27/11/2016
il n'y a pas encore de loi qui ordonne de trousser les femmes dans les bureaux
... NDLR .- Encore un titre accrocheur, quasi provocateur, James, nous ne vous félicitons pas .
-- Serait-ce le "pas encore" qui vous fâche ? si oui, retombez sur terre, l'humour et le sens pratique voltairien sont ici encore montrés , simplement .
Messieurs, comptez vos abattis !
« A Daniel-Charles de Trudaine 1
[vers le 20 novembre 1761] 2
Monsieur, en attendant que nos syndics aient l'honneur de vous envoyer notre mémoire en forme, permettez que je vous supplie de lire la lettre que j'écris à M. Bouret 3, mon ami, frère de M. d'Érigny 4, notre ennemi .
Il est avéré monsieur que ce sont deux ou trois regrattiers de sel qui craignant de perdre leurs emplois soulèvent quelques fermiers généraux contre votre arrangement et contre vos ordres .
Je peux vous assurer monsieur qu'il n'y a pas un mot de vrai dans le mémoire de M. d'Érigny adressé à monsieur le contrôleur général, sinon que tous nos paysans font et feront toujours la contrebande du sel et du tabac . Trois cents gardes ne l'empêcheraient pas, attendu que toutes les femmes qui vont à Genève mettent du sel et du tabac dans leur chemise, et qu'il n'y a pas encore de loi qui ordonne de trousser les femmes dans les bureaux des fermes .
C'est donc pour prévenir cette contrebande, c'est pour épargner aux fermiers généraux des frais immenses et inutiles, et en même temps pour favoriser notre petit pays, que vous avez monsieur ordonné très sagement le sel forcé sur les représentations mêmes des fermiers généraux .
Vous verrez monsieur en jetant un coup d’œil sur ma lettre à M. Bouret, quels prétextes frivoles on emploie pour désavouer vos volontés .
Je suis persuadé qu'indépendamment de votre autorité, vous pourrez aisément faire entendre raison à M. d'Érigny . Il verra qu'on l'a trompé ; et il se rendra à vos raisons .
J'ignore monsieur si c'est vous ou monsieur votre fils 5 qui traite cette affaire . Je présente mon respect et ma requête à l'un et à l'autre .
Je crois que c'est ici une affaire de conciliation . L'objet n'est presque rien pour les fermes du roi, et est pour nous d'une extrême importance . Je sens bien que nous sommes perdus si les fermiers généraux s'obstinent à vouloir se tromper, mais si vous daignez nous protéger, et parler, nous sommes sauvés .
J'ai l'honneur d'être avec beaucoup de respect et d'attachement
monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel-Charles_Trudaine
2 Mentions sur le manuscrit : « Rép[on]se du 2 décembre 1761 » et « n°3752 » . Trudaine affirmera dans sa réponse son désir de « voir terminer l'arrangement projeté pour le pays de Gex. »
3 Voir lettre du même jour à Bouret : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/11/26/traitez-nous-comme-notre-situation-le-demande-et-comme-la-na-5879322.html
4 François Bouret d'Érigny ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne-Michel_Bouret
5 Jean-Charles de Trudaine de Montigny : https://fr.wikipedia.org/wiki/Philibert_Trudaine_de_Montigny
et : http://data.bnf.fr/12244308/jean-charles-philibert_trudaine_de_montigny/
00:22 | Lien permanent | Commentaires (0)
26/11/2016
Traitez-nous comme notre situation le demande et comme la nature l’indique. Si vous mettez à grands frais des barrières entre Genève, et nous, vous nous gênez, vous nous découragez, vous nous faites déserter notre patrie, et vous n’y gagnez rien
... Il est remarquable que toutes les négociations avec les gouvernants et les fonctionnaires, au XVIIIè siècle comme de nos jours, soit basée sur la perspective d'un profit pour l'Etat et par ricochet pour tous les menus rouages impliqués .
De nos jours, passer la douane Pays de Gex-Genève est symbolique, et routinière pour les travailleurs frontaliers français, banale pour les Genevois qui viennent acheter chez nous ce qui est trop cher chez eux (paradoxalement, le Gruyère est moins cher en France qu'en Suisse ! ) .
