07/07/2024
J’apprends dans mes retraites Qu’on a dans Paris maintenant Moins de bons médecins que de mauvais poètes
... Vu depuis les "déserts médicaux" !
« A Mme Anne-René Bichon de Pommereul
À Ferney, 29è décembre 1768 1
Madame,
Si je n’avais pas été très malade sur la fin de cette courte vie, je vous aurais sans doute remercié sur-le-champ de la longue vie que vous voulez bien me procurer 2. Il faut que vous descendiez d’Apollon en droite ligne, vous et Mme d’Antremont.
Vous ne démentez pas votre illustre origine ;
Il est le dieu des vers et de la médecine,
Il prolonge nos jours, il en fait l’agrément.
Ce dieu vous a donné l’un et l’autre talent :
Ils sont rares tous deux. J’apprends dans mes retraites
Qu’on a dans Paris maintenant
Moins de bons médecins que de mauvais poètes.
Grand merci, madame, de votre recette de longue vie. Je me doute que vous en avez pour rendre la vie très agréable : mais j’ai peur que vous ne soyez très avare de cette recette-là. Le cardinal de Fleury prenait tous les matins d’un baume qui ressemblait fort à votre élixir . Il avait beaucoup usé, dans son temps, de cette autre recette que vous ne donnez pas. Je crois que c’est ce qui l’a fait vivre quatre-vingt-dix ans assez joyeusement. Ce bonheur n’appartient qu’à des gens d’Église . Dieu ne bénit pas ainsi les pauvres profanes.
Quoi qu’il en soit, daignez agréer le respect et la reconnaissance avec lesquels j’ai l’honneur d’être,
madame,
votre, etc. »
1 Copie par Wagnière ; copie par Bigex ; édition Kehl . L'original semble avoir été adressé à Fougères chez Louis François POMMEREUL (1711-1751), sieur de LA GAUMERAIS, procureur du roi dans la sénéchaussée de Fougères ; voir : https://gw.geneanet.org/jrussell2?lang=fr&pz=julie+myriam+jacqueline&nz=series&p=anne+renee&n=bichon
2 Mme de Pommereul avait adressé à l’auteur la recette de l’élixir de longue vie, avec une lettre mêlée de prose et de vers. (Kehl.)
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06/07/2024
Tout ce que peuvent faire les adeptes, c’est de s’aider un peu les uns les autres, de peur d’être sciés : et si un monstre vient nous demander : Votre ami l’adepte a-t-il fait cela ? il faut mentir à ce monstre
... Telle est la conduite à tenir effectivement face au RN et à un Zemmour , un Mélenchon et tous les extrémistes qui divisent pour tenter de régner .
« A Bernard-Joseph Saurin, de l'Académie
française, etc.
Rue Neuve-des-Petits-Champs
vis-à-vis celle de Louis-le-Grand
à Paris
28è décembre 1768 à Genève
Premièrement, mon cher confrère, je vous ai envoyé un Siècle 1, et je suis étonné et confondu que vous ne l’ayez pas reçu.
En second lieu, vos vers sont très jolis 2.
Troisièmement, votre équation est de fausse position. Ce n’est point moi qui ai traduit l’A, B, C ; Dieu m’en garde ! Je sais trop qu’il y a des monstres qu’on ne peut apprivoiser. Ceux qui ont trempé leurs mains dans le sang du chevalier de La Barre sont des gens avec qui je ne voudrais me commettre qu’en cas que j’eusse dix mille serviteurs de Dieu avec moi, ayant l’épée sur la cuisse, et combattant les combats du Seigneur 3.
Il y a présentement cinq cent mille Israélites en France qui détestent l’idole de Baal ; mais il n’y en a pas un qui voulût perdre l’ongle du petit doigt pour la bonne cause. Ils disent : Dieu bénisse le prophète ! et si on le lapidait comme Ézéchiel, ou si on le sciait en deux comme Jérémie, ils le laisseraient scier ou lapider, et iraient souper gaiement.
Tout ce que peuvent faire les adeptes, c’est de s’aider un peu les uns les autres, de peur d’être sciés : et si un monstre vient nous demander : Votre ami l’adepte a-t-il fait cela ? il faut mentir à ce monstre.
