14/04/2015
Eh, qui êtes-vous donc, vous autres maîtres de la terre?
...
« A FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
15 avril [1760]. 1
Puisque vous êtes si grand maitre
Dans l'art des vers et des combats,
Et que vous aimez tant à l'être,
Rimez donc, bravez le trépas ;
Instruisez, ravagez la terre ;
J'aime les vers, je hais la guerre,
Mais je ne m'opposerai pas
A votre fureur militaire.
Chaque esprit a son caractère ;
Je conçois qu'on a du plaisir
A savoir, comme vous, saisir
L'art de tuer et l'art de plaire.
Cependant ressouvenez-vous de celui 2 qui a dit autrefois :
Et quoique admirateur d'Alexandre et d'Alcide,
J'eusse aimé mieux choisir les vertus d'Aristide.
Cet Aristide était un bon homme ; il n'eût point proposé de faire payer à l'archevêque 3 de Mayence les dépens et dommages de quelque pauvre ville grecque ruinée. Il est clair que Votre Majesté a encouru les censures de Rome, en imaginant si plaisamment de faire payer à l'Église les pots que vous avez cassés.
Pour vous relever de l'excommunication majeure, je vous ai conseillé, en bon citoyen, de payer vous-même. Je me suis souvenu que Votre Majesté m'avait dit souvent que les peuples de*** 4 étaient des sots. En vérité, sire, vous êtes bien bon de vouloir régner sur ces gens-là. Je crois vous proposer un très-bon marché en vous priant de les donner à qui les voudra.
Je m'imaginais qu'un grand homme,
Qui bat le monde et qui s'en rit,
N'aimait à dominer que sur des gens d'esprit,
Et je voudrais le voir à Rome.
Comme je suis très-fâché de payer trois vingtièmes de mon bien, et de me ruiner pour avoir l'honneur de vous faire la guerre, vous croirez peut-être que c'est par ladrerie que je vous propose la paix ; point du tout : c'est uniquement afin que vous ne risquiez pas tous les jours de vous faire tuer par des croates, des housards, et autres barbares, qui ne savent pas ce que c'est qu'un beau vers.
Vos ministres auront sans doute à Bréda de plus belles vues que les miennes. M. le duc de Choiseul, M. de Kaunitz 5, M. Pitt 6, ne me disent point leur secret. On dit qu'il n'est connu que d'un M. de Saint-Germain 7, qui a soupé autrefois dans la ville de Trente avec les Pères du concile, et qui aura probablement l'honneur de voir Votre Majesté dans une cinquantaine d'années.
C'est un homme qui ne meurt point, et qui sait tout. Pour moi, qui suis près de finir ma carrière, et qui ne sais rien, je me borne à souhaiter que vous connaissiez M. le duc de Choiseul.
Votre Majesté m'écrit qu'elle va se mettre à être un vaurien ; voilà une belle nouvelle qu'elle m'apprend là ! Eh, qui êtes-vous donc, vous autres maîtres de la terre? Je vous ai vu aimer beaucoup ces vauriens de Trajan, de Marc-Aurèle et de Julien ; ressemblez-leur toujours, mais ne me brouillez pas avec M. le duc de Choiseul, dans vos goguettes.
Et sur ce, je présente à Votre Majesté mon respect, et prie honnêtement la Divinité qu'elle donne la paix à ses images. »
1 Manuscrits et éditions ne présentent que des différences minimes tout en indiquant une année 1758 ; il est évident d'après des références ultérieures à cette lettre que le reste en est incomplet (V* plaçait Choiseul au plus haut et le qualifiait de poète )
2 Dans son Épître à mon esprit (v. 289-290), le roi de Prusse avait dit : Mais quoique admirateur de César et d'Alcide, J'aurais suivi par goût les vertus d'Aristide.
3 Jean-Frédéric-Charles, comte von Ostein, évêque de Wormes, suffragant de l'archevêque de Mayence, mort en 1763; voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Johann_Friedrich_Karl_von_Ostein
4 Les peuples de Westphalie, sans doute, et plus spécialement de Clèves, dont la cession par Frédéric avait été évoquée comme une des clauses de la paix.
