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03/04/2011

quoique enfin j'eusse bien des choses à vous dire sur tout cela

Et bien, je ne dirai rien, n'en pensant pas moins, comme vous le savez !

 

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« A Jean de Vaines

 

3è avril 1776

 

Je n'interromprai point aujourd'hui, Monsieur, vos occupations pour vous écrire deux pages, quoique je sois encore tout plein des édits 1, des remontrances, des pères de la patrie 2, et de la chanson qui court les rues :

ô les fichus pères, ô guai !

ô les fichus pères ! 3

quoique je vienne de lire les Mémoires de Sully, et que je ne fasse nulle comparaison entre Sully second 4, et Sully premier ; quoique enfin j'eusse bien des choses à vous dire sur tout cela .

 

Permettez-moi, Monsieur, de mettre dans votre paquet cette lettre pour M. le marquis de Condorcet.

 

Conservez toujours vos bontés pour le vieux malade .

 

V. »

 

2 Il s'agit des membres du parlement qui avaient fait des remontrances en particulier sur l'abolition des corvées ; il avait fallu la tenue d'un lit de justice, le 12 mars, pour faire enregistrer les édits de Turgot .

3 Ecouter : http://www.youtube.com/watch?v=2j50oU6cy1w ,en corrigeant la date 1776 et non 1784 .

4 Turgot.

Voir la lettre à Dupont de Nemours du même jour : page 193 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80042j/f198.image.r=45.langFR

 

02/04/2011

Il faut punir les insolents : mordieu .

 

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 http://www.deezer.com/listen-2714538

 

 

« A Gabriel Cramer

 

[vers le 1er avril 1760]

 

Lécluze est arrivé ; il est fort drôle 1. Il n'y a qu'une faute au Quand 2. Il faut punir les insolents : mordieu . Jeanne est prête 3. Il y a seulement trois ou quatre pompons qui manquent . Pierre 4 attendra, tant mieux . »

 

1 Louis Lécluze de Tilloy qui est ainsi présenté par V* le 5 avril : « Il était le meilleur acteur de l'Opéra-Comique ; on a assassiné son fils à Bâle . Cela n'empêche pas le père de donner tous les jours à table des espèces de parades à mourir de rire ... Il représente la nation, elle rit de ses pertes. »

http://gatinais.histoire.pagesperso-orange.fr/LEcluse.htm

3 La Pucelle ; le 2 avril, V* envoie deux chants à d'Argental .

http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre957.html#page_1

01/04/2011

le remercier, je ne sais pas trop bien de quoi, car j'avais demandé plusieurs choses, et on me disait qu'il me les avait toutes accordées

1er avril : ouverture du château de Voltaire à la visite à 10h ; voir :  

http://voltaire.monuments-nationaux.fr/fr/bdd/page/visites

http://www.monuments-nationaux.fr/fr/actualites/a-la-une/...

et

 http://voltaire-a-ferney.org/40.html

Résistances ! cette exposition est tout à fait à sa place  chez  Volti . Non seulement il a fait de la résistance aux pouvoirs injustes, non seulement il a résisté aux maux, mais il a fait des mots son arme pour contre-attaquer . J'ai hâte de voir ce que Michel Butor et Michel Launay, entre autres, ont choisi de montrer, et je peux vous assurer que ce matin je serai fernésien, avec au coeur une pensée plus qu'amicale pour Mam'zelle Wagnière .

Résiste : http://www.deezer.com/listen-8773797

 

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« A Marie-Louise Denis

à l'hôtel d'Herbouville

rue Pavée à Paris

 

Ce jeudi [1er avril 1745]

 

Je comptais bien , ma chère enfant, vous revoir après le spectacle à Versailles 1. La lutinerie de la cour en ordonna tout autrement . On me dit qu'il fallait courir après le roi à bride abattue, et se trouver à un certain moment dans un certain coin, pour le remercier, je ne sais pas trop bien de quoi, car j'avais demandé plusieurs choses, et on me disait qu'il me les avait toutes accordées . On me présenta donc à Sa Très Gracieuse Majesté, qui me reçu très gracieusement et que je remerciai très humblement . Mais faire signer des brevets est une chose beaucoup plus difficile que de faire des remerciements . On dit à présent qu'il faut que je ne désempare pas jusqu'à ce que tout soit bien cimenté, scellé et consommé 2. J'aimerais mieux venir vous embrasser, et et finir votre affaire avec La Porte que la mienne avec le roi . Je serai honteux d'être heureux si vous ne l'êtes pas et quand vous voudrez, je parlerai à M. le contrôleur général qui doit avoir quelque crédit sur les La Porte . Si vous voyez Mme Dupin, dites-lui bien à quel point je lui suis dévoué . Si vous dites à votre sœur que je lui ai écrit, dites-lui qu'après vous c'est celle de mes nièces que j'aime le mieux . Vous méritez, ma chère enfant, des sentiments bien distingués et je les aurai assurément pour vous toute ma vie . Je vous embrasse avec la plus vive tendresse.