Il me paraît que M. Huet, auteur de l’A, B, C, est visiblement un anglais qui n’a acception de personne. Il trouve Fénelon trop languissant 4, et Montesquieu trop sautillant 5. Un Anglais est libre, il parle librement : il trouve la Politique tirée de l’Écriture sainte 6, de Bossuet, et tous ses ouvrages polémiques, détestables ; il le regarde comme un déclamateur 7 de très-mauvaise foi. Pour moi, je vous avoue que je suis pour Mme du Deffand, qui disait que l’Esprit des lois était de l’esprit sur les lois. Je ne vois de vrai génie que dans Cinna et dans les pièces de Racine ; et je fais plus de cas d'Armide 8 et du IVè acte de Roland 9 que de tous nos livres de prose . Montesquieu dans ses Lettres persanes se tue à rabaisser les poètes ; il voulait renverser un trône où il sentait qu'il ne pouvait s'asseoir . Il insulte violemment dans ses Lettres persanes l'Académie dans laquelle il sollicita depuis une place 10. Il est vrai qu’il avait quelquefois beaucoup d'imagination dans l'expression . C'est à mon sens son principal mérite . Il est ridicule de faire le goguenard dans un livre de jurisprudence universelle . Je ne peux souffrir qu'on soit plaisant si hors de propos . Enfin chacun a son avis . Le mien est de vous aimer et de vous estimer toujours .
V. »
1 L’édition de 1768 du Siècle de Louis XIV
2 Saurin avait adressé à Voltaire des vers qui sont effectivement fort jolis, et dont il est parlé dans les Mémoires secrets de Bachaumont, à la date du 16 janvier 1769*. Le rédacteur des Annonces, affiches et avis divers de la Haute et Basse-Normandie les inséra dans le numéro du vendredi 3 février 1769 de son journal, avec cet intitulé : Sorin (sic) à M. de Voltaire, en réponse à l’A, B, C, pièce où il traite purement et simplement Montesquieu de bel esprit, et où il dénigre Fénelon. Un arrêt du parlement de Rouen, en date du 20 février 1769, ordonne que ce numéro des Annonces sera lacéré et brûlé, comme blasphématoire et impie*. Les vers de Saurin n’ayant pu, en conséquence de cet arrêt, entrer dans la collection de ses Œuvres, sont en quelque sorte inédits : je pense que le lecteur les verra ici avec plaisir.
*. Voyez aussi Grimm, édition Tourneux, tome VIII, page 267.
Esprit vaste et sublime, et le plus grand peut-être
Qu’aucun pays jamais, qu’aucun siècle ait vu naître ;
Voltaire, des humains le digne précepteur,
Poursuis, en instruisant amuse ton lecteur ;
Et, joignant à propos la force au ridicule,
Dans tes écrits, nouvel Hercule,
Abats l’hydre des préjugés
De cette nuit profonde où des fourbes célèbres
Au nom du ciel nous ont plongés,
Ose dissiper les ténèbres :
Arrache à l’erreur son bandeau,
Rends à la vérité ses droits et son flambeau ;
Mais du doux Fénelon ne trouble point la cendre,
Laisse au grand Montesquieu son immortalité :
Ton cœur de les aimer pourrait-il se défendre ?
Du genre humain tous deux ont si bien mérité !
Ils ont pu se tromper, mais ils aimaient les hommes.
Eh ! combien par l’amour de péchés sont couverts !
Le sublime écrivain que bel esprit tu nommes
À, même en se trompant, éclairé l’univers ;
Nous lui devons ce que nous sommes.
Trop libre peut-être en mes vers,
Je te dis ma pensée. Oh ! grand homme, pardonne.
Souvent, par ses écrits jugeant de sa personne,
Voltaire me paraît une divinité ;
Mais quand, rabaissant ceux que l’univers renomme,
Le génie est par toi de bel esprit traité,
Je vois avec chagrin que le dieu se fait homme.
(Note de M. Ravenel).
3 Ier livre des Rois, xviii, 17 .
4 Fénelon est auteur des Aventures de Télémaque : Voir page 377 :
https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome27.djvu/385
5 Voir page 321 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome27.djvu/329
6 Exactement La Politique tirée des propres paroles de l'Ecriture sainte, 1709 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k103256m.image
7 Voir pages 349- 350 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome27.djvu/357
8 Opéra de Quinault et de Lully, parodié par V*; voir lettre du 3 février 1732 à Cideville : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire...
9 Opéra de Quinault et Lully, 1685 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Roland_(op%C3%A9ra)
10 Montesquieu est reçu à l'Académie française dès 1728, quinze ans avant Marivaux et dix-huit avant Voltaire : https://www.academie-francaise.fr/les-immortels/charles-d....
