19/11/2016
Je ne vous demande du vin monsieur qu'en cas que vous en ayez de semblable à celui que vous m'avez envoyé les premières années
... De ce Beaujolais nouveau dont une bouteille -oubliée trois ans dans ma cave- voulu vieillir bien, au point de passer pour un bon Bourgogne au goût de mes invités . Las, ne reste que cet excellent souvenir, et , au fond , ce n'est pas rien .
Vivent les vins nouveaux ! ils ont le mérite d'encourager à se réunir en bonne compagnie , sans modération .
A propos de vin , extrait du poème Comme, de Robert Desnos :
« A Antoine-Jean-Gabriel Le Bault
Conseiller de Grand-chambre
à Dijon
A Ferney 12 novembre 1761 1
Je ne vous demande du vin monsieur qu'en cas que vous en ayez de semblable à celui que vous m'avez envoyé les premières années . À mon âge le bon vin vaut mieux que M. Tronchin . Il y a près de deux ans que je bois du vinaigre, et le président De Brosses n'y met pas de sucre . Je suis devenu délicat mais pauvre . Je me recommande monsieur à votre goût et à votre compassion .
Je vous demande en grâce de vouloir bien me procurer deux mille barbues 2, c'est le mot je crois, de ceps bourguignons . Le tout m'arriverait par les mêmes voitures . Tout ce que je reçois de Bourgogne me fait grand plaisir excepté les exploits du président De Brosses . Il veut vendre cher ses fagots . Tâchez monsieur de me vendre bon marché votre vin dont je fais plus de cas 3 que de cette grande forêt de quarante arpents de la magnifique terre du président . Je sais qu'il y a vin et vin , comme il y a fagots et fagots . C’est du bon que je demande . Il serait doux d'avoir l'honneur de le boire avec vous et que ce terrible président n'y mît point d'absinthe . Il fait d’étranges hypothèses ; il suppose des ventes ; et il argumente a falso supponente 4. Vous ne m'avez pas répondu, monsieur, sur l'arbitrage que je proposais . Aussi je n'en demande plus, et je le tiens condamné dans le cœur de tous ses confrères . Quod erat demonstrandum .5
J'ai l'honneur d'être très respectueusement
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire . »
1 Le Bault a ajouté sur le manuscrit : « Répondu le 28 novembre, offert du Rully soutiré à 200 livres et promis de lui envoyer les 2000 [pieds] de chapons. »
2 Il s'agit d'un mot dialectal signifiant plant de vigne ; pour sa part Le Bault parle de chapons .
3 V* semble avoir écrit d'abord fagots, mot en partie gratté, ce qui est très rare dans ses manuscrits .
4 A partir de fausses suppositions .
5 Ce qui était à démontrer .
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on verra que les amateurs des lettres sont plus amateurs de la patrie que les convulsionnaires et les ennemis des arts
... Ô vous intégristes de tous bords, bas de plafond, agités du bocal, incultes, votre histoire s'achève avant que vous laissiez plus qu'une trace de bave .
Je ne suis pas seul(e) de cet avis !
« A Etienne-Noël Damilaville
Le 12 novembre 1761
Je fis partir, il y a onze jours, mes chers frères, la scène que les comédiens ordinaires du roi demandaient . Elle fut faite le même jour que je reçus votre avis . Je le trouvai excellent, et la scène partit le lendemain, accompagnée de rogatons que je renvoyais à M. Carré, comme Grizel, Car, Ah ah ! et Gouju .
Je renvoie fidèlement tout ce qu'on me confie . Peut-être trouva-t-on le paquet trop gros à la poste de Paris ; peut-être M. Jannel 1 en a fait rire le roi . Je souhaiterais bien que Sa Majesté vit toutes mes lettres, et les paquets que je reçois . Il serait bien convaincu qu'il n'a point de plus zélés, et j'ose le dire, de plus tendres serviteurs qui ceux qui sont appelés philosophes par les séditieux fanatiques ennemis du roi et de la patrie . J'exhorte tous mes amis à payer gaiement la moitié de leurs bien, s'il le faut, pour servir le roi contre ses injustes ennemis .
Après cela on peut saisir des Grizel etc. on verra que les amateurs des lettres sont plus amateurs de la patrie que les convulsionnaires et les ennemis des arts . Je signe hardiment cette lettre, votre véritable ami .