Que la France ou la Suisse bloque la frontière, et nous aurons quarante mille chomeurs d'un seul coup en France et l'arrêt immédiat de tous services en République genevoise . Alors vive l'entente cordiale ! Gagnant-gagnant !
Ce que pense le reste de la Suisse sur le canton de Genève ...
http://www.20min.ch/ro/news/suisse/story/-Les-Valaisans-b...
«A Etienne-Michel Bouret 1
A Ferney 20 novembre 1761 par Genève 2
Vous êtes une belle âme, monsieur, tout le monde le sait, j’en ai des preuves, et je vous dois de la reconnaissance. Monsieur votre frère est une belle âme aussi ; il veut le bien public et celui du roi, qui sont les mêmes.
S’il avait vu le petit pays de Gex que j’ai choisi pour finir mes jours doucement, il n’en croirait pas les faux mémoires qu’on lui a donnés.
1° Les ennemis de notre pauvre petite province en imposent à MM. les fermiers-généraux, en disant que ce pays est peuplé et riche, et que les fonds s’y vendent au denier soixante.
Je suis la cause malheureuse des louanges cruelles qu’on nous donne. Je suis le seul qui, depuis trente ans, ai acheté des terres dans cette province : je les ai achetées trois fois plus cher qu’elles ne valent : mais de ce que je suis une dupe, il ne s’ensuit pas que le terrain soit fertile.
Je certifie que, dans toute l’étendue de la province, la terre ne rend pas plus de trois pour un : ainsi elle ne vaut pas la culture. Le paysage est charmant, je l’avoue, mais le sol est détestable.
Sur mon honneur, nous sommes tous gueux ; et j’ai l’honneur de le devenir comme les autres pour avoir acheté, bâti, et défriché très chèrement.
2° Nous manquons d’habitants et de secours. Le pays, qui possédait, il y a soixante ans, seize mille habitants et seize mille bêtes à cornes, n’en a plus guère que la moitié. Nous sommes tous obligés de faire cultiver nos terres par des Suisses et par des Savoyards, qui emportent tout l’argent du pays. Donnez-nous quelque facilité, le pays se repeuplera, et les fermes du roi y gagneront.
3° Je peux vous assurer, monsieur, vous et MM. vos confrères, que trois Genevois étaient déjà prêt à acheter des domaines dans le pays, sur la nouvelle que le conseil de Sa Majesté allait retirer les brigades des employés, et qu’il daignait faire pour nous un arrangement utile.
Nous avons compté sur cet arrangement fait par les membres du conseil les plus expérimentés et les plus instruits : jugez combien il serait cruel de nous priver d’un bien que leur équité nous avait promis !
4° Pour peu qu’on jette les yeux sur la carte de la province, on verra clairement que vos brigades, répandues dans le plat pays, ne servent à rien du tout qu’à vous coûter beaucoup de frais ; placez-les dans les gorges des montagnes, quatre hommes y arrêteraient une armée de contrebandiers ; mais dans le plat pays, les contrebandiers suisses, savoyards et autres ont mille routes. Pour nos paysans, ils ne font d’autre contrebande que de mettre dans leurs chausses une livre de sel et une once de tabac pour leur usage, quand ils vont à Genève.
A l’égard de la grande contrebande, toute la noblesse du pays la regarde comme un crime honteux, et nous vous offrons notre secours contre tous ceux qui voudraient forcer les passages.
5°/ On allègue que, depuis quelques mois, les bandes armées se sont multipliées. Oui, elles ont été une fois dans le plat pays 3. Ne divisez plus vos forces, et il ne passera pas un contrebandier.
6° On allègue que si on retirait les brigades du plat pays, si on s’abonnait avec nous, si on suivait le règlement proposé, nous nous vêtirions d’étoffes étrangères, au préjudice des manufactures du royaume.
Nous prions instamment MM. les fermiers-généraux d’observer que la capitale de notre opulente province n’a pas un marchand, pas un artisan tolérable, et que, quand on a besoin d’un habit, d’un chapeau, d’une livre de bougie et de chandelle, il faut aller à Genève.
