03/10/2021
Mon cœur et mon estomac vous sont dévoués
... Formule de politesse à adresser à son médecin .
« A Pierre-Michel Hennin
À Ferney, 8è juillet 1766 1
Tout malade que je suis, mon cher monsieur, il faudra probablement que je reçoive dans ma puante et délabrée maison un prince 2 victorieux et aimable. Heureusement il est philosophe . Monsieur l’ambassadeur l’est aussi, vous l’êtes aussi [,,,] le chevalier de Taulès [,,,].
Pouvons-nous sans indiscrétion, Mme Denis et moi, supplier Son Excellence de vouloir bien nous protéger de sa présence, et d’amener M. le prince de Brunswick ? Nous leur donnerons du lait de nos vaches, du miel de nos abeilles, et des fraises de notre jardin. Négociez cette affaire avec Son Excellence ; mettez-moi à ses pieds ; dites-lui qu’après qu’il se sera crevé avec le prince par sa trop bonne chère, il est juste qu’il vienne jeûner le lendemain à la campagne, respirer un air pur, et oublier les tracasseries genevoises, et les cuisiniers français.
Je ne sais point le jour, j’ignore la marche de M. le prince de Brunswick ; j’ignore même si son projet est de dîner dans ma caserne. Mettez-moi au fait ; ayez la bonté de le prévenir sur l’état d’un vieillard infirme. Vous me ressuscitez quelquefois par votre gaieté, secourez-moi par vos bontés. Mon cœur et mon estomac vous sont dévoués.
V. »
1 Les passages entre crochets sont fortement biffés sur le manuscrit ; ils manquent dans les éditions . Voir la réponse de Hennin du 9 juillet : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6392
2 Le prince de Brunswick .
19:11 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je vais me recueillir aujourd'hui pour voir s'il faut une préface longue ou courte ... Je suis pour le court, et peut-être même très court
... Pour l'oraison funèbre de Bernard Tapie , celui que tout le monde déifie, de la droite à la gauche, et qui sans doute va avoir droit à sa statue, son biopic et sa rue, je ne vois que : "il s'est fait plaisir, à tout prix, à n'importe quel prix, et accessoirement a été un peu utile ".
Il y a deux ans : https://www.voici.fr/news-people/actu-people/video-bernard-tapie-reagit-a-lannonce-de-sa-mort-par-le-monde-668195
« A Gabriel Cramer
[7 juillet 1766 ?]
Je crois avoir envoyé à M. Gabriel un petit extrait des plagiats du révérend père Barre, moine de Sainte-Geneviève ; cela était joint ou je suis fort trompé aux préfaces de Charles XII 1 . Je vais me recueillir aujourd'hui pour voir s'il faut une préface longue ou courte à l'in-4°. Je suis pour le court, et peut-être même très court .
On m'a écrit de Paris pour une belle édition in-4° qu'on veut faire de la Henriade ; j'ai mandé qu'on n'en fît rien, que la vôtre était achevée, et que l’entrepreneur se ferait grand tort à lui-même .
Mes compliments à M. Needham quand vous le verrez .
Vous allez donc avoir la médiation ? Cela sera fort agréable . »
1 En tête de l'édition de 1766 de l'Histoire de Charles XII on trouve un avis de V* dans lequel il démontre que l'Histoire générale de l'Allemagne de Joseph Barre, 1748,, composée après son propre ouvrage, le plagie en divers passages : voir https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k371335d/f26.image.r=joseph%20barre
Dans les notes du même ouvrage, V* fait d'autres allusions à ces plagiats . Voir aussi l'article « plagiat » du Dictionnaire philosophique, les Remarques pour servir de supplément à l'Essai sur les mœurs, chap. XII , et enfin Les Honnêtetés littéraires .
Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Plagiat
et : page 584 : https://books.google.fr/books?id=Pju9WJRVHoMC&pg=PA59...
et : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/03/les-honnetetes-litteraires-partie-1.html
17:01 | Lien permanent | Commentaires (0)
Ils ont été nommés par leur nom ; c’est une dénonciation dans toutes les formes.
