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10/02/2010

Le roi ne sait pas tout ... peut-il connaitre tous les trous que font les taupes dans les jardins

J'ai des envies de XVIIIème musical !

Haëndel, ça vous tente ? Alors musique de 1751 : http://www.youtube.com/watch?v=RrWfltFo8Mg

Foin du rap qui sincèrement me les gonfle et me les brise menu , alternativement ! Musicalement nul ! Parfois sauvé par le texte, mais je dois avouer que je manque de cours du soir pour arriver à suivre le débit de ces rappeurs-rapeurs ! Ne vous précipitez pas pour combler cette lacune, je vis très bien comme ça !

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« A Claude-Etienne Darget

 

[Vers le 10 février 1751]

 

                            Mon chien de procès n’étant point encore fini, et l’Ancien Testament [« le juif Hirschell » ; le jugement sera rendu le 18 février] me persécutant toujours, je ne sais que vous mander, mon cher ami. Ma maladie augmente, j’ai besoin d’un peu de courage. Car en vérité, si vous songez qu’après avoir suscité contre moi un d’Arnaud [on attribue à V* des « chansons pour les filles » sous le titre « Chanson de l’illustre Voltaire pour l’auguste princesse Amélie »], après avoir corrompu mon secrétaire [Tinois , que V* accuse de s’être laissé séduire par Baculard d’Arnaud et être à l’origine du vol d’un manuscrit de La Pucelle], et après m’avoir exposé par là aux suites les plus funestes, après m’avoir attaqué auprès du roi jusqu’à entrer dans les détails les plus bas [à Frédéric le 19 février il écrira : « Pourquoi vous fit-on dire dès le 29 novembre que j’avais acheté pour 80 mille écus de billets de la Stere [= la Steuer ; le traité de Dresde qui mettait fin à la guerre de Silésie, stipulait que tout Prussien porteur de ces effets tombés bien en dessous de leur valeur serait intégralement remboursé ; d’où un agiotage effréné ; Frédéric interdit en mai 1748 l’entrée de ces bons en Prusse] tandis que … j’avais dès le 24 novembre … défendu à Hirschell de prendre pour moi un seul billet en question ? Pourquoi dicta-t-on à Hirschell une lettre calomnieuse adressée à Votre Majesté, lettre dont tous les points sont reconnus autant de mensonges par un jugement authentique (celui du 18 février) ? » « On m’a fait passer auprès de Votre majesté pour un homme bassement intéressé. Voila pourquoi … j’avais prié Darget … de vous supplier de supprimer ma pension … pour convaincre Votre majesté qu’elle est mon unique objet ». On l’a aussi « accusé » auprès du roi « de ne pas faire assez de dépense » écrit-il à Darget à la mi-février.], on me poursuit encore ; si vous songez à toutes les mauvaises nouvelles que j’ai reçues à la fois de chez moi [V* est mécontent et inquiet de l’édition entreprise à Paris par Lambert ; et surtout de la « niche », écrit-il à Thibouville le 5 février, faite par «  un échappé du système (de Law) nommé André, qui s’est avisé de faire saisir tout (s)on bien à Paris pour une prétendue dette de billets de banque, qu’il a la mauvaise foi … de renouveler juste au bout de trente ans » ; il fera allusion à cette « saisie » en écrivant à Frédéric le 19 février. En sus, les « affaires » de Prusse sont répercutées en France.]; si vous ajoutez à tout cela une maladie affreuse et la privation de la vue de Sa Majesté [V* et Frédéric sont revenus à Berlin le 16 décembre, mais Frédéric est retourné à Potsdam du 16 au 18 janvier et 30 et 31 janvier.], vous m’avouerez qu’il me faudrait quelque fermeté. Je n’ai plus le bonheur de lire de beaux vers, de voir et d’entendre le seul homme sur la terre pour qui j’ai pu quitter ma patrie. Je me console en travaillant à l’histoire du siècle de Louis XIV, dans les heures où mes maux me laissent quelque relâche. Je suis continuellement dans la chambre que Sa Majesté a daigné m’accorder, pénétré de ses bontés, attendant la fin de ses rigueurs. Le roi ne sait pas tout ce que j’ai essuyé ; peut-il connaitre tous les trous que font les taupes dans les jardins de Sans-Souci ? Bonsoir, mon très cher ami. Ma nièce me mande que je dis trouver dans vous bien de la consolation, et elle a raison. On a créé pour Moncrif la place de secrétaire général des postes de France. Moncrif est plus vieux que moi. Il ne fait peut-être pas mieux des vers, mais il se porte bien. Ah ! Mon cher ami, la perte de la santé, à trois cent lieues de sa famille, est bien horrible ! Conservez la vôtre et goûtez le bonheur d’être auprès de votre adorable maitre.