Que le conseil nous accorde cet abonnement utile à jamais pour les fermes du roi et maintenant pour nous (abonnement proposé par plusieurs de vos confrères), nous deviendrons les rivaux de Genève, au lieu d’être ses tributaires.
7° On nous oppose que le port franc de Marseille n’a pas les privilèges que nous demandons. Mais, monsieur, peut-on comparer nos huit à neuf mille pauvres habitants à la ville de Marseille, qui n’a nul besoin d’un pareil abonnement ? D’autres provinces, dit-on, seraient aussi en droit que nous de demander ces privilèges.
Considérez, je vous prie, que nulle province n’est située comme la nôtre. Elle est entièrement séparée de la France par une chaîne de montagnes inaccessibles, dans lesquelles il n’y a que trois passages à peine praticables 4. Nous n’avons de communication et de commerce qu’avec Genève. Traitez-nous comme notre situation le demande et comme la nature l’indique. Si vous mettez à grands frais des barrières (d’ailleurs inutiles) entre Genève, et nous, vous nous gênez, vous nous découragez, vous nous faites déserter notre patrie, et vous n’y gagnez rien.
8° Enfin, monsieur, c’est sur un mémoire de plusieurs de vos confrères mêmes que M. de Trudaine arrangea notre abonnement du sel forcé, et qu’il écrivit à M. l’intendant de Bourgogne. Nous acceptâmes l’arrangement. Faut-il qu’aujourd’hui, sur les calomnies de quelques regrattiers de sel intéressés à nous nuire, on révoque, on désavoue le plan le plus sage, le plus utile pour tout le monde, dressé par M. de Trudaine lui-même !
9° Je vous supplie, monsieur, de faire remarquer à MM. les fermiers, vos confrères, les expressions de la lettre de M. de Trudaine à M. l’intendant de Bourgogne, du 16 Août 1761 : « Je vous prie de faire goûter ces bonnes raisons à ceux qui sont à la tête de l’administration du pays. Je ferai expédier, sans retardement, l’arrêt et les lettres patentes. »
Il est évident qu’on avait discuté le pour et le contre de cet abonnement, qu’on avait consulté messieurs des fermes, qu’on attendait de nous l’acceptation de leurs bonnes raisons : nous les avons acceptées ; nous avons regardé la lettre de M. de Trudaine comme une loi ; nous avons compté sur la convention faite avec vous.
Qu’est-il donc arrivé depuis, et qui a pu changer une résolution prise avec tant de maturité ?
Quelque préposé au sel a craint de perdre un petit profit ; il a voulu surprendre l’équité de M. votre frère ; il a voulu immoler le pays à ce petit intérêt.
Toute la province vous conjure, monsieur, d’examiner nos remontrances avec M. votre frère, en présence de M. de Trudaine, et de finir ce qui était si bien commencé ; elle vous aura autant d’obligations que vous en a eu la Provence 5.
En mon particulier, je sentirai votre bonté plus que personne. J’ai l’honneur d’être, etc. »
1 Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tienne-Michel_Bouret
et : http://www.museedeseineport.info/MuseeVirtuel/Salles/Bouret/Bouret.htm
2 Copie par Jean-Louis Wagnière, date autographe, avec mention de Wagnière (sauf le premier mot) : « Copie de la lettre de M. de Voltaire , du 20è novembre1761, à M. Bouret, fermier général ».
3 Note du manuscrit : c'est à dire que quatre paysans étrangers voulant passer du tabac, tuèrent un garde, il y a près de deux ans, pruve évidente que ces ardes dispersés dans la plkat pays ne servent à rien . La dixièeme parie placée dans les gorges des moontagnes, formeraient une barrière impénétrable .
4 Col de La Faucille, col de Saint Cergue et passage du Fort-L'Ecluse .
5 Trudaine, en 1744, avait fourni la Provence en grains pendanrt une famine , et une médaille avait été frappée en son honneur .
01:59 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je pense qu'il ne s'agit plus de discuter les choses qui ont été tant rebattues
... Aussi, je me tais .