5 Voir la lettre du 22 décembre 1759 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/12/30/je-me-preparerai-a-tout-en-faisant-mes-paques-dans-ma-parois-5523076.html
6 William Pitt, premier comte de Chatham, mort en 1778. http://fr.wikipedia.org/wiki/William_Pitt_l%27Ancien
7 Voir la lettre du 5 avril 1760 à d'Hermenches : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/04/04/il-y-a-de-grands-hommes-qui-se-consolent-de-la-perte-de-leur-5596743.html
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13/04/2015
Je m'intéresse à vous véritablement, parce que vous me paraissez aimer le plaisir, la philosophie et la liberté
... En est-il beaucoup qui ont les mêmes goûts ?
« Au marquis Francesco Albergati Capacelli
senatore
à Bologna
Au château de Tournay, par Genève
15 avril 1760
Je suis toujours fort faible, monsieur, je n'écris guère, je dicte tout ce qui me passe par la tête et par le cœur . Je m'intéresse à vous véritablement, parce que vous me paraissez aimer le plaisir, la philosophie et la liberté . Ce que vous m'avez mandé de la bienheureuse facilité de Benoit XIV m'a extrêmement édifié ; je ne sais rien de si ridicule que d'être obligé de vivre avec une femme avec laquelle on ne peut pas vivre 1. Je voudrais savoir si vous en aviez des enfants, cela rendrait le divorce encore plus beau ; le saint Père vous a donc remarié à votre fantaisie, c'est une très bonne action . Je me doute bien, monsieur,que vous ne quitterez pas Bologne pour le lac de Genève, mais vous y aurez toujours un ami . Je ne sais pas quand vous vous recevrez le paquet que je vous ai adressé . Je vous ai envoyé mon Bolingbroke ; je vous enverrai mon Shaffstburi par la première occasion ; je les ai lus, je les ai extraits, cela me suffit, ce sont des remèdes dont j'ai usé, je suis fort aise que vous en profitiez, quoique je pense que vous n'en ayez pas besoin . Je vous souhaite, monsieur, tranquillité et santé ; j'ai le premier de ces trésors mais le second me manque absolument .
La riverisco di tutto l'mio core 2.
V. »
1 Albergati avait épousé Teresa Orsi en 1748 ; il divorça en 1751 et épousa plus tard Maria Cattarina Boccabadati qui se suicida ; il se maria enfin avec Teresa Checchi Zampieri . Voir : La vita , i tempi, gli amici di Franceso Albergati, 1878, Francesco Masi : https://archive,org/stream/lavitaitempiglia00massiuoft#page/n5/mode2up
et : http://www.treccani.it/enciclopedia/francesco-albergati-capacelli_%28Dizionario_Biografico%29/
2 Je vous salue de tout mon cœur .
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12/04/2015
J'ai toujours été fâché qu'il y eût sur la terre tant de plantes qui fissent du mal, et si peu de salutaires
...Dit Voltaire , mais je pense que les plantes incriminées sont debout sur leurs deux pattes et dotées d'une bouche ventrale avec un esprit bien ou mal employé pour le salut de leurs semblables .
Des dizaines de milliers d'années ont été nécessaires pour que l'homo sapiens assure sa survie en sélectionnant les céréales, j'ose espérer qu'il n'en faudra pas tant pour , comme disait Jésus, séparer le bon grain de l'ivraie ( pour ceux qui aiment à s'instruire : http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Bon_Grain_et_l%27Ivraie ) .
http://lhomeliedudimanche.unblog.fr/2014/07/
« Au comte Luigi LORENZI 1
Au château de Tournay, 15 avril 1760
J'ai reçu, monsieur, la lettre et les patentes de botaniste dont vous m'honorez, dans le temps où j'ai le plus besoin de simples.
Je ne suis pas jeune, et je suis très-malade. Si je peux trouver quelque herbe qui rajeunisse, je ne manquerai pas de l'envoyer à votre Académie. J'ai toujours été fâché qu'il y eût sur la terre tant de plantes qui fissent du mal, et si peu de salutaires 2 ; la nature nous a donné beaucoup de poisons, et pas un spécifique.
C'est dommage que nous ayons perdu le bel ouvrage de Salomon qui traitait de toutes les plantes, depuis le cèdre jusqu'à l'hysope 3 c'était sans doute un très-bel ouvrage, puisqu'il était composé par un roi. Il était apparemment le premier médecin de ses sept cents femmes et de ses trois cents concubines. Je ne sais si vous avez vu les hérésies du Salomon du Nord; il va plus loin que son devancier, lequel ne sait pas s'il reste quelque chose de l'homme après sa mort. Pour celui-ci, il est sûr de son fait, et il croit que ses soldats tuent si bien leur monde qu'il n'en reste rien du tout. J'attends le Peut-être de Rabelais 4 le plus doucement que je peux.