Voltaire . »
1 Sur Jeannel, voir lettre du 9 août 1756 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/08/05/je-m-unis-a-tout-hasard-aux-sentiments-des-saints-sans-savoi.html
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18/11/2016
voici la réponse de notre comité à votre comité, mais ne nous égorgeons point
... Est-ce bien le résumé concluant les déclarations des candidats à la primaire de droite, lors du débat de ce jeudi soir ?
J'y ai heureusement échappé pour cause d'une vie sportive qui convient bien mieux à ma santé que de démêler le vrai du faux dans des programmes électoraux, et supporter les singeries de Sarko est au delà du raisonnable ; comme disait ma brave marraine, il a une "âme putassière" , qu'il aille au diable sans délai .
Et pour l'y aider , je suis prêt à aller voter au bout du monde !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
Ô divins anges, voici la réponse de notre comité à votre comité, mais ne nous égorgeons point . Je vous supplie de vouloir bien m'obtenir une réponse sur mon Talleyrand d'Excideuil 1.
Puisque vous ne répondez point sur l'Espagne, j'espère .
Mais répondez donc sur le paquet de Mme Du Deffand .
Mais un mot sur Le Droit du seigneur, sur Zulime, sur M. le maréchal de Fronsac 2.
Je veux vous envoyer ma lettre au président De Brosses en forme de factum . Il m'a volé . D'accord, mais il est honni dans son parlement de Bourgogne . Car je l'ai berné, car je suis berneur, car il est bernable 3, car l’ancien premier président de La Marche vous en dira bientôt des nouvelles .
Interim je baise le bout de vos ailes .
V.
Mémoire à tous les anges
M. le comte de Choiseul étant essentiellement
compté pour l'un d'iceux
Notre comité qui vaut bien le vôtre, sauf respect, vu qu'il est composé de gens du tripot, et de très bons acteurs, est obligé de vous déclarer qu'il ne peut être de votre avis sur la plupart de vos objections .
Nous frémissons d'indignation quand vous nous proposez de mettre notre pièce à la glace, par une confidence froide et inutile d'amour au commencement du premier acte . Cela serait très bien inventé pour ôter tout l'effet d'un coup de théâtre que produit le mariage de Cassandre et d'Olympie, et pour rendre ridicules les remords de Cassandre, et pour ôter toute la force à la scène vigoureuse où l’on justifie la mort d'Alexandre, car messieurs et mesdames la terreur des remords et les réflexions sur la mort d'Alexandre seraient très mal placées après des scènes amoureuses, ce n'est pas là la marche du cœur . Vous me citez Zaïre, mais songez-vous que le piquant des premières scènes de Zaïre consiste dans l'amour d'un Turc et d'une chrétienne ? Sans quoi cela serait aussi froid que la déclaration de Xiphares 4 .
Nous pensons que vous vous méprenez infiniment sauf respect, quand vous croyez qu'Olympie est le premier rôle . Il ne l'est que quand Statira est morte . Quoi, vous croyez qu'Olympie est faite pour Mlle Clairon ? Ah ! tout comme Zaïre .
C'est Statira qui est le grand rôle . Ah comme nous pleurions à ces vers !
J'ai perdu Darius, Alexandre et ma fille,
Dieu seul me reste 5 .
C'est que Mme Denis déclame du cœur, et que chez vous on déclame de la bouche .
Nous sommes respectueusement et sincèrement de l'avis du comité sur une certaine prière que faisait Cassandre et non pas Cassander à une certaine Antigone . Il y a d'autres détails que nous avons corrigés sur-le-champ selon les vues très justes du comité .
Nous avons été plus sévère que vous sur quelques articles .
Mais nous sommes diamétralement opposés sur Olympie . Songez qu'elle est bien résolue à ne point épouser Cassandre, mais qu'elle ne peut s'empêcher de l’aimer, et qu'elle ne lui dit qu'elle l'aime qu'en s’élançant dans le bûcher . Si vous ne trouvez pas cela honnêtement beau, par ma foi vous êtes difficiles .
Nous vous envoyons une petite esquisse de nos corrections qui jointe à celles que vous avez déjà, est capable de boucher les trous des sifflets . Mais pour mieux faire, renvoyez-nous la pièce et nous vous la rendrons mise au net .
