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31/03/2013

Il est assez extraordinaire monsieur, que je n'aie pas un exemplaire de mes œuvres que vous avez imprimées

... C'est un peu fort de café que l'auteur qui va faire gagner de grosses sommes à l'éditeur ne reçoive pas un exemplaire de son oeuvre , à vous dégoûter de donner un travail rémunérateur .

 Pour l'instant, je n'ai pas eu encore la patience d'imprimer mon blog, juste une copie informatique que je me garderai bien de mettre sur le "cloud" ; écrire sur un nuage, très peu pour moi, je connais la volatilité de ce monde virtuel impossible à maitriser sereinement . Un bon vieux disque dur externe suffit à mon bonheur et à ma tranquillité . J'aime bien avoir mon "enfant" à portée de la main , j'aurais beaucoup de peine à le voir s'éparpiller comme gouttes de pluie lors d'un orage électronique dans un pays inconnu .

 Nébuleux, non ?

 

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Touché par le changement d'heure ? What time is it that Time ? http://www.youtube.com/watch?v=lhXLaoelqKI . Live Pink !

 

« A Michel LAMBERT 1

libraire, près de la Comédie-Française

à Paris

A Lausanne 26 janvier [1758]

Il est assez extraordinaire monsieur, que je n'aie pas un exemplaire de mes œuvres que vous avez imprimées . Je dois attendre de vous cette attention . Vous savez qu'il m'était impossible de les faire imprimer à Paris et que d'ailleurs je travaillais et corrigeais les épreuves à mesure qu'on l'imprimait 2. Je corrigerais encore une bonne moitié de tous ces ouvrages si c'était à refaire .

Je vous prie très instamment d'en envoyer un exemplaire chez M. Briasson 3 qui me fait un ballot de livres . Vous obligerez beaucoup votre très humble serviteur

Voltaire. »

1 Libraire parisien à qui V* avait confié l'impression de ses œuvres en 1751 .

2 Chez les frères Cramer imprimeurs à Genève .

3 Antoine-Claude Briasson, libraire dont un des principaux mérite est son travail pour l'Encyclopédie .

 

30/03/2013

L'humeur d'un côté, certain intérêt de l'autre, auront vraisemblablement plus de crédit de près que la raison qui vient de loin

... Ce qui permet de justifier le ballet des chefs d'Etats , de gouvernement, d'entreprises autour de la terre . Il est plus aisé d'obtenir un accord en tête à tête , en faisant jouer ses humeurs, bonnes ou mauvaises, en défendant ses intérêts privés -ou publics dans le meilleur des cas- .  

La raison qui vient de loin est boiteuse et met trop de temps à venir l'emporter sur les beaux parleurs-menteurs-profiteurs . 

Il n'est pas encore venu le temps où nous ferons des économies en jouant la carte des visio-conférences .

Vive le WEB -Ouab-Ouap pour tous

 

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« A M. Jean-Robert TRONCHIN,

à Lyon
Lausanne, 26 janvier [1758]
Le départ de M. l'abbé de Saint-Germain des Prés 1 et les nouvelles mesures qu'on prend ne laissent guère imaginer qu'on veuille entrer dans les sages mesures d'un homme 2 que son esprit, ses lumières et son expérience, devraient faire écouter. L'humeur d'un côté, certain intérêt de l'autre, auront vraisemblablement plus de crédit de près que la raison qui vient de loin. Quelque chose qui arrive il faut se bien porter . Je vous prie de présenter mes respects à l'homme sage et respectable que vous savez et de l'assurer de l'intérêt que je prends à sa santé .

Quoi qu'il arrive à Shwednits, à Yablonska 3, à Zell, à Cassel, il me vient quatre gros flambeaux d'argent à mettre sur un autel les jours de fête avec des bobèches de même . Cela vous est adressé pour moi par le coche et je vous prie de les adresser à votre correspondant M. Cathala par la messagerie, avec prière à M. Cathala de les dépêcher sur le champ par le coche à Lausanne . Mme Denis fait de la maison de Lausanne un petit palais . Elle me ruine en Suisse . Une Parisienne porte Paris partout .

