20/10/2016
Mes prêtres chez moi doivent prier Dieu , et ne point se battre
... Ni bénir de futurs fanatiques assassins dogmatiques au nom de quelque sainte église que ce soit ! Non plus que de les absoudre pour services rendus à la dite église .
« A Charles-Augustin Ferriol , comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce du Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
26 octobre 1761 1
Mes anges ont terriblement affaire avec leur créature . Je pris la liberté de leur envoyer il y a quelque temps un paquet pour Mme Du Deffand . Il y avait dans ce paquet une lettre pour elle, et dans cette lettre 2 je lui disais, rendez le paquet aux anges quand vous l'aurez lu afin qu'ils s'en amusent . Je n'ai point entendu parler depuis de mon paquet .
Le Droit du seigneur vaut mieux que Zulime : et cependant vous faites jouer Zulime 3 .
Olympie ou Cassandre vaut mieux que Le Droit su seigneur . Qu'en faites-vous ?
N.b. qu'au commencement du troisième acte le curé d’Éphèse dit peuples secondez-moi .
Je n'aime pas qu'on accoutume les prêtres à parler ainsi . Cela sent la sédition, cela ressemble trop à Malagrida et à ce boucher de Joad . Mes prêtres chez moi doivent prier Dieu , et ne point se battre . Je vous supplie de vouloir bien faire mettre à la place :
Dieu vous parle par moi .4
Un petit mot de Malagrida, et de l'Espagne je vous en prie .
J'ignore l'auteur des Car, mais Lefranc de Pompignan mérite correction . Il serait un persécuteur s'il était en place . Il faut l’écarter à force de ridicules . Ah s'il s'agissait d'un autre que d'un fils de France 5, quel beau champ! quel plaisir ! Marie Alacoque n'était pas un des plus heureux sujet . Mais apparemment l'auteur des Car, est un homme sage qui a craint de souffleter Lefranc sur la joue respectable d'un prince dont la mémoire est aussi chère que la plume de son historien est impertinente .
Dites-moi donc quelque chose de l'Espagne en revenant d’Éphèse, ô divins anges, des ailes desquels je baise le bout .
V.
A propos il m'est venu un jésuite portugais qui m'a demandé de l'emploi dans ma maison . Je lui ai cité l’aumônier Poussatin, je lui ai proposé un habit de laquais et sans Mme Denis j'aurais un laquais jésuite . Il est cruel que la chose n'ait pas eu lieu . »
1 Manuscrit olographe daté 25 corrigé en 26, suivi par Kehl ; les éditions qui suivent mêlent à cette lettre une partie de celle du 28 octobre 1761 aux d'Argental pour former une lettre datée du 26 octobre .
2 ce paquet corrigé en cette lettre .
3 Reprise pour neuf représentations du 29 décembre 1761 au 16 janvier 1762 .
4 Aucune de ces deux versions ne fut retenue pour le texte définitif d'Olympie, Ac. III, sc. 1 .
5 Le duc de Bourgogne, dont Lefranc de Pompignan avait failli être le précepteur .
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19/10/2016
leave the starch pedants of calvinist priests / laissez les pédants guindés de prêtres calvinistes
... Et tous prêcheurs dogmatiques de toutes religions sans exceptions .
« A John Craufurd d'Auchenames 1
[vers le 25 octobre 1761]
Brother in point of free thinking and in point of sickness go and leave the starch pedants of calvinist priests, for the sacred arlequins of Rome 2. Je vous regretterai toujours monsieur . Si vous allez à Venise je vous prie de faire souvenir de moi à M. Algarotti et si vous mangez des saucissons à Bologne, ne m'oubliez pas auprès du marquis Albergati . Soyez sûr que les gens qui pensent ne vous oublieront jamais .
Yr most hum .3
V. »
1 L'identité du destinataire est fortement suggérée par les lettres du 24 octobre 1761 à un inconnu : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/10/10/h-5858800.html
et du 24 octobre 1761 à Algarotti : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/10/12/il-faut-que-les-etres-pensants-se-rencontrent-5859560.html
, mais un doute subsiste en l'absence de date précise .
2 Frère en libre pensée et en maladie, allez et laissez les pédants guindés de prêtres calvinistes pour les arlequins sacrés de Rome .
3 Votre très humble serviteur .
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18/10/2016
il se porte bien, il digère . Il s'en retourne gros et gras . Ce n’est guère qu'à ces conditions qu'on est de bonne humeur . D'ailleurs il n'a rien à faire
... NDLR -- Toute ressemblance avec un/des homme(s) politique(s) connu(s) ne serait que fortuite et involontaire , évidemment .
Voici une possibilité de reconversion pour les plus couillus !
« A Louis-François-Armand du Plessis , duc de Richelieu
A Ferney 25 octobre [1761] 1
Vous dites, monseigneur le maréchal que mes lettres ne sont point gaies . M. le duc de Villars m'en a averti, mais il se porte bien, il digère . Il s'en retourne gros et gras . Ce n’est guère qu'à ces conditions qu'on est de bonne humeur . D'ailleurs il n'a rien à faire ; et moi je compile, je compile . Je veux laisser un petit monument des sottises humaines à commencer par notre guerre, et à finir par Malagrida . Si je ne vous écris point, j’écris au moins quelques pages sur votre compte . Vous clorez s'il vous plait Le Siècle de Louis XIV 2 car vous êtes né sous lui, vous êtes du bon temps . Songez donc qu'un homme qui vit dans les Alpes, qui fait de l'histoire et des tragédies, doit être un homme un peu sérieux . Je ne vous ennuie point de mes rêveries, car vous qui êtes très gai vous affubleriez votre serviteur de quelque bonne plaisanterie qui dérangerait ma gravité . Si vous avez un moment de loisir permettez que je vous conte qu'un jésuite portugais est venu chez moi, qu'il m'a proposé d'être mon copiste, que me souvenant alors de l’aumônier Poussatin, je lui ai proposé d'être mon laquais, qu'il l'a accepté et que Mme Denis a rompu le marché parce qu'elle n'entend pas le portugais .3
On dit qu'il ne faut pas pendre le prédicant de Caussade 4, parce que c'en serait trop de griller des jésuites à Lisbonne, et de pendre des pasteurs évangéliques en France . Je m’en remets sur cela à votre conscience . Rosalie 5 m'intéresse davantage si elle est bonne actrice . Mais des acteurs ! des acteurs ! donnez-nous-en donc . Nous ne sommes pas dans le siècle brillant des hommes . Mlle Clairon et Mme Duchapt 6 soutiennent la gloire de la France . Mais ce n'est pas assez . Nous dégringolons furieusement . Jouissez de votre gloire, de votre considération et des plaisirs présents et des plaisirs passés . Plus j'y pense plus je me confirme dans l'idée que de tous les Français qui existent, c'est vous qui avez reçu le meilleur lot . Cela me flatte, cela m'enorgueillit au pied de mes montagnes, car je vous serai toujours attaché avec le plus tendre respect, sain ou malade, triste ou gai, honoré de vos lettres ou négligé .
Mme Denis se joint à moi .
V. »
1 Incomplète dans l'édition de Kehl .
2 V* a d'abord écrit 15 .
3 Toute cette phrase manque dans l'édition de Kehl .
4 Le ministre protestant Rochette, arrêté accidentellement à Caussade le 14 septembre 1761, n'avait pas jugé utile de dissimuler son identité ; comme les prédicateurs protestants étaient bannis de France sous peine de mort, trois frères complotèrent pour le libérer ; ils furent à leur tour arrêtés avec des coreligionnaires . Rochette fut exécuté à Toulouse le 18 février 1762 .Voir : http://www.jstor.org/stable/pdf/24280857.pdf
5 Marguerite Blandin venait de faire ses débuts sous le nom de Mlle Rosalie .
6 La modiste Duchapt . Voir lettre du 24 mars 1760 à Octavie Belot :t :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/03/20/je-crois-que-paris-n-est-bon-que-pour-les-fermiers-generaux-5587381.html
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17/10/2016
il faut bien le dédommager un peu de son ennui, car j'imagine qu'il réside toujours auprès des grands
... A chacun de ceux dont les noms suivent, j'estime ( et eux aussi ) que les dédommager s'ils sont encore au service de ceux que l'on dit grands, est tout à fait mérité ..., oui, mais vous avez tout à fait le droit de penser le contraire , et me jeter des pierres (précieuses de préférence ! ) . Des conseillers de cet acabit ont beaucoup, beaucoup trop fait ! pour la patrie ? vous rêvez ! payés grassement pour débiter des couillonnades, sans responsabilité ni bien sûr culpabilité, dignes de figurer derrière un guichet de Pôle Emploi ; quelques exemples : Aquilino Morelle, Henri Guaino, Jérome Monod, Jacques Attali, Jean-Louis Bianco & Cie
Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cabinet_du_pr%C3%A9sident_d...