... Et il n'est que temps que cela soit fait : https://www.francetvinfo.fr/societe/religion/pedophilie-d...
Comment croire en dieu après ça ? Comment confier son enfant à quelque religieux soit disant enseignant ? Ces religieux sont statistiquement aussi dépravés que le reste de la population, la religion n'est qu'un vernis sur de la pourriture : "Il y a quelque chose de pourri au royaume de Danemark " dit Hamlet, il y a quelque chose de pourri dans l'Eglise catholique , peut-on affirmer maintenant . Et je ne pense pas que les autres églises soient indemnes de ce fléau , ce serait miraculeux, et pour tout dire invraisemblable, hélas .
« A André Morellet
7 juillet [1766]
C’est moi, mon cher frère, qui voudrais passer avec vous dans ma retraite les derniers six mois qui me restent peut-être encore à vivre. C’est Antoine qui voudrait recevoir Paul. Mon désert est plus agréable que ceux de la Thébaïde, quoiqu’il ne soit pas si chaud. Tous nos ermites vous aiment, tous chantent vos louanges, et désirent passionnément votre retour.
Le livre de Fréret 1 est bien dangereux, mais oportet hereses esse 2. Les manuscrits de Du Marsais 3 et de Chenelart 4 ont été imprimés aussi. Il est bien triste que l’on impute quelquefois à des vivants, et même à de bons vivants, les ouvrages des morts. Les philosophes doivent toujours soutenir que tout philosophe qui est en vie est un bon chrétien, un bon catholique. On les loue quelquefois des mêmes choses que les dévots leur reprochent, et ces louanges deviennent funestes, che sono accuse e paion' lodi 5. Le bruit de ces dangereux éloges va frapper les longues et superbes oreilles de certains pédants ; et ces pédants irrités poursuivent avec rage de pauvres innocents qui voudraient faire le bien en secret. La dernière scène qui vient de se passer à Paris prouve bien que les frères doivent cacher soigneusement les mystères et les noms de leurs frères. Vous savez que le conseiller Pasquier a dit, en plein parlement, que les jeunes gens d’Abbeville qu’on a fait mourir avaient puisé leur impiété dans l’école et dans les ouvrages des philosophes modernes. Ils ont été nommés par leur nom ; c’est une dénonciation dans toutes les formes. On les rend complices des profanations insensées de ces malheureux jeunes gens ; on les fait passer pour les véritables auteurs du supplice dans lequel on a fait expirer de jeunes indiscrets. Y a-t-il jamais eu rien de plus méchant et de plus absurde que d’accuser ainsi ceux qui enseignent la raison et les mœurs d’être les corrupteurs de la jeunesse ? Qu’un janséniste fanatique eût été coupable d’une telle calomnie, je n’en serais pas surpris ; mais que ce soit un conseiller de grand-chambre, cela est honteux pour la nation. Le mal est que ces imputations parviennent au roi, et qu’elles paraissent dictées par l'impartialité et par l’esprit de patriotisme. Les sages, dans des circonstances si funestes, doivent se taire et attendre.
Quand vous trouverez, mon cher frère, les livres que vous avez eu la bonté de me promettre, M. Damilaville les paiera à votre ordre. Rien ne presse, ne songez qu’à vos travaux et à vos amusements, vivez aussi heureux qu’un pauvre sage peut l’être, et souvenez-vous des ermites, qui vous seront très tendrement attachés. »
1 Examen critique des apologistes de la religion chrétienne
2 Il convient d'être hérétique : Corinthiens, XI, 19 ; https://www.levangile.com/Bible-Annotee-1Corinthiens-11-Note-19.htm
3 L'Analyse de la religion chrétienne, dans le Recueil nécessaire , 1765-1766 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k84514n.texteImage
et voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%A9sar_Chesneau_Dumarsais
et : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome18.djvu/271
et : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome26.djvu/510
4 L’Examen important de milord Bolingbroke ; voir la lettre du 26 juin 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/09/20/il-examine-d-abord-de-sang-froid-ensuite-il-argumente-avec-f-6338632.html
L'édition Garnier donne cette note : « Chénelart est probablement un nom sons lequel Voltaire voulait faire passer quelque opuscule. »
5 Qui sont accusations et paraissent louanges .
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02/10/2021
Les bourgeois perdront vraisemblablement leur cause ; pour moi je perds la mienne avec la nature
... Ainsi aurait pu dire chacun des représentants de vingt-trois espèces aujourd'hui disparues : https://www.huffingtonpost.fr/entry/les-etats-unis-declar...
