Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/03/2021

On lui fournira tous les rogatons possibles

... A qui ? A Xi Jinping :  de plus  on lui rendra quelques rouleaux, non pas d'estampes agréables à l'oeil, mais de tendre papier, doux aux fesses présidentielles en manque d'attentions délicates ( la paille de riz, décidément ça grattait furieusement ). Voir :https://www.rtl.fr/actu/international/hong-kong-plus-de-trois-ans-de-prison-pour-vol-de-papier-toilette-a-main-armee-7900007389

Coronavirus et provisions pâtes, PQ, etc... - Ysope - dessin de presse -  dessin d'actualité- dessin d'humour

L'argent n'a pas (encore) d'odeur

 

 

« A Gabriel Cramer

à Tournay

[vers le 15 novembre 1765]

Je ne ferai pas attendre un moment monsieur Caro ; il aura les deux derniers actes d'Adélaïde, avant que le second soit imprimé . Il aura Mme Duru 1 qui ne vaut pas grand chose . On lui fournira tous les rogatons possibles pour achever son troisième tome 2. Il est triste d'imprimer tant de bagatelles . Ce ne sont pas là des ouvrages marqués au grand coin ; on lit un moment toutes ces futilités et elles retombent ensuite dans l'oubli .

L’Histoire de Charles XII 3 et l'Histoire générale méritent plus d'attention . Les petites additions à l'Histoire de Charles XII pour la grande édition, seront mieux placées à la fin qu'au commencement, et on les fournira sans délai .

On enverra aussi incessamment la préface de la grande édition .

Monsieur Cramer est prié de faire tenir trois exemplaires des petits chapitres du 3è volume des Mélanges , qui précèdent la tragédie d'Adélaïde du Guesclin .

Il paraît une histoire des troubles de Genève qui me paraît très bien faite et très intéressante . Elle est précédée d'une très mauvaise ode intitulée La Vérité, laquelle m'est adressée . Je conseille à monsieur Caro de lire cette histoire, mais non pas de lire l’ode .

On parle d'un autre libelle où il est fort question de M. Tronchin 4; je prie instamment monsieur Caro de faire l'impossible pour me procurer cet ouvrage, s'il existe .

N. B. que j'ai barbouillé le 1er volume du Czar qu'il m'a envoyé, et qu’il 'est tout prêt . S'il peut trouver un Grégoire de Tours ce sera un secours utile pour l'Histoire générale, qui est beaucoup corrigée et augmentée .

Monsieur Caro voit que je ne perds pas mon temps à la campagne, et que je suis son fidèle prot[e]. »

2 Troisième tome des Nouveaux mélanges dans lequel la tragédie d'Adélaïde du Guesclin figure aux pages 215-294, précédée de pièces diverses . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Ad%C3%A9la%C3%AFde_du_Guesclin

et https://archive.org/stream/voltairebibliog01benggoog/voltairebibliog01benggoog_djvu.txt

3 Cramer est en train d'en procurer une nouvelle édition qui paraitra sous sa marque en 1766 .

4 Tronchin Boissier : voir lettre de novembre-décembre 1765 à Cramer : « Je me flatte qu'il [Cramer] ne laissera pas ignorer à M. Tronchin Boissier que j'ai marqué la plus vive indignation contre la lettre du citoyen Jean-Jacques, dans laquelle un homme de son mérite est si indignement outragé . » [l' « homme de mérite » est bien entendu Tronchin-Boissier : https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/016286/2012-12-06/]

12/03/2021

il ne faut se brouiller avec les rois que quand on peut se passer d'eux

... Ainsi font Harry et Meghan, millionnaires à l'insu de leur plein gré, fats et ridicules, insignifiants .

https://i.dailymail.co.uk/1s/2020/01/18/01/23546948-7901241-image-a-1_1579311594702.jpg

Sarko is going to be green when he finds out how much we are being paid!

 

 

« Au baron Frédéric Melchior von Grimm

Ferney , 15 novembre 1765 1

Je n'ai nul accès, mon cher frère, dans la Cour d'aucune Princesse de Saxe, excepté Saxe Gotha qui me tient lieu de toutes les autres.

