05/09/2023
je l'avertis que je vais m'arranger pour vivre autant que Fontenelle; il doit trembler que je ne lui tienne parole
... Dixit Jean Jouzel qui compte bien rester le caillou dans la chaussure de Patrick Pouyané, à ceci près que ce dernier s'en moque éperdument, comme de son premier plein : https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/j-ai-recu-un-acc...
Non ! non, ne lâchons pas le morceau !
« A Monsieur le Président
Germain-Gilles-Richard de Ruffey etc.
à Dijon
A Ferney, 30è janvier 1768
Mon très cher confrère, je vous fais mon compliment sur tous les succès de votre Académie, et j'en fais à M. Legouz sur ses magnificences 1.
Vous me parlez de M. le président de Brosses . Voyez, monsieur, si vous voulez lui faire lire ce que je vais vous représenter .
1° Il avait affermé sa terre de Tournay à un ivrogne, fils d'un syndic de Genève 2, lequel ivrogne s'était engagé à lui en donner trois mille livres par an, sans la connaître et sans pouvoir le payer 3. Ce pauvre diable est mort insolvable. Ce polisson en aurait donné six mille francs aussi bien que trois mille. Le fait est que, quand j'ai voulu l'affermer, je n'en ai jamais pu trouver que douze cents livres, avec un char de foin, trois chars de paille et un tonneau de vin.
2° M. de Brosses m'a vendu à vie cette terre, qui ne me produit pas seize cents livres de rente 4, pour un capital de quarante-sept mille livres.
3° Dans ce capital de quarante-sept mille livres il a compté pour cinq cents livres de rente un petit bois, dont lui-même avait fait couper la plus grande partie, et dans lequel je n'ai pas pris seulement une bûche pour me chauffer. Ce bois est vieux, entièrement dévasté par lui-même, qui avait vendu ce qu'il y avait de passable, et par les troupes, qui ont pillé le reste.
4° Dans les quarante-sept mille livres que cette malheureuse acquisition m'a coûté, il y avait douze mille livres en réparations, j'en ai fait pour plus de vingt mille livres.
5° Les choses sont tellement changées à Genève que jamais assurément aucun Genevois n'achètera cette terre.
6° S'il veut m'en faire un prix raisonnable je l'achèterai pour ma nièce afin de la joindre à Ferney, qui est une terre beaucoup plus seigneuriale, et qui n'est point un démembrement d'une autre terre comme l'est Tournay.
Tout cela n'est pas trop académique. Mais si M. de Brosses ne veut pas s'accommoder avec moi, je l'avertis que je vais m'arranger pour vivre autant que Fontenelle; il doit trembler que je ne lui tienne parole.
Adieu, mon très cher confrère, je vous embrasse très tendrement sans aucune cérémonie.
V. »
1 Note du premier éditeur : « La fondation de prix de l'École gratuite des Beaux-Arts établie à Dijon et le don d'un cabinet d'histoire naturelle fait à l'Académie. La donation du jardin de botanique de Dijon par Legouz de Gerland n'eut lieu qu'en 1773. »
Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A9nigne_Le_Gouz_de_Gerland
2 Jean-Louis, fils de Jean-Robert Chouet .
C'est à Chouet le père, en sa qualité de premier syndic de Genève, qu'est adressée la lettre de Voltaire du 29 décembre 1758 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/01/17/lesquels-ne-portent-point-de-noix-et-sont-sur-le-retour-5274175.html
Rousseau le nomme dans ses Confessions (partie II, livre viii, page 118 de https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Confessions_(Rousseau)/Livre_VIII ), à propos de la dédicace du Discours sur l'inégalité. Dans une Lettre de la montagne, il parle d'une harangue célèbre de M. le syndic Chouet, prononcée en 1707 : page 92 de https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwiErZaDh5KBAxXWTKQEHUj-C_gQFnoECBIQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.rousseauonline.ch%2Fpdf%2Frousseauonline-0028.pdf&usg=AOvVaw3lEMq-WDM-HAPKzHUEm28n&opi=89978449
Ce dernier est-il bien le père du fermier de M. de Brosses? (Th. Foisset.)
