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15/03/2022

Il y a de la destinée en tout : la vôtre est de faire du bien, et même de réparer le mal que la négligence des autres a pu causer

... Qui sera celui/celle qui assumera cette destinée ?

Comment Wole Soyinka, prix Nobel de littérature voit notre actualité guerrière :

https://www.lepoint.fr/livres/wole-soyinka-poutine-donne-dans-l-esclavage-de-masse-14-03-2022-2468139_37.php

Ne pas oublier qu'un autre homme de lettres remarquable, Voltaire, est pro-ukrainien : https://www.lepoint.fr/culture/quand-voltaire-exaltait-l-ame-ukrainienne-14-03-2022-2468151_3.php

Le devoir individuel de santé : simple cygne noir ou véritable changement  de paradigme en droit de la santé ? - Actu-Juridique

 

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

15 Décembre [1766] 1

J’ai reçu à la fois, mon cher ami, vos lettres du 6 et du 8 de décembre. Il y a de la destinée en tout : la vôtre est de faire du bien, et même de réparer le mal que la négligence des autres a pu causer. