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31/07/2013

C'est aux Français à avoir la foire

 ... Eux qui sont si habitués à la faire pourraient bien se retrouver foireux , hélas .

 Je ne résiste pas à montrer cet exemple de plan qui laisse rêveur (si on croit au Père Noêl ! )

 plan foireux.jpg

 

« A Pierre Pictet

[vers le 15 avril 1758]

C'est aux Français à avoir la foire . On les a chassés jusqu'à Vesel . On leur a pris deux vaisseaux de 80 pièces de canon . Luc 1 assiège Shvednits . Les Anglais vont tenter une nouvelle descente vers La Rochelle . Le gouvernement fait de nouveaux emprunts, et Paris fait des chansons .

Mme d'Epinay a quitté les Délices .

Je suis toujours un peu malingre, et très reconnaissant de vos bontés .

V. »

1 Surnom moqueur de Frédéric II, donné par V* qui nommait son singe du même nom .

 

30/07/2013

pourrait-on par votre faveur trouver à Lyon deux tonneaux de bon vin de Serrière ou autre bien potable

... Car en ces temps (qui sont brefs habituellement sous nos climats) de canicule, je sens venir une bonne petite soif .

A propos du Salvagnin, je laisse l'entière responsabilité de son jugement à Volti ; pour ma part je le préfère quand même aux Beaujolais pissés dru, sans toutefois le porter aux nues (fussent-elles alcoolisées ) .

 C'est à boire , à boire, à boire , ... qu'il nous faut

 Macon-tonneaux.jpg

 

« A Ami Camp

et compagnie

à Lyon

Aux Délices 12 avril [1758]

Je vois par vos lettres mon cher monsieur, que vous prévenez tous mes désirs . Je n'ai jamais que des remerciements à faire, soit que je vous écrive ou à M. Tronchin .

Si vous n'avez pas envoyé les cent bouteilles voulez-vous bien y ajouter six bouteilles de vin de Rota ou d'Alicante 1 bien vieux ? Cela conviendrai très fort à mon estomac fort délabré qui est dans un état où le vieux vin d'Alicante est un spécifique . Savez-vous ce que c'est que la nouvelle opération de finance ? Mais ce qui m'importe le plus, pourrait-on par votre faveur trouver à Lyon deux tonneaux de bon vin de Serrière 2 ou autre bien potable , car les huit tonneaux de 1756 ont tous mal réussi, et il me vient du monde ? J'ai recours à vos bontés sans quoi nous serions réduits au Salvagnin 3 et cela serait dur .

Mme Denis et moi nous sommes etc.

Votre très humble et très obéissant serviteur

V. »

3 Le salvagnin , cépage dit « maintenant disparu » était une sorte de pinot noir . Bescherelle le définit comme un cépage du département de l'Ain qui y aurait été introduit par Voltaire . Actuellement on parle de Salvagnin pour désigner un vin rouge issu de Gamay, de Pinot ou de leur assemblage ; on parlait de Salvagnin dans le vignoble neuchatelois en 1775 . Des redevances en Salvagnin autant qu'en « bon vin blanc » sont livrées aux patriciens genevois par leurs grangiers en 1720 près d'Annemasse . Voir : http://www.academievin.com/pressrelease.aspx?cid=168&lid=2&eid=1&clid=1&ctid=6

 

29/07/2013

la France est un bon corps qui s'est toujours guéri de toutes ses maladies et elle en a essuyé de plus violentes

... Et si Voltaire affichait un tel optimisme en pleine Guerre de Sept Ans, c'est qu'il connaissait bien l'Histoire . Dirait-il encore la même chose de nos jours ? Peut-être pas dans notre pays où la grande question reste celle du lieu de vacances pour pouvoir épater la galerie en rentrant, avec, en deuxième plan, l'âge de la retraite qui doit bien évidemment être le plus jeune possible .

 Mais je peux me tromper en affichant un certain pessimisme . Les Froggies indisciplinés se noient avec une constance remarquable alors que nous avons par ailleurs des nageurs bien davantage remarquables .

