04/11/2022
Il est bien dangereux, pour qui n'a nulle fortune, de n'avoir aucun talent décidé, ni aucun but réel, ni aucun moyen de mériter sa fortune par de vrais services
...Pap Ndiaye sera-t-il capable de contribuer à la réussite de la jeunesse ?
Rédigé le 10/11/2022 pour parution le 4/11 .
« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu
A Ferney, 25è avril 1767
J'ignore, monseigneur, si vous vous amusez encore des spectacles dans votre royaume de Guyenne. Je vous envoie à tout hasard cette nouvelle édition 1 et, en cas que vos occupations vous permettent de jeter les yeux sur cette pièce, la voici telle que nous la jouons sur le théâtre de Ferney.
Je ne sais par quelle heureuse fatalité nous sommes les seuls qui ayons des acteurs dignes des restes de ce beau siècle sur la fin duquel vous êtes né. Nous avons surtout, dans notre retraite de Scythes, un jeune homme nommé M. de La Harpe, dont je crois avoir déjà eu l'honneur de vous parler. Il a remporté deux prix cette année à votre Académie. Il est l'auteur du Comte de Wanvick, tragédie dans laquelle il y a de très beaux morceaux. C'est un jeune homme d'un rare mérite, et qui n'a absolument que ce mérite pour toute fortune. Il a une femme dont la figure est fort au-dessus de celle de M11e Clairon, qui a beaucoup plus d'esprit, et dont la voix est bien plus touchante. Je les ai tous deux chez moi depuis longtemps. Ce sont, à mon gré, les deux meilleurs acteurs que j'aie encore vus. Vous n'avez pas à la Comédie française une seule actrice qui puisse jouer les rôles que Mlle Lecouvreur rendait si intéressants et, hors Lekain, qui n'est excellent que dans Oreste et dans Sémiramis, vous n'avez pas un seul acteur à la Comédie.
MIle Durancy joue, dit-on (et c'est la voix publique), avec toute l'intelligence et tout l'art imaginables. Elle est faite pour remplacer Mlle Dumesnil mais elle ne sait point pleurer, et par conséquent ne fera jamais répandre de larmes.
J'ai vu une trentaine d'acteurs de province qui sont venus dans ma Scytliie en divers temps il n'y en a pas un qui soit seulement capable de jouer un rôle de confident : ce sont des bateleurs faits uniquement pour l'opéra-comique. Tout dégénère en France furieusement, et cependant nous vivons encore sur notre crédit, et on se fait honneur de parler notre langue dans l'Europe.
Nous sommes toujours bloqués dans nos retraites couvertes de neiges. Nous n'avons plus aucune communication avec Genève, et malgré toutes les bontés de M. le. duc de Choiseul, dont j'ai le plus grand besoin, notre pays souffre infiniment. Nous ne pouvons ni vendre nos denrées, ni en acheter. Le pain vaut cinq sous la livre depuis très longtemps. Les saisons conspirent aussi contre nous; et enfin, n'ayant plus ni de quoi nous chauffer, ni de quoi manger, ni de quoi boire, je serai forcé de transporter mes petits pénates et toute ma famille auprès de Lyon, uniquement pour vivre. Je tâcherai d'y mener votre protégé 2, si je m'accommode du château qu'on me propose. Il aura plus de secours pour faire son Histoire du Dauphinè, dont il est toujours entêté, et qui ne sera pas extrêmement intéressante. Je ne sais trop à quoi vous le destinez, ni ce qu'il pourra devenir. Il est bien dangereux, pour qui n'a nulle fortune, de n'avoir aucun talent décidé, ni aucun but réel, ni aucun moyen de mériter sa fortune par de vrais services. Il a une aversion mortelle pour copier et pour faire la fonction de secrétaire, à laquelle je pensais que vous le destiniez. Il n'a point réformé sa main, et j'ai peur qu'il ne soit au nombre de tant de jeunes gens de Paris, qui prétendent à tout, sans être bons à rien. Il est bien loin d'avoir encore des idées nettes, et de se faire un plan régulier de conduite. Je lui recommande cent fois de se faire un caractère lisible pour vous être utile dans votre secrétairerie, de lire de bons livres pour se former le style, d'étudier surtout à fond l'histoire de la pairie et des parlements, d'avoir une teinture des lois, il pourrait par là vous rendre service, aussi bien qu'à M. le duc de Fronsac; mais il vole d'objet en objet, sans s'arrêter à aucun.