 

 

 

 

 Après ceci, on peut remercier le Grand Architecte en chantant ! : http://www.youtube.com/watch?v=m3gd6uCD2FM&feature=related

 

Musique, soupers, bals, théâtres, amours, sciences, société ; il ne me manque ici que vous

"L'Europe ! l'Europe! l'Europe !" comme s'exclamait le général de Gaulle, la voici "galante", grâce à André Campra qui mourut en 1744, mais qui évoquait sans doute la déesse plus que l'entité géographique.

http://www.youtube.com/watch?v=BP3aJnm2k7s

 

 Frédéric II avec Schwerin  et von Podewils (à droite)

luc avec scwerin et von podewils à droite.jpg

« A Otto Christoph, comte de Podewils

Envoyé de Prusse à La Haye.

 

Ce lundi 10 février [1744] à trois heures du matin,

 doit partir demain mardi à dix heures.

 

                            Je crois, mon cher et respectable ami, que le prétendant est à Antibes [Charles-Edouard Stuart, débarqué à Antibes le 23 janvier]; du moins on le disait hier à Versailles. Ce n’est pas tout à fait le chemin de Londres. Notre flotte est à la voile [depuis le 6 février, pour envahir l’Angleterre], et tout Paris est au bal. On rejoue Mérope avec un succès prodigieux. Nous avons une mademoiselle du Meni [= Dumesnil] qui fait fondre en larmes pendant cinq actes. Je suis bien fâché que vous ne puissiez voir notre spectacle. Jamais il n’a été si parfait, j’entends de la part des acteurs. Je ne sais pas ce qu’on fera sur la frontière, mais  Paris sera toujours le paradis terrestre. Musique, soupers, bals, théâtres, amours, sciences, société ; il ne me manque ici que vous et votre adorable amie à qui je présente mes regrets et mes respects. Je vous envoie Acajou par M. de La Reynière [Acajou et Zirphile, de Duclos, roman composé, dit V*, pour être ajusté aux estampes qui avaient été faites pour un autre roman écrit et emporté par le comte Carl Gustav Tessin]. Ecrivez à M. de La Bonardière, près de l’hôtel Charost, faubourg Saint-Honoré. Mais quand vous enverrez gros paquets, adressez-les à M. de La Reynière.

                            Je vous embrasse tendrement.

                            J’ai tout reçu en son temps.

http://www.youtube.com/watch?v=BFKyWEZDvOM&feature=re...

25/01/2010

l’intolérance est aussi absurde qu’horrible

Suite à une charmante visite de l'équipe clunysienne ce jour au château de Voltaire , une visite "éclairs" ( au chocolat, et je m'en lèche encore les doigts !! ) , je me permets de leur faire un peu de pub pour le grand évènement qui va bien les occuper cette année : cluny a 1100 ans . Mazette ! Ils ont déjà plus de cent mille visiteurs par an, combien vont-ils en avoir cette fois ?

http://www.cluny2010.eu/

http://www.dailymotion.com/video/x98l2f_cluny-2010-en-lum...

moines cluny.jpg

Vous pouvez constater que l'esprit de tolérance est vif chez les voltairiens !

