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21/12/2011

vous ne prétendez pas obtenir une grâce extraordinaire du ministre en lui disant qu'il suffit qu'une chose soit utile pour qu'on ne la fasse point

 Ce que je peux aisément traduire au XXIè siècle par " il suffit qu'une chose soit inutile pour qu'elle soit au budget de l'Etat ".

 

 

 

« A M. DUPONT,
Avocat

Aux Délices, près de Genève, 28 mars [1755]

Je n'ai que le temps, mon cher ami, de vous mander que j'ai fait partir votre mémoire. Votre dessein sans doute n'est pas qu'il soit présenté tel que vous me l'avez envoyé, vous ne prétendez pas obtenir une grâce extraordinaire du ministre en lui disant qu'il suffit qu'une chose soit utile pour qu'on ne la fasse point. Il y a quelques autres douceurs qui pourraient aussi effaroucher un peu le docteur bénévole. Enfin le mémoire est parti. Tout ce que je crains, c'est de m'adresser à M. de Paulmy pour une chose qui dépend probablement du chancelier, comme j'écrivis à M. d'Argenson pour cette maudite prévôté que M. de Paulmy avait dans son département i. Je ne me consolerai jamais de ce quiproquo.
Mes tendres respects, je vous en conjure, à toute la maison Klinglin, et à Mme Dupont. Vous avez dans Mme Denis et dans moi deux amis pour la vie. Pardon de mon laconisme je suis entouré de cinquante ouvriers. La terrasse de Mme Goll avait ses charmes, mais je suis ici un peu plus au large. Il ne me manque que de la santé et votre société. Je regrette bien nos petits soupers avec Mme Dupont.

 

V. »



 

 

Celui qui vous doit l'air qu'il respire ici n'y doit déplaire à personne

Volti est ici d'une politesse et d'une humilité reconnaissante remarquables , presque trop belles pour être vraies . Bien des gens pourraient s'en inspirer, et l'appliquer .

 

 

 

 

« A M. le conseiller François TRONCHIN i

Vous ne m'avez rien fait dire, mon cher séducteur. Monsieur votre frère, le prêtre ii, m'avait promis de dire à la vénérable compagnie que je suis son très humble valet, je me flatte qu'il s'en souviendra. Celui qui vous doit l'air qu'il respire ici n'y doit déplaire à personne. Je veux bien que vos ministres aillent à l'Opéra-Comique mais je ne veux pas qu'on représente dans ma maison, devant dix personnes, une pièce pleine de morale et de vertu, si cela leur déplaît. »

 

i François Tronchin, ex-banquier retiré fortune faite, membre du Petit Conseil de Genève, accueillit V* le 12 décembre 1754 à son arrivée à Genève, et présida à son installation aux Délices . Il s'y installera après la rétrocession du domaine à son frère Jean-Robert (banquier à Lyon) en 1765 .

 

ii Louis Tronchin , pasteur et professeur de théologie.

A voir :  

Cette lettre , que j'ai trouvée sans date, je l'ai déjà mise en ligne datée d'août 1755 :

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/08/10/c...

depuis quelque temps je n'aime pas les trônes

Pas plus que Voltaire, je n'aime les trônes où siègent des élus, tant du suffrage universel que les soi-disant élus de Dieu . Le seul avantage (?) pour le peuple est que là-haut ils sont des points de mire, j'allais dire des cibles à quolibets, plus souvent que des objets d'admiration .

Pour le reste , " Hi ! Happy tax payers !!"

 Lorsque j'entends les échos médiatiques des courses aux trônes, je ne peux oublier les Foires du Trône de ma jeunesse , où moyennant finances on est les rois .

trone02.jpg

 

 

 

« A Madame Louise-Dorothée de Saxe-Meiningen, duchesse DE SAXE-GOTHA
Aux Délices, près de Genève, 25 mars [1755]

Madame, je ne suis donc destiné qu'à être de loin le malade de Votre Altesse sérénissime . La grande maîtresse des cœurs a l'avantage de souffrir auprès de vous, et il est sûr qu'elle en souffre infiniment moins. C'est du moins une consolation pour moi d'être dans un lit que monseigneur le prince, votre fils, a mieux occupé que moi, je crois qu'il y dormait mieux. J'ai acheté toute meublée la maison où il a passé un été mais j'ai fait abattre un trône qu'on lui avait fait pour avoir la vue de Genève et de son lac i. Votre Altesse sérénissime me dira que depuis quelque temps je n'aime pas les trônes , je les aimerais si Votre Altesse sérénissime avait un royaume. Mais si je détruis les trônes de sapin peints en vert, j'abats toutes les murailles qui cachent la vue, et monseigneur le prince ne reconnaîtrait plus la maison. Est-il possible, madame, que votre malade plante et bâtisse, et que ce ne soit pas à Gotha ? J'ai appelé ce petit ermitage les Délices; il portait le nom de Saint-Jean. Celui que je lui donne est plus gai. Il n'y a pas d'apparence que je quitte une maison charmante et des jardins délicieux où je suis le maître, et un pays où je suis libre, pour aller chez un roi, fût-ce le roi de Cocagne. Je ne quitterai mes Délices que pour des délices plus grandes, pour faire encore ma cour à Votre Altesse sérénissime. Je n'irai point à Berlin essuyer des caprices cruels, ni à Paris m'exposer à des billets de confession, je crains les monarques et les évêques. Je vivrai et je mourrai en paix, s'il plaît à la destinée, la souveraine de ce monde, car j'en reviens toujours là c'est elle qui fait tout, et nous ne sommes que ses marionnettes. Si je n'avais pas été condamné à passer presque tout le mois de mars dans mon lit par cette destinée, qui prédétermine les corps et les âmes, j'aurais écrit plus tôt à ma protectrice, à ma bienfaitrice, à celle qui aura toujours mes premiers respects et les premiers hommages de mon cœur.
Nous avons , à Genève le premier ministre de Cassel, qui a été autrefois gouverneur du prince, et qui vient demander pardon aux cendres de Calvin de la désertion de son pupille.
Recevez, madame, les profonds respects que je présente à Votre Altesse sérénissime et à votre auguste maison. »

 

 

 

i C'est une constante que V*, dans ses dernières résidences, tient à avoir une « belle vue ».