Il a fait venir de Paris, à grands frais, des bouquins que l'on ne voudrait pas ramasser. Il achète à Genève tous les libelles dignes de la canaille, et j'ai peur que ses fréquents voyages à Genève ne le gâtent beaucoup. Il est défendu à tous les Français d'y aller. Si vous le jugiez à propos, on prierait le commandant des troupes de ne le pas laisser passer.
J'ai peur encore que sa manière de se présenter et de parler ne soit un obstacle à une profession sérieuse et utile. C'est un grand malheur d'être abandonné à soi-même dans un âge où l'on a besoin de former son extérieur et son âme.
Je m'étonne comment M. le duc de Fronsac ne l'a pas pris pour voyager avec lui il aurait pu en faire un domestique utile. Il a de la bonté pour lui ; l'envie de plaire à un maître aurait pu fixer ce jeune homme. Vous avez daigné l'élever dans votre maison dès son enfance; ce voyage lui aurait fait plus de bien que dix ans de séjour auprès de moi. Il me voit très peu , je ne puis le réduire à aucune étude suivie.
Je vous ai rendu le compte le plus fidèle de tout . Je me recommande à vos bontés, et je vous supplie d'agréer mon respect et mon attachement inviolable.
V. »
1 Les Scythes .
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03/11/2022
il accuse faux pour embarrasser et intimider
... Trump ! Poutine ! Erdogan and Co !... les dictateurs et salopards ne manquent pas .
Rédigé le 10/11/2022 pour parution le 3/11/2022
« A Sigismond Christin Perrand
24è avril 1767 1
Monsieur, votre procureur Vachat n'imite ni votre politesse ni vos procédés honnêtes. Il exige toujours un prix exorbitant de deux arpents de terre achetés autrefois de M. de Montréal 2, et relevant de votre chapitre. Il suppose, dans son exploit, qu'il avait une maison sur ce terrain, et il est évident, par son exploit même, et par le plan levé en 1709, que le terrain en question confinait à cette maison ou masure ainsi il accuse faux pour embarrasser et intimider une veuve qu'il croit hors d'état de se défendre.
Les deux arpents qui vous doivent un cens sont un terrain absolument inutile, que j'ai enclavé dans mon jardin, et qui ne produit rien du tout. Il y avait autrefois dans un de ces arpents une petite vigne entourée de gros noyers, lesquels subsistent encore, et qui, par conséquent, ne valait pas la culture. Ce peu de vigne a été arraché il y a longtemps. Vous savez, monsieur, ce que valent les vignes dans ce pays-ci vous savez que les paysans ne veulent pas même boire du vin qu'elles donnent.
Et à l'égard de l'autre arpent, sur lequel il y a aujourd'hui des arbres d'ombrage plantés, vous savez que ce qui ne produit aucun avantage n'a pas une grande valeur. Les terres à froment même ne sont estimées dans ce pays-ci que vingt écus l'arpent ou la pose. Quand on évaluerait ces deux poses ensemble à cent écus, je ne devrais au sieur Vachat que le sixième de cent écus, qui fout cinquante livres.
Vous avez eu la générosité de me mander que votre procureur devait en user avec moi selon l'usage ordinaire, qui est de n'exiger que la moitié des lods. Si donc, monsieur, le sieur Vachat s'était conformé à la noblesse de vos procédés, il n'aurait exigé que vingt-cinq livres de France et, s'il avait imité la manière dont j'en use avec mes vassaux, il se serait réduit à douze livres dix sols.
Je suis bien loin de demander une telle diminution, je n'en demande aucune; je suis prête à payer tout ce que vous jugerez convenable. C'est à messieurs du chapitre qu'il appartient de mettre un prix au fonds dont nous vous devons le cens. Vachat, étant votre fermier, ne peut exiger pour lods et ventes que la sixième partie de ce fonds même; cependant il exige plus que la valeur du terrain. Il veut me ruiner en frais ; il a pris pour m'assigner le temps où j'étais très malade, et où je ne pouvais répondre; il m'a fait condamner par défaut; il m'a traduite au parlement de Dijon, et il a dit publiquement qu'il me ferait., perdre plus de deux mille écus pour ce cens de deux sols et demi.
