie française, flatteur pour Voltaire et où on avait vu une attaque contre le Réquisitoire sur lequel est intervenu l'arrêt du parlement du 18 août 1770 qui condamne à être brûlés différents livres et brochures , 1770, de Séguier, qui avait fait condamner des ouvrages du baron d'Holbach et aussi Dieu, réponse au Système de la nature de V*. Le discours de Thomas a été saisi et sera imprimé en 1802 seulement.

v A cet ouvrage, prétendu de M. Mirabaud, en réalité du baron d'Holbach, V* répondra par Dieu, réponse au Système de la nature.

vi V* écrit le 26 août 1768 que Needham « s'imagina avoir produit des anguilles avec de la farine et du jus de mouton » et « poussa même l'illusion jusqu'à croire que ces anguilles en avaient sur le champ produit d'autres. »

vii En 1735, Desforges-Maillard envoya ses vers sous le nom de Mlle Malcrais de La Vigne car on refusait de les publier dans le

 

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Mercure ; V* le félicita de sa plaisanterie, à laquelle il s'était lui aussi laissé prendre, et Piron y prit l'idée de sa Métromanie.

Victoire, victoire, mes chers anges. Vous avez triomphé des démons de la cabale

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

Conseiller d'honneur du parlement

Rue Saint-Honoré à Paris

 

Ce 26 septembre [1748] à Lunéville

 

Monsieur le coadjuteur [i] m'écrit une lettre bien éloquente, et bien consolante sur Sémiramis. Victoire, victoire, mes chers anges. Vous avez triomphé des démons de la cabale [ii]. Je suis toujours résolu à ne la pas imprimer ou à vouloir qu'on s'attende à l'impression, sans quoi on me jouera certainement le tour qu'on m'a déjà joué [iii]. Prévenez, je vous en conjure, les éditions que je crains, comme vous avez protégé les représentations. J'envoie une petite requête à Fontainebleau à M. le duc d'Aumont. Je le supplie d'ordonner que si on y joue Sémiramis, nous ayons une nuit profonde pour l'ombre, que cette ombre ne soit plus un gros garçon joufflu à visage découvert, mais qu'on imite la statue du festin de pierre [iv] avec une cuirasse. Comptez que cela fera un effet terrible. Il est aisé de faire la nuit, en éteignant toutes les bougies des coulisses, en faisant descendre un châssis épais derrière les lustres, et en baissant les lampions. Si Cindré [v] voulait se donner un peu de peine, on pourrait encore se tirer d'affaire à Fontainebleau [vi]. Il faudra absolument à la reprise que les Slodtz [vii] réparent leur honneur. Il leur sera aisé de faire une très belle décoration. On m'a écrit quatre lettres anonymes du parterre dans lesquelles on demande des décorations moins indignes de la pièce. Enfin voilà cette pièce en grâce, et on peut à la reprise lui donner une nouvelle vie. Vous ne sauriez croire à quel point vos bontés m'ont rendu Sémiramis chère. Je l'aime plus que je croyais. Je vais tâcher d'y travailler, car il faut mériter tout ce que vous faites. Mme du Châtelet vous fait les plus tendres compliments. On ne respire ici que les plaisirs, et cependant je n'ai jamais été si fâché d'être loin de vous. Mes chers anges, vous faites mon bonheur et ma gloire.

 

V. 

 

A propos j'implore la protection de M. de Pont-de-Veyle pour des moyeux [viii]. Qu'il écrive un petit mot à M. de La Marche. C'est un point bien important.»