Et l'esprit de moquerie tout autant, ce qui justifie ce lien : http://www.youtube.com/watch?v=HE1sf-pDoUs

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais dans le style kitch, il est difficile de faire mieux sur le sujet . Je ne sais si je  dois rire ou admirer l'art et la manière de "lire-chanter le Bottin" ou ici, le document de visite .

J'ai peur qu'un jour un trouvère complètement allumé vienne conduire  la visite à Ferney ! Je suis certain que ça aurait son charme, mais bon, nous avons assez de jours de pluie ici, n'en rajoutons pas !

Je m'offre le luxe de faire de la pub pour un monument "diablement"  fréquenté, cible entre autres de colère voltairiennes qui n'appréciait pas du tout le luxe des abbayes ni les taxes diverses qu'elles récoltaient sur le dos des plus pauvres, ceux-ci étant maintenus dans une crainte supersticieuse déplorable.

Autre temps, autres moeurs!  De nos jours l'Etat s'est substitué au clergé : les promesses de paradis laïc valent bien les promesses de paradis clérical ! Non ?

Mieux ou pire ?

Mé pi, pas pi ! comme on dit en Savoie (la "hiaute" ! )

 

Ici, il est d'actualité d'ouvrir le château dès le 3 avril, ce qui nous ferait gagner plus d'un mois d'ouverture. Je vous prie d'y penser et de profiter de cette saison où il n'y a pas encore trop de monde .

 

 

 

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

 

24 janvier 1763

 

                            Mon cher frère, on ne peut empêcher, à la vérité, que Jean Calas ne soit roué, mais on peut rendre ses juges exécrables, et c’est ce que je leur souhaite. Je me suis avisé de mettre par écrit toutes les raisons qui pourraient justifier ces juges, je me suis distillé la tête pour trouver de quoi les excuser, et je n’ai trouvé que de quoi les décimer.

 

                            Gardez-vous bien d’imputer aux laïques un petit ouvrage sur la tolérance qui va bientôt paraitre [il l’annonçait déjà le 6 décembre 1762 : « on dit qu’il paraitra quelque chose à l’occasion des Calas et des pénitents blancs », en spécifiant qu'« on attendrait que la révision eût été jugée »]. Il est, dit-on d’un bon prêtre ; il y a des endroits qui font frémir, et d’autres  qui font pouffer de rire ; car Dieu merci, l’intolérance  est aussi absurde qu’horrible.

 

                            Mon cher frère m’enverra donc la petite feuille qu’on attribue à M. Le Brun [La Renommée littéraire ; V* écrira à Le Brun pour lui faire part des fiançailles de Mlle Corneille le 26, et lui propose de signer le contrat (par procuration). Il écrira à Damilaville le 1er février : « C’est une aventure assez comique que j’ai eue avec Pindare-Le Brun en vous envoyant un paquet pour lui dans le temps que vous me dépêchiez ses rabâchages contre moi … Je l’accable de politesses qui doivent lui tenir lieu de châtiment.]. Mais est-il possible que Le Brun qui m’adressait de si belles odes pour m’engager à prendre Mlle Corneille et m’envoie souvent de si jolis vers, ne soit qu’un petit perfide ?

 

                            Nous marions Mlle Corneille à un gentilhomme du voisinage, officier de dragons, sage, doux, brave, d’une jolie figure, aimant le service du roi et sa femme, possédant dix mille livres de rente, à peu près, à la porte de Ferney [Claude Dupuits de La Chaux]. Je les loge tous  deux. Nous sommes tous heureux. Je finis en patriarche. Je voudrais à présent marier Mlles Calas à deux conseillers au parlement de Toulouse.

 

                            On dit la comédie de M. Dupuis [Dupuis et Desronais, comédie de Charles Collé, inspirée d’une nouvelle des Illustres Françaises de Robert Challe] fort jolie : cela est heureux. Le nom de notre futur est Dupuits [à Le Brun , il écrira que cette coïncidence « est d’un bon augure »]. Frère Thiriot doit être fort aise de la fortune de Mlle Corneille. Elle la mérite . Savez-vous que cette enfant a nourri longtemps son père et sa mère du travail de ses petites mains [Jean-François Corneille était « facteur de la petite poste dans les rues de Paris »] ? La voilà récompensée. Sa vie est un roman.