Conseiller présidentiel, belle sinécure s'il en est !
« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay
25 octobre [1761] 1
M. Lefranc de Pompignan, historiographe manqué des enfants de France, a l'honneur d'envoyer à madame d'Epinay les réflexions salutaires que lui a adressées un frère de la charité de Bayonne 2. Quoique ces réflexions soient fort judicieuses, M . Lefranc de Pompignan est déterminé à priver l'univers 3 de ses immortels écrits, si l'univers et autres continuent à les trouver plats , détestables et exécrables . Ainsi c'est à l'univers à voir ce qu'il aime le mieux ; moi je sais bien ce que je préfèrerais ; ce serait d'aller présenter à Madame d'Epinay l'hommage de mon respect, de mon admiration et de ma reconnaissance . Si j'ai le malheur de ne pouvoir lui porter ce tribut à la campagne, je volerai le lui offrir aussitôt que je la saurai à Paris .
J'envoie aussi les Car à notre ami de Saint-Cloud 4 ; il faut bien le dédommager un peu de son ennui, car j'imagine qu'il réside toujours auprès des grands. »
1 Cette lettre a toujours été placée en 1760, mais la référence aux Car est décisive .
2 La Vanité ; http://www.monsieurdevoltaire.com/article-satires-la-vanite-123188291.html
et voir lettre du 6 juillet 1760 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/12/05/il-faut-qu-ils-sachent-que-je-suis-heureux-et-qu-ils-crevent-5732403.html
3 Voir lettre du 13 juin 1760 à Mme d'Epinay : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/06/11/on-a-besoin-de-plaisanterie-c-est-un-remede-sur-contre-la-ma-5637966.html
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16/10/2016
après tout il n'est pas honnête de dire des vérités en face
... François Fillon avait déclaré en meeting: «Imagine-t-on le général de Gaulle mis en examen?» Répondant à cette attaque en même temps qu'à celle de Bruno Le Maire sur l'«exemplarité», Nicolas Sarkozy a asséné: «Ce ne sont pas des déclarations qui honorent ceux qui les prononcent!», réponse stupide venant d'un roquet qui est tout, sauf honorable , et qui a une aversion remarquable pour la vérité .
Clientèle sarkozyste type ! pas de mémoire et bonne à tondre .
« A Bernard-Louis Chauvelin
A Ferney 25 octobre 1761
Votre Marseillais monsieur est très aimable, et M. Guastaldo 1 encore plus, mais il me traduit d'un style si facile, si naturel, si élégant, qu'on croira quelque jour que c'est lui qui a fait Alzire, et que c'est moi qui suis son traducteur . Je le remercie tant que je peux . Je ne prends pas la liberté d'envoyer la lettre à Votre Excellence, parce que je prends celle d'y parler de vous, et qu’après tout il n'est pas honnête de dire des vérités en face . Est-il vrai que la belle, la vertueuse Hirmennestre 2 repassera les montagnes au printemps ? Vous souviendrez-vous de Baucis et de Philémon ? Notre cabane ne s'est pas encore changée en temple, mais elle l'est en théâtre . Nous en avons un à Ferney digne de madame l'ambassadrice . Elle aura aussi le plaisir d'entendre la messe dans une église toute neuve que je viens de faire bâtir exprès pour vous . Le dernier acte de ministre des affaires étrangères qu'a fait M. le duc de Choiseul, a été de m'envoyer des reliques de la part 3. Ainsi vous aurez chez moi le profane et le sacré à choisir, et nous vous donnerons de plus une pièce nouvelle très édifiante .