Délibéré dans la troupe de Ferney le 12 novembre de l'an de grâce 1761 . »
1 Charles de Talleyrand, prince de Chalais, marquis d'Excideuil ; voir lettre du 12 décembre 1761 aux d'Argental : « Je prends la liberté de demander des nouvelles du prince de Chalais, marquis d'Excideuil, comte de Talleyrand, ambassadeur en Russie en 1637 avec un marchand nommé Roussel . » et lettre du 12 décembre 1761 au comte de Choiseul : « C'est en l'an 1635, et 36 que les Russes prétendent que Louis XIII envoya le prince de Chalais, comte de Talleyrand, marquis d'Ecideuil, ambassadeur à Moscou et à la Porte, conjointement avec un omme Roussel . » Voir aussi : https://fr.wikipedia.org/wiki/Maison_de_Talleyrand-P%C3%A9rigord#Principales_personnalit.C3.A9s
2 Allusion probable à un mariage projeté pour le fils de Richelieu, qui ne se réalisa qu'en 1764 .
3 Ce mot est employé par V* dans L'enfant Prodigue, ac. I , sc. 1, était sans doute d'usage dans le langage familier, il ne fut admis à l'Académie qu'en 1762 .
4 Dans Mithridate, de Racine, Ac. I, sc. 2 . cette dernière remarque est ajoutée entre les lignes par V* sur le manuscrit . Voir : http://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/RACINE_MITHRIDATE.pdf
5 Olympie, Ac. II, sc. 2 ; voir : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/VOLTAIRE_OLYMPIE.xml#A2
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17/11/2016
fugitif, escroc, espion, ivrogne, Normand, de présent à Paris, et qui mérite de faire le voyage de Marseille
... Ce sont des termes peu flatteurs qu'il me semble avoir entendu au long des couloirs des bureaux du PS, et si je ne suis pas exact et fidèle , je pense être tout à fait dans l'esprit de ce qui se dit depuis l'officielle candidature d'Emmanuel Macron .
Rayez les mentions inexactes si vous êtes de bonne foi, ajoutez-en si vous êtes de droite, de gauche, du centre, des extrêmes, idiots .
Et ce n'est qu'un début !... les noms d'oiseaux vont voler bas envers ce candidat assez couillu qui se démarque des mollassons/paillassons de tous bords .
Les chiens aboient , etc., etc. Bien faire et laisser dire .
« A Etienne-Noël Damilaville
et à
Nicolas-Claude Thieriot
11 novembre [1761]
Mes frères, je vous renvoie fidèlement les Ah ah et les Car qu'on m'a confiés, car je suis un homme de parole, car je vous aime .
Il n'y a pas quatre pages de vérité et de bon sens dans le nouveau Testament 1. L'auteur est un ex-capucin, ci-devant nommé Maubert, fugitif, escroc, espion, ivrogne, Normand, de présent à Paris, et qui mérite de faire le voyage de Marseille 2. »
1 Voir lettre du 11 octobre 1761 aux mêmes : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/10/01/il-a-fait-avec-le-droit-du-seigneur-la-meme-petite-infamie-q-5855131.html
2 C'est à dire être envoyé aux galères .
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16/11/2016
Mais que puis-je dicter que des lamentations de Jérémie sur ma pauvre patrie qui était si florissante il y a quelques années , et qui est à présent un objet de pitié ?
... On croirait entendre un de ces candidats populistes à la présidentielle, vantant ses résultats réels ou supposés, du passé , et noircissant le tableau actuel pour se poser en phare du renouveau lumineux qui ne peux manquer d'advenir grâce à lui . Ouaip !! ni plus ni moins, chers tax payers ! pour du lavage de cerveau, c'est du lavage de cerveau, au Karcher si vous voyez ce que je veux dire , vivement la primaire pour lui rabattre son caquet, enfin .
Rien à ajouter .
« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha
Au château de Ferney 9 novembre 1761
Madame, tant que je serai encore au nombre des vivants je serai dans celui des adorateurs de vos vertus, et des cœurs reconnaissants rempli de vos bontés . J'arrache rarement à mon état de malade quelques moments où je puisse écrire . Car je suis presque toujours réduit à me faire lire, et à dicter . Mais que puis-je dicter que des lamentations de Jérémie sur ma pauvre patrie qui était si florissante il y a quelques années , et qui est à présent un objet de pitié ? J'ai dicté pourtant une tragédie bonne ou mauvaise que je compte avoir l'honneur d'envoyer dans quelques semaines à Votre Altesse Sérénissime . Que ne puis-je avoir du moins la consolation de l'amuser quelques moments, puisque celle d'être à ses pieds à Gotha m'est refusée ?