 

i L'abbé de Chauvelin chargé des répétitions de Sémiramis en l'absence de V* et d'Argental.

ii 21 représentations pour la pièce, mais elle avait failli tomber à la première car des jeunes gens engagés pour soutenir la pièce auraient baillé ostensiblement. Crébillon avait aussi retranché quelques vers « absolument nécessaires » que V* avait dû demander à Berryer de Ravenoville le 30 août d'approuver de sa main. De plus, Bidault de Montigny a composé une parodie annoncée par le Théâtre-Italien en avertissant Berryer de Ramenoville le 24 septembre.

iii « Le tour que (Prault) (lui) a déjà joué pour l'impression de Mahomet qu'il débita clandestinement sur une copie très informe » cf. lettre à d'Argental du 21 septembre ; le 8 septembre, V* avertit Berryer de Ramenoville que « des copies informes » circulaient.

iv Du Don Juan, de Molière.

v Le Noir de Cindré, employé aux « menus plaisirs ».

vi V* écrit le 4 octobre que « le théâtre [de Fontainebleau] est impraticable ».

vii Les frères Slodtz.

viii Prunes confites.

25/09/2010

vos suffrages serviront beaucoup à déterminer celui du public, et le public influera sur le Conseil du roi

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« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise du Deffand

 

24è septembre 1766 à Ferney

 

Ennuyez-vous souvent, Madame, car alors vous m'écrirez. Vous me demandez ce que je fais. J'embellis ma retraite, je meuble de jolis appartements où je voudrais vous recevoir. J'entreprends un nouveau procès dans le goût de celui des Calas, et je n'ai pas pu m'en dispenser, parce qu'un père, une mère et deux filles [i] remplis de vertu et condamnés au dernier supplice sont réfugiés à ma porte dans les larmes et dans le désespoir. C'est une des petites aventures dignes du meilleur des mondes possibles. Je vous demande en grâce de vous faire lire le mémoire que M. de Beaumont a fait pour cette famille aussi respectable qu'infortunée. Il sera bientôt imprimé. Je prie M. le président Hénault de le lire attentivement ; vos suffrages serviront beaucoup à déterminer celui du public, et le public influera sur le Conseil du roi. La belle âme de M. le duc de Choiseul nous protège. Je ne connais point de cœur plus généreux et plus noble que le sien ; car quoi qu'en dise Jean-Jacques, nous avons de très honnêtes ministres. J'aimerais mieux, assurément , être jugé par M. le prince de Soubise et par M. le duc de Praslin que par le parlement de Toulouse [ii].

 

Il faudrait , Madame, que je fusse aussi fou que l'ami Jean-Jacques pour aller à Vezel. Voici le fait.[iii] Le roi de Prusse m'ayant envoyé cent écus d'aumône, pour cette malheureuse famille des Sirven, et m'ayant mandé qu'il leur offrait un asile à Vezel ou à Clèves, je le remerciai comme je le devais, je lui dis que j'aurais voulu lui présenter moi-même ces pauvres gens auxquels il promettrait sa protection ; il lut ma lettre devant un fils de M. Tronchin qui est secrétaire de l'envoyé d'Angleterre à Berlin. Le petit Tronchin qui ne pense pas que j'ai soixante et treize ans, et que je ne peux sortir de chez moi, crut entendre que j'irais trouver le roi de Prusse, il le manda à son père [iv], ce père l'a dit à Paris, les gazetiers en ont beaucoup raisonné, et voilà comme on écrit l'histoire [v].

 

Puis fiez-vous à messieurs les savants ![vi]

 

Il faut que je vous dise pour vous amuser, que le roi de Prusse m'a mandé qu'on avait rebâti huit mille maisons en Silésie. La réponse est bien naturelle : Sire, on les avait donc détruites , il y avait donc huit mille bonnes familles désespérées ; vous autres rois vous êtes de plaisants philosophes.

 

Jean-Jacques, du moins, ne fait de mal qu'à lui, car je ne crois pas qu'il ait pu m'en faire, et Mme la duchesse de Luxembourg ne peut pas croire que j'aie jamais pu me joindre aux persécuteurs du Vicaire savoyard . Jean-Jacques ne le croit pas lui-même, mais il est comme Chiant-pot la perruque [vii] qui disait que tout le monde lui en voulait.