Disparu ! A quand le tour du bourgeois ?
« A Marie-Elisabeth de Dompierre de Fontaine, marquise de Florian, au château d'Hornoy
près d'Abbeville
7 juillet 1766 1
Les ermites de Ferney relancent les ermites d'Hornoy ; ils leur font les plus tendres compliments . Nous sommes curieux ; nous vous croyons instruits des nouvelles d'Abbeville ; nous vous prions instamment de nous conter dans le dernier détail l'étonnante aventure de ces jeunes gens à qui la tête avait si horriblement tourné . Dites-nous leurs noms, leur âge, leurs emplois . Avaient-ils eu auparavant quelques accès de folie ? jusqu'où ont-ils poussé leurs extravagances ? étaient -ils ivres ? est-il vrai que l'un d'eux était neveu d'une abbesse que l'on a exilée ? est-il vrai qu’ils ont répondu dans leurs interrogatoires qu'ils étaient devenus fous pour avoir lu des livres de philosophie ? En ce cas, ce sont des gens qui se sont empoisonnés avec de l'antidote .
Vous ne vous intéressez, je crois, que médiocrement aux tracasseries genevoises : elles ne sont point encore finies . Les bourgeois perdront vraisemblablement leur cause ; pour moi je perds la mienne avec la nature . Je vous embrasse tous du meilleur de mon cœur . »
1 L'édition Caussy n'indique pas sa source .
11:29 | Lien permanent | Commentaires (0)
01/10/2021
il sera toujours prêt de vous rendre tous les services qui dépendront de lui
...Merci à Ignacio Cassis et au Parlement suisse : le petit pays aux vastes coffres-forts vient à la rescousse pour dépanner l'Europe aux poches trouées :
De bleu de bleu ! Nous voilà bien déçus en bien !
« A Mme Nicolas-Bonaventure Duchesne, Libraire 1
rue Saint-Jacques, au Temple du goût
à Paris
A Ferney 7è juillet 1766 2
On vous enverra, madame, une Henriade bien corrigée, avec quelques augmentations, le tout conforme à l'édition in-4° que l'on a entreprise à Genève . Vous recevrez le paquet par la diligence de Lyon . On le fera partir dès qu'on l'aura reçu . M. de Voltaire, qui est très malade, ne peut vous écrire ; il me charge de vous faire ses compliments, et de vous dire qu'il sera toujours prêt de vous rendre tous les services qui dépendront de lui . Vous recevrez la lettre d'avis dès que le petit paquet sera à la diligence .
J'ai l'honneur d'être bien véritablement, madame, votre très humble et très obéissant serviteur
Wagnière
secrétaire de M. de Voltaire. »
2 Original contresigné « Damilaville » , bibliothèque de la ville, Reims ..
08:53 | Lien permanent | Commentaires (0)
30/09/2021
Je suis tenté d'aller mourir dans une terre étrangère où les hommes soient moins injustes
... C'est une option qui ne me déplairait pas M. Sarkozy , et même vous pourriez vous faire accompagner par tous ceux qui vous comblent de leur amitié (intéressée ) , lèches-bottes d'une droite désespérante et à la traine . Profitez bien de la grasse retraite que nous vous payons pour régaler vos avocats " Ô ! plus grand des présidents ", et gros bisous . Entendez-vous se rapprocher le cliquetis des menottes , tricheur patenté ?
« A Etienne-Noël Damilaville
7 juillet 1766 1
Mon cher frère, mon cœur est flétri, je suis atterré 2. Je me doutais qu'on attribuerait la plus sotte et la plus effrénée démence à ceux qui ne prêchent que la sagesse et la pureté des mœurs . Je suis tenté d'aller mourir dans une terre étrangère 3 où les hommes soient moins injustes . Je me tais, j'ai trop à dire .