Il est vrai que je ne suis pas mal dans la Cour de M. Covelle 2. Je ne manquerai certainement pas de vous envoyer quelques pâtés d'anguilles 3, mais il me faut trouver un voyageur; et comme je suis à deux lieues de la sainte ville de ce maroufle de Jean Calvin, je ne suis pas toujours à portée de [perdre 4] mon temps avec ceux qui partent, attendu que je ne sors jamais de chez moi.

Vous ne me mandez point si vous avez parlé au ministre de l’Électeur Palatin, et s'il a souscrit pour l'estampe.

Ne plaignez point tant Jean Jaques. Il est vrai qu'il a été lapidé 5; mais Dieu n'a pas permis que les coups de pierre portassent. Il n'est que confesseur et n'a pas la gloire d'être martyr. Le voilà à l'abri des prêtres chez le Roi de Prusse où il peut faire des paradoxes et des contradictions tout à son aise, sans que les cuistres à rabat osent lui dire un seul mot. S'il est sage, il se rendra là 6 : car il ne faut se brouiller avec les rois que quand on peut se passer d'eux.

Mon cher frère, en cultivant la vigne des Calas, n'oubliez pas celle du Seigneur. Marchez toujours dans la voie étroite. Prêchez la sagesse aux infidèles. Ne laissez pas la chandelle sous le boisseau, comme dit noblement l’Écriture 7. Quand les Sages ont soupé ensemble, et que chacun a dit son mot, ils croient avoir tout fait. Cela ne suffit pas; il faut guérir les fous. Vous avez été prophète en Bohême; soyez le partout.

Mille respects à ma philosophe 8. Je m'attriste quand je songe que je ne la verrai plus.

Adieu, mon cher prophète. Si j'étais Élie, ce serait à vous que je laisserais mon manteau. »



1 Edition Émile Lizé : « Lettres inédites de Voltaire », 1974 . Cette lettre figure dans les suppléments de l'édition Besterman. Voir : https://www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760_1974_num_6_1_2781#dhs_0070-6760_1974_num_6_1_T1_0255_0000

2 . Un des noms auxquels Voltaire attribue certaines des Questions sur les miracles à Monsieur le Professeur Cl. par un Proposant, Genève, 1765 (Nos 7, 10, 13, 19). Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Questions_sur_les_miracles/%C3%89dition_Garnier

3 . Allusion à Jean Tuberville de Needham, dont les observations microscopiques furent ridiculisées par Voltaire, notamment dans la cinquième des Questions sur les miracles, Moland, XXV, p. 393-394, (voir note 2, Best. D 12931, XXIX, p. 339).

4 . L'amenuisement des marges de fonds, sur les microfilms utilisés, ne permet pas de lire les caractères manquants à l'intérieur de ces mots.

5 . Le 1er septembre 1765 et de nouveau dans la nuit du 5 ou 6 septembre 1765 . Voir lettre du 13 novembre à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/03/07/o-welches-vous-n-avez-pas-le-sens-d-une-oie-6301969.html

6 Le 25 octobre 1765, J.-J. Rousseau quittait Vienne pour Berlin. L'accueil reçu à Strasbourg le décida à partir en Angleterre au début novembre.

7 Matthieu , V, 15.

8 Mme d'Epinay .

11/03/2021

j’aurais bien trouvé le moyen de placer quelques-uns de vos enfants

...  Hélas ! hélas , pourquoi ont-ils choisi de faire de longues études dans un temps où l'on a plus besoin d'ouvriers et artisans que de commerciaux et bureaucrates ?

https://www.pole-emploi.org/statistiques-analyses/

Campagne "Les enfants dessinent l'avenir - Plus d'investissements dans  l'encouragement et l'accueil des enfants

 

 

 

« A Sébastien Dupont

À Ferney, 15 novembre 1765

Mon cher Cicéron d’Alsace, que ne puis-je être utile à votre famille ! Si le pays que vous habitez eût pu me convenir, j’aurais acheté le château d’Horbourg au lieu de celui de Ferney, et j’aurais bien trouvé le moyen de placer quelques-uns de vos enfants. Me voici depuis onze ans au pied des Alpes. La mort m’a privé de presque tous mes amis, les autres m’ont oublié ; il ne me reste que le regret de n’avoir pu servir un homme de votre mérite. Je me console par l’espérance que plusieurs princes d’Allemagne, dont vous serez le conseil, prendront soin de votre fortune.

