20/11/2013
Vous savez, monsieur, combien il en coûte de faux frais avant qu'on soit en possession d'une terre
... Et s'il n'est pas possible d'échapper aux griffes du fisc et des notaires, il n'est pas nécessaire de rajouter des frais au profit d'aigrefins .
maire de Gex.
Je vous écris en hâte, monsieur, et sans cérémonie, chez M. de Boisy, où je ne suis que pour un moment.
C'est, monsieur, pour avoir l'honneur de vous dire que ma confiance en vos bontés m'a déterminé à entrer en marché de la terre de Fernex avec M. de Boisy. Le bonheur d'être en relation avec vous donnerait un nouveau prix à ce petit domaine. Je compte l'avoir à peu près à quatre-vingt mille livres sans les effets mobiliers qui forment un objet à part. On m'avait assuré que les lods et ventes allaient à huit mille livres. J'ai demandé à Son Altesse sérénissime 3 une diminution de moitié, diminution que tous les seigneurs accordent. Ainsi je me suis flatté que je ne payerais que quatre mille livres c'est sur ce pied que j'ai donné ma parole à M. de Boisy. La nature de mon bien, monsieur, ne me met pas en état de trouver sur-le-champ quatre-vingt mille livres pour payer M. de Boisy; il faut que j'emprunte 4. Vous savez, monsieur, combien il en coûte de faux frais avant qu'on soit en possession d'une terre; il ne me serait guère possible de faire cette acquisition si je ne trouvais des facilités auprès de M. le comte de La Marche 5. J'ai écrit à son intendant, et, supposant toujours que les droits étaient de huit mille livres, j'ai demandé une diminution de moitié.
Oserai-je vous supplier, monsieur, de vouloir bien spécifier, lorsque vous écrirez, que c'est la somme de quatre mille livres que je propose de donner?
On me dit que Son Altesse sérénissime s'est réservé les deux tiers de ce droit. A l'égard de votre tiers, j'en passerai par ce que vous voudrez bien me prescrire, et j'attendrai vos ordres pour conclure ma négociation entamée. Elle me procure l'honneur de vous assurer de mes sentiments et soit que je sois possesseur de cette terre, soit que le marché n'ait pas lieu, je serai toujours, monsieur, avec respect, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
VOLTAIRE,
gentilhomme ordinaire du roi. »
1 Lettre communiquée par M. le vicomte de Carrière en 1752, ancien préfet de l'Ardèche (Beuchot.). Le manuscrit est passé finalement à la vente Degrange (Paris 1er mars 1936) .
2 L'original est de la main de Voltaire, et sans indication d'année. Une note au crayon porte 1759. Ce doit être 1758. Voir la lettre du 3 janvier 1759, au même. Voici, jusqu'à présent, la première lettre qui soit connue, écrite par Voltaire de Fernex, qu'il appela bientôt Ferney, et dont il acheta la seigneurie. (Beuchot.)
3 Le prince de Conti ; voir lettre du 23 septembre 1758 à de Brosses : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/11/03/mon-grand-plaisir-serait-de-n-avoir-affaire-de-ma-vie-ni-a-u.html
4 Beau travail de marchandage qu'on apprécie d'autant plus en ayant connaissance de sa lettre à Jean-Robert Tronchin de la veille : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/11/19/vos-huit-tonneaux-sont-devenus-d-assez-bon-vinaigre-c-est-un-5225750.html
5 Voir lettre du 23 septembre 1758 à de Brosses : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/11/03/mon-grand-plaisir-serait-de-n-avoir-affaire-de-ma-vie-ni-a-u.html
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19/11/2013
Vos huit tonneaux sont devenus d'assez bon vinaigre . C'est un très petit inconvénient dans ce bas monde, où tout est composé d'anicroches
... Vous comprenez mieux pourquoi, de nos jours, il est fait un battage formidable pour le Beaujolais nouveau, à boire sans délai . Voltaire a fait les frais de ce nectar fait pour assaisonner les cornichons (j'en ai fait partie, dans l'ancien temps ) .