 

Savez-vous que l'horrible aventure du chevalier de La Barre a été causée par le tendre amour ? Savez-vous qu'un vieux maraud d'Abbeville nommé Belleval, amoureux de l'abbesse de Vignancour, et maltraité comme de raison, a été le seul mobile de cette abominable catastrophe ?[viii] Ma nièce de Florian qui a l'honneur de vous connaître, et dont les terres sont auprès d'Abbeville,[ix] est bien instruite de toutes ces horreurs. Elles font dresser les cheveux sur la tête. Savez-vous encore , Madame, que feu monsieur le dauphin, qu'on ne peut assez regretter, lisait Loke dans sa dernière maladie ? J'ai appris avec bien de l'étonnement qu'il savait toute la tragédie de Mahomet par cœur . Si ce siècle n'est pas celui des grands talents, il est celui des esprits cultivés.

 

Je crois que M. le président H[énault] a été aussi enthousiasmé que moi de M. le prince de Brunswick. Il y a un roi de Pologne philosophe qui se fait une grande réputation. Et que dirons-nous de mon impératrice de Russie ?

 

Je m'aperçois que ma lettre est un éloge de têtes couronnées, mais en vérité ce n'est pas par fadeur, car j'aime encore mieux leurs valets de chambre. Il m'est venu un premier valet de chambre du Roi, nommé M. de La Borde, qui fait de la musique, et à qui monsieur le dauphin avait conseillé de mettre en musique l'opéra de Pandore. C'est de tous les opéras, sans exception, le plus susceptible d'un grand fracas. Faites-vous en lire les paroles qui sont dans mes œuvres, et vous verrez s'il n'y a pas là bien du tapage. Je croyais que M. de La Borde faisait de la musique comme un premier valet de chambre en doit faire , de la petite musique de cour et de ruelle. Je l'ai fait exécuter, j'ai entendu des choses dignes de Rameau. Ma nièce Denis en est tout aussi étonnée que moi, et son jugement est bien plus important que le mien, car elle est une excellente musicienne.

 

Vous en ai-je conté ? Madame, vous ai-je ennuyée ? Suis-je assez bavard ? Souffrez que je finisse en vous disant que je vous aimerai jusqu'au dernier moment de ma vie de tout mon cœur, avec le plus sincère respect. »

 

i Les Sirven.

ii Bien sur, à cause des affaires Calas et Sirven.

iii Cf. lettre aux d'Argental du 22 mai 1765 ; V* fut affolé et songea un temps à se réfugier dans les États du roi de Prusse. Le projet varia pour ses lieux et modalités. Frédéric y crût et en juillet 1766 :  « Je vois avec étonnement par votre lettre que vous pourriez choisir une autre retraite que la Suisse et que vous pensez au pays de Clèves. Cet asile vous sera ouvert en tout temps. » En fait, cet été 1766, V* essaie d'établir une « colonie » philosophique dont il ne ferait sans doute pas partie ; cf. lettre du 23 juillet à Diderot et d'Alembert, du 4 août à Damilaville.

iv Théodore Tronchin, le médecin ; cf. lettre à Damilaville du 4 août.

v Issu de Charlot que V* est sans doute en train de rédiger.

vi Extrait de La Pucelle.

vii Cf. lettre à d'Argental du 21 septembre 1750 , pour l'histoire de Chie-en-pot.

viii Cf. lettre à Damilaville du 14 juillet, à Florian le 28 juillet.

« Vignancour » = Villancourt.

ix A Hornoy.

 

24/09/2010

Cela me fait saigner le cœur, car je suis très bon Français

 Dédicace à M. Brise-Heurtafaux Tunoulé : http://www.deezer.com/listen-6621297

Chelon-Apollinaire et les peuples bohémiens ! qu'ajouter ?