Quand vous serez de loisir ne m'enverrez-vous pas le petit compte de mes clients pour le bien de mon âme . »

1 Le duc de Richelieu avait été rappelé le 22 janvier et quitta Hanovre le 8 février . Il fut remplacé par le comte de Clermont, Louis de Bourbon-Condé qui parmi ses nombreux bénéfices jouissait de celui de Saint-Germain-des-Prés . Il prit son poste à Hanovre le 14 février .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_de_Bourbon_%281709-1771%29

2 Le cardinal de Tencin à Lyon .

3 Jablunkau en Silésie orientale .

 

je crois fermement que le public d'aujourd'hui ne vaut pas la peine qu'on travaille pour lui, en quelque genre que ce puisse être

 ... Public de l'audiovisuel, et public de la chose écrite ou sculptée ou peinte, public désespérant quand on voit ce qu'il adule . Les créateurs peuvent alors être de minable à médiocre en toute impunité et trop souvent même être bien payés parce qu'ils font de l'audimat ou ont de bons agents .

 Je n'irai pas porter de fleurs sur leurs tombes, fut-ce des pains de pourceau.

 

Cyclamen_europaeum_Atlas_Alpenflora.jpg


 

 

« A Mme Marie-Elisabeth de DOMPIERRE de FONTAINE,
à Paris.
Lausanne, 26 janvier [1758].
Je reçois votre lettre du 19, ma chère nièce, et je me flatte que vous aurez la bonté de m'accuser la réception de celles que je vous ai envoyées par 1 M. d'Alembert. Il faut d'abord que je justifie M. Constant 2, que vous appelez gros Suisse. Il n'est ni Suisse, ni gros. Nous autres Lausannais, qui jouons la comédie, nous sommes du pays roman, et point Suisses. Il envoya, avant de partir, chercher la boîte chez Mme de Fontaine 3. On alla chez la fermière générale, qui envoya promener le courrier, et qui dit qu'elle n'envoyait jamais rien à Lausanne.
On peint, il est vrai, la charpente de mon visage; mais c'est à condition que vous le copierez. Votre sœur attend l'habit d'Idamé avec plus d'impatience que je n'attends ceux 4 de Narbas et de Zamti. Si elle avait bien fait, elle se serait habillée à sa fantaisie, sans suivre la fantaisie des autres, et sans vous donner tant de peines. Pour moi, avec sept ou huit aunes d'étoffe de Lyon, j'aurais très-bien arrangé mes guenilles de vieux bonhomme. Je n'aime à imiter ni le jeu, ni le style, ni la manière de se mettre . Chacun a son goût, bon ou mauvais. Mme Denis a cru qu'on ne pouvait avoir une jarretière bien faite sans la faire venir de Paris à grands frais; elle voulait que je fisse faire mon jardin des Délices à Paris; mais comme ce jardin est pour moi, j'ai été mon jardinier, et je m'en trouve très-bien. Vous en jugerez, s'il vous plaît. J'aurais tout aussi bien été mon tailleur, et je voudrais que vous pussiez en juger. Toutes ces dépenses réitérées ruinent quand on a acheté, réparé, raccommodé, meublé une maison spacieuse, et qu'on l'embellit; mais il ne faut pas y prendre garde il ne faut songer qu'à la bonté que vous avez d'entrer dans ces misères.
Je ne crois pas que l'abbé de Prades soit à Breslau, et je crois encore moins qu'on le fouette avec un écriteau au dos 5: car, s'il avait au dos cette belle devise, ce serait sur l'écriteau qu'on frapperait. Peut-être le fouette-t-on sur le cul; mais cela est sujet à des inconvénients. Les théologiens disent que cette façon peut occasionner ce qu'ils appellent des pollutions.6