Il me paraît que le roi d'Angleterre en faisant un choix n'a pas donné la pomme à la plus belle 1, car quoique toutes les reines soient toujours sans contredit des prodiges de beauté, cependant je connais une princesse qui autant qu'il m'en souvient doit l'emporter sur les reines mariées et à marier . J'ai peur que le roi d'Angleterre n'ait pas été aussi bien servi dans ses amours qu'à la guerre .
Je suis entouré ici de Russes qui dictent qu'ils prendront Colberg et d’Allemands qui assurent que le siège est levé . Je suis comme celui qui disait, les uns croient le [car]dinal 2 vicaire mort, les autres le croient vivant, et moi je ne crois ni l'un ni l'autre .
Il y a une ode d'un Suisse de Berne contre tous les rois qui sont en guerre, il les traite tous de brigands et de perturbateurs du repos public . Il y a dans cet ouvrage des morceaux terribles . Cela ne nous regarde pas nous autres pauvres Français, car nous n'avons pas fait grand mal .
Que Votre Altesse Sérénissime daigne agréer le profond respect du Suisse .
V. »
2La page 3 du manuscrit commence ici, et en y passant V* a oublié le début du mot .
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15/11/2016
Il doit savoir que ce n'est point ainsi qu'on écrit l'histoire , qu'on est comptable de la vérité à toute l'Europe ... on ne peut attaquer de front l'opinion publique qu'avec des monuments authentiques
... Souvient -en Sarko !
Si la première dégelée de 2012 ne t'a pas suffit, tu as le droit de prendre une deuxième portion , c'est ainsi que j'interprète ta parabole des frites , et je ne te serre pas la main, tu aurais pu te les laver à la sortie de la cantine , sagouin !
Je semble tenter de remettre dans le droit chemin ce politicard,[sic . NDLR : figure de style que semble affectionner James , allergique aux malfaisants faisans .], et dire qu' il n'est que le sommet de l'iceberg, une quantité non négligeable de candidats à la présidence le valant, dans la médiocrité , hélas .
« A Ivan Ivanovitch Schouvalov
A Ferney par Genève 7 novembre 1761
Monsieur, quoique je ne vous aie promis qu'à Pâques de 1 nouveaux cahiers de l'Histoire de Pierre le Grand, le désir de vous satisfaire m'a fait prévenir d'assez loin le temps où je comptais travailler ; mon attachement pour Votre Excellence et mon goût pour l'ouvrage entrepris sous vos auspices l'ont emporté sur des devoirs assez pressants qui m'occupent . J'ai remis 2 entre les mains de Votre Excellence 3 une copie de ce que je viens de hasarder uniquement pour vous sur ce sujet si terrible et si délicat de la condamnation et de la mort du czarovits 4. J'ai été bien étonné du mémoire qui était joint à votre dernier paquet . Ce mémoire n'est qu'une copie presque mot pour mot de ce qu'on trouve dans le prétendu Nesterusanoy . Il semble que ce soit cet Allemand dont j'ai déjà reçu des mémoires qui ait envoyé celui-là . Il doit savoir que ce n'est point ainsi qu'on écrit l'histoire , qu'on est comptable de la vérité à toute l'Europe, qu'il faut un ménagement et un art bien difficile pour détruire des préjugés répandus partout, qu'on n'en croit pas un historien sur sa parole, qu'on ne peut attaquer de front l'opinion publique qu'avec des monuments authentiques, que tout ce qui n'aurait même que la sanction d'une cour intéressée à la mémoire de Pierre le Grand, serait suspect ; et qu'enfin l'histoire que je compose ne serait qu'un fade panégyrique, qu’une apologie qui révolterait les esprits au lieu de les persuader . Ce n'est pas assez de croire et de flatter le pays où l'on est, il faut songer aux hommes de tous les pays . Vous savez mieux que moi monsieur tout ce que j'ai l'honneur de vous représenter, et vos sentiments ont sans doute prévenu mes réflexions dans le fond de votre cœur .
J'ai eu par un hasard heureux des mémoires de ministres accrédités qui ont suppléé aux matériaux qui me manquaient, et sans ce secours à quoi aurai-je été réduit ? J'ai ramassé dans toute l'Europe des manuscrits, j'ai été plus aidé que je n'osais l'espérer .