Si je n’étais pas guédé 4 de vers , je crois que j'en ferais pour M. de l'Audon . La prise de Shwednits 5 me paraît la plus belle action de toute la guerre .
Celle qu'on fait aux jésuites me paraît vive . Il me vint ces jours passés un jésuite portugais qui me dit qu'il sortait de l'Italie parce qu'ils y étaient trop mal venus 6. Il me demanda de l'emploi dans ma maison . Cela me fit souvenir de l’aumônier Poussatin 7. Je lui proposai d'être laquais, il accepta ; et sans Mme Denis qui n'en voulut point il aurait eu l'honneur de vous servir à boire à votre passage . C'est dommage que cette affaire soit manquée . Je vous présente mon très tendre respect .
V.»
1 Girolamo Gastaldi avait écrit le 10 octobre 1761 de Turin une longue lettre à V*, accompagnait une traduction italienne de sa « divine Alzire »
2 La Sofonisba, du Trissino (1515) dans laquelle on voit la première tragédie moderne .Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sophonisbe#.C5.92uvres_litt.C3.A9raires_tir.C3.A9es_de_Sophonisbe
3 Il faut compléter du pape .
4 Guédé est un terme de teinturerie signifiant saturé ; il existe toujours aujourd'hui dialectalement en Bourgogne .
5 Laudon avait repris Schweidnitz le 16 octobre 1761 après avoir fait sa liaison avec les Russes, et avec des forces deux fois supérieures à celles des Prussiens .
6 Cet antonyme de bienvenu n'est guère attesté, au moins en ce sens .
7 Ce Poussatin « prêtre indigne de votre service » est un personnage des Mémoires de la vie du comte de Gramont, de Hamilton , chap. 8 . Voir : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k29220q/f210.item.r=chapitre%208.zoom
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15/10/2016
Les vraies passions donnent des forces en donnant du courage
... Que dire de mieux ?
« A Ivan Ivanovitch Schouvalov
A Ferney 24 octobre 17611
Monsieur, ne nous impatientons ni l'un ni l'autre, nous avons tous deux la même passion, nous viendrons à bout de la satisfaire . Jusqu'à ce que Votre Excellence ait rejeté mon idée, je persisterai dans le dessein de faire un volume in-4° de Pierre le Grand , et voici comme je compte procéder . J'aurai l'honneur de vous envoyer ce qui a déjà été imprimé, corrigé à la main suivant vos instructions, avec toute la suite écrite à demi-page , et ensuite, me conformant à vos observations pour cette seconde partie, comme pour la première, je vous dépêcherai sans perte de temps le même volume entièrement corrigé suivant vos ordres . Trouvez-vous cet arrangement de votre goût ? Soyez sûr que vous serez obéi très ponctuellement . Le commentaire sur Corneille est un ouvrage immense ; et je suis bien faible et bien vieux . Mais je trouverai des forces quand il s'agira de Pierre le Grand et de vous . Les vraies passions donnent des forces en donnant du courage .
Votre Excellence a dû recevoir mes tendres et respectueux remerciements pour Mlle Corneille . Elle joue la tragédie comme son grand-père en faisait . Les filles des grands hommes en sont dignes . J'ai un très joli théâtre dans le petit château que j'ai fait bâtir, mais j'ai peur que Votre Excellence ne m'enlève un de mes acteurs . Il y a un nommé Grenier 2, excellent sujet, jeune, sage, jouant des rôles de princes, d'amants, de héros et autres, en perfection ; en avez-vous besoin ? Je vous le cède, il brûle d'envie d'être dans la troupe de Sa Majesté Impériale . Non seulement j'ose répondre qu'il en serait l'ornement, mais qu'il la rendrait excellente encore par son exemple . Vous ne sauriez faire une meilleure acquisition . Si c'est votre bon plaisir monsieur vous pouvez me donner vos ordres et je le ferai partir . Je lui ferai compter pour son voyage ce que vous commanderez .
Si vous avez pris Colberg 3 comme on le dit permettez que je vous fasse mon compliment .
Recevez les tendres respects de votre humble et obéissant serviteur .
Voltaire . »
1 L'essentiel du paragraphe 2 (« J'ai un très joli théâtre ….commanderez ») et la fin (« très humble … Voltaire ») manquent dans toutes les éditions .