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

 

A Bruxelles, ce 24 septembre [1742]

 

Mon cher ange de lumière a donc vu des maldisants qui prétendent avoir vu mon Mahomet imprimé à Meaux [i]. Il y des gens qui voient d'une étrange manière. Non, ne le croyez pas. Mahomet vous appartient et je ne dispose pas ainsi de votre bien. Je compte venir dans votre petit ciel les derniers jours d'octobre. Les poules au riz ne sont bonnes que là . Toute la Flandre ne vaut pas le nid de mes deux anges .

 

Savez-vous que je suis tout au mieux avec

 

Le vieillard vénérable à qui les destinées

Ont de l'heureux Nestor accordé les années ?[ii]

 

Il m'écrit de grandes lettres ; dans lesquelles même il daigne avoir beaucoup d'esprit. On dit que nos affaires vont très bien par delà le Danube ; mais le grand point est qu'il y ait à Paris beaucoup de bonnes tragédies et de bons opéras. Le roi de Prusse donne un bel exemple à mes chers compatriotes ; il fait bâtir une salle d'opéra, dont les quatre faces seront sur le modèle des portiques du Panthéon, et à Paris vous savez qu'on entre dans une vilaine salle par un vilain égout [iii]. Cela me fait saigner le cœur, car je suis très bon Français.

 

Je vous ai écrit une grande lettre à Lyon, toute pleine de vieilles nouvelles. Elle était adressée à l'archevêché [iv]. Je soupçonne qu'elle ne vous est pas parvenue, et qu'une lettre de moi n'est pas faite pour arriver dans le lieu saint. Du moins M. de Pont-de Veyle n'en dit mot dans celle qu'il a écrite à Mme du Châtelet. Cette du Châtelet vous fait les plus tendres compliments . Mme d'Argental sait avec quel respectueux dévouement je lui suis attaché comme à vous pour toute ma vie.

 

V. »

i Éditions pirates de Mahomet (imprimées à Paris sous l'adresse de Bruxelles); cf. lettre à Missy du 20 octobre.

ii Le cardinal de Fleury, comme va le noter d'Argental dans la marge de la lettre. Les deux vers sont une adaptation des vers de l'Ode sur les affaires du temps faite le 3 juin de l'année 1742, envoyée par V* à César de Missy le 24 novembre 1742.

iii La Comédie-française était encore dans l'actuelle Rue de l'Ancienne Comédie ; le Panthéon est celui de Rome.

iv D'Argental est le neveu du cardinal de Tencin, archevêque de Lyon.

23/09/2010

j'ose dire qu'il y a une espèce de plaisir à sentir qu'on ne peut souffrir que par le malheur des autres

 

"Il faut que tous les musulmans soient naturellement bien malpropres, puisque Dieu a été obligé de leur ordonner de se laver cinq fois par jour "

Le ramadan est fini depuis peu. Yom kippour avait lieu ce week-end dernier.

Je ne sais quel autre dieu ou saint exige une reconnaissance éperdue de sa créature bipède à bouche ventrale ; en tout cas Volti, une fois de plus, appuie là où ça peut faire mal dans ces religions où le rite est d'une bêtise remarquable et culpabilise le croyant qui ose sortir du carcan.

Esclaves du rituel, libérez-vous ! Dieu n'est pas aussi c.. que ses représentants patentés qui vivent à vos dépens!

Persiste et signe .

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« A Maria Anna Louisa Jablonowska, princesse de Talmont

 

23è septembre 1771, à Ferney

 

Madame,

 

J'ai soixante-dix-huit ans [i], je suis né faible, je suis très malade et presque aveugle. Moustapha lui-même excuserait un homme qui dans cet état ne serait pas exact à écrire.

 

Si monsieur le prince de Salm [ii] vous a dit que je me portais bien, je lui pardonne cette horrible calomnie en considération du plaisir infini que j'ai eu quand il m'a fait l'honneur de venir dans ma chaumière.