                           

                            Je vous embrasse tendrement, mon cher frère. Ecrasez l’Infâme.

 

 

 

http://www.dailymotion.com/video/x84nla_generique-les-env...

PS. : Si vous regardez bien le petit doigt de la main droite de Gunzo -moine de gauche- (un moine peut-il être de gauche ? oui, si ça lui permet de se retrouver à la droite de Dieu ! ), pour ceux qui ont suivi la série culte "Les Envahisseurs", vous voyez que David Vincent aurait déjà eu du fil à retordre au Moyen Age . Gunzo, envahisseur déguisé en moine ! Trop fort !!

 

 

 

 

20/01/2010

Travaillons tandis que nous avons encore du feu dans les veines

"La vie est courte. Il n’y a pas un moment à perdre à l’âge où je suis. La vie des talents est encore plus courte."

Bien que plus jeune que Volti lorsqu'il écrivit ceci, je sais pertinemment qu'il a raison .

Je ne sais quel sont mes talents actuels, mais je sais que certains ont pris du plomb dans l'aile. Le double-salto vrillé avec rattrappage sur le bord du guéridon du salon, ça je ne peux plus ! Comment ce fais-ce ?

Et curieusement, avec du plomb dans l'aile, je marche comme un canard boiteux ; je dois être comme Léon Zitrone qui criait lors d'un Intervilles un peu agité : "Guy Lux, je ne vous entends plus , on m'a cassé ( -pété- ) mes lunettes ! ".Pour une citation plus conforme à la réalité, voyez ce grand moment de Télé :

 http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://www.totalvod...

 

Il est heureux que d'autres talents s'améliorent, que certains  prennent le relais grâce à l'expérience et que ma foi , l'amour de la vie aidant, l'amour présent, on garde l'oeil brillant et le coeur ouvert .

 

 

coeur croixrousse.jpg

 

« A Charles–Augustin Ferriol, comte d’Argental

et

à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental

 

20 janvier [1762]

 

                                   Divins anges, ce n’est pas tout. Renvoyez-moi, je vous prie, tous mes chiffons sitôt la présente reçue. C’est-à-dire les deux leçons de cette œuvre de six jours [Statira ou Cassandre ou Olympie, tragédie retouchée et renommée] que je mets plus de six fois six autres jours à reprendre en sous-œuvre. Ou je suis un sot, ou cela sera déchirant ; et vous en viendrez à votre honneur. Vous pouvez être sûrs que si je reçois le matin votre paquet, un autre partira le soir pour aller se mettre à l’ombre de vos ailes. Ah ! que vous m’avez fait aimer le tripot ! Je relisais tout à l’heure une première scène d’un drame commencé et abandonné [Don Pedre : le plan en est donné aux d’Argental le 29 juin en leur disant qu’il pense avoir renoncé au sujet]. Cette première scène me réchauffe, je reprendrai ce drame. Mais il faut songer sérieusement à Pierre le premier de nos apôtres [Ici Pierre Corneille, premier des auteurs tragiques : Commentaires sur Corneille].

 

                            Je désire toujours ardemment de voir Le Droit du seigneur tel qu’il sera donné corrigé ou défiguré [représenté le 18 janvier]. La vie est courte. Il n’y a pas un moment à perdre à l’âge où je suis. La vie des talents est encore plus courte. Travaillons tandis que nous avons encore du feu dans les veines. Je suis content de l’Espagne [Pacte de Famille  conclu entre la France et l’Espagne le 15 août 1761 et ratifié le 25 en Espagne ;l’’Espagne entre enfin en guerre contre l’Angleterre]. Il vaut mieux tard que jamais.