Je ne cacherai pas à Votre Excellence que parmi ces manuscrits , parmi ces lettres de ministres, il y en a de plus atroces encore que les anecdotes de Lamberti 5 . Je crois réfuter Lamberti assez heureusement à l'aide des manuscrits qui nous sont favorables, et j'abandonne ceux qui nous sont contraires . Lamberti mérite une très grande attention par la réputation qu'il a d'être exact, de ne rien hasarder, et de rapporter des pièces originales ; et comme il n'est pas à beaucoup près le seul qui ait rapporté des anecdotes affreuses répandues dans toute l'Europe, il me paraît qu'il faut une réfutation complète de ces bruits odieux . J'ai pensé aussi que je ne devais pas trop charger le czarovits , que je passerais pour un historien lâchement partial qui sacrifierait tout à la branche établie sur le trône dont ce malheureux prince fut privé . Il est clair que le terme de parricide dont on s'est servi dans le jugement de ce prince, a du révolter tous les lecteurs parce que , dans aucun pays de l'Europe, on ne donne le nom de parricide qu'à celui qui a exécuté ou préparé effectivement le meurtre de son père . Nous ne donnons même le nom de révolté qu'à celui qui est en armes contre son souverain, et nous appelons la conduite du czarovits, désobéissance punissable, opiniâtreté scandaleuse, espérance chimérique dans quelques mécontents secrets qui pourraient éclater un jour, volonté funeste de remettre les choses sur l’ancien pied, quand il serait le maître . On force après quatre mois d'un procès criminel ce malheureux prince, à dire, à écrire que s'il y avait eu des révoltés puissants qui se fussent soulevés et qui l'eussent appelé il se serait mis à leur tête .
Qui jamais a regardé une telle déclaration comme valable, comme une pièce réelle d'un procès ? Qui jamais a jugé une pensée, une hypothèse, une supposition d'un cas qui n'est point arrivé ? Où sont ces rebelles ? Qui a pris les armes ? Qui a proposé à ce prince de le mettre un jour à la tête des rebelles ? À qui en a-t-il parlé ? Et à qui a-t-il été confronté sur ce point important ? Voilà monsieur ce que tout le monde dit, et ce que vous ne pouvez empêcher de vous dire à vous-même . Je m'en rapporte à votre probité, à vos lumières . Ce que j'ai l'honneur de vous écrire est entre vous et moi, c'est à vous seul que je demande comment je dois me conduire dans un pas si délicat . Encore une fois nous ne nous faisons point illusion . Je vais comparaître devant l'Europe en donnant cette Histoire . Soyez très convaincu monsieur , qu'il n'y a pas un seul homme en Europe, qui pense que le czarovits soit mort naturellement . On lève les épaules quand on entend dire qu’un prince de vingt-trois ans est mort d'apoplexie à la lecture d'un arrêt qu'il devait espérer qu'on ne l'exécuterait pas . Aussi s'est-on bien donné de garde de m’envoyer aucun mémoire de Petersbourg sur cette fatale aventure . On me renvoie au méprisable ouvrage d'un prétendu Netsesaranoi . Encore cet écrivain aussi mercenaire que sot et grossier ne peut dissimuler que toute l'Europe a cru Alexis empoisonné . Voyez donc monsieur , examinez avec votre prudence et votre bonté pour moi, et avec le sentiment de ce qu'on doit à la vérité et aux bienséances si j'ai marché avec quelque sûreté sur ces charbons ardents .
Ce que j'ai l'honneur de vous envoyer n'est qu’une consultation , un mémoire de mes doutes que je vous supplie de résoudre . C'est pour vous que je travaille monsieur, c'est à vous à m'éclairer et à me conduire . Un mot en marge me suffira, ou une simple lettre avec quelques instructions sur les endroits qui me font peine .
Vous daignez sans doute compatir à mon extrême embarras, mais comptez sur tous mes efforts, sur l'envie extrême que j'ai de vous satisfaire, sur les sentiments pleins de respect et de tendresse que vous m'avez inspirés . Reconnaissez à ma franchise mon extrême attachement pour Votre Excellence, et soyez sûr que c'est du fond de mon cœur que je serai toute ma vie de Votre Excellence, monsieur, le très humble et très obéissant serviteur .
Voltaire . »
1 V* avait d'abord écrit le .
2 Je remets changé en j'ai remis .
3 de v. E. ajouté au dessus de la ligne .