Voir aussi lettre à De Brosses 23 septembre 1758: http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/11/03/mon-grand-plaisir-serait-de-n-avoir-affaire-de-ma-vie-ni-a-u.html
3 Sans nier l'inconduite de Chouet, M. de Brosses affirme que ce fermier le payait bien. (Th. Foisset.)
4 Voltaire avouait 1700 francs dans la lettre à Ruffey du 15 janvier 1767 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/05/08/si-vous-voulez-mon-cher-president-quelques-exemplaires-du-re-6380724.html
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04/09/2023
laisse-les dire, et bois sec. » Puis il mourut
... Le conseilleur , qui visiblement ne connait que la canicule, reste un mortel malgré tout . Comme moi ...
Proverbe pas plus français que javanais, souhaitons-le universel
« A Pierre-Joseph Thoulier d'Olivet
Doyen de l'Académie française
rue Saint-Nicaise
à Paris
29è janvier 1768
Vous m'écrivez, sans lunettes, des lettres charmantes de votre main potelée, mon cher maître et moi, votre cadet d'environ dix ans, je suis obligé de dicter d'une voix cassée.
Je n'aimerai jamais Rends-moi guerre pour guerre 1, par la raison que la guerre est une affaire qui se traite toujours entre deux parties. L'immortel, l'admirable, l'inimitable Racine, a dit :
Rendre meurtre pour meurtre, outrage pour outrage.2
Pourquoi cela ? C'est que je tue votre neveu quand vous avez tué le mien , c'est que, si vous m'avez outragé, je vous outrage. S'ils me disent pois, je leur répondrai fève, disait agréablement le correct et l'élégant Corneille. De plus, on ne va pas dire à Dieu: Rends-moi la guerre. Peut-être l'aversion vigoureuse que j'ai pour ce misérable sonnet de ce faquin d'abbé de Lavaux 3 me rend un peu difficile.
Et dessus quel endroit tombera ma censure,
Qui ne soit ridicule et tout pétri d'ennui . 4
Tartara non metuens, non affectatus Olympum 5 est un vers admirable : je le prends pour ma devise. Savez-vous bien que s'il y a des maroufles superstitieux dans votre pays, il y a aussi un grand nombre d'honnêtes gens d'esprit qui souscrivent à ce vers de Tartara non metuens ?
Vivez longtemps, moquez-vous du Tartara. « Que dis-tu de mon extrême-onction ? disait le Père Talon 6 au Père Gédoyn, alors jeune jésuite 7. « Va, va, mon ami, continua-t-il, laisse-les dire, et bois sec. » Puis il mourut 8. Je mourrai bientôt, car je suis faible comme un roseau. C'est à vous à vivre, vous qui êtes fort comme un chêne. Sur ce, je vous embrasse, vous et votre prosodie, le plus tendrement du monde.
N. B. Je suis obligé de vous dire, avant de mourir, qu'une de mes maladies mortelles est l'horrible corruption de la langue, qui infecte tous les livres nouveaux. C'est un jargon que je n'entends plus ni en vers ni en prose. On parle mieux actuellement le français ou françois à Moscou qu'à Paris. Nous sommes comme la république romaine, qui donnait des lois au dehors quand elle était déchirée au dedans. »
1 Répondant à la lettre de V* du 5 janvier 1767 ( http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/04/12/le-deplace-le-faux-le-gigantesque-semblent-vouloir-dominer-a-6376206.html ) d'Olivet avait défendu cette expression C’est le second hémistiche du onzième vers du fameux sonnet de Desbarreaux voir tome XIV, page 63 : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres...
3 Attribué à Desbarreaux, ce que niait V*, et d'Olivet lui donne raison dans sa réponse .
4 Parodie de la fin du sonnet de Desbarreaux .
5 D'Olivet a écrit à V* : « Desbarreaux avait fait un portrait en vers latins, dont voici le dernier : « Tartara non metuens, non affectatus Olympum, c'est-à-dire : Sans craindre le Tartare, sans désirer l'Olympe » (soit l'enfer et le paradis).