Montrez-moi quelque chose que je n'ai jamais vu .
http://www.3bisf.com/spip.php?page=saison
« A Louis-Gaspard Fabry
19 [novembre 1761] Ferney
Il est évident mon cher monsieur que le mémoire contre notre pauvre petite province a été suggéré par quelqu’un des employés dans le sel et dans le tabac . Car d'où M. d'Érigny pourrait-il savoir qu'il y a eu dans ce pays-ci une dupe qui a acheté des terres au denier soixante , la malignité de nos ennemis conclut de ce que j'ai fait un mauvais marché, que le pays est la terre promise ? C'est très mal conclure . J'écris à M. Bouret mon ami 1, frère de M. d'Érigny, une lettre assez forte dans laquelle j'allègue les mêmes raisons à peu près que vous verrez dans le projet de mémoire que je vous envoie suivant vos ordres, pour que vous ayez la bonté de le rectifier . Je pense qu'il ne s'agit plus de discuter les choses qui ont été tant rebattues, mais qu'il faut s'attacher dans notre mémoire à mettre le conseil de notre côté, à faire sa propre affaire de la nôtre, à intéresser M. de Trudaine qui se trouve compromis, sans trop offenser les fermiers généraux que nous supposons être trompés par un de nos ennemis .
L’arrangement du sel forcé est si raisonnable que nous devons espérer beaucoup de la fermeté de M. de Trudaine, des bons offices de monsieur l'intendant et même de la conversion de M. d'Érigny .
Donnez-moi d'ailleurs vos ordres et soyez sûr monsieur de mon zèle pour le bien public et de l'attachement pour votre personne avec lequel je serai toute ma vie,
monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire . »
1 Voir lettre du 20 novembre à Bouret : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/11/26/traitez-nous-comme-notre-situation-le-demande-et-comme-la-na-5879322.html
01:09 | Lien permanent | Commentaires (0)
Il est étrange combien de matériaux j'avais rassemblés pour ne m'en point servir, quel amas de détails inutiles, qu'elle foule de mémoires de particuliers qui ne parlaient que d’eux-mêmes, ... et enfin quelle foule d'erreurs et de calomnies ...
... Non, mais je rêve ?...
Viens-je de lire une déclaration avec un peu de réalisme dans un discours d'homme politique se présentant aux électeurs, la proportion de détails inutiles, erreurs et calomnies variant évidemment selon l'honnêteté, et la mauvaise foi, des candidats ?
... Réveil en sursaut .
La langue de bois reste imputrescible ...
http://meteopolitique.com/fiches/langue_bois/Humour/index...
« A Ivan Ivanovitch Schouvalov
A Ferney 18 novembre 1761
Monsieur, j'ai l'honneur de vous envoyer encore l'essai d'un chapitre sur la guerre de Perse . Votre Excellence doit avoir entre les mains les essais concernant la catastrophe du csarovits, les lois, le commerce, l’église, la paix glorieuse avec la Suède .
Il me semble qu'il n'en faudra qu'un sur les affaires intérieures jusqu'à la mort de Pierre le Grand .
Je suivrai exactement vos instructions tant pour ce second volume que pour le premier et dès que j'aurai reçu vos réflexions et vos ordres sur les nouveaux chapitres, je les travaillerai avec d'autant plus de soin que je serai sûr de ne point errer .
Il est étrange combien de matériaux j'avais rassemblés pour ne m'en point servir, quel amas de détails inutiles, qu'elle foule de mémoires de particuliers qui ne parlaient que d’eux-mêmes, au lieu de parler de Pierre le Grand , et enfin quelle foule d'erreurs et de calomnies m'est tombée entre les mains .
J'espère avant qu'il soit peu compléter tout l'ouvrage, et qu'avant Pâques tout sera conforme à vos désirs . J'ai donné la préférence au plus grand des Pierre sur notre Pierre Corneille, et je vous la donne dans mon cœur sur tous les mécènes de l'Europe .
J'ai l'honneur d'être avec le plus tendre respect
monsieur
de Votre Excellence
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire . »
00:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
25/11/2016
C’est déjà beaucoup de n’être pas du nombre des imbéciles et des fanatiques qui peuplent la terre ; c’est beaucoup d’avoir des amis : voilà deux consolations que vous devez sentir à tous les moments
... Voila ce qui , selon mon modeste jugement, correspond singulièrement plus à la vision d'Alain Juppé qu'à celle de l'immodeste Fanfoué Fillon qui me semble plus apte à se contenter "d'amis" made in Fesses de bouc, électeurs potentiels .