Je suis actuellement un peu embarrassé. J’ai entrepris des bâtiments et des jardins, sur la parole positive que M. Jeanmaire m’avait donnée qu’il me payerait avec la plus grande exactitude. Les rentes viagères exigent qu’on ne manque jamais l’échéance ; il me fait un peu languir, et je suis obligé de renvoyer mes ouvriers, au hasard de voir l’hiver, qui est bien rude dans nos quartiers, détruire les ouvrages commencés pendant l’été. Je vous prie d’écrire un petit mot à M. Jeanmaire pour l’engager à ne pas m’oublier. Je suppose qu’il n’a pas d’argent actuellement, mais il peut me fournir des lettres de change, en me faisant bon de l’escompte. Je lui ai proposé tous les tempéraments possibles ; ayez la bonté de le faire souvenir sérieusement de ses engagements, et de lui faire sentir que l’accumulation des arrérages deviendrait pour lui aussi désagréable que l’est pour moi la privation de ce qui m’est dû.

Adieu, mon cher ami ; on ne peut vous être attaché plus tendrement que je le suis.

Voltaire. »

 

10/03/2021

À quoi tient donc le succès ! Des gens médiocres font des pièces qu'on joue pendant vingt ans

... Il est vrai qu'un public qui se soucie des confidences d'un Harry et de son épouse Meghan, est prêt à gober n'importe quoi du niveau Les Marseillais etc., Les Chtis etc., les Princes de l'amour , etc., etc., et à en redemander jusqu'à plus soif .

I – les débuts et les enjeux de la télé-réalité sur les écrans

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

15è novembre 1765 1

Voici mon cher ami, ce que j'ai retrouvé des facéties de Covelle . À mesure qu'il m'en tombera entre les mains, je vous les enverrai . Je m'occupe plus de Protagoras . Si mon idée réussit je vous en ferai part au plus vite .

Je vous ai toujours dit que M. le duc de Choiseul a une âme noble et sensible . C'est un grand malheur qu'il soit mécontent de Protagoras . Est-il possible qu'un homme d'un esprit si supérieur que Saurin, fasse toujours des pièces qui ne réussissent guère 2? À quoi tient donc le succès ! Des gens médiocres font des pièces qu'on joue pendant vingt ans . On représente encore la Didon de Pompignan 3. Grâce au ciel, je n'ai point fait Le Siège de Paris . Il y a pourtant là un certain évêque Gosselin 4 qui faisait une belle figure . Il n’exigeait point de billet de confession, mais il se battait comme un diable sur la brèche, et tuait des Normands tant qu'il pouvait . Si jamais on met des évêques sur le théâtre, comme je l'espère, je retiens place pour celui-là . Nous vous embrassons tous . Écrasez l'infâme . »

1 L'édition de Kehl fond cette lettre avec celle du 19 novembre 1765 ; voir http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/10/correspondance-...

2 Le 5 novembre 1765 L’Orpheline léguée, comédie en trois actes et vers libres de Saurin , vient d'être représentée à Fontainebleau et le 6 à la Comédie-Française . Voir : https://books.google.fr/books?id=SADjvew-KkIC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

3 Tragédie représentée pour la dernière fois le 2 mai 1754 et reprise le 11 juin 1766 . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Jacques_Lefranc_de_Pompignan

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57716749

09/03/2021

Je dois être neutre, tranquille, impartial, bien recevoir tous ceux qui me font l’honneur de venir chez moi, ne leur parler que de concorde : c’est ainsi que j’en use

... En un mot comme en cent , je suis un parfait ambassadeur !

Qu'on se le dise .

