22/03/2022
En vérité, voilà de ces choses qu’il faut que la postérité sache
... Merci Olivier Véran, me voici rassuré et je vais dormir en paix : en cas d'attaque nucléaire je ne risque plus rien, les pastilles d'iode sont en quantité suffisante : https://www.lindependant.fr/2022/03/21/guerre-en-ukraine-...
En 1914, nous étions aussi merveilleusement équipés, gloriole française, pas un bouton de guêtre ne manquait ; on connait la suite .
Poutine , dangereux pour la planète ? Rigolons ! nous , Français, sommes immunisés, tout comme nous l'avons été grâce aux masques tissu/papier/carton/plastique . Il ne nous manque que d'avoir suffisamment de peinture au plomb pour nous protéger de la kryptonite de Sibérie .Méfiant, je prends ma pelle et , excusez-moi de vous abandonner, je vais creuser un abri (au moins deux places ) .
Au passage, il n'est pas inutile de rappeler que la nième vague du Covid, avec 90 000 contaminés par jour arrive directement après qu'on vient de supprimer l'obligation du port du masque dans les lieux publics ; cherchez l'erreur !
« A Jean-François Marmontel
20 Décembre 1766
Mon cher confrère, j’avais déjà répondu au reproche de madame Geoffrin de n’avoir rien dit du billet du roi de Pologne. Je lui ai mandé 1 que le style de ce monarque ne m’étonnait point du tout. Je connais trois têtes couronnées du Nord qui feraient honneur à notre Académie, l’impératrice de Russie, le roi de Pologne et le roi de Prusse. Voilà trois philosophes sur le trône, et cependant il y a encore peu de philosophie dans leurs climats . Elle y pénètre pourtant. L’impératrice de Russie dit que ce n’est qu’une aurore boréale 2, et moi je pense que cette nouvelle lumière sera permanente. On se plaint qu’il y en a trop en France. Je ne vois pas quel mal peut jamais faire la raison. On n’a jamais jusqu’à présent essayé d’elle ; il faut du moins faire cette tentative, et on verra si elle est nuisible. Non, mon cher confrère, la raison n’est pas si méchante qu’on le dit ; ce sont ses ennemis qui sont méchants.
J’aurais donc Bélisaire pour mes étrennes. C’est là où je trouverai la philosophie qui me plaît ; c’est là que tout le monde trouvera à s’amuser et à s’instruire. Je vous souhaite d’avance une bonne année. Présentez mes hommages et ma reconnaissance à Mme de Geoffrin . Ce qu’elle a fait pour les Sirven est digne d’une souveraine. Je ne la connais que par de belles actions. Elle fut la première à souscrire en faveur de Mlle Corneille, dont le père lui avait fait un procès si impertinent. Elle ne s’en vengea que par des bienfaits. En vérité, voilà de ces choses qu’il faut que la postérité sache. Mettez-moi bien à ses pieds.
Quand aurons-nous le discours de M Thomas 3 ? On dit qu’il lira un premier chant de la Pétréiade 4, qui est admirable. L’année 1767 ne commencera pas mal pour la littérature. Soyez-en le soutien avec M. Thomas. J’applaudis de loin à vos succès, qui me sont bien chers et qui me consolent.
Mme Denis vous fait les plus sincères compliments.
N.B. – Ce n’est point l’abbé Coyer qui a fait la Lettre au docteur Pansophe, c’est M. de Bordes, académicien de Lyon, qui s’était déjà moqué plus d’une fois du charlatan de Genève. Je vous assure qu’il est bien loin d’oser remontrer sa petite figure dans sa patrie ; il courrait risque d’y être pendu ; mais vous savez qu’il en serait fort aise, si son nom était mis dans la gazette.
Adieu, mon cher confrère. »
1 Lettre du 26 août 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/11/21/votre-voyage-doit-etre-en-france-une-grande-epoque-pour-tous-6350439.html
2Il lui répond le 22 décembre 1766 . Voir lettre de Catherine II du 9 juillet [20 du nouveau style] 1766 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6393
3 Thomas fut reçu à l'Académie française par Louis de Rohan , élu à la place de Hardion. . Voir Discours prononcés dans l' académie française le jeudi 22 janvier 1767 à la réception de M. Thomas : https://www.academie-francaise.fr/discours-de-reception-d...