6 L'oratorien Jacques Talon .Voir : https://books.openedition.org/pur/9189?lang=fr#ftn73
7 Nicolas Gédoyn .Voir : https://data.bnf.fr/fr/see_all_activities/10548542/page1
et https://www.academie-francaise.fr/les-immortels/nicolas-gedoyn
8 En face de cette anecdote , d'Olivet a porté sur l'original de la lettre « faux, archi-faux ». On s'en doutait un peu .
09:22 | Lien permanent | Commentaires (0)
je me suis chargé de ces rogatons
... Que dites-vous de ceux-ci : https://www.exemplaire-editions.fr/projets/financement-pa...
That's life !
« Au [baron Melchior von Grimm ?]
29 janvier 1768 1
Puisque votre ami, monsieur, veut absolument avoir les polissonneries 2 que vous méprisez, je les lui envoie sous votre enveloppe . Je n'en fais pas plus de cas que vous , et c'est bien malgré moi que je me suis chargé de ces rogatons .
Votre très humble et très obéissant serviteur
Brossier . »
1 Édition Correspondance littéraire qui intitule la lettre : « Lettre de M. Brossier de Lyon, du 29 janvier 1768 ». Clogenson identifie le destinataire comme Grimm, ce qui peut être exact .
2Sur ces « polissonneries », voir lettre du 27 janvier 1768 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/08/29/il-importe-beaucoup-que-les-juges-ne-s-accoutument-pas-a-se-6458729.html
On y retrouve d'ailleurs le nom de Brossier . Brossier était censé un habitant de Lyon; c'est un des noms que Voltaire mettait quelquefois par précaution au bas de ses lettres.
Nous ne citerons que cet exemple, pour montrer les précautions que M. de Voltaire était obligé de prendre en éclairant les hommes par des ouvrages philosophiques, et en servant l’humanité dans la défense des Calas et des Sirven. Ses lettres étant souvent interceptées, il en écrivait d’ostensibles sous son nom, et d’autres sous des noms supposés. C’était un M. Boursier, un M. Lantin, un M. Écr. l’inf…, ou Écrlinf. De là les contradictions apparentes touchant certains ouvrages qui servaient de prétexte pour le persécuter. (Kehl.)
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03/09/2023
Il y a depuis quelque temps beaucoup d'irrégularités dans les postes
... Mais la Poste vous offre la solution , pour autant que vous soyez reliés à Internet : https://aide.laposte.fr/contenu/que-faire-en-cas-d-anomal...
Que dire ?
« A Louis Éthis de Corny 1
29 janvier 1768 2
Monsieur,
La chambre des finances de Montbéliard doit m'envoyer des papiers qui me sont de la plus grande importance . J'ai pris le parti de prier monsieur le président de cette chambre de m'envoyer ces papiers sous votre enveloppe, me flattant que vous me pardonneriez cette liberté . Il y a depuis quelque temps beaucoup d'irrégularités dans les postes de la Franche-Comté et de Genève . J'ai pensé que je recevrais le paquet sûrement si vous pouviez avoir la bonté de me l'envoyer contresigné, en cas que la chambre de Montbéliard vous les adresse . Ces messieurs me l'ont promis.
J'ai l'honneur d'être, etc.
Voltaire. »
2 Copie contemporaine ; édition Rossel qui donne le nom du destinataire comme « Ethis de Moreau » ce qui est inexact .
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02/09/2023
je ne fais point de miracle
... Dommage !
Mais peut-être qu'un sérieux coup de main à la nature pour permettre d'avoir de l'eau potable serait suffisant aux habitants de Mayotte ? Connaissant l'inertie de nos ministères et les retards rituels des travaux en France (métropolitaine et d'outre-mer ) , un miracle serait bienvenu : https://www.francetvinfo.fr/france/mayotte/est-ce-qu-on-v...
Dans le même temps, quelques nantis , que je ne crains pas de qualifier d'abrutis, se permettent de projeter la construction d'un surf-park démesuré : https://www.mer-ocean.com/un-projet-de-surf-park-tout-pre...