 

V. »

 

1Le dimanche précédent, il avait invité sa nièce à venir au château dans sa petite chambre n° 144 près du « piu puzzolente cacatoio di Versailles ».

Voir aussi lettre du 2 décembre 1745 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/12/02/trou-ou-je-demeure-petite-chambre-n-144-pres-du-piu-puzzolen.html#more

2 Charge de gentilhomme ordinaire de la chambre du roi et place d’historiographe de France ; le brevet d'historiographe est daté du 1er avril 1745 ; V* ne deviendra gentilhomme ordinaire qu'en novembre 1746 quand une charge se libèrera, et le brevet sera signé le 22 décembre 1746.

 

31/03/2011

Je tâcherai de bien voir, de faire bien voir et de commencer dès demain à travailler sans discontinuer

 http://www.youtube.com/watch?v=m8KO0bMntws&feature=related

 http://www.youtube.com/watch?v=OAX2qh7xkZM&feature=related

 

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A l'heure où l'on veut parler de laïcité, il me plait de présenter cette photo au cadrage retouché .

Croix de bois, croix de fer (il fut un temps où l'on pouvait dire "crois Deferre"), je n'affiche pas ici , d'une manière subliminale, tel un Jacques Ségéla en manque d'UV, une quelconque appartenance ou sympathie exacerbée pour la catholique religion, qui m'a tenu dans un illusoire espoir le temps d'avoir du poil au menton ( et ailleurs aussi ! ). Donc , faites une croix sur cette option (oh ! pardon, je fais encore du prosélytisme ! )

Je tâche "de voir, de faire bien voir" que si on veut d'une manière intégriste supprimer tout signe religieux , la tâche est immense .

Commençons par supprimer tout ce qui de près ou de loin est cruciforme, puis emportés par notre élan salvateur, redressons la gibbosité des croissants ( ce qui d'ailleurs se fait déjà, par simple flemme ), et très rapidement, de l'hallal passons à l'hallali pour la mise hors la loi du safran aux relents bouddhistes, sans oublier la croix de David qui orne bien des crêches de Noël et la poitrine des flics de l'oncle Sam .

A tous ceux qui prendraient ces propositions au sérieux, je dis "continuez à rester des esclaves de religions , de religieux, de superstitions" et aussi "vivez dans la sainte trouille" car le gouvernement laïc " is watching you !"

PS. - Religieux de tous bord, rassurez-vous ! Vous êtes en France ! Rien ne peux vous arriver d'autre que de perdre la foi ! J'espère que restera la Liberté, se maintiendra l'Egalité, se développera la Fraternité . Lisez et écoutez Voltaire, frère des Hommes ! AMEN !

 Et puis, Love is my religion ! http://www.youtube.com/watch?v=r-eXYJnV3V4&feature=related ... oui, Mam'zelle Wagnière ...

 http://www.youtube.com/watch?v=HFeB7zTGesk&feature=related

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

 

[30 mars 1778]

 

J'aime à voir par vos vitres, mon cher maître, et surtout à voir par vos yeux . Vous êtes mon voyant ; tout mort que je suis je compte venir aujourd'hui à l'Académie 1. Je tâcherai de bien voir, de faire bien voir et de commencer dès demain à travailler sans discontinuer 2. Je veux mourir en m'éclairant avec vous et en vous servant . »

 

1 Le compte-rendu de la séance du 30 mars : « M. de Voltaire est venu à l'Académie sur les quatre heures . M. le directeur et tous les académiciens présents ont été au devant de lui dans la première salle ... M. le directeur l'a prié de prendre la première place, et de présider la séance ... M. le directeur a dit ..., qu'il proposait à la compagnie de déférer à M. de Voltaire le directorat du trimestre d'avril sans être tiré au sort ... La proposition de M. le directeur a été acceptée d'une voix unanime et par acclamation ... » ; à son départ, « il a été reconduit ... jusqu'à la porte de la première salle par tous les académiciens ... »