 

                            Il y a longtemps que je dis : gare à vous Joseph – je dis aussi : gare à vous Luc [Joseph = roi du Portugal : allusion à l’attentat de septembre 1758 contre José Ier . Luc= Frédéric II : tentative d’enlèvement à Strehlen à la fin de 1761 ].

 

                            Aux pieds des anges.

 

                            V. »

 Un talent qui ne se dément pas : http://www.youtube.com/watch?v=Jha39ysASA0&feature=re...

Je l'aime toujours . N'en soyez pas jalouse Mam'zelle W. !

19/01/2010

Je m’y suis ruiné, mais je ne suis pas découragé

Il en est qui dépourvus de talent se permettent de baver - je dis bien baver, pour moi ce sont des limaces - sur Voltaire . Ils le font à leur image, je n'en dirai pas plus, vous avez compris .

Dans le même temps, je les soupçonne -à tort peut-être ?- d'être des fans de Napoléon Ier qui, Ô merveille, sut si bien rétablir l'esclavage.

Ce Voltaire qu'ils se permettent de rabaisser (car eux ne peuvent s'élever ! ) était cet homme capable d'indignation devant les travers de ses contemporains , et ce n'est qu'un petit exemple parmi tant d'autres que je vous cite ci-après, en fonction de l'actualité.

Le 11 août 1770, Voltaire écrit à Catherine II de Russie :

"On apprend à Paris le tremblement de terre qui a bouleversé trente lieues de pays à Saint Domingue, on dit : "C'est dommage", et on va à l'opéra. Les affaires les plus sérieuses sont tournées en ridicule."

Ce tremblement de terre a eu lieu le jour de la Pentecôte , 3 juin 1770 . Voir détails ci-après : http://www.lnbtp.gouv.ht/publications/Seismes%20en%20Hait...

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« A Charles–Augustin Ferriol, comte d’Argental

et

à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental

 

19è janvier 1772

 

                            Or mes anges, voici le fait. Cette lettre sera pour vous et pour M. de Thibouville puisqu’il a trouvé son jeune homme [Le 6 février 1771, V* écrivait à Thibouville :"Trouvez quelque jeune homme ... qui passerait pout l'auteur, et qui pourra même lire la pièce aux comédiens ..." Il s'agissait des Pélopides . V* sera déçu :" ce jeune homme était un mauvais comédien de la troupe de Paris" (letr du 8 février 1773 à Thibouville).]; et je suppose que ce jeune homme lira bien et fera pleurer son monde.

 

                            Mon jeune homme à moi [le prétendu auteur], m’est venu trouver hier, et m’a dit ces propres paroles :

         « A l’âge où je suis j’ai grand besoin d’avoir des protections à la cour comme par exemple auprès du secrétaire de  M. le trésorier des Menus, ou auprès de MM. les comédiens ordinaires du roi. On m’a dit que Sophonisbe n’étant qu’un réchauffé [un « réchauffé » de Mairet, 1770 ], et les Pélopides ayant déjà été traités [par Crébillon qui avait écrit Atrée et Thyeste.], ces deux objets me procureraient difficilement la protection que je demande.

 

         D’ailleurs des gens bien instruits m’ont assuré que pour balancer le mérite éclatant de l’opéra-comique et de Fax-hall [Il s’agit des Fêtes de Tempé, ouvertes par Torre en 1769 près de la porte Saint Martin ; voir article « franc » des Questions sur l’Encyclopédie :  «  du salon du sieur Vaux à Londres, nommé Vaux-hall, on a fait facs-hall à Paris. »] , pour attirer l’attention des Welches, et pour forcer la délicatesse de la cour à quelque indulgence, il fallait un grand spectacle, bien imposant, et bien intéressant ; qu’il fallait surtout que ce spectacle fût nouveau, et j’ai cru trouver ces conditions dans la pièce ci-jointe [Les Lois de Minos.] que je soumets à vos lumières . Elle m’a coûté beaucoup de temps, car je l’ai commencée le 18è septembre, et elle a été achevée le 12è janvier.