 

A l'égard du Grand Turc , Madame, je ne puis absolument prendre son parti ; il n'aime ni l'opéra, ni la comédie, ni aucun des beaux-arts ; il ne parle point français ; il n'est pas mon prochain ; je ne puis l'aimer. J'aurai toujours une dent contre ces gens qui ont dévasté, appauvri et abruti la Grèce entière. Vous ne pouvez honnêtement exiger de moi que j'aime les destructeurs de la patrie d'Homère, de Sophocle et de Démosthène. Je vous respecte même assez pour croire que dans le fond du cœur vous pensez comme moi.

 

J'aurais désiré que vos braves Polonais qui sont si généreux, si nobles et si éloquents et qui ont toujours résisté aux Turcs avec tant de courage, se fussent joints aux Russes [iii] pour chasser d'Europe la famille d'Ortogul [iv]. Mes vœux n'ont pas été exaucés, et j'en suis bien fâché. Mais quelque chose qui arrive, je suis persuadé que votre respectable nation conservera toujours ce qu'il y a de plus précieux au monde : la liberté. Les Turcs n'ont jamais pu l'entamer, nulle puissance ne la lui ravira. Vous essuierez toujours des orages, mais vous ne serez jamais submergés. Vous êtes comme les baleines qui se jouent dans les tempêtes.

 

Pour vous, Madame, qui êtes dans un port assez commode [v], je conçois quel est le chagrin de votre belle âme de voir les peines de vos compatriotes. Vous avez toujours pensé avec grandeur, et j'ose dire qu'il y a une espèce de plaisir à sentir qu'on ne peut souffrir que par le malheur des autres. Je ne puis qu'approuver tous vos sentiments, excepté votre tendre amitié pour des Barbares qui traitent si mal votre sexe, et qui lui ôtent cette liberté dont vous faites tant de cas. Que vous importe, qu'ils se lavent en commençant par le coude ? Comme vous n'avez aucun intérêt à ces ablutions, autant vaudrait pour vous qu'ils fussent aussi crasseux que les Samoyèdes . Il faut que tous les musulmans soient naturellement bien malpropres, puisque Dieu a été obligé de leur ordonner de se laver cinq fois par jour .

 

Au reste, Madame, je sens que je serai toujours rempli de respect et d'attachement pour vous, soit que vous fussiez née à La Mecque ou à Jérusalem, ou dans Astracan. Je finis mes jours dans un désert fort différent de tous ces lieux si renommés. J'y fais des vœux pour votre bonheur supposé qu'en effet il y ait du bonheur sur notre globe. Vous avez vu des malheurs de toutes les espèces, je vous recommande à votre esprit et à votre courage.

 

Agréez, madame, le profond respect de votre très humble et très obéissant serviteur

 

Le vieux malade de Ferney V. »

i En réalité, soixante-dix-sept en février passé.

ii Friedrich Johann Otto, prince de Salm-Kyrburg, qui est venu en août, lui apportant les compliments de la princesse (de Talmont) que V* « avait beaucoup vue autrefois à Paris. »

iii Le 6 mai, plus ou moins anonymement la princesse lui avait envoyé un Manifeste des Confédérés (polonais) et le 4 juin V* lui exprimera son désaccord : les Polonais ne peuvent s'allier aux Russes qui les oppriment.

iv Les Ortokid.

v Paris.

22/09/2010

il est sensible à la gloire. C'est par là seulement qu'on peut obtenir quelque chose de lui

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« A Louise-Dorothée Von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

 

A Strasbourg 22 septembre [1753]

 

Madame,

 