4 Sur ce poème épique, voir lettre du 22 septembre 1765 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/01/20/il-est-plaisant-qu-a-la-suite-d-un-ecrit-si-sublime-il-se-tr-6292186.html
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21/03/2022
Je souhaite qu'il ait votre approbation, et que vous puissiez contribuer à détruire un abus si préjudiciable
... Appel à tous les chefs d'Etats pour sauver les Ukrainiens et leur pays .
Poutine , toi qui te vantes d'utiliser des missiles hypersoniques, tu es vraiment hyper-dégueulasse .
« A Louis-Gaspard Fabry
Monsieur,
On m’a communiqué ce mémoire 1. Il me paraît très utile et convenable à la circonstance où nous sommes . Je souhaite qu'il ait votre approbation, et que vous puissiez contribuer à détruire un abus si préjudiciable à notre petite province . Je vous réponds que j'achèterai volontiers à Ferney tout le bois qu'on portait à Genève pourvu qu'il appartienne légitimement aux vendeurs . Ainsi personne n'y perdra rien, et le pays ne sera point dévasté .
Je vous souhaite d'avance une bonne année, aussi bien qu'à Mme Fabry .
Vous savez avec quels sentiments
j’ai l'honneur d'être
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
V.
20è décembre 1766 à Ferney.»
1 Mémoire qui traite de l'abattage non autorisé de bois de charpente .
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20/03/2022
j’ai vu en peu d’années mon petit territoire peuplé de trois fois plus d’habitants qu’il n’en avait, sans avoir eu pourtant l’agrément de contribuer par moi-même à cette population
... Mais adorable Voltaire, tu as une foule d'enfants adoptifs .
« A Daniel-Marc-Antoine Chardon
A Ferney, 20 Décembre 1766 1
Vraiment, monsieur, vous ne sauriez mieux placer vos bienfaits, et surtout en fait de colonie. J’en ai fondé une dans le plus bel endroit de la terre pour l’aspect, et dans le plus abominable pour la rigueur des saisons, dans un bassin d’environ cinquante lieues de tour, entouré de montagnes éternellement couvertes de neiges, par le quarante-sixième degré, de sorte que je me crois en Calabre l’été et en Sibérie l’hiver. Je n’ai trouvé, en arrivant, que des terres incultes, de la pauvreté et des écrouelles. J’ai défriché les terres, j’ai bâti des maisons, j’ai chassé l’indigence ; j’ai vu en peu d’années mon petit territoire peuplé de trois fois plus d’habitants qu’il n’en avait, sans avoir eu pourtant l’agrément de contribuer par moi-même à cette population.
Vous m’instruirez, monsieur, et vous me fortifierez dans mon entreprise d’embellir des déserts et de rendre l’horreur agréable. J’attends avec impatience le mémoire dont vous voulez bien m’honorer. Vous pouvez m’envoyer votre mémoire sous le contre-seing de M. le duc de Choiseul. Lorsque je le suppliai de vous demander pour rapporteur à M. le vice-chancelier, dans l’affaire des Sirven, il me répondit qu’il était votre ami, et il est bien digne de l’être. Je ne connais point d’âme plus noble et plus généreuse, et jamais ministre n’a eu tant d’esprit. Il dit que vous étiez intendant dans une île 2 où il n’y avait que des serpents . Ma colonie à moi est environnée de loups, de renards et d’ours . On a presque partout affaire à des animaux nuisibles.
Si nous sommes assez heureux, monsieur, pour que vous rapportiez l’affaire des Sirven, c’est un sujet digne de votre éloquence, et je ne doute pas que cette affaire d’éclat ne vous fasse beaucoup d’honneur ; mais vous y êtes tout accoutumé. M. de Beaumont me mande qu’il y a des préliminaires difficiles. Si on ne peut lever ces obstacles, j’aurai eu du moins la consolation d’être honoré de vos lettres et de connaître votre extrême mérite.
J’ai l’honneur d’être, avec bien du respect, monsieur, votre, etc.
Voltaire. »
1 Le manuscrit olographe est passé à la vente Henkels (Philadelphie, 28 janvier 1925 ).
2 Sainte-Lucie, au sud de la Martinique .
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Je souhaite de tout mon cœur qu'elle soit bientôt exposée à vous faire mille infidélités, ...
... et qu'elle résiste à la tentation !
Ouf ! Marianne ne tombera pas dans les bras des extrémistes ( suivez mon regard ), je le souhaite, j'espère, je le crois .
« A Adrien-Michel-Hyacinthe Blin de Sainmore
rue des Capucines, au Marais
à Paris
Je vous fais mon compliment, monsieur, sur les grâces que vous prêtez, vous et Mlle Rosine, aux héroïnes du temps passé 1. Si votre belle Rosine récite des vers comme vous en faites, elle sera une excellente actrice . Je souhaite de tout mon cœur qu'elle soit bientôt exposée à vous faire mille infidélités, et qu'elle résiste à la tentation .
Nous aurons donc incessamment le Racine commenté . Il appartient à un homme qui fait des vers aussi bien que vous, de rendre justice aux siens .
Je vous rends mille grâces de votre souvenir et de votre héroïde . Je vous prie de compter sur tous les sentiments qui vous sont dus à tant de titres.
Votre très humble et très obéissant serviteur
V.
20è décembre 1766. »
1 Blin de Sainmore vient de publier Lettre de Saphoy à Phaon, 1766, « héroïde » précédée d'une épître à Rosine « jeune personne qui se destinait à la déclamation », ainsi que le dit Blin dans une copie de la présente lettre de V*.
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19/03/2022
J’étais las de voir toujours des princes avec des princes, et de n’entendre parler que de trônes et de politique
... Minute people : Harry et Meghan coupent les ponts avec la famille royale à la dynamite . Ils ne pensent -et c'est tout à fait American way of life- qu'à faire leur fortune dans le bling bling et l'esbrouffe . On a vu mieux, on a vu pire . Ils ont encore du travail pour rivaliser avec la famille Kardashian qui démontre qu'avec du cul[ot] et du silicone on peu rallier des millions de gogos [= dollars ].
Que feront-ils pour les Ukrainiens ?

https://theweek.com/articles/970927/7-royally-funny-carto...
« A Nicolas-Claude Thieriot
19 Décembre 1766
Je crois, mon ancien ami, que votre correspondant 1 aura été fort réjoui de l’épitaphe de La Cruche étrusque 2. Il est juste que je vous fournisse aussi de quoi amuser votre homme. Je vous envoie d’abord du sérieux, et ensuite vous aurez du comique. M. Damilaville doit vous communiquer une scène d’une tragédie que j’ai eu la sottise de faire malgré le précepte d’Horace, solve senescentem 3. J’étais las de voir toujours des princes avec des princes, et de n’entendre parler que de trônes et de politique. J’ai cru qu’on pouvait donner plus d’étendue au tableau de la nature, et qu’avec un peu d’art on pouvait mettre sur le théâtre les plus viles conditions avec les plus élevées . C’est un champ très fécond que de plus habiles que moi défricheront. Je me suis sans doute rencontré avec l’auteur de Guillaume Tell. Mandez-moi ce que vous en pensez, et aimez toujours votre ancien ami. »
1 Le roi de Pusse. (G.A.)
2Thieriot écrit à V* en lui rapportant cette anecdote : « Un artiste en contemplant toutes les antiquités de M. le comte de Caylus, dans le cabinet de Sainte-Geneviève où elles sont rassemblées fit son épitaphe : « Ci-gît un antiquaire acariâtre et brusque./ Son corps est déposé dans une cruche étrusque ! » Il est à noter que les rimes en -usque sont peu nombreuses .
Ce distique est attribué à Diderot , qui le nie ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Diderot_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes,_%C3%A9d._Ass%C3%A9zat,_XVIII.djvu/261
3Horace, Épîtres, I, i, 8 . ; dételle (le cheval) vieillissant .
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quelquefois la persécution suit de près la calomnie
... Les malheureux Ukrainiens en font l'atroce expérience .
« A Etienne-Noël Damilaville
19 décembre 1766
Dites, je vous prie, mon cher ami, à M. de Beaumont, que j’ai reçu de M. Chardon une lettre charmante, dans laquelle il prend fort à cœur l’affaire concernant Canon 1, et celle des Sirven.
A l’égard des Sirven, j’ai pris mon parti. J’ai trouvé le public le premier des juges, et les suffrages de l’Europe me suffisent. Tant de difficultés me rebutent, et pour peu qu’on en fasse encore, que M. de Beaumont m’envoie son mémoire, je ne veux pas autre chose . Je le ferai imprimer ; les Sirven gagneront leur cause dans l’esprit des honnêtes gens : c’est à eux seuls que je veux plaire dans tous les genres.
Pour vous prouver que c’est aux honnêtes gens seuls que je veux plaire, je vous envoie une scène de la tragédie des Scythes 2. Montrez-la à Platon et à vos amis, et mandez-moi ce que vous en pensez. Il me semble qu’une tragédie dans ce goût a du moins le mérite de la nouveauté. Ce n’est pas la peine d’être imitateur, il faut se taire en tout genre quand on n’a rien de nouveau à dire. Donnez-en, je vous prie, une copie à Thieriot : cela nourrira sa correspondance 3.
Je cultiverai, mon cher ami, les belles-lettres jusqu’au dernier moment de ma vie, malgré tout le mal qu’elles m’ont fait. Je sais que, dès qu’on a donné un ouvrage passable, la canaille de la littérature jette les hauts cris ; elle ne peut rien contre l’ouvrage, mais elle calomnie l’auteur. S’il réussit, on ne manque pas de l’appeler déiste, ou athée, ou même encyclopédiste . S’il paraît un mauvais livre, on ne manque pas de l’en accuser, et il en paraît tous les jours. L’imposture frappe à toutes les portes. Tantôt le vinaigrier Chaumeix, convulsionnaire crucifié ; tantôt l’abbé d’Estrées, auteur de l’Année merveilleuse 4, et associé de Fréron ; tantôt un ex-jésuite, crie au scandale jusqu’à ce qu’il ait persuadé quelque pédant accrédité ; et quelquefois la persécution suit de près la calomnie. On a beau faire du bien, on aurait beau même en faire à ces malheureux, ils n’en chercheraient pas moins à vous opprimer. Il faut combattre toute sa vie, et finir par s’enfuir, si les méchants l’emportent.
Adieu, mon cher ami 5, je suis bien aise de vous dire que M. le duc de Choiseul est très content de la pièce dont je vous envoie une scène 6 . M. d'Argental n'en a encore qu'une esquisse assez informe .
Que j’avais bien raison de vous dire autrefois à la fin de mes lettres, en parlant de la calomnie : Écrasons l’infâme ! Mais il est plus aisé de le dire que de le faire. »
1 Voyez la lettre à Damilaville du 1er Octobre 1766 sur le procès de Mme Beaumont : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/01/05/n-importe-il-faut-aller-en-avant-je-n-ai-d-autre-ressource-que-dans-la-veri.html
2 Les Scythes ; acte IV, sc. II. : http://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/VOLTAIRE_SCYTHES.pdf
3 Cette phrase, omise dans la copie Darmstadt B. fait allusion à la correspondance littéraire de Thiriot adressée à Frédéric II.
4 L’année merveilleuse ou les Hommes-femmes , 1748, et son Supplément sont de l’abbé Coyer, où Mme Du Châtelet se trouve attaquée . Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62145302.texteImage
5 La copie arrête ici cet avant dernier paragraphe .
6 Ainsi qu'il l'écrit à V* dans une lettre du 10 décembre 1766 .
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18/03/2022
Les affaires de Genève ne laissent pas de m’embarrasser. J’y ai une grande partie de mon bien ; toutes les caisses sont fermées. Je ne sais comment j’ai fait, moi pauvre diable, pour avoir une maison beaucoup plus grosse que celle de M. l’ambassadeur
... Veux-tu que je te dise mon pauvre Vlad , comment ce fait-ce ? Tu as tout simplement volé, pillé les caisses de l'Etat, qui, au demeurant sont fort bien remplies, aidé par les oligarques qui y prennent leurs parts et te font de généreux renvois d'ascenseurs . Souviens-toi qu'on ira cracher sur ta tombe, fut-elle un palais !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
19è décembre 1766
Mes divins anges, je ne veux point vous accabler des pièces qu’il faut coudre aux habits persans et scythes. Cette occupation deviendrait insupportable ; le mieux est d’achever le tableau dont vous avez l’esquisse, et de vous l’envoyer dans son cadre.
Comme je suis très jeune, et que j’ai les passions fort vives, j’ai envoyé cette fantaisie à M. le duc de Choiseul, avant d’y avoir mis la dernière main ; cependant il en a été si content, qu’il ne balance point à la mettre au-dessus de Tancrède.
Vous m’avouerez qu’en qualité de riverain suisse, je devais cet hommage à mon colonel 1. Je craignais beaucoup que Guillaume Tell ne fût précisément mon Indatire 2. Il était si naturel d’opposer les mœurs champêtres aux mœurs de la cour, que je ne conçois pas comment l’auteur de Guillaume a pu manquer cette idée. Je m’attendais aussi à voir mon Sozame 3 dans le Bélisaire de Marmontel ; on me mande qu’il n’en est rien. Qu’est donc devenue l’imagination ? est-ce qu’il n’y en a plus en France ?
Mandez-moi, je vous en prie, si la pomme de M. Le Mierre 4 réussit autant dans le monde que celle de Pâris, et celle de madame Ève.
Vous disiez autrefois que je ne répondais point catégoriquement aux lettres. Vous avez pris mes défauts, et vous ne m’avez pas donné vos bonnes qualités ; c’est vous qui ne répondez point, car vous ne me dites seulement pas si M. le duc de Praslin a reçu le commentaire 5 que je lui ai envoyé par M. Jeannel, et vous ne riez point assez de voir en quelles mains le premier envoi était tombé. On l’a lu, on en a été content, et on n’a pas voulu le rendre, en dépit du droit des gens.
Avez-vous lu Eudocie ou Eudoxie de M. de Chabanon 6? En êtes-vous satisfaits ? Vous aurez une bonne tragédie de La Harpe, ou je suis bien trompé. Je corromps tant que je peux la jeunesse pour le service du tripot.
Le tripot de Genève va fort mal ; les médiateurs n’ont point réussi dans leur entreprise ; ils sont très fâchés, ils menacent ; tout cela tournera mal. Je crois que vous avez fort mal fait de ne point venir ; vous auriez tout concilié, et la comédie qui ne vaut pas le diable aurait été au moins passable.
Je vous demande en grâce, quand vous ferez jouer Zulime à mademoiselle Durancy, de la lui faire jouer comme je l’ai faite, et non pas comme mademoiselle Clairon l’a jouée. Ce mot de Zulime, avec un cri douloureux, ô mon père ! j’en suis indigne fait un effet prodigieux. La manière dont les comédiens de Paris jouent cette scène est de Brioché.
Je meurs sans vous haïr… Ramire, sois heureux,
Aux dépens de ma vie, aux dépens de mes feux ;
comment ces malheureux ignorent-ils assez leur langue pour ne pas savoir que cette répétition, aux dépens, fait attendre encore quelque chose ; que c’est une suspension, que la phrase n’est pas finie, et que cette terminaison, aux dépens de mes feux, est de la dernière platitude ? Il n’y a pas jusqu’aux acteurs de province qui ne s’en aperçoivent. Mademoiselle Clairon avait juré de gâter la fin de Tancrède. J’ai mille grâces à vous rendre d’avoir fait restituer par mademoiselle Durancy ce que mademoiselle Clairon avait tronqué. Un misérable libraire de Paris, nommé Duchesne, a imprimé mes pièces de la façon détestable dont les comédiens les jouent ; il a fait tout ce qu’il a pu pour me déshonorer, et pour me rendre ridicule. De quel droit ce faquin a-t-il obtenu un privilège du roi pour corrompre ce qui m’appartient, et pour me couvrir de honte ? Je vous avoue que cela m’est sensible. Je me suis précautionné contre les plus violentes persécutions, et j’ai de quoi les braver ; mais je n’ai point de remède contre l’opprobre et le ridicule dont les comédiens et les libraires me couvrent. J’avoue cette sensibilité . Un artiste qui ne l’aurait pas serait un pauvre homme.
Je ne sais plus ce que devient l’affaire des Sirven . Je crois que les lenteurs de Beaumont l’ont fait échouer. C’est bien pis que l’inepte insolence des comédiens et des libraires. C’est là ce qui me désespère ; j’ai la tête dans un sac.
Les affaires de Genève ne laissent pas de m’embarrasser. J’y ai une grande partie de mon bien ; toutes les caisses sont fermées. Je ne sais comment j’ai fait, moi pauvre diable, pour avoir une maison beaucoup plus grosse que celle de M. l’ambassadeur. Il se trouve qu’à Tournay et à Ferney je nourris cent cinquante personnes ; on ne soutient pas cela avec des vers alexandrins et des banqueroutes.
Pardonnez-moi de mettre à vos pieds mes petites peines ; c’est ma consolation.
Respect et tendresse. »
1 Le duc de Choiseul, commandant des gardes suisses : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gardes_suisses_(France)
2 Personnage des Scythes : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/VOLTAIRE_SCYTHES.xml
3 Autre personnage des Scythes .
4 C'est-à-dire son Guillaume Tell .
5 Sur Beccaria. Voir : https://books.openedition.org/enseditions/7610?lang=fr
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