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Je vous remercie, monsieur, des instructions que vous avez bien voulu me donner
... Ces remerciements sont ceux de chacun des fonctionnaires qui viennent d'avoir de nouveaux postes, ce qui est de bonne guerre, même si ça fait hurler Marine alors qu'elle aurait certainement fait pire si elle en avait eu le pouvoir ; il n'est qu'à voir le placement des membres de sa famille et proches . Attends 2027 harpie blondasse !

https://www.chappatte.com/en/images/marine-le-pen
« A Pierre-Jean Boudot 1
28 décembre à Ferney
Je vous remercie, monsieur, des instructions que vous avez bien voulu me donner 2 ; si j’étais aussi savant que vous, M. le président Hénault serait bientôt vengé.
Heureusement l’ouvrage du marquis de B 3 n’a point passé à Paris, il n’est connu que dans les provinces et dans les pays étrangers ; mais il ne fera jamais de tort à l’abrégé chronologique dont vous avez vérifié toutes les dates.
L’abbé de La Bletterie a beau vouloir jeter du ridicule sur cette exactitude si estimable 4, le ridicule est d’oser la mépriser . Mon devoir est de vous estimer ; c’est un devoir que je remplis dans toute son étendue.
J’ai l’honneur d’être avec bien de la reconnaissance, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Abbé Boudot : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Jean_Boudot
2 Voir lettre à Hénault du 31 octobre 1768 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/05/10/en-fait-d-ouvrages-de-gout-il-ne-faut-jamais-repondre-en-fai-6497711.html
3 Bélestat ; voir lettres du : 15 octobre 1768 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/04/24/si-je-me-comptais-encore-au-nombre-des-vivants-je-desirerais-6495590.html
du : 17 octobre 1768 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/04/29/j-ai-cru-devoir-a-votre-merite-et-a-l-estime-que-vous-m-avez-inspiree-les-i.html
et du : 5 janvier 1769 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1769/Lettre_7447
4 Voir lettre du 26 décembre 1768 à Mme du Deffand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/07/01/tout-notre-parlement-sera-a-vos-genoux-quand-vous-voudrez-ma-6505227.html
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05/07/2024
vous savez que les jésuites et les jacobins se sont toujours détestés, eux et leurs saints
... Mais pas plus que les membres des partis en course pour tenter de décrocher la timbale des législatives, capables, eux, de se descendre en flammes sous des bannières de complaisance ; sauve-qui-peut et par-dessus tout "Embrassons-nous Folleville ! "
« A André Lethinois
27è décembre 1768
Je vous remercie, monsieur, de l’éloquent mémoire 1 que vous avez bien voulu m’envoyer. Ce bel ouvrage aurait été soutenu de preuves, si votre Nègre des Moluques avait voulu vous instruire de l’âge auquel le roi son père le fit voyager ; du nombre et des noms des grands de sa cour, qui sans doute accompagnèrent le dauphin de Timor ; des particularités de ce pays, de sa religion, de la manière dont le révérend père dominicain, son précepteur, s’y prit pour vendre le duc et pair nègre, les écuyers et les gentilshommes de la chambre du dauphin, et pour changer Son Altesse royale en garçon de cuisine.
L’île de Timor a toujours passé pour un pays assez pauvre, dont toute la richesse consiste en bois de santal. Franchement, monsieur, l’histoire de ce prince n’est pas de la plus grande vraisemblance . Tout ce qu’on vous accordera, c’est que le père Ignace est un fripon ; mais il est bien étonnant qu’un dominicain s’appelle Ignace ; vous savez que les jésuites et les jacobins se sont toujours détestés, eux et leurs saints.
Quoi qu’il en soit, monsieur, si le Conseil n’a point eu d’égard à votre requête, il a sans doute rendu justice à votre manière d’écrire . Il n’a pu vous refuser son estime, et je pense comme tout le Conseil.
J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre, etc. »
1Voir lettre de Le Thinois du 16 décembre 1768 : https://obtic.huma-num.fr/elicom/voltaire/doc.jsp?id=1768-12-16_49148
Le mémoire est une pièce juridique que Lethinois avocat au Conseil vient de composer en faveur du fils prétendu du roi du Timor : Requête au roi pour Balthazar-Pascal Celze, fils ainé du roi, et héritier présomptif du royaume de Timor et de Solor dans les Moluques : Paris, 1768, in-4° de xxxi : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5686598z.texteImage
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04/07/2024
On passe sa vie à s’indigner et à gémir.