Votre chapitre, monsieur, est trop équitable et trop religieux pour ne pas réprimer une telle vexation. Je n'ai jamais contesté votre droit, sur quelque titre qu'il puisse être fondé. Je suis si ennemie des procès, que je n'ai pas seulement répondu aux manœuvres de Vachat. Je suis prête à consigner le double et le triple, s'il le faut, de la somme qui vous est due. Ayez la bonté d'évaluer le fonds vous-même, et cette évaluation servira de règle pour l'avenir. Je vous propose de nommer qui il vous plaira pour arbitre de cette évaluation. Voulez-vous choisir monsieur le maire de Gex, M. de Menthon, gentilhomme du voisinage, et le curé de la terre de Ferney, où ces terrains sont situés? Vous préviendrez par là non-seulement ce procès injuste, mais tous les procès à venir. Ce sera une action digne de votre piété et de votre justice. »
1Copie Beaumarchais-Kehl portant en tête « à M. Perrand, chanoine d'Annecy » . L'édition de Kehl ajoute que la lettre était écrite « au nom de quelque habitante de Ferney ou de Tournay. » (K.). Cette habitante est évidemment e Mme Denis, pour qui Voltaire avait acheté la terre de Ferney.
Voir : https://voltaire.bge-geneve.ch/archive/catalogue/correspondants/perrand--sigismond-christin/n:88
2 Comte Bernard II de Budé de Boisy .Voir : http://racineshistoire.free.fr/LGN/PDF/Bude.pdf
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02/11/2022
écrivez-lui, flattez sa grande passion, qui est celle de faire du bien
... Si ! si, je vous l'assure , cette personne -rare- existe, et vous la connaissez sans doute .
Rédigé le 9/11/2022 pour parution le2/11/2022
« A Paul-Claude Moultou
à Genève
24 avril 1767
Voilà deux grandes nouvelles, mon cher philosophe voilà une espèce de persécuteurs bannie de la moitié de l'Europe 1, et une espèce de persécutés qui peut enfin espérer de jouir des droits du genre humain 2, que le révérend père La Chaise et Michel Le Tellier 3 leur ont ravis.
Il faudrait piquer d'honneur M. de Maupeou. Je réponds bien de M. le duc de Choiseul et de M. le duc de Praslin , mais dans une affaire de législation le chancelier a toujours la voix prépondérante.
Mme duchesse d'Anville est à La Rocheguyon mais écrivez-lui, flattez sa grande passion, qui est celle de faire du bien, et qui vous est commune avec elle. Elle est capable d'aller exprès à Versailles. Le succès d'une pareille entreprise rendrait le roi cher à l'Europe. Est-il possible que les Turcs permettent aux chiens de chrétiens (comme ils les appellent) de porter leur dieu 4 dans les rues et de chanter: o filii! o filiae 5 à tue-tête, tandis que les Velches ne permettent pas à d'autres Velches de se marier!
La conduite velche est si folle et si odieuse qu'elle ne peut pas durer.
Je vous embrasse tendrement. Je n'ai pas un moment à moi. J'attends le livre de M. de Serres 6. »
1 Les jésuites ; le 2 avril 1767les derniers sont expulsés d'Espagne .
2 Le statut des protestants est discuté, mais la Révolution survint sans que les lois en vigueur soient modifiées, quoique dans la pratique leur sort ne se fût pas beaucoup amélioré .e Nantes le 2 octobre 1685
3 Michel Le Tellier, à titre de chancelier a signé la révocation de l’Édit de
4 A cet endroit du manuscrit, deux mots ont été fortement biffés .
5 Ô fils ! Ô filles ! Ces mots font partie de l’exhortation adressée aux fidèles de se recueillir lorsque le saint-sacrement est porté dans les rues .
6 Certainement le Gouvernement politique et économique de Jean de Serres : https://books.google.fr/books?id=8GRuYumOT_4C&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
et : https://www.histoire-en-citations.fr/citations/un-roi-une-loi-d-etat-une-patrie
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01/11/2022
je ne vois pas qu'un délit doive être toléré, uniquement parce qu'on en méprise l'auteur.
... No comment .
Rédigé le 7/11/2022 pour parution le 1/11/2022
« A Charles-Georges Coqueley de Chaussepierre 1
A Ferney, 24 avril [1767].
Dans la lettre dont vous m'honorez, monsieur, vous m'apprenez que j'ai mal épelé votre nom, qui est mieux orthographié dans l'Histoire du président de Thou. Comme je n'ai cette Histoire qu'en latin 2, et que de Thou a défiguré tous les noms propres, je n'ai point consulté ses dix gros volumes, et je n'ai pu vous donner un nom en us; ainsi vous pardonnerez ma méprise; mais si votre nom se trouve dans cette histoire, il ne doit pas certainement être au bas des feuilles de Fréron. Vous étiez son approbateur, et il avait trompé apparemment votre sagesse et votre vigilance lorsqu'une de ses feuilles lui valut le Fort ou le Four-l'Évêque 3, et lui attira même L'Écossaise, qui le fit punir sur tous les théâtres de l'Europe. Franchement, un homme bien né, un avocat au parlement, un homme de mérite, ne pouvait pas continuer à être le réviseur d'un Fréron. Je vous sais très bon gré, monsieur, d'avoir séparé votre cause de la sienne mais je ne pouvais pas en être instruit. Je suis très fâché d'avoir été trompé. Je vous demande pardon pour moi, et pour ceux qui ne m'ont pas averti. Je transporte, par cette présente, mon indignation et mon mépris, c'est-à-dire les sentiments contraires à ceux que vous m'inspirez, j'en fais une donation authentique et irrévocable à celui qui a signé et approuvé la lettre supposée que ce misérable imprima contre le jugement du conseil en faveur de l'innocence des Calas. Il crut se mettre à couvert en alléguant que cette lettre n'était que contre moi mais, dans le fond, toutes les raisons pitoyables par lesquelles il croyait prouver que je m'étais trompé en défendant l'innocence des Calas tombaient également sur tous les avocats qui s'étaient servis des mêmes moyens que moi, sur les rapporteurs qui employèrent ces mêmes moyens, et enfin sur tous les juges qui les consacrèrent d'une voix unanime par le jugement le plus solennel.
Cette feuille de Fréron, et celle qui lui avait mérité le supplice de L'Écossaise, sont les seules de ce polisson que j'aie jamais lues. Je vous avoue que je ne conçus pas comment on permettait de si infâmes impostures. Un homme très considérable me répondit que l'excès du mépris qu'on avait pour lui l'avait sauvé, et qu'on ne prend pas garde aux discours de la canaille. Je trouve cette réponse fort mauvaise, et je ne vois pas qu'un délit doive être toléré, uniquement parce qu'on en méprise l'auteur.
Voilà mes sentiments, monsieur ils sont aussi vrais que la douleur où je suis de vous avoir cru coupable, et que l'estime respectueuse avec laquelle j'ai l'honneur d'être, monsieur, votre, etc. »
1 C.-G. Coqueley de Chaussepierre, avocat et censeur royal .Voir : https://data.bnf.fr/fr/12144357/charles-georges_coqueley_de_chaussepierre/
et : https://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/191-charles-coqueley-de-chaussepierre
2 Pourtant V* en a un exemplaire en français sous le titre Histoire universelle, 1742 . Plusieurs éditions françaises ont paru à l'époque, dont une sous la direction de l'abbé Prévost.
3 Le Fort-l'Evêque a été le siège de la justice épiscopale de Paris avant d'être utilisé comme prison . L'expression dérive de forum episcopi, et Four, variante de For, existe en effet comme dérivé de forum (cf ; Fourvière à Lyon ) . Mais le mot n'a rien à faire avec four , issu de furnum, fourneau .
19:23 | Lien permanent | Commentaires (0)
31/10/2022
Où suis-je ? Qu'a-t-il dit ? Où me vois-je réduite ?
... Il me semble entendre Marine Le Pen après le dégoisement de Grégoire de Fournas, du RN soi-disant non-raciste .
Rédigé le 7/11/2022 pour parution le 31/10/2022
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
24è avril 1767
Mon divin ange , je ne puis empêcher la foule des éditions qu'on fait de ces pauvres Scythes, et tout ce que je puis faire, c'est de fournir quelques changements pour les rendre plus tolérables . Je ne doute pas qu'après y avoir réfléchi, vous ne sentiez combien une scène d'Obéide au premier acte serait inutile et froide . Un monologue d'Obéide au commencement du second acte serait encore pis . Il y a sans doute beaucoup plus d'art à développer son amour par degré ; j'y ai mis toutes les nuances que ma faible palette m'a pu fournir .
Je vous prie de vouloir bien faire corriger deux vers à la fin du quatrième acte . J'ôte ces trois-ci :
Où suis-je ? Qu'a-t-il dit ? Où me vois-je réduite ?
Dans quel abîme affreux, hélas , t'ai-je conduite ?
Viens, je t'expliquerai ce mystère odieux .
Et je mets à la place :
Obéide
Qu'a-t-il dit ? Que veut-on de cette infortunée ?
Ô mon père ! En quels lieux m'avez-vous amenée ?
Sozame
Pourrai-je t'expliquer ce mystère odieux ?
Etc.
Je vous enverrai incessamment une édition bien complète qui vous épargnera toutes ces importunités dont je vous accable, et dont je vous demande pardon .
Je ne vois pas ce qui empêcherait Lekain de jouer au mois de mai cette pièce, et il me semble que le rôle d'Indatire n'est pas assez violent pour faire mal à la poitrine de Molé .