Fruité, gouleyant , etc., etc. voilà ce qu'on dit chaque année pour tous ces vins primeurs qui viennent nous agacer les papilles et faire pisser . Ils ont ceci de bon, on les oublie vite, et ceci de mauvais on oublie l'année suivante qu'ils ne valent pas vraiment le coup de sortir le tire-bouchon . Mais business is business . Vive les Japonais et autres buveurs assoiffés de mode et prêts à tout pour épater leurs voisins .
Si ma "mère vient de voyager" je lui proposerai désormais de se reposer dans un petit bol avec un verre de vin . Je suis certain qu'elle sera d'accord pour le petit verre, mais qu'elle refusera d'entrer dans le bol, mauvais souvenir de jeunesse et de sa fameuse coupe au bol . Evitons donc tout ce qui pourrait faire tourner les affaires au vinaigre !
Prudemment , donc, je laisserai "la mère agir tranquillement", comme je vous le conseille également si vous voulez rester en bons termes .
« A Jean-Robert Tronchin
14 octobre [1758]
Comptons, mon cher correspondant, afin que je ne fasse pas de sottises . Il faudra probablement, soixante mille livres au mois de décembre, vingt mille livres pour une autre affaire, soixante mille livres à la fin de mars, et vingt mille livres en juillet . J'ai déjà donné 90 mille livres au baron .
Voilà donc délogés de mon frusquin 1 :
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60 000 |
£ |
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60 000 |
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90 000 |
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20 000 |
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plus pour menus frais |
10 000 |
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encore au mois de juillet |
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total |
240 000 |
£ |
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Vous aviez à moi d'une part environ |
400 000 |
£ |
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de l'autre en annuités et billets de loterie, etc. environ |
36 000 |
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en voici 20 mille en une lettre sur Laleu |
20 000 |
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_______ |
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456 000 |
£ |
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voilà donc |
456 000 £ et plus |
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pour payer |
240 000 £ ou environ |
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restera entre vos mains |
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216 000 £ |
Que la guerre continue, que la paix se fasse, que les hommes s'égorgent ou se trompent, vivamus et bibamus 2. Votre vin ne vaudra pas mieux cette année-ci que l'autre . Vos huit tonneaux sont devenus d'assez bon vinaigre . C'est un très petit inconvénient dans ce bas monde, où tout est composé d'anicroches . On me fait espérer de vieux vin de Languedoc fort bon . La terre de Ferney rendra d'excellent froment ; ainsi nous aurons la bénédiction de Jacob et d'Esaü . Quant à votre terre qu'on appelle ici Saint Jean dans les rues basses et à qui j'ai ôté le nom d'un saint, vous la retrouverez un jour un peu plus agréable que M. Mallet ne vous l'a remise . C'est une vraie retraite de philosophe genevois et vous finirez par l'être .
Pour achever la bénédiction de Jacob il me faut de l'huile d'olive et j'en attends de vos bontés . Votre cousin le docteur veut qu'on y ajoute de la casse . Ainsi vous encourez les anathèmes de la faculté si vous ne m'en envoyez pas une douzaine de livres . Vous voyez mon cher monsieur que c'est par vous que je vis .
Et le sucre dont il me faut des tonneaux ? et le café dont il me faut des balles ? tout cela est-il devenu bien cher, grâce aux déprédations anglicanes 3? Il faudra bientôt demander à ces pirates d'Anglais la permission de déjeuner . Dieu les confonde, eux et leurs semblables qui désolent l'Europe, et Dieu nous tienne en joie .
Je me flatte que vous avez terminé l'affaire de vos six millions 4. Vous devez réussir dans tout ce que vous entreprenez .
Je vous embrasse, autant en fait ma nièce .
V. »
1 Le saint-frusquin est « le petit bien d'une personne » . l'expression est faite sur Saint Crépin , qui a le même sens avec substitution de radical (frusques= habits).