J'ai l'honneur, monsieur.»
1 Le comte de Lorenzi, frère du chevalier de Lorenzi avec lequel J.-J. Rousseau fut en correspondance ( https://books.google.fr/books?id=0NFQAAAAcAAJ&pg=PA31... ), était né à Florence; et, de 1734 à 1765, époque de sa mort, il y remplit les fonctions de chargé des affaires du roi de France en Toscane. . (Clogenson.)
Lorenzi était membre de l'Académie de botanique de sa ville natale, comme Piero Alessandro Ginori à qui V* écrit le même jour : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/04/10/malheureusement-les-hommes-ne-choisissent-pas-leur-patrie-comme-ils-voudrai.html
2 Cette forme de critique à l'égard de la Providence sera reprise dans l'Histoire de Jenni :http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/voltaire-lhistoire-de-jenni-ou-le-sage-et-lathee.html
3 Rois, III, iv, 33 : http://saintebible.com/1_kings/4-33.htm
4 On dit que ses dernières paroles furent « Je vais chercher un grand peut-être » ou alors « la farce est jouée », mais ces propos sont sans doute apocryphes . Voir : http://www.jesuismort.com/biographie_celebrite_chercher/biographie-francois_rabelais-991.php
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11/04/2015
malheureusement les hommes ne choisissent pas leur patrie comme ils voudraient
... Tous n'ont pas la même chance que moi : être Français, sans l'avoir choisi il faut le reconnaitre, mais c'est vraiment une chance que bien des humains envient . Gégé 2par2 a choisi une nouvelle patrie, grand bien lui fasse, il n'en est pas à une provocation près, homme de spectacle avant tout . Combien d'autres, comme lui, renoncent à la France pour de simples raisons financières ?
Patrie, pays du père . Les psychanalystes disent qu'il faut "tuer le père" . Les aigris du grisbi disent qu'il faut "quitter l'amer" .
https://www.youtube.com/watch?v=745R36oEuiQ
« A Piero Alessandro Ginori, secrétaire de l'académie botanique
de Florence
15 avril 1760.
Je devrais vous remercier dans votre belle langue toscane, vous et votre illustre Académie, de l'honneur que vous me faites ; mais un malade qui ne peut écrire de sa main est excusable.
L'Académie, en me faisant l'honneur de m'ériger en botaniste 1, me fournit un motif de plus pour chercher des plantes dans la Suisse. Nos montagnes ont la réputation pour les simples, comme pour les neiges; mais je crois que les neiges l'emportent de beaucoup. Si j'avais eu à choisir un climat, j'aurais préféré celui du Dante, de Pétrarque et de l'Arioste à tout autre. Mais malheureusement les hommes ne choisissent pas leur patrie comme ils voudraient. J'ai eu toute ma vie une passion pour la Toscane, qui n'a jamais été satisfaite. L'honneur que j'ai d'être associé à quelques-unes de vos Académies me sert de consolation ; mais il est toujours bien triste d'être loin de ce qu'on aime. Les nouvelles bontés qu'on me témoigne, et que je dois à M. de Lorenzi, redoublent mon attachement et mes regrets. Je présente mes profonds respects et mes remerciements à l'Académie.
J'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très-humble et très- obéissant serviteur. "
1 V* était déjà membre de cette académie, voir lettre du 3 juillet 1746 : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1746-partie-8-103141049.html
Ginori lui avait envoyé les « patentes de botaniste » . Voir lettre du 15 avril 1760 au comte Luigi Lorenzi : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1760-partie-10-119845047.html
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10/04/2015
Mettez-nous , je vous en prie, un peu au fait, non pas de ce qui est, mais de ce qu'on croit
... Géniale prière qui, pour notre malheur de lecteurs et pour le bonheur de vendeurs de torchons de papier papier/électronique, est trop souvent exaucée .
Et on se retrouve dans A mess like this [un bordel comme ça]...
... comment s'en sortir ?
Difficilement ! car ...