Avec une bonne longueur d'avance

 DSCF3603 froggy en avance.png


 

 

« A Jean -Robert Tronchin

Aux Délices , 7 avril [1758]

Mon cher ami, vous voyez tout avec de bons yeux et je ne veux voir que par les vôtres . Je suis avec vous pour mes affaires comme avec le docteur Tronchin pour ma santé . Quand vous trouverez les effets publics mauvais et que vous vendez les vôtres, je vous prierai de vendre aussi les miens . Nous les avons achetés dans un temps où tout prospérait mais rien n'est encore désespéré . On ne dit pas de bien de nos affaires il est vrai , ni sur terre ni sur mer . Cependant la France est un bon corps qui s'est toujours guéri de toutes ses maladies et elle en a essuyé de plus violentes . Je n'enverrai le mandat de 25 mille livres qu'à la fin du mois, et je vous prierai de ne rien dire des affaires qui sont entre vous et moi à la personne qui doit payer les 25 mille livres .

J'ai envoyé à M. Camp un petit billet de change de 600 livres de Cadix . C'est tout ce que j'ai reçu de MM. Gilly 1 depuis 4 mois . Si ces messieurs traitaient leurs affaires comme les miennes, ils feraient bientôt banqueroute . On dit qu'il y en a beaucoup en France depuis quelque temps . Voilà le fruit de la guerre . C'est un fléau dont tout le monde se ressent . je ne songe qu'à cultiver en paix vos jardins . Je souhaite que vous ayez quelque fleuriste, quelque amateur de potager pour ami à Paris qui vous donne toutes les graines possibles . Quand pourrai-je vous voir à nos petites Délices ? Je viens d'y planter des noyers pour vos arrière-neveux . Mme Denis et moi nous vous embrassons de tout notre cœur .

V. »

 

28/07/2013

j'attends de vos bontés deux choses qui me deviennent nécessaires, les cent bouteilles de vin, et cinq cents louis d'or

 ... Que vous m'enverrez conjointement, ou séparément , et en ce dernier cas accordez la priorité aux louis d'or, s'il vous plait . Le taux d'intérêt de l'Ecureuil étant rogné pire qu'une vieille noisette , les cent bouteilles de vin seront bues avec plaisir et des amis pour oublier ces misères .

 pot a oille.jpg

 

 

« A Ami Camp

Aux Délices 7 avril [1758]

Mon cher monsieur, j'attends de vos bontés deux choses qui me deviennent nécessaires, les cent bouteilles de vin, et cinq cents louis d'or par la messagerie , que M. Tronchin m'a promis pour le sept ou le huit d'avril .

Voici une très petite lettre de change de Cadix que je vous prie d'insérer dans vos capitulaires .

Ne vendra-t-on pas la vaisselle du cardinal et les meubles ? Ne pourrais-je pas avoir deux pots à oille 1, avec leurs cueillers ?

Serais-je trop indiscret si je vous demandais une veste d'or cylindré ou écrasé ? Vous pourriez l'envoyer aussi par la messagerie 2.

Mme Denis et moi nous vous sommes toujours bien attachés .

Votre très obéissant serviteur

V. »

1 Un pot à oille est une marmite pour cuire des ragoûts (espagnol : olla) . Sur ceuiller ou cueiller voir lettre du 2 mars à Gallatin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/06/25/s-il-vous-restait-les-quatre-compotiers-et-deux-ceuillers-a.html

2 Cette dernière phrase est ajoutée entre les lignes sur le manuscrit .

 

ne trouvez pas mauvais que je trouve le théâtre petit

... Je parle ici d'un "théâtre" sur petit écran d'ordinateur avec un budget disproportionné , le site de la fondation de Carla Bruni-Sarkozy au rapport qualité/prix très nettement ridicule . Voir : http://bluetouff.com/2013/07/21/carla-bruni-sarkozy-anatomie-dune-cyber-catastrophe-a-410-000-euros-pour-le-contribuable/

motdaccueil carla.jpg

 

 

 