... Les motifs de se réjouir sont aux abonnés absents, particulièrement en cette période électorale où certains sont prêts à donner le pouvoir à la famille Le Pen . "Pauvre France !" Qui écoute encore et est capable de suivre l'auteur du Traité sur la Tolérance ? Hélas , une minorité . Le potentiel de réflexion des Français est bien bas dans le même temps qu'il devrait être au plus haut .
« Au baron Friedrich Melchior von Grimm
27 décembre 1768
L’affligé solitaire des Alpes a reçu la lettre consolante du prophète 1 de Bohême. Ils pleurent ensemble, quoique à cent lieues l’un de l’autre , le défenseur intrépide de la raison et le vertueux ennemi du fanatisme, Damilaville, est mort, et Fréron est gros et gras . Mais que voulez-vous, Thersite a survécu à Achille, et les bourreaux du chevalier de La Barre sont encore vivants. On passe sa vie à s’indigner et à gémir.
Il y a des barbares qui imputent la traduction de l’A, B, C à l’ami du prophète bohémien ; c’est une imputation atroce. La traduction est d’un avocat nommé La Bastide-Chiniac, auteur d’un Commentaire sur les discours de l’abbé Fleury 2. L’original anglais fut imprimé à Londres en 1761, et la traduction en 1762, chez Robert Freemann3, où tout le monde peut l’acheter. Voilà de ces vérités dont il faut que les adeptes soient instruits, et qu’ils instruisent le monde. Les prophètes doivent se secourir les uns les autres, et ne se pas donner des soufflets, comme Sédéchias en donnait à Michée 4.
Je prie le prophète de me mettre aux pieds de ma belle philosophe 5.
On dit du bien de Mlle Vestris 6; mais il faut savoir si ses talents sont en elle, ou s’ils sont infusés par Lekain ; si elle est ens per se ou ens per aliud 7.
Vous reconnaîtrez l’écriture d’Élisée 8 sous la dictée du vieil Élie : je lui laisserai bientôt mon manteau 9 ; mais ce ne sera pas pour m’en aller dans un char de feu.
Adieu, mon cher philosophe ; je vous embrasse en Confucius, en Épictète, en Marc-Aurèle, et je me recommande à l’assemblée des fidèles.
V. »
1 Grimm est auteur du Petit prophète de Boehmischbroda, 1753, in-8° : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9617986b/f3.item
2 Voir lettre du 6 mai 1768 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/01/06/cette-bonne-compagnie-de-paris-est-fort-agreable-mais-elle-n-6478945.html
3 Voir la note 4 de la lettre à Mme Du Deffand du 12 décembre 1768 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/06/27/je-sais-pourtant-qu-il-y-a-encore-des-hottentots-meme-a-pari-6504725.html
4 Ier livre des Rois, xxii, 24 : https://saintebible.com/1_kings/22-24.htm
5 Mme d’Épinay
6 Mlle Angelo Vestris, née Françoise-Marie-Rostte Gourgaud, a fait ses débuts à la Comédie-Française le 19 décembre 1768 : https://www.comedie-francaise.fr/fr/artiste/mme-vestris#
7 Un être par elle-même ou un être par autrui.
8 Jean-Louis Wagnière.
9 IIè livre des Rois, ii, 13. : https://saintebible.com/2_kings/2-13.htm
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03/07/2024
tout vieux et tout malingre que je suis
... Prise de conscience de Jo Biden, mais qui ne peut en tirer toutes les conséquences, tant il faut trouver d'urgence tout moyen pour neutraliser Donald Trump the Crook . Pourquoi donc n'avoir pas mis en avant Kamala Harris ?
Voir : https://en.wikipedia.org/wiki/Kamala_Harris
https://www.whitehouse.gov/administration/vice-president-harris/
« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse de
Bentinck, née comtesse
d'Altenburg
à Hambourg
27è décembre 1768 au château de Ferney 1
Parmi tous ses talents divers
On peut compter la patience.
On fatigua son indulgence
Par les plus détestables vers 2.
Sans le chevalier de Boufflers
L'ennui l'eût fait périr en France .
Si les Danois, madame, étaient d'aussi mauvais poètes que le sont à présent les Français, je crois que ce monarque aurait des vapeurs en arrivant à Copenhagen . Il me semble que les seuls jolis vers qu'on ait faits pour lui sont ceux que fit M. le chevalier de Boufflers à table .