« A Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine
Aux Délices 14 avril 1760
Vous n'entendez pas si bien l'orthographe ni le plaisir de donner souvent de vos nouvelles, que Mme de Sévigné, mais vous écrivez aussi bien qu'elle, ma chère nièce . Jugez combien je suis fâché de recevoir si rarement de vos lettres . Il me semble que vous peignez Paris à merveille . Je vous loue beaucoup d'aller passer deux ans chez vous . Le monde sera peut-être moins fou, moins sot et moins pauvre au bout de deux ans . Que sait-on ? Je vous avertis que je ne veux donner les Tancrède et les Médime que quand vous serez revenue . Je ne suis point du tout pressé de m'exposer au parterre de Paris . C'est bien assez que nos enfants nous amusent chez nous, sans les envoyer essuyer les caprices de la multitude . Je suis un peu revenu des vanités de ce monde . Laissons surtout achever la grande pièce qui se joue entre deux impératrices, l'Angleterre, la France et Luc . Luc m'écrit toujours 1 et dit qu'il se battra bien . Il paraît ne rien craindre . Je lui sais bon gré d'avoir envoyé une épître à d'Alembert 2 contre les pédants qui ont proscrit l'Encyclopédie . S'il sait les nouvelles vraies ou fausses qui courent Paris et le monde, il en dira de bonnes . Mais tout ce qu'on dit est-il bien véritable ? Comment imaginer une telle imprudence ? Vous savez que je suis un peu incrédule . Mettez-nous , je vous en prie, un peu au fait, non pas de ce qui est, mais de ce qu'on croit . Tout le monde en parle, peu de gens osent écrire, mais une veuve qui va à sa campagne passer deux ans, peut demander hardiment ce qu'elle entend dire, sans rien garantir .
Bonsoir, ma chère enfant, les Délices sont aux pieds d'Hornoy, malgré nos nouvelles terrasses et nos nouveaux appartements . Nous savons ce que nous devons aux puissants seigneurs . Mille amitiés à tout ce qui vous entoure, et surtout portez-vous mieux que moi .
V. »
1 Le 24 février 1760 ( page 314 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f328.image.r=24%20f%C3%A9vrier ), le 28 février, le 26 mars 1760 ; voir la lettre du 15 avril à Frédéric : page 352 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f366.texte.r=3485
2 Datée de février l’Épître à d'Alembert sur ce qu'on avait défendu l'Encyclopédie et brûlé ses ouvrages en France ; voir les Oeuvres de Frédéric , XII, 147-151 : http://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvres/12/147/text/?h=Ep%C3%AEtre|%C3%A0%7Cd%27Alembert|sur|ce|qu%27on|avait|dEfendu|l%27EncyclopEdie|et|br%C3%BBlE|ses|ouvrages|en|France
, et XIII, 201-204 : http://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvres/13/201/text/?h=Ep%C3%AEtre|%C3%A0%7Cd%27Alembert|sur|ce|qu%27on|avait|dEfendu|l%27EncyclopEdie|et|br%C3%BBlE|ses|ouvrages|en|France
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09/04/2015
Sauve qui peut : c'est depuis quelque temps notre devise
... Dit -on en loucedé au FN qui nous joue l'épisode 22 de la saison 14 de Game of Thrones ; ça va saigner .
Le tyran va se faire déboulonner/déboutonner, l'héritière directe va profiter sans partage du bâti paternel, la petite Marion attendra encore un peu pour remplacer sa tante , l'ancêtre va au mieux être euthanasié, au pire laissé libre d'éructer des conn...
J'attends la suite de cette saga abracadabradantesque (comme disait un futur ex-président ) . Sempé me semble bien imager la situation ...
http://lorgnonmelancolique.blog.lemonde.fr/files/2011/10/semp%C3%A9140.jpg
« A Jean-Robert Tronchin
à l'Hôtel de Lyon, rue de Grenelle
Saint Honoré
à Paris
Aux Délices 12 avril [1760]
Je ne suis pas , mon cher monsieur, bien impatient du paquet dont vous avez eu la bonté de vous charger pour moi . Vous pourrez le donner à M. Cromelin, vous pourrez l'envoyer à M. Camp, vous pourriez même le faire contresigner en deux ou trois subdivisions et le faire partir par la poste quand vous aurez eu l'occasion de le faire contresigner . M. Bouret me rend quelquefois ce service . Enfin vous ferez comme vous pourrez, rien ne presse . Si vous faites un tour dans votre patrie, vous trouverez les Délices un peu augmentées 1. Je m'aperçus quand M. de Chauvelin y vint que je n'avais pas assez de logement . Je fais de petits nids à rats où du moins on pourra loger , et où j'aurai de plus une bibliothèque . Tout sera de plain pied . Mais Dieu veuille que ma destinée ne me joue pas encore le tour de m'envoyer à Manheim quand vous viendrez à Genève..