Vous m'aviez flatté d'une nouvelle qui vaut bien le succès d'une tragédie, c’est qu'on allait fermer la boutique de Fréron . Voici la copie de ma réponse à M. Coqueley . Je vous soumets prose et vers . M. de Chabanon arrive au milieu de nos frimas .
Respect et tendresse .
V. »
18:46 | Lien permanent | Commentaires (0)
30/10/2022
L'histoire des Turcs n'est que celle des brigandages ...nous compilons sans cesse ce qu'on doit penser des peuples de l'Asie qui n'ont jamais pensé à nous
... Rédigé le 6/11/2022 pour parution le 30/10/2022
« A François, baron de Tott
Le 23 d'avril [1767] à Ferney
Monsieur,
Je m'attendais bien que vous m'instruiriez, mais je n'espérais pas que les Turcs me fissent jamais rire 1 . Vous me faites voir que la bonne plaisanterie se trouve en tout pays.
Je vous remercie de tout mon cœur de vos anecdotes, mais quelques agréments que vous ayez répandu sur tout ce que vous me dites de ces Tartares circoncis, je suis toujours fâché de les voir les maîtres du pays d'Orphée et d'Homère . Je n’aime point un peuple qui n'a été que destructeur et qui est l'ennemi des arts . Je plains mon neveu de faire l'histoire de cette vilaine nation 2. La véritable histoire est celle des mœurs, des lois, des arts, et des progrès de l'esprit humain . L'histoire des Turcs n'est que celle des brigandages ; et j'aimerais autant faire les mémoires des loups du mont Jura auprès desquels j'ai l'honneur de demeurer . Il faut que nous soyons bien curieux nous autres Velches de l'Occident, puisque nous compilons sans cesse ce qu'on doit penser des peuples de l'Asie qui n'ont jamais pensé à nous .
Au reste, je crois le canal de la mer Noire beaucoup plus beau que le lac de Neuchâtel, et Stamboul une plus belle ville que Genève, et je m'étonne que vous ayez quitté les bords de la Propontide pour la Suisse . Mais un ami comme M. du Peyrou vaut mieux que tous les vizirs et tous les cadis.
J'ai l'honneur d'être, etc. »
1 Sur la lettre de Tott dont la teneur exacte n'est pas connue, voir la lettre du 16 avril 1767 au marquis de Florian : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/10/16/plus-la-rage-du-fanatisme-exhale-de-poison-plus-elle-rend-se-6406694.html
2 Voir lettre du 14 janvier 1767 à Florian : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/05/07/les-choses-dans-ce-monde-prennent-des-faces-bien-differentes-6380671.html
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29/10/2022
on n’écrit point de vains compliments, et on m’interromps point les occupations des hommes d’État pour ne leur rien dire
... Rédaction le 6/11/2022 pour édition le 29/10/2022
« Au comte Alexandre Romanovitch Vorontsov
Au château de Ferney par Genève, 22è avril 1767 1
Monsieur,
Mme Cramer m'a dit qu'elle vous avait envoyé une édition des Scythes très incorrecte . Je ne suis plus dans l'âge des passions mais j'ai toujours celle de vous plaire .
Je ne puis me dispenser d'envoyer à Votre Excellence une collection 2 plus complète, et moins indigne d'elle . Peut-être en gratifierez-vous quelque libraire de La Haye, on imprime très bien dans ce pays-là . Partout où vous êtres vous serez le protecteur des lettres . Il m'est tombé entre les mains un imprimé concernant votre auguste impératrice 3 , j'aurai l'honneur de vous l'envoyer par le premier courrier. C'est un très petit ouvrage, mais il m'a paru plein de grâces et de 4 vérité ; je crois qu'il méritera votre attention .
Vous voyez que je n'attends que des occasions de vous écrire et de vous renouveler mes hommages . À mon âge on n’écrit point de vains compliments, et on m’interromps point les occupations des hommes d’État pour ne leur rien dire ; il faut une base aux lettres, sans quoi ce ne sont que des mots . Mais ne regardez pas, je vous en supplie, comme de simples paroles les témoignages de l'estime, de l'attachement et du respect avec lesquels j'ai l'honneur d'être, monsieur, de Votre Excellence le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
gentilhomme ordinaire
de la chambre du roi . »
1Original (archives Vorontsov ) ; copie ancienne qui est en principe une transcription littérale de l'original qui a été suivi ; édition , en russe, « Lettres de Voltaire au prince Vorontsov », 1872 .
2 Ed. donne édition pour collection .
3 La Lettre sur les panégyriques : https://fr.m.wikisource.org/wiki/Lettre_sur_les_pan%C3%A9gyriques/%C3%89dition_Garnier
4 Ed. donne plein de grandes vérités .
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