Les ordinateurs ont un coeur, mais c'est une puce . Qui aime une puce ? Qui est sincèrement aimé d'une puce ?
« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand
Ferney 18 novembre 1761
Vous m’affligez, madame ; je voudrais vous voir heureuse dans ce plus sot des mondes possibles, mais comment faire. C’est déjà beaucoup de n’être pas du nombre des imbéciles et des fanatiques qui peuplent la terre ; c’est beaucoup d’avoir des amis : voilà deux consolations que vous devez sentir à tous les moments. Si, avec cela, vous digérez, votre état sera tolérable. Je crois, toutes réflexions faites, qu’il ne faut jamais penser à la mort ; cette pensée n’est bonne qu’à empoisonner la vie. La grande affaire est de ne point souffrir ; car, pour la mort, on ne sent pas plus cet instant que celui du sommeil. Les gens 1 qui l’annoncent en cérémonie sont les ennemis du genre humain ; il faut défendre qu’ils n’approchent jamais de nous. La mort n’est rien du tout ; l’idée seule en est triste. N’y songeons donc jamais, et vivons au jour la journée. Levons-nous en disant : Que ferai-je aujourd’hui pour me procurer de la santé et de l’amusement ? C’est à quoi tout se réduit à l’âge où nous sommes.
J’avoue qu’il y a des situations intolérables, et c’est alors que les Anglais ont raison 2; mais ces cas sont assez rares : on a presque toujours quelques consolations ou quelques espérances qui soutiennent. Enfin, madame, je vous exhorte à être toute la vie la plus heureuse que vous pourrez.
Votre lettre m’a fait tant d’impression que je vous écris sur-le-champ, moi qui n’écris guère. J’ai une douzaine de fardeaux à porter ; je me suis imposé tous ces travaux pour n’avoir pas un instant désœuvré et triste ; je crois que c’est un secret infaillible.
Je ferai mettre dans la liste de ceux qui retiennent un Corneille commenté les personnes dont vous me faites l’honneur de me parler. J’aime passionnément à commenter Corneille ; car il a fait l’honneur de la France dans le seul art peut-être qui met la France au-dessus des autres nations. De plus, je suis si indigné de voir des hypocrites et des énergumènes qui se déclarent contre nos spectacles, que je veux les accabler d’un grand nom.
Je n’ai point encore la Reine de Golconde ; mais j’ai vu de très jolis vers de M. l’abbé de Boufflers : il faut en faire un abbé de Chaulieu, avec cinquante mille livres de rentes en bénéfices ; cela vaut cinquante mille fois mieux que de s’ennuyer en province avec une croix d’or.
Je vous supplie madame de dire à M. le président Hénault combien je suis sensible à tout ce qui l'intéresse . Votre société doit faire l'unique charme de sa vie .
Avez-vous lu la Conversation de l’abbé Grizel et d’un intendant des menus ? Si vous ne la connaissez pas, je vous céderai l’exemplaire qu’on m’a envoyé.
Recevez les tendres respects du Suisse . »
1 Les prêtres .
2 On se souvient que V* avait déjà mentionné dans les Lettres philosophiques le goût des Anglais pour le suicide .Voir page 83 et autres : https://books.google.fr/books?id=VQlRnLSXUGMC&pg=PA90&dq=article+suicide+voltaire&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiHtbnMwMLQAhXP0RoKHRzOBAUQ6AEIITAB#v=onepage&q=article%20suicide%20voltaire&f=false
01:17 | Lien permanent | Commentaires (0)
24/11/2016
je vous obéirais avec plaisir quand même je serais roi de la Bourgogne
... Disent en gros les membres de la cour de Fanfoué Fillon en quête d'un maroquin dès le mois de mai 2017 ; les lèche-culs sont de sortie (dont Rachida Dati qui morpionne ) , comme d'hab' autour de celui qui se doit de renvoyer l'ascenseur ou , plus exactement, qui n'a pas le courage d'être indépendant et se rassure en distribuant des charges comme dans l'Ancien Régime (au fond, seul le prix de la charge a changé, la pratique est toujours la même ) .