T SHIRT HOMME je suis un beau-papa trop génial | cadeau humour papa  anniversaire - EUR 21,90 | PicClick FR

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

13 novembre 1765

Mon cher ami, plus je réfléchis sur la honteuse injustice qu’on fait à M. d’Alembert, plus je crois que le coup part des ennemis de la raison : c’est cette raison qu’on craint et qu’on hait, et non pas sa personne. Je sais bien qu’un homme puissant 1 a cru, l’année passée, avoir lieu de se plaindre de lui ; mais cet homme puissant est noble et généreux, et serait beaucoup plus capable de servir un homme de mérite que de lui nuire. Il a fait du bien à des gens qui ne le méritaient guère. Je m’imagine qu’il expierait son péché en procurant à un homme comme M. d’Alembert, non-seulement l’étroite justice qui lui est due, mais les récompenses dont il est si digne.

Je ne connais point d’exemple de pension accordée aux académiciens de Pétersbourg qui ne résident pas, mais il mérite d’être le premier exemple, et assurément cela ne tirerait pas à conséquence. Il faudrait que je fusse sûr qu’il n’ira point présider à l’Académie de Berlin, pour que j’osasse en écrire en Russie. Rousseau doit être actuellement à Potsdam 2 ; il reste à savoir si M. d’Alembert doit fuir ou rechercher sa société, et s’il est bien déterminé dans le parti qu’il aura pris. J’agirai sur les instructions et les assurances positives que vous me donnerez.

L’impératrice de Russie m’a écrit une lettre à la Sévigné 3: elle dit qu’elle a fait deux miracles ; elle a chassé de son empire tous les capucins, et elle a rendu Abraham Chaumeix tolérant. Elle ajoute qu’il y a un troisième miracle qu’elle ne peut faire, c’est de donner de l’esprit à Abraham Chaumeix.

Auriez-vous trouvé Bigex 4 à Paris ? Pour moi, j’ai toujours mon capucin. Je fais mieux que l’impératrice ; elle les chasse, et je les défroque.

Il paraît à Genève un livre qui m’est en quelque sorte dédié : c’est une histoire courte, vive, et nette des troubles passés et des présents 5. Les citoyens y exposent de très-bonnes raisons ; il semble que l’auteur veuille me forcer par des louanges, et même par d’assez mauvais vers, à prendre le parti des citoyens contre le petit conseil ; mais c’est de quoi je me garderai bien. Il serait ridicule à un étranger, et surtout à moi, de prendre un parti. Je dois être neutre, tranquille, impartial, bien recevoir tous ceux qui me font l’honneur de venir chez moi, ne leur parler que de concorde : c’est ainsi que j’en use ; et s’il était possible que je leur fusse de quelque utilité, je ne pourrais y parvenir que par l’impartialité la plus exacte.

Je vais faire rassembler ce que je pourrai des anguilles de M. Needham pour vous les faire parvenir ; ce ne sont que des plaisanteries 6. Les choses auxquelles Bigex peut travailler sont plus dignes de l’attention des sages.

On m’a dit qu’on allait faire une nouvelle édition de l’ouvrage attribué à Saint-Évremont7, et de quelques autres pièces relatives au même objet. J’ai cherché en vain à Genève une lettre d’un évêque grec ; il n’y en a qu’un seul exemplaire, qui est, je crois, entre les mains de Mme la duchesse d’Anville. On prétend que c’est un morceau assez instructif sur l’abus des deux puissances. L’auteur prouve, dit-on, que la seule véritable puissance est celle du souverain, et que l’Église n’a d’autre pouvoir que les prérogatives accordées par les rois et par les lois. Si cela est, l’ouvrage est très-raisonnable. J’espère l’avoir incessamment.

Adieu, mon cher ami ; tout notre ermitage vous fait les plus tendres compliments.

V. »

1 Le duc de Choiseul .

2 Non, à Strasbourg, puis en Angleterre .

7 C’est l’Analyse de la religion chrétienne, dont il a été question si souvent .

08/03/2021

Il règne, dans presque tous les ouvrages de ce temps-ci, une abondance d’idées incohérentes qui étouffent le sujet

... Ce n'est que trop vrai, et encore davantage si on ajoute aux livres , revues et journaux, tous les écrits et productions sur le Net .

Fake news et complotisme : ce sont poisons et virus qui n'ont d'antidote que la vérité, mais celui-ci n'est pas accepté par ceux qui en ont justement le plus besoin .