Je crois encore moins qu'on ait exigé à Paris des cartons pour l'article Genève ; la cour se soucie peu de nos hérétiques, et d'ailleurs il n'est pas possible d'aller proposer un carton à tous les souscripteurs qui ont reçu le livre. Il n'y a pas quatre lecteurs qui l'achètent sans avoir souscrit.
Je ne crois pas non plus que M. le maréchal de Richelieu soit disgracié il n'a point perdu la bataille de Rosbach, il a passé l'Aller, il a fait reculer les Hanovriens, il a fait de son mieux. On ne doit punir que la mauvaise volonté, et le roi est toujours juste. Je ne crois point encore qu'il faille vingt ans pour détromper le public sur une très-mauvaise pièce 7; mais je crois fermement que le public d'aujourd'hui ne vaut pas la peine qu'on travaille pour lui, en quelque genre que ce puisse être.
Voilà, ma chère nièce, tout ce que je crois, et tout ce que je ne crois pas. Je vous ai ouvert le fond de mon cœur. Si vous avez quelque chose à croire dans ce monde, croyez que ce cœur est à vous. Vous ne me dites point si vous continuez à vous frotter circulairement avec de l'arthanite 8; si vous mangez, si vous digérez, si vous êtes agréablement logée. Il faut, s'il vous plaît, que vous m'instruisiez de votre manière d'exister, car mon être s'intéresse tendrement au vôtre.
Savez-vous si c'est à Paris qu'on élève le prince de Parme 9, ou si l'abbé de Condillac 10 va à Parme lui apprendre à raisonner? Savez-vous quand il part? Seriez-vous femme à lui persuader de prendre sa route par Genève et par Turin? S'il fait ce voyage cet hiver, nous le recevrions à Lausanne, nous le mènerions aux Délices, et de là nous le guinderions 11 par le mont Cenis à Turin, de Turin dans le Milanais, et du Milanais dans le Parmesan.
Portez-vous bien, et aimez-nous. »

1 Possible erreur pour « pour » , de même qu'on peut lire aussi village pour visage au paragraphe suivant .

2 Sans doute Samuel Constant de Rebecque; voir une note de la lettre du 15 juin 1756 à Brenles : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/07/12/ce-fantome-de-la-vie-on-s-en-plaint-on-la-maudit-on-la-prodi.html

3 La femme du fermier général Fontaine de Cramayel .

4 Voltaire avait chargé Lekain de cette commission.

7 Allusion sévère à l'Iphigénie en Tauride.

8 L'arthanite est le nom ancien du cyclamen europœum, L., que les Français appellent vulgairement pain de pourceau. (Note de M. de Cayrol.) On l'utilisait dans les clystères .

9 Ferdinand, né en 1751, duc de Parme en 1765, dépossédé par la Révolution, mort en 1802, père de Louis, roi d'Étrurie, mort en 1803.

10 Condillac alla à Parme pour diriger l'éducation du futur duc de Parme, Ferdinand , petit fils de Louis XV par sa fille Louise épouse du duc Philippe .

11 Guinder est enregistré au sens de hisser ; V* l'utilise dans cette lettre à une période voisine de celle où fut écrit de chapitre xviii de Candide dans lequel Candide et Cacambo sont sortis de l'Eldorado : « Il donna l'ordre sur le champ à ses ingénieurs de faire une machine pour guinder ces deux hommes extraordinaires hors du royaume . »

 

29/03/2013

après tout je n'aime pas qu'on fouette les prêtres

 ... Y compris quand ils se flagellent eux-même, à tort ou à raison, physiquement parlant évidemment . Mais je suis sans doute hors sujet, le cilice ne se porte plus guère de nos jours et battre sa coulpe suffit à se rapprocher du paradis et des saints aux vies merveilleuses , autant que fabuleuses au sens propre du terme . Le chemin de croix est devenu une attraction touristique, du plus petit village à la cité du Vatican .

 Alléluia !

 Fouette-moi, oui fouette-moi disait la crême ! je l'ai exaucée .

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« A Louise-Florence-Pétronille de TARDIEU d'ESCLAVELLES d'EPINAY

Lausanne 26 [janvier 1758]

Vous ? La goutte ! Madame ! Je n'en crois rien, cela ne vous appartient pas . C'est le lot d'un gros prélat, d'un vieux débauché et point du tout d'une philosophe dont le corps ne pèse pas quatre-vingt livres, poids de Paris . Pour de petits rhumatismes, de petites fluxions, de petits trémoussements de nerfs, passe ; mais si j'étais comme vous, madame, auprès de M. Tronchin je me moquerais de mes nerfs . C'est un bonheur dont je ne jouirai qu'après le retour du printemps car je ne crois pas que le secrétaire 1 et le chef des orthodoxes veuille jamais venir voir nos divertissements profanes et suisses . Cependant , madame, j'espère qu'il vous accompagnera quand nous serons un peu en train, qu'il y aura moins de neige le long du lac et que vos nerfs vous permettront d'honorer notre ermitage suisse de votre présence . Il fera pour vous, madame, ce qu'il ne ferait pas pour un vieux papiste comme moi, et il sera reçu comme s'il ne venait que pour nous .