Je vous prie instamment de m'envoyer la lettre qu’on prétend que j'ai écrite à Jean-Jacques, et qu’assurément je n'ai point écrite 4.
Le temps se consume à confondre la calomnie . On vous demande bien pardon de vous charger de faire rendre tant de lettres . »
1 Copie contemporaine Darmstadt B. ; l'édition Correspondance littéraire , philosophique et critique de Grimm (C.L.) n'identifie pas le destinataire .
2 V* vient de recevoir la nouvelle de l’exécution de La Barre le 1er juillet 1766. Voir lettre du 16 juin 1766 à son neveu d'Hornoy : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/09/09/je-suis-tres-touche-du-sort-des-polyeuctes-et-des-nearques-que-les-velches.html
Parmi les livres trouvés chez le chevalier de La Barre se trouvait le Dictionnaire philosophique, qu’on mit sur le bûcher qui consuma ses restes ; voir l’avertissement du Beuchot : https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Avertissement_de_Beuchot
3 Ce mot manque dans les éditions .
20:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
On attend beaucoup de la génération qui se forme . La jeunesse est instruite, elle n’arrive point aux dignités avec les préjugés de ses grands-pères
... Instruite, oui, plus ou moins, mais surtout diablement dissipée .
Pas de préjugés de grands-pères, mais des préjugés distribués larga manu par ces auto-proclamés "influenceurs. ceuses" et répercutés à l'infini par les réseaux dits sociaux .
Certains les voient paresseux, intolérants, égoïstes . C'est vrai, il y en a ; comment n'y en aurait-il pas avec les modèles tordus qu'on leur donne à la une : "vu à la télé/smartphone" donc important, à suivre . Et puis, j'ose espérer, une majorité qui est encore capable d'apprendre, et de créer pour leur bien et celui de tous, devenir modèles à leur tour . Pas des saints, juste des jeunes de bonne volonté , ça sera déjà pas mal .
« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay
6 juillet [1766] partira par Lyon je ne sais quand.
Je bénis la providence, ma respectable et chère philosophe, de ce que votre pupille va devenir tuteur 1 . S’il y a un corps qui ait besoin de philosophes, c’est assurément celui dans lequel il va entrer. Les philosophes ne rouent point les Calas, ils ne condamnent point à un supplice horrible 2 des insensés qu’il faut mettre aux petites-maisons. De quel front peut-on aller à Polyeucte après une pareille aventure ? Le tuteur, élevé par sa tutrice, sera digne de l’emploi auquel il se destine. On attend beaucoup de la génération qui se forme . La jeunesse est instruite, elle n’arrive point aux dignités avec les préjugés de ses grands-pères. J’ai, Dieu merci, un neveu 3 dans le même corps, qui a été élevé, et qui pense comme il faut penser. La lumière se communique de proche en proche ; il faut laisser mourir les vieux aveugles dans leurs ténèbres . La véritable science amène nécessairement la tolérance. On ne brûlerait pas aujourd’hui la maréchale d’Ancre comme sorcière, on ne ferait pas la Saint-Barthélemy ; mais nous sommes encore loin du but où nous devons tendre . Il faut espérer que nous l’atteindrons. Nous sommes, en bien des choses, les disciples des Anglais ; nous finirons par égaler nos maîtres.
Vous devez à présent, ma chère et respectable philosophe, jouir d’une santé brillante ; et moi, je dois être languissant : aussi suis-je, puisqu'Esculape est à Paris . Que vos bontés me soutiennent.
Permettez que je fasse les plus tendres compliments au tuteur.
V.
Tout notre petit ermitage est à vos pieds. »
1 Allusion à la prétention qu’avait le parlement de Paris de s’appeler tuteur des rois.
2 La condamnation du chevalier de La Barre et du chevalier d’Étallonde ; voir page 501 : https://fr.wikisource.org/wiki/Relation_de_la_mort_du_che... et voir page 513 .
3 L'abbé Mignot .
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