Je vous avoue que si le roi de Danemark n'avait pas pris son chemin par Strasbourg, qui est à cent lieues de sa retraite, je me serais transporté sur sa route pour le voir passer, tout vieux et tout malingre que je suis . Vous vous plaignez que je vous néglige ; cependant je vous réponds toujours sur-le-champ quand vous me faites l'honneur de m'écrire . J'ai renoncé au monde, mais non à vous, madame, à qui je serai attaché avec bien du respect jusqu'à mon dernier moment.
V. »
1 Original, initiale autographe . V* répond à une lettre de Mme de Bentinck qui ne nous est plus conservée que par une traduction anglaise . La comtesse Bentinck demandait à V* un quatrain pour le roi de Danemark, qui devait passer à Hambourg, venant d'Altona, et y séjourner une huitaine de jours . Ce sont ces vers que l'on trouve au début de la lettre de V*.
2 Sur ces vers, voir Lewis, IV, 167, note et IV, 168.
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On m’a fait étranger, et puis on me reproche de penser comme un étranger . Cela n’est pas juste
... Paroles de bi-national le lundi 8 juillet 2024 après la chasse aux sorcièr.e.s déclenchée par Jordan Bardella, pilier de cette extrême droite détestable qui a enjôlé tant de citoyens à la courte vue et qui vont faire morfler la France entière .
Heureusement qu'il y a les bi-nationaux à tous les postes possibles pour soutenir notre pays .
Et malheureusement on va se retrouver avec des haineux, pseudo-rassembleurs, aux postes "sensibles" . Combien de temps va-t-il falloir pour que les Français ouvrent les yeux et les vident ?

Probable
« A Pierre-Jacques-Claude Dupuits
[26 décembre 1768] 1
En vous remerciant, mon cher capitaine, de m’avoir envoyé copie de la jolie lettre de cette dame que Mme du Deffand appelle sa petite mère 2. Je dirais volontiers à Mme du Deffand :
Il se peut bien qu’elle soit votre mère .
Elle eut un fils assez connu de tous :
Méchant enfant, aveugle comme vous,
Dont vous aviez, soit dit sans vous déplaire,
Et la malice et les attraits si doux,
Quand vous étiez dans l’âge heureux de plaire.
Quoi qu’il en soit, je sais que la petite mère et la petite fille sont la meilleure compagnie de l’Europe.
Cette dame prétend qu’elle a volé le Siècle de Louis XIV ; elle ne sait donc pas que c’était son bien . J’avais d’abord imaginé que M. le D[uc] de Ch[oiseul] pourrait avoir la bonté d’en faire présenter un exemplaire à quelqu’un qui n’a pas le temps de lire 3. Mais j’envoyai ce même exemplaire pour être donné à celle qui daigne lire, et il y avait même quatre petits versiculets 4 qui ne valent pas grand’chose. Cela sera perdu dans l’énorme quantité de paperasses qu’on reçoit à chaque poste. La perte n’est pas grande.
Il est vrai que je lui ai envoyé Le Marseillais 5 de Saint-Didier, et que je n’ai pas osé risquer les Trois Empereurs en Sorbonne 6, de l’abbé Caille, à cause des notes.
Dieu me garde d’avoir la moindre part à l’A, B, C ! C’est un ouvrage anglais, traduit et imprimé en 1762 7. Rien n’est plus hardi et peut-être plus dangereux dans votre pays. C’est un cadran qui n’est fait que pour le méridien de Londres. On m’a fait étranger, et puis on me reproche de penser comme un étranger . Cela n’est pas juste.
On m’a su mauvais gré, par exemple, d’avoir dit des fadeurs à Catau. Je crois qu’on a eu très grand tort. Catau avait fourni 5000 livres pour le Corneille de madame votre femme. Catau m’accablait de bontés, m’écrivait des lettres charmantes . Il faut un peu de reconnaissance . Les muses n’ont rien à démêler avec la politique. Tout cela m’effarouche. Cependant, si on le veut, si on l’ordonne, s’il n’y a nul risque, je chercherai un A, B, C, et j’en ferai tenir un à la personne du monde qui fait le meilleur usage des vingt-quatre lettres de l’alphabet quand elle parle et quand elle écrit.