 

         Il serait triste d’avoir perdu un temps si précieux. »

 

                            J’ai répondu au jeune candidat que je trouvais sa pièce fort extraordinaire, et qu’il n’y manquait que de donner bataille sur le théâtre, que sans doute on en viendrait là quelque jour, et qu’alors on pourrait se flatter d’avoir égalé les Grecs.

 

         « Mais mon cher enfant, quel titre donnez-vous à votre tragédie ?

-         Aucun, Monsieur. On ferait cent allusions, on tiendrait cent mauvais discours, et les Welches feraient tant que ma pièce ne serait point jouée. Alors je serais privé de la protection du secrétaire de M. le trésorier des Menus, et de celle de MM. les comédiens ordinaires du roi, et je serais obligé d’aller travailler aux feuilles de M. Fréron pour me pousser dans le monde. »

 

                            J’eus pitié de ce pauvre enfant, et je vous envoie  son œuvre, mes chers anges. Si M. de Thibouville veut se trémousser et conduire cette intrigue, cela pourra l’amuser beaucoup, et vous aussi.

 

                            Il y a vraiment dans ce drame je ne sais quoi de singulier et de magnifique qui sent son ancienne Grèce, et si les Welches ne s’amusent pas de ces spectacles grecs, ce n’est pas de ma faute. Je les tiens pour réprouvés à jamais. Pour moi qui ne suis que Suisse, j’avoue que la pièce m’a fait passer une heure agréable dans mon lit où je végète depuis longtemps.

 

                            Je vous remercie mes chers anges, des ouvertures que vous me donnez avec tant de bonté pour établir un bureau d’adresse en faveur de mes montriers [fabricants de montre de Ferney]. Mme Lejeune [ La femme du libraire qui avait été arrêtée en décembre 1766, revenant de Ferney, pour avoir voulu faire entrer en France des livres prohibés, dont le Recueil nécessaire de Voltaire ] ne pourrait-elle pas être la correspondante ? On s’arrangerait avec elle.

 

                            Il est arrivé de grands malheurs à notre colonie [V* a accueilli des émigrants de Genève suite aux troubles de février 1770, leur a prêté de l’argent pour fonder une fabrique de montres à Ferney, bâti des maisons, mais perdu le soutien de Choiseul disgracié en décembre]. Je m’y suis ruiné, mais je ne suis pas découragé. J’aurai toujours dans mon village le glorieux titre de fondateur. J’ai rassemblé des gueux. Il faudra que je finisse par leur fonder un hôpital.

 

                            Je me mets à l’ombre de vos ailes plus que jamais, mes divins anges.

 

                            Vous devez recevoir la drôlerie de mon jeune homme par M. Bacon, non pas le chancelier, mais le substitut du procureur général, lequel doit l’avoir reçue dûment cachetée de la main de M. le procureur général .Si ces curieux ont ouvert le paquet, je souhaite qu’ils aiment les vers, mais j’en doute.

 

                            Voltaire. »

 

 

 

 

14/01/2010

Je vais mourir bientôt en détestant les persécuteurs, et en vous aimant

Excellente mise en train, dans la voiture en allant au travail ce matin : http://www.youtube.com/watch?v=2EmbhAarOzg

 

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Caricatures :  La Fayette, Necker et Bezenval, XVIIIe siècle, Estampe, gravure réalisée sur cuivre, 31,4 x 17, 4 cm, Musée national de la Coopération franco-américaine, Auteur : Blérancourt.

 

« A Charles-Frédéric-Gabriel Christin

 

                            Vous me déchirez le cœur, mon cher ami, par  tout ce que vous me mandez. Il m’est impossible d’écrire à votre Genevois [Jacques Necker]. Jugez-en vous-même.

 

                            Sa femme est née, et a été élevée dans le même village que la mère de Mlle de Varicourt, qui lui donna longtemps des bas et des souliers, quoiqu’elle n’en eût guère pour elle-même.