Le miracle serait que de tels projets ne soient même jamais envisagés et qu'on pense d'abord au bien commun .
Voir aussi : http://radama.free.fr/desseins_de_la_semaine/
« A Charles-Frédéric-Gabriel Christin fils
Avocat en Parlement à Saint-Claude
Mon cher ami, il y a à Lons-le-Saulnier, un avocat aveugle nommé Denizet 1, qui m'a fait écrire un long mémoire . Je ne puis lui rendre la vue, je ne fais point de miracle comme Needham et Jean-Jacques . Si vous pouvez lui faire donner pour moi un louis d'or il ne l’emploiera pas à acheter des lunettes .
On dit qu’il est arrivé malheur à je ne sais quelle femme qui a porté je ne sais quels paquets . Il y a près de deux mois que le duc de Virtemberg parlemente et la place n'est point encore rendue, et les vivres manqueront bientôt aux assiégeants .
Je vous embrasse de tout mon cœur.
V.
t. s. v. p.2
29è janvier 1768. »
1 Voir page 622 de https://www.jstor.org/stable/6292eff0-8c33-3bb6-924c-0d333210a10d?seq=7
2Ces initiales ne correspondent à aucun texte au verso . Il en est de même curieusement dans la lettre au même Christin du 24 avril 1771. Déjà dans une lettre précédente à celui-ci ( 9 janvier 1768 ) on note une « réclame » J 'ai dans le coin à droite en fin de la première page dont le texte est pourtant complet . On peut se demander s’il n'y a pas là une sorte de code .
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01/09/2023
Par ma foi la musique italienne n'est faite que pour faire briller des châtrés à la chapelle du pape
... Châtrés et aphones comme Carla : https://www.youtube.com/watch?v=qLD1mEX9Kpg&ab_channe...
« A Michel-Paul-Guy de Chabanon
29è janvier 1768 à Ferney 1
Ami vrai et poète philosophe, ne vous avais-je pas bien dit 2 que le lecteur 3 ne serait jamais l'approbateur, et qu'il éluderait tous les moyens de me plaire, malgré tous les moyens qu'il a trouvés de plaire ? Ne trouvez-vous pas qu'il cite bien à propos feu M. le dauphin, qui, sans doute, reviendra de l'autre monde pour empêcher qu'on ne mette des doubles-croches sur la mâchoire d'âne de Samson ? Ah mon fils, mon fils! la petite jalousie est un caractère indélébile.
M. le duc de Choiseul n'est pas, je crois, musicien, c'est la seule chose qui lui manque mais je suis persuadé que, dans l'occasion, il protégerait la mâchoire d'âne de Samson contre les mâchoires d'âne qui s'opposeraient à ce divertissement honnête . Ut ut est 4. Il faut une terrible musique pour ce Samson qui fait des miracles de diable et je doute fort que le ridicule mélange de la musique italienne avec la française, dont on est aujourd'hui infatué, puisse parvenir aux beautés vraies, mâles et vigoureuses, et à la déclamation énergique que Samson exige dans les trois quarts de la pièce . Par ma foi la musique italienne n'est faite que pour faire briller des châtrés à la chapelle du pape . Il n'y aura plus de génie à la Lully pour la déclamation ; je vous le certifie dans l'amertume de mon cœur.
Revenons maintenant à Pandore. Oui, vous avez raison, mon fils le bonhomme Prométhée fera une fichue figure, soit qu'il assiste au baptême de Pandore sans dire mot, soit qu'il aille, comme un valet de chambre, chercher les jeux et les plaisirs pour donner une sérénade à l'enfant nouveau-né. Le cas est embarrassant, et je n'y sais plus d'autre remède que de lui faire notifier aux spectateurs qu'il veut jouir du plaisir de voir le premier développement de l'âme de Pandore, supposé qu'elle ait une âme,
Cela posé, je voudrais qu'après le chœur, Dieu d'amour, quel est ton empire, Prométhée dît, en s'adressant aux nymphes et aux demi-dieux de sa connaissance, qui sont sur le théâtre
Observons ses appas naissants,
Sa surprise, son trouble, et son premier usage
Des célestes présents
Dont l'amour a fait son partage.5
Après ce petit couplet, qui me paraît tout à fait à sa place, le bonhomme se confondrait dans la foule des petits demi-dieux qui sont sur le théâtre et ce serait, à ce qu'il me semble, une surprise assez agréable de voir Pandore le démêler dans l'assemblée des sylvains et des faunes, comme Marie-Thérèse, beaucoup moins spirituelle que Pandore, reconnut Louis XIV au milieu de ses courtisans.