Qui sera / est le fou du roi ?
« A Dominique-Jacques Barberie, marquis de Courteilles 1
A Ferney 18 novembre 1761
Monsieur, si monsieur le président De Brosses est roi de France ou au moins de la Bourgogne cis-jurane, je suis prêt à lui prêter serment de fidélité . Il n'a voulu recevoir ni d'un huissier ni de personne l'arrêt du conseil à lui envoyé par lequel il devait présenter au conseil du roi les raisons qu'il prétend avoir pour s'emparer de la justice de La Perrière qui appartient à Sa Majesté .
Il me persécute d'ailleurs pour cette bagatelle 2, comme s'il s'agissait d'une province . Vous en jugerez monsieur par la lettre ci-jointe que j'ai été forcé de lui écrire et dont j'ai envoyé copie à Dijon à tous ses confrères qui lèvent les épaules .
Au reste monsieur je ferai tout ce que vous voudrez bien me prescrire, et je vous obéirais avec plaisir quand même je serais roi de la Bourgogne cis-jurane ainsi que M. le président De Brosses .
J'ose imaginer monsieur que le roi peut à toute force conserver la justice de La Perrière malgré la déclaration de guerre de monsieur le président .
J'ai l'honneur d'être avec beaucoup de respectueux monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Le destinataire a été identifié par Beuchot .Voir : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F28551.php
2 Note de V* sur le manuscrit : c'est-à-dire à cause de cette bagatelle, en haine de mon bon droit en cette bagatelle .
00:21 | Lien permanent | Commentaires (0)
23/11/2016
Que conclure de tout cet examen ? Qu'il faut se contenter de retravailler
... En dira-t-on autant après le débat Fillon-Juppé demain soir ?
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
[novembre 1761] 1
1° Si on retranche quelque chose au 4è acte, qui est beaucoup trop court, il ne lui restera presque rien .
2° Quand on a averti Cassandre en présence d'Olympie qu'Antigone est entré en armes, quand Cassandre est sorti pour le combattre, il faut absolument qu'Olympie apprenne à la fin de cet acte ce qui est arrivé , parce que le lieu du combat est trop près pour qu'elle n'en ait pas de nouvelles, parce que le spectateur en attend, parce que tout presse, parce qu'il est ridicule, dans une telle situation, de finir un acte par un monologue sur l'amour . Si elle quitte le théâtre, où va-t-elle ? Sort-elle pour aller voir les combattants ? Cela serait absurde . Est-ce pour aller chez sa mère ? Rien de plus plat . Ce serait un moyen sûr de n'avoir ni un quatrième acte, ni un cinquième .
3° Quand on lui apporte les nouvelles de ce combat, si on se contente de lui dire qu'on est aux mains, elle le savait déjà ; la terreur n'augmente pas, et tout ce qui ne l'augmente pas la diminue .
4° L'hiérophante étant le seul homme qui peut lui parler, il serait ridicule qu'il s’écartât de Statira et des combattants pour n'apprendre rien de nouveau à Olympie . Il faut donc qu'il lui annonce une nouvelle, et que cette nouvelle soit plus frappante que tout ce qui s'est passé .
5° L'hiérophante ne peut se rendre auprès d’Olympie que dans le cas où Statira mourante le prie de lui amener sa fille, car il faut une raison terrible pour que ce grand-prêtre quitte son poste .
6° Si Statira n'a pas arrêté la fureur des deux princes en se donnant à leurs yeux un coup de poignard, il n'y a aucune raison pour laquelle ces deux rivaux ne continuent pas de combattre, et la victoire de l'un ou de l'autre étant alors décidée, le vainqueur devient le maître absolu d'Olympie et du temple . Il n'y a plus de cinquième acte . Le vainqueur enlève Olympie ; elle se tue , si elle veut ; mais il n'y a plus de tragédie, parce qu'il n'y a plus de suspension .