« A Béat-Fidèle-Antoine-Jean-Dominique de La Tour-Chatillon, baron de ZURLAUBEN.
Aux Délices, près de Genève.[mars-avril 1758]
Vous me donnez, monsieur, une extrême envie de vous obéir, mais vous ne pouvez me donner le talent de faire quelque chose d'heureux qui remplisse votre idée, et qui plaise au public et à vous. La langue française n'est guère propre aux inscriptions et aux épigraphes; cependant, si vous en voulez souffrir une médiocre à la tête d'un bon livre, et au bas du portrait du duc de Rohan, en voici une que je hasarde, uniquement pour obéir à vos ordres. Puisqu'il s'agit du petit pays et de la petite guerre de la Valteline, ne trouvez pas mauvais que je trouve le théâtre petit c'est assez que votre héros ne le soit pas. 1

Sur un plus grand théâtre il aurait dû paraitre;
Il agit en héros, en sage il écrivit:
Il fut même un grand homme en combattant son maître,
Et plus grand lorsqu'il le servit. 2


Vous voudriez, sans doute, de meilleurs vers, monsieur, et moi aussi mais il y a longtemps que j'ai renoncé à rimer. Une chose à laquelle je sens que je ne renoncerai jamais, c'est aux sentiments d'estime que je vous dois, et à l'envie de vous plaire. Pardonnez cette courte prose et ces plats vers à un pauvre malade. J'ai l'honneur d'être bien respectueusement

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire . »

1   Voir lettre du 14 mars 1758 à Zurlauben : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/07/14/l...

2  Le frontispice de l'ouvrage de Zurlauben parut en effet avec les vers de Voltaire placés sous le portrait de Rohan, mais le premier vers qui pouvait paraître inutilement blessant fut remplacé par :

Avec tous les talents, le Ciel l'avait fait naître .

 

27/07/2013

M. de Richelieu a trouvé mauvais apparemment que je ne lui aie pas sacrifié une cuisse de nièce

 ... N'insistez pas ma chère nièce, et cessez de me regarder ainsi . En aucun cas je ne vous embrasserai pour rompre le mauvais sort !

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A M. le comte d'ARGENTAL.
Aux Délices, [vers le 30 mars 1758].
Mon cher et respectable ami, je ne devrais être étonné de rien à mon âge. Je le suis pourtant de ce testament. Je sais, à n'en pouvoir douter, que le testateur 1 était l'homme du sacré collège qui avait le plus d'argent comptant. Il y a sept ou huit ans que l'homme de confiance dont vous me parlez 2 lui sauva cinq cent mille livres qui étaient en dépôt chez un homme d'affaires dont le nom ne me revient pas; c'est celui qui se coupa la gorge pour faire banqueroute, ou qui fit croire qu'il se l'était coupée. On eut le temps de retirer les cinq cent mille livres avant cette belle aventure.
Certainement, si Mme de Grolée 3 ne se retire pas à Grenoble, si elle reste à Lyon, l'homme de confiance sera l'homme le plus propre à vous servir; et vous croyez bien, mon cher ange, que je
ne manquerai pas à l'encourager, quoiqu'un homme qui vous a vu et qui vous connaît n'ait assurément nul besoin d'aiguillon pour s'intéresser à vous.
Je suis charmé que M. le maréchal de Richelieu ait exigé du cardinal, votre oncle, l'action honnête qu'il fit quand il vous assura une partie de sa pension; mais s'il faut toujours envoyer de nouvelles armées se fondre en Allemagne, il est à craindre qu'à la fin les pensions ne soient mal payées. Heureux ceux dont la fortune est indépendante . Je ne reviens point de votre singulière aventure de cette maison dans une île que les Anglais ont brûlée 4. Il faut au moins que, par un dédommagement très-légitime, la pension vous soit payée exactement.
Je ne sais si M. le maréchal de Richelieu a beaucoup de crédit à la cour; je crois que vous le voyez souvent. Je ne suis pas trop content de lui. Je vous ai déjà dit qu'il s'était figuré que je devais
courir à Strasbourg pour le voir à son passage, lorsqu'il alla commander cette malheureuse armée. Mme Denis était alors très-malade elle avait la fièvre. Vous vous souvenez que le roi de Prusse lui avait fait enfler une cuisse 5 il y a cinq ans; cette cuisse renflait encore; les maux que les rois causent n'ont point de fin. M. de Richelieu a trouvé mauvais apparemment que je ne lui aie pas sacrifié une cuisse de nièce. Il ne m'a point écrit, et le bon de l'affaire est que le roi de Prusse m'écrit souvent. Cependant je veux toujours plus compter sur M. de Richelieu que sur un roi. Il est vrai que, dans mon agréable retraite, ni les monarques ni les généraux d'armée ne troublent guère mon repos.