2 Au dictionnaire .                                                                        Il fera un plan (dont on a retrouvé le manuscrit) pour un nouveau dictionnaire ; minute de la séance du 7 mai : « Il a été résolu sur le proposition de M. de Voltaire, qu'on travaillerait sans délai à un nouveau Dictionnaire qui contiendra : l'étymologie reconnue de chaque mot, et quelquefois l'étymologie probable ; la conjugaison des verbes irréguliers qui sont peu en usage ; les diverses acceptations de chaque terme avec des exemples tirés des auteurs les plus approuvés ; toutes les expressions pittoresques et énergiques de Montaigne, d'Amyot, de Charron, etc. qu’il est à souhaiter qu’on fasse revivre, et dont nos voisins se sont saisis ... Chaque académicien peut se charger d'une lettre de l'alphabet ; l'Académie examinera le travail de chacun de ses membres ... »

Le 8 mai, Mme Denis écrira à Wagnière : « il va à l'Académie et il y crie comme un diable . Il veut leur faire faire un nouveau Dictionnaire . Ces messieurs rechignent ; ils craignent que cela ne leur donne trop de peine. »

V* assista aux séances du 30 mars, 6 avril, 27 avril et 4 mai .

30/03/2011

si les juges se trompent si souvent , c'est que les formes ne leur permettent guère de peser les probabilités . Ils opposent une loi équivoque à une autre loi équivoque

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Personne n'échappe à ses juges !  http://www.deezer.com/listen-5185371

Les Francs-juges , de Berlioz : http://www.deezer.com/listen-3386925

 

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« A Jean-Baptiste-Nicolas de Lisle

Capitaine de dragons, etc. à Paris

 

30è mars 1775

 

Le vieux Perrin Dandin vous remercie bien, Monsieur, de lui avoir envoyé le dernier mémoire de M. le comte de Guignes 1. Il en reçut un autre le même jour sans qu'il pût savoir à qui il le devait . Il ne présume point du tout que M. le comte de Guignes lui ai fait cet honneur lui-même ; il l'en remercierait malgré ses maladies qui le rendent très souvent incapable d'écrire .

 

Il semble que les mémoires signés Tort 2, soient des armes parlantes . Jamais aucun tort ne m'a paru plus évident . J'ai la vanité de croire que Dieu m'avait fait pour être avocat 3. Je vois que dans toutes les affaires il y a un centre, un point principal contre lequel toutes les chicanes doivent échouer . C'est sur ce principe que j'osai me mêler des procès criminels affreux et absurdes , intentés contre les Calas, les Sirven, Montbailly, contre M. de Morangiès .

 

Je tiens la cause de M. le maréchal de Richelieu 4 pour infaillible, par le même principe . Je crois même qu'il est impossible à ses ennemis de penser autrement . Je suis persuadé que si les juges se trompent si souvent , c'est que les formes ne leur permettent guère de peser les probabilités . Ils opposent une loi équivoque à une autre loi équivoque, tandis qu'il faudrait opposer raison à raison, et vraisemblance à vraisemblance . Tout procès est un problème, il faut avoir à l'esprit un peu de géométrique pour le résoudre ; la mort est un problème aussi , je le résoudrai bientôt, mais il m'est démontré qu'en attendant je vous sera attaché, Monsieur, avec la plus vive reconnaissance .

 

V. »

 

1 Condorcet écrivit que le comte de Guignes, ambassadeur en Angleterre, fut « accusé par son secrétaire d'avoir joué dans les fonds publics à Londres ».

2 Le 17 mai, V* parlera de ce Tort, adversaire de de Guignes, comme d'un joueur impudent .

3 Le jeune Arouet avait été obligé par son père de suivre des études de droit, et il fut clerc chez maître Alain .

4 Contre Mme de Saint-Vincent qui aurait fait des faux en « calquant sur un verre » pour extorquer à Richelieu une somme considérable .

29/03/2011

il était à craindre que le peuple ne se révoltât, parce qu'on lui ôtait le plaisir des corvées,

http://www.deezer.com/listen-3770160  :  La révolte

http://www.deezer.com/listen-7700972  :  L'Age d'or

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Le Chant des ouvriers :  http://www.deezer.com/listen-608096  :  buvons à l'indépendance du monde !...

La Chanson des 8 heures :   http://www.deezer.com/listen-608099   ; nous sommes loin de la semaine de 35 heures !

Et avec mes chaudes recommandations :  Y'a trop de tout ! Ecoutez attentivement , souriez, grincez des dents, et n'oubliez pas que ce texte actuel dans sa vérité est du début du XXè siècle :  

http://www.deezer.com/listen-608099

 


 

 

« A Joseph Vasselier

 

A Ferney 23è mars 1776

 

Mon cher ami, je suis enchanté des édits sur les corvées et sur les maitrises 1. On a eu bien raison de nommer le lit de justice 2: le lit de bienfaisance . Il faut encore le nommer le lit de l'éloquence 3 digne d'un bon Roi .