3 L'emploi plaisant d'anglican n'est pas sans exemple . De même Robert Challe écrit en 1716 dans ses Mémoires qu'il craint que le Canada ne soit « anglicanisé » . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Challe
4 Prêt fait par la ville de Lyon au roi ; voir lettre du 24 juin 1758 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/09/03/j-ai-oublie-de-vous-dire-5155513.html
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18/11/2013
Laissons , monsieur, les rois se battre en protestant qu'ils aiment la paix
...
« A Charles de Brosses, baron de Montfalcon
Aux Délices, 14 octobre [1758]
Laissons , monsieur, les rois se battre en protestant qu'ils aiment la paix, et le cynique, moral et comique Jean-Jacques 1 écrire contre la comédie . Laissons la cervelle du roi d'Espagne telle que Dieu l'a faite 2, le roi de Pologne baillant sur son trône 3, le roi de Suède 4 assis sur le sien comme sur la sellette, le roi de Prusse menant la vie de Mandrin et parlons de nos affaires un petit moment . Vous faites fort bien en vérité, monsieur, en vérité, de me préférer à ce seigneur médisant qui est à Genève .
Vous serez très content de moi, et je vous laisserai un jour une belle charrue à semoir pour le pot de vin et épingles .
Felices sua si bona norint ,5 … je ne peux donner que 30 000 livres, pas un écu de plus .
Jean-Louis Wagnière du canton de Berne signera quand vous l'ordonnerez . Je suis à vos ordres avec un sincère respect .
V. »
1 Le 6 octobre , de Montmorency, Rousseau avait demandé à Vernes d'envoyer à Voltaire un exemplaire de la Lettre sur les spectacles . Le 22 il ajoutait : « Je n'ignorais pas que l'article « Genève » était en partie de M. de Voltaire ; quoique j'aie eu la discrétion de n'en rien dire , il vous sera aisé de voir par la lecture de l'ouvrage que je savais en l'écrivant à quoi m'en tenir . Mais je trouverais bizarre que M. de V. crût pour cela que je manquerais de lui rendre un hommage que je lui offre de très bon cœur . »
2 Ferdinand VI . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ferdinand_VI_d%27Espagne
Il avait été très affecté par la mort de sa femme, Maria Magdalena Barbara de Portugal, et mourut lui-aussi peu après
3 Auguste III .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Auguste_III_de_Pologne
4 Adolphe Frédéric : http://fr.wikipedia.org/wiki/Adolphe-Fr%C3%A9d%C3%A9ric_de_Su%C3%A8de
5 Citation approximative de l'Enéïde II, 458, de Virgile : heureux s'ils connaissaient leur bonheur .
14:49 | Lien permanent | Commentaires (0)
17/11/2013
en qualité de citoyen j'espère que votre protection me tiendra lieu de ces droits
... Car c'est l'piston qui fait marcher la machine !
http://www.youtube.com/watch?v=kNiTBihzP78
Rien de neuf sous les crânes des citoyens lambda, beta ou omega, qui fricotent, font du lèche-bottes, du lobbying pour s'attirer les bonnes grâces d'élus, de gens dits bien placés, depuis le policier de quartier jusqu'au président de la république en passant par le curé, sa bonne , le bedeau et l'archevêque .
Le besoin de passe-droits est incommensurable en notre vénéré pays des droits de l'homme , qui a changé de régime un certain 14 juillet, mais qui a gardé le même yaourt dans les cervelles .
Est-ce parce qu'il y trop de lois coercitives qu'instinctivement on cherche un raccourci ?
Est-ce par méfiance (justifiée plus que souvent) envers la gent des fonctionnaires ? Ces fonctionnaires qu'en privé on vilipende et qu'on caresse lâchement en public , ceux là ont réellement le pouvoir de nous pourrir la vie, ceux-là sont courtisés mieux qu'une maitresse , avec des résultats identiques : nous sommes cocus !
NDLR.- Toute ressemblance avec des personnes et des situations connues, présentes, passées ou à venir, ne peut être que fortuite , cela va sans dire . Quoique ...