Je vous remercie, madame, de vos gros gobets 2. J'en aurai le soin qu'on doit avoir de ce qui vient de vous .

Permettez que je remercie M. Linant 3. Il n'a pas besoin de son nom pour avoir droit à mon estime et à mon amitié , et j'ai connu son mérite avant de savoir qu'il portait le nom d'un de mes anciens amis . Je conviens avec lui que tout nous vient du levant et j'accepte avec grand plaisir la proposition qu'il veut bien me faire pour une douzaine de pruniers originaires de Damas et autant de cerisiers de Cérasunte . Ils s’accommoderont mal de mon terrain de terre à pot, maudit de Dieu ; mais j'y mettrai tant de gravier et de pierraille que j'en ferai un petit Montmorency 4. Je présente mes respects à l'élève de M. Linant, à M. de Nicolaï 5 qui fait ses caravanes de Malte près du lac de Genève . Enfin je présente ma jalousie à tous ceux qui font leur cour à Madame d'Epinay .

Au reste je serais fâché qu'on fouettât comme on le dit l'abbé de Prades tous les jours de marché à Breslau . Car après tout je n'aime pas qu'on fouette les prêtres .

Mme Denis se joint à moi et présente ses obéissances à madame d'Epinay .

M. de Richelieu est donc renvoyé après M. de Lucé 6. La cour est une belle chose . »

1 Théodore Tronchin , le médecin, est secrétaire de la Vénérable Compagnie des Pasteurs de Genève .Voir lettre du 8 janvier 1758 au même : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/03/17/vous-etes-prudent-et-je-n-ai-rien-a-vous-dire-mais-si-j-etai.html

2 Jeunes plants de cerisier ; voir lettre du 3 janvier 1758 à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/03/06/il-parait-qu-on-s-est-mis-dans-un-labyrinthe-dont-aucun-fil.html

3 Jean de Linant, précepteur du fils de Mme d'Epinay .

4 Mme d'Epinay possédait une propriété ,La Chevrette dans la vallée de Montmorency ( où elle avait accueilli et logé Jean-Jacques Rousseau )

6 Lucé, intendant de l'armée de Richelieu avait été rappelé le 14 janvier 1758 .

 

28/03/2013

Plus heureux qui est né libre

 ... Et le demeure .

 Comme elles aux ailes neuves

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« A M. Cosimo Alessandro COLLINI.
Gouverneur de monsieur le comte de Baver [Sauer]1

à Strasbourg
A Lausanne, 23 janvier [1758].
Je suis très-sensible à votre souvenir, mon cher Colini, et je vous souhaite un état assuré et tranquille, qui puisse vous faire oublier les agréments de votre beau pays. Je me trouve mieux que jamais de celui que j'ai choisi pour ma retraite. J'ai beaucoup embelli les Délices, et j'ai pris enfin une maison 2 à Lausanne, que j'ai très-ornée, et dans laquelle on est entièrement à l'abri des rigueurs de la saison. Je vois, de mon lit, quinze lieues de ce beau lac que vous connaissez. C'est le plus bel aspect que j'aie jamais vu; c'est là que je m'inquiète assez peu de tous les bouleversements de l'Allemagne. Vous devez vous intéresser à l'Autriche, puisque vous gouvernez un Autrichien, et que vous êtes né sous la domination de l'empereur. Plus heureux qui est né libre .Je vous embrasse. »

1 Sur le manuscrit Collini corrige et note Sauer car il est alors tuteur du fils du comte styrien von Sauer .

2 V* a quitté Montriond pour le grand Chêne ; voir lettre du 2 juin 1757 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/11/05/plut-a-dieu-que-cette-raison-put-parvenir-jusqu-a-faire-epar.html

 

On craignait alors beaucoup les Espagnols en Italie

... Et en cette période de qualification pour la coupe du monde de foot, la crainte, historique, est toujours vive . Le sang ne coulera pas, enfin j'ose l'espérer, seuls le dollar et l'euro couleront à flot . La crise espagnole fera cause commune avec l'italienne, les supporters oublieront un moment leurs fins de mois difficiles en applaudissant des gars en short grassement payés .