Il faut que je vous parle actuellement, mon cher ami, de la musique de M. de La Borde. Je me souviens d'avoir été très content de ce que j'entendis mais il me parut que cette musique manquait, en quelques endroits, de cette énergie et de ce sublime que Lully et Rameau ont seuls connus, et que l'opéra-comique n'inspirera jamais à ceux qui aiment il gusto grande 6.
Mes tendres sentiments à Eudoxie mes respects à Maxime et à l'ambassadeur. Assurez le bon vieillard père d'Eudoxie, que je m'intéresse fort à lui.
J'ai toujours sur le cœur la barbarie qu'on a eue de m'accuser, moi pauvre vieillard, enseveli dans la neige d'avoir voulu troubler le ménage de M. Dorat, avec une belle actrice de l'Opéra dont j'ignore le nom et les talents 7. Cette calomnie est infâme ; il faut avouer que les hommes sont bien méchants .
Maman vous aime de tout son cœur ; aussi fais-je, et toutes les puissances ou impuissances de mon âme sont à vous.
V. »
1 Edition de Kehl dans laquelle il manque l'avant dernier paragraphe biffé sur la copie Beaumarchais .
2 Lettre du 18 janvier 1768 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/08/21/je-doute-que-l-homme-a-qui-vous-vous-etes-adresse-ait-autant-6457582.html
3 M. de Moncrif, ayant été lecteur de la reine, ce mot de lecteur confirme bien ce que l'allusion aux « moyens de plaire » faisait entrevoir ; voir lettre du 18 janvier 1768 .
4 Quoi qu'il en soit .
5 Pandore, Ac. II , mais ces vers n'y furent pas incorporés .
6 Le « grand goût » à la française et surtout à la façon de V* ; voir Raymond Naves, Le Goût de Voltaire, 1938 .
7 Voir lettre du 4 mars 1767 à Dorat : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/08/12/toutes-ces-sottises-couvertes-par-d-autres-sottises-tombent-6395946.html
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31/08/2023
elle assemblerait dans sa grand’salle, des idolâtres, des musulmans, des grecs, des latins, des luthériens, qui tous deviendraient ses enfants
... Marine Le Pen ? Elle n'est pas tsarine, impératrice, elle n'est que le cheffaillon d'un parti parmi d'autres avec quelques millions de sympatisants , des aigris ; elle joue sur la division, le sectarisme, et ça a dû lui faire mal au ventre de participer, comme bien d'autres, à la rencontre président- chefs de partis .
Cette "réunion" ne donnera pas d'"enfants" au président , on n'est pas dans le monde des Bisounours, les râleurs restent des râleurs , tant pis pour eux .
https://www.lemonde.fr/politique/live/2023/08/31/rencontr...
« A Catherine II, impératrice de Russie
29 janvier [1768] 1
Madame,
On dit qu’un vieillard, nommé Siméon, en voyant un petit enfant, s’écria dans sa joie : Je n’ai plus qu’à mourir puisque j’ai vu mon salutaire 2. Ce Siméon était prophète, il voyait de loin tout ce que ce petit Juif devait faire.
Moi qui ne suis ni juif, ni prophète, mais qui suis aussi vieux que Siméon, je n’aurais pas deviné en 1700 qu’un jour la raison, aussi inconnue au patriarche Nicou qu’au Sacré Collège, et aussi malvoulue 3 des papas et des archimandrites que des dominicains, viendrait à Moscou, à la voix d’une princesse née en Allemagne, et qu’elle assemblerait dans sa grand’salle, des idolâtres, des musulmans, des grecs, des latins, des luthériens, qui tous deviendraient ses enfants.