« A Jean-François Joly de Fleury
Monsieur, on me propose une terre dans votre intendance 2 . C'est un agrément dont je sens le prix mais je n'en peux jouir sans votre protection . C'est la terre de Ferney à deux lieues de Genève au pays de Gex . Cette terre n'est convenable pour moi qu'autant qu'elle peut défrayer en partie ma maison des Délices, et me délivrer du continuel embarras d'acheter les choses nécessaires à la vie . Je n'ai chez moi que des fleurs, de l'ombrage, et quelquefois quarante personnes à nourrir par jour . Je dois à vos bontés la permission d'acheter en Bourgogne soixante coupes de blé par an , ce qui n'est pas la moitié de mon nécessaire . J'ai auprès de moi une assez nombreuse famille . Elle vous aura la même obligation que moi, monsieur, si vous daignez faciliter par vos bontés l’acquisition qui se présente . La terre de Ferney appartient, comme vous le savez monsieur, à M. de Budée de Boisy 3, descendant de ce célèbre Budée qui fît naître en France sous François Ier les belles lettres que je voudrais cultiver mieux que je ne fais . Vous les favoriserez en honorant de votre approbation le marché que M. de Budée de Boisy me propose . Je sais qu'en qualité de Genevois il a dans sa terre quelques droits dont je serai privé, mais en qualité de citoyen j'espère que votre protection me tiendra lieu de ces droits . Je demande la permission de faire passer de ma terre de Ferney cent coupes par an à ma maison des Délices, en cas que la terre soit à moi, outre les soixante que vous m'avez déjà accordées . Ces 160 coupes serviront pour la consommation de cette maison et pour celle de Lausanne où je passe l'hiver .
Je demande aussi la permission de payer la même somme que M. de Boisy paye pour son dixième . Ces deux grâces me détermineront à signer le marché dont je suspends la conclusion jusqu'au moment où je vous devrai , monsieur les facilités que j'ose attendre de vos bontés .
On dit, monsieur que vous avez à Gex un subdélégué,4 homme de mérite . Un mot de vous suffirait pour terminer avec lui les petites choses que je demande .
J'ai l'honneur d'être avec une reconnaissance respectueuse
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
gentilhomme ordinaire
du roi. »
1 Joly de Fleury répondra favorablement le 16 octobre 1758 en précisant : « Il ne m'est pas possible de vous donner une parole positive ni de prendre un engagement par écrit sur la permission de sortir 16 coupes de grain par chaque année, mais je vous prie de compter que vous n'éprouverez jamais de ma part aucune mauvaise difficulté ; en ce qui concerne les 10ès ou du moins les 2 10ès , ces impositions étant abonnées vous devez plutôt espérer de la diminution que de craindre la moindre augmentation à moins qu'il n'y eût quelque portion de l'ancien dénombrement . »
2 Joly de Fleury était l'intendant du Pays de l’État de Bourgogne, incluant Gex . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Fran%C3%A7ois_Joly_de_Fleury
3 Jacob de Budé de Boisy .Voir : http://www.notteghem.fr/genea/genebude/images/genealogie_bude.pdf
4 Louis-Gaspard Fabry, avec qui V* aura souvent à faire . Voir lettre du 15 octobre 1758 : page 516 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411355v/f519.image . Voir : page 570 : http://books.google.fr/books?id=9jERAQAAMAAJ&pg=PA570&lpg=PA570&dq=Louis-Gaspard+Fabry&source=bl&ots=LVR75sPAd9&sig=OknxNJJmSdy57JnjdCpZj4MtI-8&hl=fr&sa=X&ei=ATuJUrLcF87B0gWLgYH4DA&ved=0CEEQ6AEwAw#v=onepage&q=Louis-Gaspard%20Fabry&f=false
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16/11/2013
Il se pourrait bien faire que dans quelque temps je vous priasse de m'aider
... Comme disent les Ecritures, "demandez et vous recevrez", mais Dieu et tous les saints et anges entendent-ils bien l'imparfait du subjonctif ?