 

Lorsque Me Séguier lui dit qu'il était à craindre que le peuple ne se révoltât, parce qu'on lui ôtait le plaisir des corvées, et qu'on le délivrait de l'excessif impôt des maîtrises, le Roi se mit à sourire, mais d'un sourire très dédaigneux . Le siècle d'or vient après le siècle de fer .

 

Je recommande à vos bontés une boîte pour Marseille, et ce paquet pour Rosset 4.

 

V. »

 

1 Voir lettre à Condorcet du 27 janvier 1776 qui évoque les édits alors en préparation :

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/27/tout-ce-qu-on-pourra-faire-sera-d-eclairer-peu-a-peu-la-jeun.html

3 Le 2 avril, V* écrira à Frédéric II : « Les préambules de ces édits sont des chefs-d’œuvre d'éloquence, car ce sont des chefs-d’œuvre de raison et de bonté . Le parlement de Paris lui a fait des remontrances séduisantes, c'était un combat d'esprit . S'il avait fallu donner un prix aux meilleurs discours, les connaisseurs l'auraient donné au roi sans difficulté. »

4 Éditeur à Lyon .

A propos de libraire voir : http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1967-05-0177-001

 

 

 

28/03/2011

savoir si l'âme des puces est immortelle

 

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 http://www.deezer.com/listen-2668244

Libertine chanson :http://www.deezer.com/listen-7733525

http://www.deezer.com/listen-700377  : j'étais à dix mille lieues d'imaginer les frasques de cet insecte dans un opéra tel que La Damnation de Faust !

Moins chic :  http://www.deezer.com/listen-3874375

 

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise du Deffand

 

30è mars 1768

 

Quand j'ai un objet, Madame, quand on me donne un thème , comme par exemple de savoir si l'âme des puces est immortelle, si le mouvement est essentiel à la matière, si les opéras-comiques sont préférables à Cinna et à Phèdre, ou pourquoi Mme Denis est à Paris, et moi entre les Alpes et le mont Jura, alors j'écris régulièrement, et ma plume va comme une folle .

 

L'amitié dont vous m'honorez me sera bien chère jusqu'à mon dernier moment, et je vais vous ouvrir mon cœur.

 

J'ai été pendant quatorze ans l'aubergiste de l'Europe, et je me suis lassé de cette profession . J'ai reçu chez moi trois ou quatre cents Anglais qui sont tous si amoureux de leur patrie que presque pas un seul ne s'est souvenu de moi après son départ, excepté un prêtre écossais nommé Brown 1, ennemi de M. Hume, qui a écrit contre moi, et qui m'a reproché d'aller à confesse, ce qui est assurément bien dur .

 

J'ai eu chez moi des colonels français avec tous leurs officiers pendant plus d'un mois 2. Ils servent si bien le roi qu'ils n'ont seulement pas eu le temps d'écrire ni à Mme Denis ni à moi .

 

J'ai bâti un château comme Béchamel 3, et une église comme Lefranc de Pompignan 4. J'ai dépensé cinq cent mille francs à ces œuvres profanes et pies . Enfin d'illustres débiteurs de Paris et d'Allemagne 5, voyant que ces magnificences ne me convenaient point, ont jugé à propos de me retrancher les vivres pour me rendre sage . Je me suis trouvé tout d'un coup presque réduit à la philosophie . J'ai envoyé Mme Denis solliciter les généreux Français, et je me suis chargé des généreux Allemands 6.

 

Mon âge de soixante et quatorze ans, et des maladies continuelles me condamnent au régime et à la retraite . Cette vie ne peut convenir à Mme Denis, qui avait forcé la nature pour vivre avec moi à la campagne . Il lui fallait des fêtes perpétuelles pour lui faire supporter l'horreur de mes déserts, qui de l'aveu des Russes sont pires que la Sibérie pendant cinq mois de l'année. On voit de sa fenêtre trente lieues de pays, mais ce sont trente lieues de montagne, de neiges et de précipices . C'est Naples en été, et la Laponie en hiver . Mme Denis avait besoin de Paris ; la petite Corneille en avait encore plus besoin . Elle ne l'a vu que dans un temps où ni son âge, ni sa situation ne lui permettaient de le connaître . J'ai fait un effort pour me séparer d'elles, et pour leur procurer des plaisirs à la tête desquels je mets celui qu'elles ont eu de vous rendre leurs devoirs . Voilà, Madame, l'exacte vérité 7 sur laquelle on a bâti bien des fables 8, selon la louable coutume de votre pays, et je crois même de tous les pays .