5 Voir page 502 et suiv. : https://books.google.fr/books?id=kVE2AQAAMAAJ&pg=PA503&lpg=PA503&dq=lamberti+pierre+1er+alexis&source=bl&ots=OwwDWa9SnV&sig=o7xH55IyrwVCoTpivI1Ib9y-wBY&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwivx5vFlKTQAhUEExoKHULkAbwQ6AEIJDAA#v=onepage&q=lamberti%20pierre%201er%20alexis&f=false
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14/11/2016
non content d’avoir fait mettre dans le contrat que ma vaisselle d'argent et mes chemises qui seraient à Tournay à ma mort , lui appartiendraient
... Le président, via son percepteur, veut ma peau ! c'est sans doute le sentiment de bien de mes honorables concitoyens , et de droite ou gauche, du centre ou extrêmes confondus, tous nos présidents ont besoin, parfois exagérément, de ce qui est dans nos poches . Et le pire, c'est que ce racket vaut non seulement pour leur(s) quinquennat(s) mais jusqu'à leur dernier souffle !
A propos, petite question au gouvernement, ou plus exactement aux fonctionnaires que cela concerne : y a-t-il une pension de reversion pour la veuve d'un président ? si oui, de quel montant ?
A propos de chemises, voyons ce qui se cache sous la jaquette de ce bouquin !
http://leslecturesdelonclepaul.over-blog.com/2015/02/fred...
« Voltaire, Marie-Louise Denis et Jean-Louis Wagnière
à
Jean-Philippe Fyot de La Marche
Je me souviens très bien qu'environ le douzième décembre de l'année 1758 le président De Brosses ayant vendu sa terre de Tournay à mon oncle, il dina avec nous aux Délices ; notre provision de bois n'était pas encore faite , mon oncle nous dit à table : Remercions M. le président De Brosses de douze moules de bois qu'il nous donne pour le vin du marché 1; monsieur le président répondit : c'est une bagatelle qui ne vaut pas un remerciement .
Denis .
A Ferney , 8 novembre 1761
Je certifie la même chose ; et tous les domestiques savent que quand on envoya chercher cinq ou six moules de bois dans la forêt de Tournay, on ne s'adressa jamais à Charles Baudy, que nous ne connaissions point .
Wagnière.
Mme de Fontaine et M. de Florian certifieront la même chose, et cela est public dans tout le pays .
Je demande pourquoi le président De Brosses non content de m'avoir vendu sur sa parole d'honneur pour cent arpents de bois un bouquet de bois tout dévasté, qui ne contient pas en tout quarante arpents, non content de m'avoir vendu sur le pied de 3500 livres de rente, une chétive terre qu'il appelle comté, que je viens d'affermer douze cents livres et trois quarterons de paille 2, avec bien de la peine, non content d’avoir fait mettre dans le contrat que ma vaisselle d'argent et mes chemises qui seraient à Tournay à ma mort , lui appartiendraient ; non content de m'avoir envoyé des exploits pour quelques chênes employés au bâtiment de Tournay, non content de m'avoir fait assigner moi et mes vaches qui mangeaient de l'herbe, dit-il, dans sa prétendue forêt, non content dis-je de tous ces procédés, y ajoute celui de vouloir me faire payer aujourd’hui mon propre bois de chauffage, qui non seulement m'avait été cédé par lui en présence de douze personnes, mais qui m'appartient indépendamment de cette cession .
Je me demande pourquoi il suppose une vente de ces bois à un nommé Charles Baudy, tandis qu'il est connu, prouvé , démontré que cette vente est simulée, et que Charles Baudy était son commissionnaire .
Je demande pourquoi il me fait sous le nom de ce Charles Baudy un procès pour 144 livres qu'il fait monter à 300 livres, après m'avoir lésé de plus de 25000 livres .
Il répondra ce qu'il m'a déjà répondu : Auri sacra fames 3. Mais moi je lui répondrai que cette réponse est d'un fétiche, et non pas d'un président .
Je répondrai qu'un président de Toulouse qui vint il y a quelque temps aux Délices avec M. le duc de Villars fut effrayé à la vue de l'exploit de M. le président De Brosses , qu'il trouva la preuve de la vente simulée dans cet exploit même ; je ne répéterai pas ce que ce magistrat dit de fort et d'accablant sur cette affaire . Mais je répéterai qu'il me dit : Implorez l'équité et l'autorité de M. le premier président de Dijon, il empêchera certainement un homme de sa compagnie de faire éclater une action qui … Je supprime par respect le nom qu'il donna à cette action .
Et je supplie monsieur le premier président de juger dans le fond de son cœur . »
1 Le vin du marché est un cadeau que fait le vendeur à son acheteur .
2 Le quarteron étant le quart de cent, on a ici 75 bottes de paille .
3 Maudite soif de l'or ; Virgile, Enéide, III, 57 .
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