« A Jean-Robert Tronchin
Aux Délices 7 octobre [1758]
Je vous enverrai incessamment, mon cher correspondant, la réponse à la lettre qu'une belle dame vous a remise pour moi . Cette personne pensait comme feu votre ami le teneur de conciles 1.
Quant à M. Pesselier 2, il est vrai que j'ai trouvé un rouleau à Lausanne contenant un tableau de finance . Cela est dans ma petite bibliothèque de Lausanne . Il n'y avait point de lettre, et ce n'est que par vous que j'apprends aujourd'hui que c'est à M. Pesselier à qui j'en ai l'obligation . Je vous prie, mon aimable correspondant de lui marquer combien je l'estime . Je le regarde comme un des meilleurs esprits que nous ayons en France, et je suis extrêmement flatté de son souvenir . Je ne sais point sa demeure et d'ailleurs je ne pourrai voir ce qu'il a eu la bonté de m'envoyer que quand je serai à Lausanne . Je m'en remets actuellement à vous pour lui faire mes excuses et pour l'assurer de tous les sentiments que j'ai pour lui .
Il se pourrait bien faire que dans quelque temps je vous priasse de m'aider à faire l'acquisition d'une petite terre dans notre voisinage 3 d'environ cent et quelques mille livres. C'est un assez bon effet, et qui mettrait plus d’abondance dans nos Délices . Cette terre servirait à procurer très bonne chère à la bonne compagnie de Genève qui vient quelque fois dans votre maison . Que n'y êtes- vous? Mais vous faites fort bien d'acquérir à Lyon de quoi venir un jour vivre dans notre ermitage encore plus agréablement que moi .
Les Russes ont beau dire en se retirant qu'ils ont gagné la bataille du 25 septembre, les lettres que j'ai reçues du roi de Prusse n'ont point du tout l'air d'un homme battu . On assure que les Anglais en veulent à Québec . Dieu garde [de] mal 4 Pontichéri . Votre très humble valet y perdrait moitié de son avoir .
Quand billets de loterie et annuités seront au pair, je vous supplie d'en signaler un mot à l'ermite qui vous aime .
P.S.- Révérence parler, je viens d'acheter une terre 5. N'en dites mot et gardez moi 130 mille livres pour la payer .
Voici la réponse 6 à la lettre qu'une belle dame vous a donnée pour moi . Il n'y a qu'à la faire mettre tout uniment à la poste . Vale .
V. »
1 Le cardinal de Tencin . Par contre, la « belle dame » nous est inconnue , on pense à Mme d'Epinay, ou mieux à Mme de Pompadour .
2 Charles-Etienne Pesselier avait envoyé à V* un prospectus pour les Œuvres de M. de Pesselier ; voir lettre du 30 octobre 1758 à celui-ci : page 525 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411355v/f528.image
. Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles-%C3%89tienne_Pesselier
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15/11/2013
quoique j'aie l'air de n’avoir rien à faire
... Je n'en pense pas moins .
« A Élie Bertrand
Aux Délices 7 octobre 1758
Mon cher ami, je suis parfois un paresseux, un négligent . Je comptais vous écrire en vous envoyant les sept tomes encyclopédiques, mais ils sont encore à Dijon . Préparez toujours vos matériaux . Adressez-les au sieur Briasson, libraire à Paris , rue Saint Jaques car je pourrais bien faire encore un petit voyage . Je n’ai encore lu aucun des journaux italiens 1, je n'en ai pas eu le temps quoique j'aie l'air de n’avoir rien à faire . Je les ferai relier quand j'en aurai un certain nombre et alors je les lirai . Je me flatte que l'année prochaine M. de Freydenrick viendra dans nos cantons et que vous serez de la partie . Je regarderai les jours que je passerai avec vous comme les plus agréables de ma vie . Je vous embrasse du meilleur de mon cœur . Aimez-moi tout paresseux que je suis .