Je serai aussi aise qu'étonné si nous avons la paix cette année . Les Anglais pour préliminaires nous prennent toujours quelque vaisseau . Je crois en vérité n'avoir pas fait assez de provisions de sucre et de café . Il faut se nantir de tout pour des années quand on est en guerre avec l'Angleterre . Les Gaulois ne sont pas marins . Sauve qui peut : c'est depuis quelque temps notre devise . La mienne est de vous être tendrement attaché pour toute ma vie .
V.
A propos je crois qu'il faut 33 livres ou 34 à cette Mme des Ayvelles 2 pour les rogatons de ces cuistres . Si elle s'adresse à vous, voulez-vous bien lui procurer ce petit remboursement ? »
1 Sans doute s'agit-il de l'aile transversale ajoutée par V* au bout de la grande galerie, dont ce qui subsiste aujourd’hui forme une partie de la bibliothèque . Voir : http://www.ville-ge.ch/bge/imv/
2 Marie-Béatrice du Châtelet, marquise des Ayvelles , épouse de Philippe-François d'Ambly des Ayvelles en 1693 , V* avait sans doute connu cette parente de la marquise du Châtelet en Lorraine , elle quittait parfois son hôtel de Bar le Duc pour séjourner à Loisey ; voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Loisey
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08/04/2015
On paraît épuisé à la fin d'une campagne, et on recommence encore sur nouveaux frais ; on dit : Ce sera la dernière, et cette dernière en amène encore une autre, et les malheurs du genre humain ne finissent point
... Pessimiste Voltaire ?
Non ! réaliste . J'ose espérer être du même tempérament, à défaut d'avoir autant d'esprit .
La Grande Guerre, 14-18, était sensée être la première et la dernière des tueries qu'aurait à subir le monde .
Epuisement, reprise de l'économie, crise et de nouveau embrasement mondial .
Epuisement, reprise des affaires, confort, crises pétrolières, réunification, morcellements, annexions, guerres larvées, guerres civiles, guerres de religions,... bordel !
This world is a mess !
https://www.youtube.com/watch?v=ptOL1L4LGKI
Juste !
« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de SAXE-GOTHA
Aux Délices, 12 avril 1760
Madame, si j'ai passé trop de temps sans avoir le bonheur de vous écrire, si j'ai été malade, si je languis, ce n'est pas la cousine de Mlle de Pertriset qui en est cause ; je suis dans un âge où les passions ne font pas tourner la tête. Votre Altesse sérénissime daignait s'intéresser à ce mariage ; mais la dot est bien difficile à trouver. L'oncle 1 , qui n'entend pas raillerie, et qui fait toujours de bonnes affaires, conclura peut-être le marché; et ce sera le Mariage forcé.
Je ne doute pas que madame n'ait été contente de ses Américains et de ses Américaines 2. Quand on voit tant de malheurs et tant de cruelles folies en Europe, il n'est pas mal de faire un petit voyage au Pérou. J'ai peur que le voisinage de Votre Altesse sérénissime ne soit inondé de troupes cette année ; mais elle est accoutumée à voir les orages et à les dissiper. Quand je vis les premières tempêtes se former, je crus qu'il y en avait là pour cinq ou six ans ; Dieu veuille que je me sois trompé 3! On paraît épuisé à la fin d'une campagne, et on recommence encore sur nouveaux frais ; on dit : Ce sera la dernière, et cette dernière en amène encore une autre, et les malheurs du genre humain ne finissent point. Le roi de Prusse fait toujours des vers et des revues. Je ne sais comment la petite-fille 4 d'Ernest le Pieux aura pris la lettre au maréchal de Keith. Si le philosophe de Sans- Souci est battu, il sera excommunié.
Conservez, madame, votre sage et heureuse tranquillité d'esprit au milieu de toutes les secousses qui vous environnent; soyez aussi heureuse que vous devez l'être; que la grande maîtresse des cœurs jouisse d'une santé bien affermie ; que votre auguste famille croisse sous vos yeux en grâces, en talents et en mérite. Je me mets à vos pieds et à ceux de monseigneur. Je renouvelle à Votre Altesse sérénissime le profond respect et l'attachement du Suisse V. »
1 Sans doute l'Anglais.(l'Angleterre)
2 Ses propres enfants dans Alzire . Voir aussi lettre du 25 mars 1760 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/03/24/je-crois-qu-il-vaut-mieux-avoir-affaire-aux-princes-morts-qu-5589658.html
3 Hélas non, V* est en dessous de la durée de ce est est la vraie première guerre mondiale, la Guerre de Sept ans .
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