2 Grenier est nommé dans une lettre de Marie-Louise Denis à Jean-Robert Tronchin du 4 mars 1761, à côté de Mlle Soulet ; on l'attendait alors à Ferney avec Lekain ; voir aussi lettre du 20 octobre 1761 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/10/07/mettons-le-hors-d-etat-de-nuire-en-faisant-voir-combien-il-v-5856235.html
et la lettre du 10 octobre 1761 aux frères Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/09/30/je-ne-veux-pas-que-vous-jouiez-aux-cartes-le-jour-de-ma-mort-5854769.html
3 Kolberg, sur la Baltique, tomba en effet aux mains des Russes, mais seulement le 16 décembre 1761 .Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Si%C3%A8ge_de_Kolberg
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14/10/2016
Adieu, réparez le passé, jouissez du présent, formez vous un avenir heureux et aimez
... Et laissez tomber cette course à l'investiture de la présidence, François H* . Cela vaut aussi pour l'excité avide Nico Ier sans oublier Marine fille indigne d'un père délabré. Vous voyez, je ne vous veux aucun mal, et pourtant les motifs d'insatisfactions sont plus nombreux que les nouvelles lois et décrets que vous avez pondus ces dix dernières années , ce qui n'est pas peu dire . Il fut un temps, très bref, où j'ai cru ouïr 'simplification', serais-je atteint de Jeanne d'Arc-éite aigüe ?
Je viens juste de me rendre compte que je parle comme le Dalaï Lama [sic] qui se désole de voir mis au premier plan tout ce qui va mal et nourrit un pessimisme dégradant .
Oiseaux de mauvais augure, augures mensongers, circulez, on ne veut plus vous voir, ni vous entendre .
Il est temps de débugguer le programme !
« A François-Pierre Pictet
À Ferney 24 octobre [1761]
Mon cher Russe, si Pierre le Grand et le grand Pierre Corneille, ne prenaient pas tous mes jours et une partie de mes nuits, si des histoires générales, et des tragédies nouvelles, et un théâtre que j'achève de bâtir et un jardin , que j'achève de planter, me laissaient un moment de loisir, il y a longtemps que j'aurais saisi ce moment pour vous répondre, pour vous dire combien je vous regrette, et même combien vous devez regretter notre petit pays, et notre manière de vivre, si libre, si franche, si faite pour l'homme .
Mettez-vous en état de la reprendre . Vous reviendrez à Varembey mais vous reviendrez quand je ne serai plus . Peut-être qu'alors vos prêtres sociniens n'auront plus l'insolence de croire ou de feindre qu'il n'est pas de la dignité d'un membre des quinze cents de jouer Cinna avec ses amis . Vous trouverez votre petite nation plus raisonnable que vous ne l’avez laissée, car la raison gagne de jour en jour et les prêtres perdent . Alors votre Genève sera la plus jolie ville de la terre . En attendant il faut que votre jeunesse vienne se former à Ferney . On vous aura mandé sans doute que vos cuistres de prédicants qu'on appelle la vénérable compagnie ont écrit à la sensée compagnie de Berne pour les conjurer d'empêcher que les histrions de Châtelaine ne soient reçus par Leurs Excellences, et qu'on s'est moqué prodigieusement de vos cuistres .
Mille tendres respects je vous prie à M. de Voronzof . Je viens de boire à la santé de M. de Loudon, et j'ai fait tirer l'artillerie de Ferney . Je trouve la prise de Shwednits la plus belle action de la guerre .
Mme de Bentinck devait venir à cheval me l'annoncer . Si vous approchez d'elle dites-lui je vous prie qu'elle ne méprise plus tant le pays d Gex, et que mon château est plus beau que celui de M. le baron de Thundertentrunchk en Wesphalie et que Mlle Corneille ne lavera jamais les écuelles comme Mlle la baronnette , quoi que M. de Caunits n'ait pas souscrit pour Pierre Corneille .
Adieu, réparez le passé, jouissez du présent, formez vous un avenir heureux et aimez .
V.
Je présente encore une fois mes très tendres respects à M. de Voronzof . Je lui suis attaché comme si j'avais eu l'honneur de le voir toute ma vie . Je lui demande la continuation de ses bontés . »
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