Entre millionnaires on s'entend bien , malgré tout

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« A M. Pierre-Jean GROSLEY 1

A Lausanne, 22 janvier 1758.

Je ne reçus qu'hier, monsieur, les deux dissertations 2 dont vous avez bien voulu m'honorer. Je les ai lues avec beaucoup de plaisir, et je ne perds pas un moment pour vous en faire mes remerciements. Je vois que non-seulement vous avez beaucoup lu, mais que vous avez bien lu, et que vous réfléchissez encore mieux. Je crois comme vous, monsieur, que l'abbé de Saint- Réal (homme qu'il ne faut pas regarder comme un historien) a fait un roman de la conspiration de Venise 3 mais on ne peut douter que le fond ne soit vrai. Le procurateur Nani 4 le dit positivement et je me souviens que l'abbé Conti, noble vénitien très-instruit, et qui est mort 5 dans une extrême vieillesse, regardait la conspiration du marquis de Bedmar 6 comme une chose très-avérée. Comment ne le serait-elle pas, puisque le sénat renvoya cet ambassadeur sur-le-champ, et qu'il fit mourir tant de complices ? Eût-on fait cet outrage au roi d'Espagne ? Se fût-on joué ainsi de la vie de tant de malheureux, pour supposer à l'Espagne une entreprise criminelle ? On craignait alors beaucoup les Espagnols en Italie. Venise, qui n'était point en guerre avec eux, voulait les ménager. Eût-ce été les ménager que leur imputer une pareille trahison ? On l'ensevelit autant qu'on put dans le silence, et le sénat avait en cela très-grande raison. Comment vouliez-vous que ce même sénat empêchât ensuite la promotion de Bedmar au cardinalat ? Les Vénitiens ont-ils jamais eu de crédit à Rome ? L'entreprise de Bedmar contre Venise était une raison de plus pour lui procurer le chapeau, plutôt qu'une raison pour l'exclure.
Ne rangez pas non plus la conspiration des poudres 7 parmi les suppositions; elle n'est que trop véritable. Personne en Angleterre ne forme le moindre doute aujourd'hui sur cette entreprise infernale. La lettre de Percy, qui existe, la mort qu'il reçut à la tête de cent cavaliers, le supplice de dix conjurés, le discours de Jacques Ier au parlement, sont des preuves contre lesquelles les jésuites n'ont jamais opposé que des objections méprisées. C'est en respectant vos lumières que je vous fais ces observations; et c'est avec bien de l'estime que j'ai l'honneur d'être,

monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire. »

3 La célèbre Conjuration des Espagnols contre la République de Venise, 1674 . Voir : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62079192

Voir la façon dont Saint Réal utilise ses sources pour ménager l'effet dramatique dans La Nouvelle en France à l'âge classique de F. Deloffre .

4 Ce procureur Nani [Giovanni] Battista [Felice Gasparo] Nani est l'auteur d'une Historia della republica Veneta, 1663-1679. Voir : http://www.treccani.it/enciclopedia/battista-felice-gaspare-nani_%28Dizionario_Biografico%29/

et : http://archive.org/stream/historiadellarep00nani#page/n3/mode/2up

et : http://fr.wikipedia.org/wiki/Giovan_Battista_Nani

5 En 1749 .

6 Alfonso della Cueva, marquis de Bedmar, en 1617-1618, avait tenté de faire passer Venise sous la domination espagnole . Couvert par l'immunité diplomatique il pût après l'échec de la conjuration se réfugier en Espagne où il devint cardinal et évêque d'Oviedo . Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Alfonso_de_la_Cueva,_1st_Marquis_of_Bedmar

7 Thomas Percy avait participé à la conspiration des poudres destinée à faire sauter le Parlement anglais le 5 novembre 1605 . une lettre anonyme avertit Monteagle qui dénonça le complot qui fut attribué aux catholiques . Voir Percy : http://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Percy_%28comploteur%29

et : http://fr.wikipedia.org/wiki/Conspiration_des_poudres

 

 

27/03/2013

je suis plus sensible à votre amitié qu'aux vains applaudissements de quelques connaisseurs obscurs, qui pourront dire dans cent ans Vraiment ce drôle-là avait quelques talents

... Voltaire, ami exemplaire, vit encore à mes yeux  dans la personne de Mam'zelle Wagnière qui lui est fidèle . Tout aussi fidèle en amitié, qualité terriblement aimablement touchante qui met/remet de l'espoir au coeur .