 

J'ai reçu de Hollande une Princesse de Babylone . J'aime mieux les Quarante écus 9 que je ne vous envoie point, parce que vous n'êtes pas arithméticienne, et que vous ne vous souciez guère de savoir si la France est riche ou pauvre . La Princesse part sous l'enveloppe de Mme la duchesse de Choiseul . Si elle vous amuse, je ferai plus de cas de l'Euphrate que de la Seine.

 

J'ai reçu une petite lettre de Mme de Choiseul ; elle me paraît digne de vous aimer . Je suis fâché contre M. le président Hénault 10 ; mais j'ai cent fois plus d'estime et d'amitié pour lui que je n'ai de colère .

 

Adieu, Madame, tolérez la vie ; je la tolère bien . Il ne vous manque que des yeux, et tout me manque . Mais assurément les sentiments que je vous dois et que je vous ai voués ne me manquent pas .

 

V. »


1 Robert Brown, pasteur de l'Église presbytérienne d'Utrecht . Ayant accepté de préfacer les Lettres critiques d'un voyageur anglais sur l'article Genève de l'Encyclopédie, de Vernet, 1762, que V* lui attribua jusqu'en 1766 :

http://books.google.fr/books?id=wDZCAAAAcAAJ&pg=PA81&dq=Lettres+critiques+d%27un+voyageur+anglais+sur+l%27article+Gen%C3%A8ve+de+l%27Encyclop%C3%A9die,+de+Vernet&hl=fr&ei=n6aPTeCSCpGw8QOst-ygDw&sa=X&oi=book_result&ct=book-thumbnail&resnum=1&ved=0CDMQ6wEwAA#v=onepage&q&f=false

Brown est venu chez V* pour voir si le portrait que l'auteur faisait de lui était exact, et il fut bien reçu . Après quoi, il avait raillé dans sa préface (page iv) « la secte poético-philosophique ..., ce tourbillon poétique se berçant de l'agréable chimère de réduire le christianisme ... à n'être plus qu'un vain nom »

V* riposta dans une lettre à d'Alembert qui fut dangereusement falsifiée et imprimée . S'ensuivit une polémique et Brown devint pour V* le modèle des hôtes ingrats . Selon lui, le pasteur disait « à tous les Écossais » qu'il « s'appliquait des reliques pour la fièvre » : lettre à Théodore Tronchin du 26 juillet 1765 .

2 Pendant le blocus de Genève ; voir la lettre « simulée » du 16 mars 1768 prétendue de Choiseul : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/03/15/queste-coglionerie-mi-trastullano-un-poco.html

3 Louis de Béchamel, marquis de Nointel, était surintendant des bâtiments sous Louis XIV et bien connu pour la magnificence de son hospitalité.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_B%C3%A9chameil_de_Nointel

4 V* a bâti une église à Ferney ; sur l'église de Pompignan, voir lettre du 9 février 1763 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/02/09/je-ne-peux-rendre-ni-les-hommes-ni-les-filles-raisonnables.html#more

5 Le maréchal de Richelieu, les héritiers de la maison de Guise, le marquis de Lezeau , d'une part et le duc de Wurtemberg d'autre part ; voir lettre du 8 mars à Mme Denis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/03/08/j...

6 Cette phrase causera de l'inquiétude à V* quand il apprendra que Mme du Deffand a montré sa lettre ; il écrira à Mme Denis le 31 mai : « Je crains fort que cette lettre n'ait donné à M. le maréchal de Richelieu un prétexte d'être froid avec moi . Je disais que vous alliez solliciter à Paris les paiements des généreux seigneurs français ... »

8 Le 18 mars , à Damilaville : « on met dans les gazettes que je me suis brouillé avec toute ma famille . Voilà les fruits de la cruelle indiscrétion de La Harpe ».

10 Cela à cause de l'article « Servet » dans l'Abrégé chronologique de Hénault, dont il a reçu la nouvelle édition . http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56063559.r=colonies.langFR

V* écrit entre autres au président, le 14 mars , à ce sujet : « Je n'ai point lu les additions ... J'ai ... lu « Servet », et j'ai été bien affligé . Je le suis d'autant plus que je sais que certainement Servet était un fou très honnête, et Calvin le plus malhonnête fanatique qui fût en Europe ... Le meurtre de Calas est une action très pardonnable en comparaison de l'assassinat juridique commis sur la personne de Servet... »

 

 Des joyeux camarades que je n'ai pas écouté depuis des lustres ! Shame on me !

http://www.deezer.com/listen-3105678