Si on porte au cinquième acte le combat des deux rivaux et la mort de Statira, il est impraticable, il est contre toute vraisemblance que dans l'instant même ces deux princes demandent sa fille en mariage . On n'a pas même le temps de préparer le bûcher de la mère ; tout se ferait avec une précipitation ridicule et révoltante . Il faut absolument, entre le quatrième et le cinquième, entre la mort de Statira et la proposition du mariage, un intervalle qu'on peut supposer de quelques heures, sans quoi ce cinquième acte paraitrait le comble de l'absurdité . Il est si odieux, si horrible de proposer un mariage à une fille dont la mère vient de se tuer dans l'instant même , qu'on ne conçoit pas comment une telle idée peut se présenter .
Les empressements des deux amants, le jour même de la mort de Statira, ont déjà quelque chose de si étrange, que si le grand-prêtre n'avait pas par ses discours diminué cette horreur, elle ne serait pas tolérable . Mais si , dans le moment même où l'on suppose qu'Olympie apprendrait la mort de sa mère, le grand-prêtre lui parlait de songer à prendre un mari, cette proposition, alors si déplacée, serait sifflée de tout le monde . Mais il n'est pas contre la bienséance que ce grand-prêtre, au quatrième acte, lui dise simplement ce que sa mère, qui n'est pas encore morte, lui recommande .
7° Il paraît donc d'une nécessité absolue que Statira meure à la fin du quatrième, et qu'Olympie ait le temps de prendre sa résolution entre la quatrième et le cinquième .
8° Cette résolution de se jeter dans le bûcher de sa mère ne peut être prise qu'avec un peu de temps ; il faut au moins laisser celui des funérailles . Mais figurez vous l'effet insupportable que ferait ici une action trop pressée : « Votre mère vient de se tuer dans le moment ; épousez vite Cassandre ou Antigone . Nous allons brûler votre mère tout d'un temps . » En vérité , un tel arrangement épouvante .
9° On dira peut-être qu'on peut faire mourir Statira entre le quatrième et le cinquième, et c'est précisément ce que j'ai fait ; elle se donne le coup de poignard au quatrième . Olympie qui court à elle, la trouve encore vivante ; elle meurt dans ses bras, elle lui recommande d’épouser Antigone . C'est cet ordre d'épouser Antigone qui fait le fondement du cinquième et qui le rend vraisemblable .
10° Il ne faut pas croire que le spectacle d'Olympie en deuil, au milieu des prêtresses en habit blanc, soit une chose à négliger . Ceux qui ont vu jouer la pièce ont trouvé le contraste très attendrissant .
11° Pour envisager la chose de tous les sens, songez qu'au cinquième acte ou bien l'on apprend la mort de Statira à sa fille, ou bien elle le sait déjà ; si elle la sait, il n'y a rien à changer à la pièce : c'est ainsi que je l'ai faite ; si on la lui apprend, reste-t-elle sur le théâtre ou s'en va-t-elle ? Si elle reste, quelle horreur ! Quel défaut de bienséance d'écouter ses deux amants ? Si elle s'en va, quel prétexte aurait-elle de revenir ? Qui occuperait le théâtre en son absence ? Qui écouterait-on ? Pourrait-elle quitter le corps de sa mère, dès qu'une fois elle serait près de ce corps ? Reviendrait-elle chercher ses amants ? Qu'aurait-elle à leur dire ? Il faut que ses amants lui parlent malgré elle, mais non pas qu'elle vienne les chercher .
Que conclure de tout cet examen ? Qu'il faut se contenter de retravailler quelques vers qui ne sont pas assez bien faits, que le cinquième acte doit subsister tel qu'il est, et que , s'il fait à Paris la moitié seulement de l'effet qu'il a produit ailleurs, on ne doit pas être mécontent . »
1 L'original à la BNF est intitulé « mémoire pour Olympie » . Cette lettre appartient évidemment à la même période que la lettre du 23 novembre 1761 aux d'Argental et que d'autres lettres aux d'ArgentaI , données par Besterman dans le corps de son ouvrage, tandis que celle -ci ne figure que dans le supplément ; peut-être ne s'agit-il aussi que d'une feuille séparée annexée à une autre lettre, par exemple être « l'incluse » de la lettre du 23 novembre 1761 elle -même .
15:12 | Lien permanent | Commentaires (0)