 

 

« A Michel-Paul-Guy de Chabanon

13è novembre 1765 au château de Ferney

Je fais passer ma réponse, monsieur, par madame votre sœur1, que j’ai eu l’honneur de voir quelquefois dans mes masures helvétiques. Vous m’avez envoyé l’épître de M. Delille 2, mais souvenez-vous que c’est en attendant votre Virginie 3.

Nardi parvus onyx eliciet cadum 4.

On fait de beaux vers à présent, on a de l’esprit et des connaissances : mais il est bien rare de faire des vers qui se retiennent et qui restent dans la mémoire, malgré qu’on en ait. Il règne, dans presque tous les ouvrages de ce temps-ci, une abondance d’idées incohérentes qui étouffent le sujet ; et quand on les a lus, il semble qu’on ait fait un rêve : on se souvient seulement que l’auteur a de l’esprit, et on oublie son ouvrage.

M. Delille n’est pas dans ce cas ; il pense d’ailleurs en philosophe, et il écrit en poète . Je vous prie de le remercier de la double bonté qu’il a eue de m’envoyer son ouvrage, et de me l’envoyer par vous. Je lui sais bon gré d’avoir loué Catherine. Elle m’a fait l’honneur de me mander 5 qu’elle venait de chasser tous les capucins de la Russie ; elle dit qu’Abraham Chaumeix est devenu tolérant, mais qu’il ne deviendra jamais un homme d’esprit. Elle en a beaucoup, et elle perfectionne tout ce que cet illustre barbare Pierre Ier a créé. Je suis persuadé que dans six mois on ira des bouts de l’Europe voir son carrousel : les arts et les plaisirs nobles sont bien étonnés de se trouver à l’embouchure du lac Ladoga.

Adieu, monsieur ; vivez gaiement sur les bords de la Seine, et faites-y applaudir Virginie. Je soupçonne son histoire d’être fort romanesque : elle n’en sera pas moins intéressante ; personne ne prendra plus de part à vos succès que votre très-humble, très-obéissant serviteur et confrère.

V. »

1 Mme de La Chabalerie .

4 Horace., Odes lib. IV, od. xii, v. 17 : Un petit onyx de nard fera sortir une jarre de vin .

07/03/2021

Ô Welches ! vous n’avez pas le sens d’une oie

... Hey ! Frenchies , you hear me ?

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

13 novembre 1765 1

Le petit ex-jésuite, mes anges, est toujours très-docile ; mais il se défie de ses forces, il ne voit pas jour à donner une passion bien tendre et bien vive à un triumvir ; il dit que cela est aussi difficile que de faire parler un lieutenant criminel en madrigaux.

Permettez-moi de ne point me rendre encore sur l’article des filles de Genève . Non-seulement la loi du couvent n’est pas que les filles seront cloîtrées dans la ville, mais la loi est toute contraire. Les choses sont rarement comme elles paraissent de loin. Le cardinal de Fleury regardait les derniers troubles de Genève comme une sédition des halles. M. de Lautrec 2 arriva plein de cette idée ; il fut bien étonné quand il apprit que le pouvoir souverain réside dans l’assemblée des citoyens ; que le Petit Conseil avait excédé son pouvoir, et que le peuple avait marqué une modération inouïe jusqu’au milieu même d’un combat où il y avait eu du sang de répandu.

Rousseau n'est plus en Suisse, il est à Potsdam 3, ainsi on ne peut plus soupçonner les citoyens de Genève d'âtre conduits par lui . Les mécontentements réciproques entre les citoyens et le Conseil subsistent toujours. Il ne convient ni à ma qualité d’étranger, ni à ma situation, ni à mon goût, d’entrer dans ces querelles. Je dois, comme bon voisin, les exhorter tous à la paix quand ils viennent chez moi ; c’est à quoi je me borne.

On vient malheureusement de m’adresser une fort mauvaise ode 4, suivie d’une histoire des troubles de Genève jusqu’au temps présent 5. Cette histoire vaut bien mieux que l’ode ; et plus elle est bien faite, plus je parais compromis par un parti qui veut s’attacher à moi. Cet ouvrage doit d’autant plus alarmer le Petit Conseil que nous sommes précisément dans le temps des élections. J’ai sur-le-champ écrit la lettre ci-jointe à l’un des Tronchin qui est conseiller d’État 6. Je veux qu’au moins cette lettre me lave de tout soupçon d’esprit de parti ; je veux paraître impartial comme je le suis.