Après avoir écrit à Votre Altesse sérénissime la lettre qu'elle m'ordonne de lui envoyer [i], je me livre à mon étonnement, aux transports de ma sensibilité, à tout ce que je dois à votre cœur adorable. Madame, il n'y a que vous au monde auprès de qui je voulusse finir ma vie. Je me suis arrêté auprès de Strasbourg uniquement pour finir cet ouvrage que Votre Altesse Sérénissime m'avait commandé [ii]. Le hasard qui conduit tout a voulu que j'eusse ici un bien assez considérable qui est dans une terre d'Alsace appartenant à Mgr le duc de Virtemberg [iii]. Votre Altesse Sérénissime sent bien que la fortune ne peut jamais être un motif pour souhaiter les bonnes grâces du roi de Prusse. Non, Madame,je ne veux que les vôtres, et si je peux ambitionner quelque retour de sa part, c'est uniquement parce que je vous le devrai. Mon cœur est pénétré de ce que vous daignez faire, c'est le seul sentiment dont je sois capable. Je dois vous ouvrir, Madame, un cœur qui est entièrement à vous. Il est clair que le premier pas dans toute cette abominable affaire est la lettre que fit imprimer le roi de Prusse contre Koenig et contre moi [iv]. Il est clair que ce premier faux pas si indigne d'un roi a conduit toutes les autres démarches. L'outrage affreux fait à ma nièce dans Francfort a indigné toute l'Europe, et la cour de Versailles comme celle de Vienne. Que peut-on espérer, Madame , d'un homme qui n'a point réparé cette indignité, et qui au contraire a disculpé en quelque sorte ses ministres en écrivant à la ville de Francfort, tandis qu'il les désavouait à Versailles ?[v] Pensez-vous, Madame, qu'il ait un cœur aussi bon, aussi vrai que le vôtre ? pensez-vous qu'il respecte l'humanité et la vérité ?

 

Du moins il est sensible à la gloire. C'est par là seulement qu'on peut obtenir quelque chose de lui ; et puisque vos bontés généreuses ont commencé cet ouvrage, il ne faut pas qu'elles en aient le démenti. Peut-être qu'en effet M. de Gotter pourra quelque chose [vi], surtout s'il n'est pas de lui ; mais il pourra bien peu sans Mme la margrave de Bareith. Sans doute, Madame, le roi voudra se justifier auprès de vous. Peut-il ne pas ambitionner votre estime ? mais il ne voudra que se justifier à mes dépens, plus jaloux de pallier son tort que de le réparer. Il est roi, il a cent cinquante mille hommes, il peut m'écraser, mais il ne peut empêcher qu'une âme comme la vôtre ne le condamne secrètement.

 

Il en sera tout ce qui pourra [vii]. Je suis trop heureux, les bontés de Votre Altesse Sérénissime me consolent de tout. La forêt de Thuringe ne me fait plus trembler. Gotha devient le climat de Naples. Puissé-je après la révision de mes empereurs venir me jeter à vos pieds ! Mon cœur y est, il y parle à Madame la grande Maîtresse, il dit qu'il veut ne respirer que pour Votre Altesse Sérénissime, il est votre sujet jusqu'au tombeau avec le plus profond respect.

 

V. »

iLa duchesse voulant réconcilier V* et Frédéric a demandé à V* d'écrire une mettre ostensible devant être présentée au roi.

ii Les Annales de l'Empire.

iii Ce sont des terres appartenant au duc et qui garantissent un prêt de V*.

iv Lettre d'un académicien de Berlin à un académicien de Paris.

v A milord Maréchal, ambassadeur à Paris de Frédéric II, celui-ci écrit le 28 juin qu'il désapprouve « l'exactitude brutale » de son résident de Francfort et se propose de « redresser le passé ». A contrario, le 24 juillet et le 4 août, il répond à quelques représentations du Conseil de Francfort par un réquisitoire contre V* et Mme Denis et une justification presque totale des fonctionnaires prussiens.

vi Ce même jour, V* écrit à la margravine : « Mme la duchesse de Gotha ... a chargé M. de Gotter de parler au roi votre frère ... Gotter, né à Gotha est au service de la Prusse.

vii Le 24 novembre à Mme Denis : « C'était Mme la duchesse de Gotha, que la bonté de son cœur avait séduite, qui se flattait de faire parvenir le repentir dans un cœur qu'elle ne connait pas ... Il n'y a rien à faire avec un homme né faux. »