 

                            J’ai donné part du mariage de Mlle de Varicourt [Reine-Philiberte Rouph de Varicourt, surnommée par V* « Belle et Bonne », avec le marquis de Villette le 18 novembre 1777 ] à la Genevoise [Mme Suzanne Necker, mère de Germaine, future Mme de Staël], et ma lettre était assurément très flatteuse. Elle n’a pas daigné me répondre, mais elle a répondu à un frère de Mlle de Varicourt, et lui a dit qu’elle était une femme trop sérieuse et voyant trop bonne compagnie pour recevoir chez elle une jeune mariée. Cet excès d’impertinence est-il concevable ?

 

                            Je tremble de tous côtés pour nos chers St-Claudiens [Soumis à la mainmorte par les moines ; Christin, soutenu par V*, avait plaidé pour eux et perdu un procès, mais continuait la procédure ; le 23 novembre V* lui a écrit :  « Que ne suis-je à portée d’intéresser M. Necker sur cette affaire ! Il est , je crois, le seul qui pourrait engager M. de Maurepas à signaler son ministère par l’abolition de la servitude, en imitant le roi de Sardaigne ».]. J’ai bien peur qu’ils ne soient mangés par les pharisiens et par les publicains. Mais où se réfugieront-ils ? Ils n’ont ni protection, ni asile. Tout ce que je vois me fait horreur et me décourage. Je vais mourir bientôt en détestant les persécuteurs, et en vous aimant.

 

                            13è janv[ier] 1778

 

                            Si vous persistez à envoyer votre lettre, il faut la mettre à la poste de St-Claude. »

 

O malheureux mortels! ô terre déplorable!

Ceux qui me lisent parfois, qui me relisent,  s'en sont peut-être (du moins je l'espère ) rendu compte : je peux être un parfait couillon, limite con (c'est vous qui voyez ! ). Circonstances atténuantes : je tente de me soigner avec l'un des meilleurs médecins : Voltaire .

Je disais donc, que dans ma grande anerie, j'ai parlé hier trop longtemps d'un évènement comme il s'en passe à chaque seconde dans le monde : une naissance, qui n'avait de remarquable que la nature "people" des parents . Passons...

Dans la même note juste quelques mots pour Haïti ! Vous le voyez, je perds parfois le sens des proportions, ou est-ce un vieux réflexe de survie ?

Je vous conseille , que dis-je, je vous conjure de lire et comprendre ce que Voltaire a écrit suite au désastre du tremblement de terre qui détruisit Lisbonne le 1er novembre 1755 . Suivez ce lien , réactualisez votre vision du monde s'il en est besoin !

http://athena.unige.ch/athena/voltaire/volt_lis.html

 

Extrait , premiers vers du poème :

POEME
SUR LE DESASTRE DE LISBONNE

 

OU EXAMEN DE CET AXIOME:
"TOUT EST BIEN"

 

 

   O malheureux mortels! ô terre déplorable!
O de tous les mortels assemblage effroyable!
D'inutiles douleurs éternel entretien!
Philosophes trompés qui criez: "Tout est bien"
Accourez, contemplez ces ruines affreuses
Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,
Ces femmes, ces enfants l'un sur l'autre entassés,
Sous ces marbres rompus ces membres dispersés;
Cent mille infortunés que la terre dévore,
Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,
Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours
Dans l'horreur des tourments leurs lamentables jours!
Aux cris demi-formés de leurs voix expirantes,
Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes,
Direz-vous: "C'est l'effet des éternelles lois
Qui d'un Dieu libre et bon nécessitent le choix"?
Direz-vous, en voyant cet amas de victimes:
"Dieu s'est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes"?
Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants
Sur le sein maternel écrasés et sanglants?

 

Je n'ai rien contre ceux qui ont la foi en dieu(x), mais je crains que quelques sectes ne profitent de ce terrible évènement et que quelques aigrefins ne tirent profit de la peur qui en découle .

Ah ! tremblez vous qui croyez à une divinité vengeresse ! Et n'oubliez pas votre obole au gourou -loup-garou qui vous promet le paradis !!!

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