Quant à l'Encyclopédie, mon cher ange, voici ce que je vous supplie de faire entendre à Diderot s'il est assez heureux pour vous voir .

Quand d'Alembert m'a envoyé des articles à faire j'ai toujours cru et j'ai dû croire que Diderot et compagnie étaient de concert avec lui . S'ils veulent que je donne ces articles destinés au huitième volume la chose vaut bien peu, si elle ne vaut la peine que Diderot m'en prie .

Mais en ce cas il faudra toujours me les renvoyer par Bouret ou quelqu'autre contresigneur 6 afin que je les corrige . Et supposé que Diderot et compagnie me chargent de ces articles , je dois supposer encore 7 que d'autres ne travailleront pas 8.
Je suis toujours affligé que Diderot, d'Alembert, et autres, ne soient pas réunis, n'aient pas donné des lois, n'aient pas été libres, et je suis toujours indigné que l'Encyclopédie soit avilie et défigurée par mille articles ridicules, par mille déclamations d'écolier qui ne mériteraient pas de trouver place dans le Mercure. Voilà mes sentiments, et, parbleu, j'ai raison.
Mille tendres respects à tous les anges. Je vous embrasse tant que je peux.

Le Suisse V. »

1  Le cardinal de Tencin .

2  Jean-Robert Tronchin banquier à Lyon .

3   Françoise de Guérin de Tencin épouse de Jacques-Laurent du Gros, comte de Grolée, sœur du cardinal de Tencin et tante de d'Argental.

Les iles de Ré et d'Aix, qui appartenaient alors à M. d'Argental, avaient été ravagées par les Anglais. Le roi en a fait depuis l'acquisition. (Kehl.)

6  Par Bouret ou quelqu'autre contresigneur est ajouté en marge sur le manuscrit .

7  Encore est ajouté au dessus de la ligne .

8   Les trois paragraphes depuis Quant à l'Encyclopédie … supprimés sur la copie Beaumarchais manquent dans l’édition de Kehl et suivantes .

 

26/07/2013

j'apprends que vous avez la tête grosse comme un boisseau

 ... Mon pauvre (sic) M. Guéant !

Mais à force de vous hausser du col depuis des années votre tête s'est prise pour une mongolfière avec les conséquences néfastes que l'on sait , l'enflure de l'égo vous a donné des vapeurs . A jouer les éminences grises votre teint est devenu raccord , je soupçonne même ici une tenue de camouflage face aux juges qui vous attendent . Nulle inquiétude de ma part pour votre état de santé ou maladie supposée, vous êtes à l'aise dans le mensonge depuis bien longtemps avec votre ex - patron président sujet au même mal .

Voici le seul type de nageur en eaux troubles que je respecte

 DSCF3595nageur en eaux troubles.png

 

 

« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches

à Lausanne

Aux Délices 30mars [1758]

Je suis à vos ordres, monsieur, mais je suis un peu malade et j'apprends que vous avez la tête grosse comme un boisseau, que vos dartres vous tourmentent plus que jamais . En vérité vous devriez bien plutôt venir consulter Tronchin que de songer à la comédie . Polifonte, Zamore, Orosmane se portaient à merveille . Il faut avoir soin de sa santé préférablement à tout . N'abusez point de votre jeunesse et de votre force . Pardonnez à la liberté avec laquelle je vous parle . Il est impossible de ne pas s'intéresser vivement à vous . Venez voir Tronchin , nous retournerons ensemble à Lausanne . Si en recevant ma lettre vous êtes mieux et d'un mieux à ne pas craindre de rechute, mandez-le moi, je vous en prie et si vous êtes en humeur et en état de répéter et de jouer, je partirai avec Mme Denis à la réception de vos ordres . Mais au nom de Dieu ne négligez pas votre santé .

Votre très humble et très obéissant serviteur

V. »