Pour La Bletterie, il est très-certain qu’il a voulu me désigner en deux endroits, et qu’il a désigné cruellement Marmontel dans le temps qu’il était persécuté par l’archevêque et par la Sorbonne. Il a attaqué Linguet ; il a insulté de même le président Hénault page 235, tome II : En revanche, fixer l’époque des plus petits faits avec exactitude, c’est le sublime de plusieurs prétendus historiens modernes. Cela leur tient lieu de génie et des talents historiques. Peut-on appliquer un soufflet plus fort sur la joue du président ? Et puis comment trouvez-vous les talents historiques ? Ne reconnaissez-vous pas à tous ces traits un janséniste de l’Université, gonflé d’orgueil, pétri d’âcreté [...], et qui frappe à droite et à gauche ?
Je ne savais point du tout qu’il eût surpris la protection de Mme la duchesse de Choiseul. Quelqu’un a dit de moi que je n’avais jamais attaqué personne, mais que je n’avais pardonné à personne. Cependant je pardonne à La Bletterie, puisqu’il est protégé par l’esprit et par les grâces . J’ai même proposé un accord. La Bletterie veut qu’on m’enterre, parce que j’ai soixante-quinze ans . Rien ne paraît plus plausible au premier aspect . Je demande qu’il me permette seulement de vivre encore deux ans. C’est beaucoup, dira-t-il ; mais je voudrais bien savoir quel âge il a, et pourquoi il veut que je passe le premier ?
Mon cher capitaine, vous qui êtes jeune, riez des barbons qui font des façons à la porte du néant.
Je vous embrasse, vous et votre petite femme.
V. »
1 Minute olographe ; copie par Wyart datée du 26 décembre ce qui est certainement correct ; édition Kehl qui date à tort du 21 décembre .
2 La lettre de Mme de Choiseul à Dupuits est conservée ; en fait c'est à elle que V* répond . Voici le texte :
« A Versailles ce 14 décembre 1768
« Je suis bien fâchée, monsieur, de n'avoir pas eu le plaisir de vous voir à Paris, quand vous avez pris le peine de m'y venir chercher . J'ai depuis le voyage de Fontainebleau à vous faire part d'une bonne fortune pour laquelle je voulais que vous fussiez l’interprète de ma reconnaissance . Après une longue disgrâce, j'ai été aussi surprise que flattée de recevoir la charmante fable du Marseillais et du lion dont vous m'aviez fait présent manuscrit . Elle était accompagnée d'un fort joli billet en votre nom . Cette marque de souvenir de la part de M. de Voltaire m’a été d'autant plus sensible que peu de jours auparavant vous aviez été témoin de mon humiliation . Les bornes de l’estime qu'il m'accordait, vous disais-je, ont été posées au point où j'ai osé n'être pas de son avis ; non, monsieur, je n'en serai jamais, quand il croira qu'on lui dit qu'il est un radoteur. Si jamais il y eut un génie immortel, c'est le sien assurément . Il le prouve tous les jours ; La Bletterie en conviendrait, malgré l'injustice dont M. de Voltaire l'accable . Si M. de Voltaire s'était rendu justice à lui-même, il ne se serait point attribué une note contre un Romain qui n'avait point de talents et qui n'eut point son immortalité ; il n’aurait pas cru surtout qu'on l'eût eu en vue dans une citation tirée de Bayle . Bayle un des plus grands hommes de son siècle parce qu'il n'était pas contemporain de M. de Voltaire .
Voilà ce que l'on aurait dit à M. de voltaire, s'il avait bien voulu entendre avant de se fâcher . Mais il n'y a rien à dire à celui qui se fâche .
Qui pardonne a raison et la colère a tort
Ce n’était pas même le cas de pardonner et encore moins celui d'être en colère.
L'orgueil de ma nouvelle faveur ne s'est pas soutenu longtemps . J'ai vu paraître Les Trois Empereurs, le supplément au Dictionnaire philosophique , L'A.B.C et même la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV sans que rien de tout cela m'ait été adressé . J'ai pourtant acquis Le Siècle de Louis XIV mais par droit de conquête, c'est-à-dire que je l'ai volé . Je vois que les souverains de l'esprit sont comme les souverians des Empires ; ils ne pardonnent qu'à demi et l'on ne racquiert jamais entièrement auprès d'eux la faveur qu'on a commencé à perdre, mais les uns et les autres ne perdent jamais les droits qu'ils ont acquis sur nos hommages . ».
3 Louis XV.
4 Ce quatrain est perdu.
7 Voir la note 4 de la lettre à Mme Du Deffand du 12 décembre 1768 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/06/27/je-sais-pourtant-qu-il-y-a-encore-des-hottentots-meme-a-pari-6504725.html
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