C’est ce triomphe de la raison qui est mon salutaire ; et en qualité d’être raisonnable, je mourrai sujet, dans mon cœur, de Votre Majesté impériale, bienfaitrice du genre humain.
Je suis retiré auprès de la petite ville de Genève, où il n’y a pas vingt mille habitants, et la discorde règne depuis quatre ans dans ce trou, dans le temps que Catherine seconde, qui est bien la première, réunit tous les esprits dans un empire plus vaste que l’Empire romain.
Je ne suis pas en tout de l’avis du respectable auteur de l’Ordre essentiel des sociétés 4 ; je vous avoue, madame, qu’en qualité de voisin de deux républiques, je ne crois point du tout que la puissance législatrice soit, de droit divin, copropriétaire de mes petites chaumières ; mais je crois fermement que, de droit humain, on doit vous admirer et vous aimer.
Feu l’abbé Bazin disait souvent qu’il craignait horriblement le froid, mais que s’il n’était pas si vieux, il irait s’établir au midi d’Astrakan, pour avoir le plaisir de vivre sous vos lois.
J’ai rencontré ces jours passés son neveu, qui pense de même. Le professeur en droit Bourdillon 5 est dans les mêmes sentiments ; ce pauvre Bourdillon s’est plaint à moi amèrement de ce qu’on l’avait trompé sur l’évêque de Cracovie . Je l’ai consolé en lui disant qu’il avait raison sur tout le reste, et que l’événement l’a bien justifié. Votre Majesté Impériale ne saurait croire à quel point ce pédant républicain vous est attaché, toute souveraine que vous êtes.
Je ramasse, madame, toutes les sottises sérieuses ou comiques de feu l’abbé Bazin et de son neveu, et même celles qu’on leur attribue ; il y en a qu’on n’oserait envoyer au pape, mais qu’on peut mettre hardiment dans la bibliothèque d’une impératrice philosophe. Ce recueil assez gros partira 6 dès qu’il sera relié.
L’empereur Justinien et le grand capitaine Bélisaire 7 ont été impitoyablement déclarés damnés par la Sorbonne. J’en ai été très affligé, car je m’intéressais beaucoup à leur salut. Je ne sais pas encore bien positivement si votre Église grecque est damnée aussi ; je m’en informerai, madame, car je vous suis encore plus attaché qu’à l’empereur Justinien. Je souhaite que vous viviez encore plus longtemps que lui.
Que Votre Majesté Impériale daigne agréer le profond respect, l’admiration, et l’attachement inviolable du vieux solitaire, moitié Français, moitié Suisse, cousin-germain du neveu de l’abbé Bazin. »
1 Le manuscrit est incomplet et daté du 19 ; on a donc suivi le texte de Kehl.
2 Évangile de Luc, II, 30: https://saintebible.com/luke/2-30.htm
3 Malvoulu, à qui on veut du mal, est un mot rare, employé pourtant par Saint-Simon et admis par l'Académie dans l'édition de son Dictionnaire de 1798 .
4 L’économiste Lemercier de la Rivière, que Catherine appela en consultation. (Georges Avenel)
Sur cet ouvrage, voir lettre du 8 août 1767 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/03/29/j...
5 Le pseudo-Bourdillon, donc V* (voir lettre du 25 août 1767 à Vorontsov : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/04/13/j... ) , dans son Essai historique sur les dissensions des églises de Pologne, a cité, vers la fin de l'ouvrage, l'évêque de Cracovie Kajetan Soltyk comme un évêque tolérant . L'évêque ayant été emprisonné entre-temps, il n'était plus question qu'il fût tolérant . Aussi V* corrigea-t-il son erreur dans les éditions suivantes de son ouvrage .
Voir Emmanuel Rostworowski : « Voltaire et la Pologne », Studies […] 1968, LXII, 116, note.
6 Il devait partir le 15 mars 1768 ; voir lettre du 15 novembre 1768 à Catherine II : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-35511192.html
7 Le Bélisaire , de Marmontel.
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