 

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« A M. Charles-Augustin FERRIOL, comte d'ARGENTAL
Conseiller d'honneur du parlement à Paris

rue de la Sourdière à Paris
A Lausanne, 22 janvier [1758]
J'ai reçu votre lettre du 13, mon cher et respectable ami, mais rien de M. de Choiseul 1. J'ai présumé, par ce que vous me dites, qu'il s'agissait d'obtenir un congé pour monsieur son fils 2 blessé et prisonnier. Je doute fort que le roi de Prusse voulût, à ma chétive recommandation, s'écarter des idées qu'il s'est prescrites, et je suis d'autant moins à portée de lui demander une pareille grâce pour M. de Choiseul, que je lui écrivis 3, il y a huit jours, en faveur d'un Genevois qui est dans le même cas, et qui probablement restera estropié à Mersbourg.
Mais le roi de Prusse a une sœur qui doit avoir quelque crédit auprès de lui, et à qui je puis tout demander. Je lui ai écrit de la manière la plus pressante 4, et je lui ai recommandé M. le marquis de Choiseul comme je le dois. Ne doutez pas qu'elle n'en écrive au roi son frère il ne doit lui rien refuser. Je crois que le roi de Prusse peut s'amuser actuellement à faire des grâces; il n'y a pas moyen de se battre avec six pieds de neige; aussi Schweidnitz n'est pas pris 5 mais j'ai toujours grand'peur que M. de Richelieu ne se trouve entre les Hanovriens et les Prussiens. On se moque de tout cela dans votre Paris, et pourvu que les rentes de l'Hôtel de Ville soient payées, et qu'on ait quelques spectacles, on se soucie fort peu que les armées périssent. La chose peut pourtant devenir sérieuse, et vos sybarites peuvent un jour gémir.
Pour moi, mon cher ange, qui ne m'occupe que des siècles passés, je ne crois pas devoir cette année m'exposer au refus de la médaille 6. Qui diable a imaginé cette médaille? On ne l'aurait pas donnée à l'auteur de Britannicus, qui n'eut que cinq représentations, et on l'aurait donnée à l'auteur de Régulus 7! Fi donc! il n'y a de médailles que celles que la postérité donne. Il faut un ami comme vous pour le temps présent, et de beaux vers pour l'avenir; mais je suis plus sensible à votre amitié qu'aux vains applaudissements de quelques connaisseurs obscurs, qui pourront dire dans cent ans Vraiment ce drôle-là avait quelques talents.

Mille respects à Mme d'Argental et à tout ange. 

V.»

1 Le comte de Choiseul, nommé ambassadeur de France à Vienne . http://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%A9sar_Gabriel_de_Choiseul-Praslin

2 Renaud- César-Louis, connu sous le titre de vicomte de Choiseul, avait été nommé guidon de gendarmerie en mars 1749, à l'âge de quinze ans. http://fr.wikipedia.org/wiki/Renaud_C%C3%A9sar_de_Choiseul-Praslin

3 Cette lettre manque .

4  Lettre non retrouvée .

5   La nouvelle de la prise de cette ville avait couru à Paris et d'Alembert en avait fait état dans sa lettre du 11 janvier 1758 à V* ; fausse nouvelle . Voir : http://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_(d%E2%80%99Alembert)/Correspondance_avec_Voltaire/007

6   Louis XV venait d'ordonner que les auteurs dont les pièces auraient eu un grand succès au théâtre, pour la première fois lui seraient présentés; pour la seconde, auraient une médaille; pour la troisième, obtiendraient une pension. La médaille portant l'inscription « Prix de l'art dramatique » signée Duvivier et J.-G. Raettius était apparemment frappée .

7   Cette tragédie de Pradon eut vingt-sept représentations de suite lors de sa création en 1688 . http://books.google.fr/books?id=KVZJAAAAMAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false