V. »
1 Voir lettre du 18 février 1758 à Bertrand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/06/14/q...
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14/11/2013
Je vous répète que les Français ne l'abandonneront pas . Elle est trop vertueuse et trop belle
... Mme Taubira ?
... Angela ?
S'il est question de vertu, on peut y croire . Quant à la beauté, elle est sûrement intérieure comme on le dit si bien .
Ces deux qualités sont-elles en trop dans les cas présents ?
« De Marie-Louise Denis et Voltaire
à Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck
Aux Délices 5 [octobre 1758] au soir
Mon premier soin, madame, après avoir vu M. Grim a été d'envoyer chez le peintre pour le portrait de votre divine impératrice 1 . Il me les a apportés tous deux ce matin . Ma sœur 2 trouve toujours le premier meilleur que le second . Mon oncle et moi nous les trouvons bien tous les deux . M. Grim aurait pu s'en charger si le peintre n'avait encore exigé de les garder trois jours . Ainsi nous vous enverrons ces portraits par le carrosse de Genève qui arrive à Lausanne mercredi prochain 11 du courant . On les empaquettera dans une petite boite à votre adresse, et vous aurez la bonté , madame, d'ordonner qu'on aille prendre ce petit paquet à l'arrivée du carrosse à Lausanne .
Je vous promets aussi de faire travailler M. Huber 3, et de ne lui laisser ni paix ni trêve qu'il n'ait fait ce que vous lui demandez . J'ai écrit à Lyon pour vos dessus de souliers . Dès que je les aurai nous verrons où vous serez et comment on pourra vous les faire tenir .
Je ne songe point à votre départ, madame, sans une grande douleur . Pourquoi vous être montrée à nous si bonne, si spirituelle, si aimable pour disparaître si promptement . Vous emportez nos cœurs et vous ne nous laissez que des regrets . Nous parlons sans cesse de vous . Mon oncle vous respecte et vous aime . Il dit toujours qu'il faut que vous demeuriez en Suisse, que vous n'êtes pas assez philosophe, que c'est de toutes les vertus la seule qui vous manque . Il serait bien capable de vous la donner si vous voulez vous laisser endoctriner par lui . A propos de doctrine ce n'est point celle de M. Grim qui m'intéresse, c'est celle de M. Donop 4 que je veux combattre, c'est son âme qu'il faut sauver . Je voudrais le voir bon catholique aux pieds de votre incomparable impératrice . Je vous répète que les Français ne l'abandonneront pas . Elle est trop vertueuse et trop belle . Permettez- moi de ne pas croire un mot de votre nouvelle . Mais soyez bien sûre, madame, que mes sentiments pour vous sont inaltérables .
J'ai mille respects à vous offrir de toute notre maison, de celle de Mme Pictet et de toutes les personnes qui ont eu l'honneur de vous connaître ici .
Oui, madame, le vieux Suisse voudrait que vous n'eussiez ni besoin d'empereurs, ni goût pour les cours . Oui, vous êtes digne d'être philosophe, vous embelliriez nos climats, vous y introduiriez les grâces . Lausanne deviendrait une ville charmante, le lac Major ne tiendrait pas devant le lac de Genève, mais vous n'aimez que le Danube et leurs Sacrées Majestés . Allez donc , mais songez que vous ne serez jamais plus aimée chez les Marcomans 5 et chez les Abates que dans nos paisibles retraites .
V. »
4 Le général Donop, sans doute . Voir lettre du 16 février 1755 à Ruffey : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/12/01/tout-le-pays-ou-je-suis-s-est-empresse-a-me-donner-les-marqu.html
et du 2 juillet 1758 à Mme Denis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/09/11/une-belle-terre-a-gouverner-est-une-chose-tres-amusante-5163.html
5 Les Marcomans habitaient la Bohème, et les Abates la Dacie . La mention de ces derniers est intéressante et fait penser à la fin du chapitre III de Candide qui est contemporain .
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