Je vous supplie, mes divins anges, de bien garder ma lettre, et de vouloir bien même la montrer à M. le duc de Praslin en cas de besoin, afin que je ne perde pas tout le fruit de ma sagesse.

Si je tiens la balance égale entre les citoyens et le conseil de Genève, il n’en est pas ainsi des querelles de votre parlement et de votre clergé. Je me déclare net pour le parlement, mais sans conséquence pour l’avenir : car je trouve fort mauvais qu’il fatigue le roi et le ministère pour des affaires de bibus 7, et je veux qu’il réserve toutes ses forces contre les usurpations ecclésiastiques, surtout contre les romaines. Il m’a fallu, en ressassant l’histoire, relire la constitution ; je ne crois pas qu’on ait jamais forgé une pièce plus impertinente et plus absurde. Il faut être bien prêtre, bien welche, pour faire de cette arlequinade jésuitique et romaine une loi de l’Église et de l’État. Ô Welches ! vous n’avez pas le sens d’une oie.

Monsieur l’abbé le coadjuteur 8 m’a envoyé son portrait . Je lui ai envoyé quelques rogatons qui me sont tombés sous la main ; je me flatte qu’on entendra parler de lui dans l’affaire des deux puissances, et que ce Bellérophon écrasera la chimère du pouvoir sacerdotal, qui n’est qu’un blasphème contre la raison, et même contre l’Évangile.

J’ai chez moi un jésuite et un capucin 9 ; mais, par tous les dieux immortels, ils ne sont pas les maîtres.

Respect et tendresse.

V.

N. B. -- Ou que M. de Praslin garde sa place, ou qu’il la donne à M. de Chauvelin . Voilà mon dernier mot. »

 

1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais, et suivie par les éditions, supprime la première phrase du 3è paragraphe : « Rousseau... »

2 Allusion à la mission de Daniel-François de Gélas de Voisins d'Ambres, comte de Lautrec, envoyé comme ambassadeur extraordinaire à Genève entre le 18 octobre 1737 et le 21 juin 1738 ; il procura par sa médiation la promulgation d'un édit voté le 8 mai 1738 , L’Illustre médiation, qui mettait fin à cinq ans de guerre civile . Voir : https://data.bnf.fr/fr/14642240/daniel-francois_de_gelas_de_voisins_d_ambres_lautrec/

et https://fr.wikipedia.org/wiki/Daniel_Fran%C3%A7ois_de_G%C3%A9las_de_Lautrec

et https://ge.ch/archives/8-geneve-1707-1738

3 Non, seulement à Strasbourg, et de là il ira en Angleterre, et non en Prusse .

4 La Vérité, ode à M. de Voltaire, suivie d’une Dissertation historique et critique sur le gouvernement de Genève et ses révolutions ; à Londres, 1765, in-8° de XVI et 145 pages.

6 V* prend soin d'en envoyer une copie pour faire connaître à Paris l'influence qu'il exerce à Genève .

8 L'abbé de Chauvelin .

9 Dans une lettre postérieure , du 27 juillet 1767 à Tabareau ( 6954 ), V* lui donne le nom de Bastian : « Voici le troisième chant de la très-ridicule Guerre de Genève je crois qu'on m'a volé le second. Un misérable capucin, très digne, s'étant échappé de son couvent en Savoie, et s'étant réfugié chez moi, m'a volé, au bout de deux ans, des manuscrits, de l'argent et des bijoux. Son nom est Bastian il s'appelait chez moi Ricard. Il porte encore un habit rouge que je lui ai donné. Il est à Lyon depuis quelques jours; c'est lui probablement qui a fait courir ce second chant. Il faut l'abandonner à la vengeance de saint François d'Assise. » , voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut

Les éditeurs de Kehl disent que ce capucin se réfugia a Londres, où il mourut de la vérole. (Beuchot.)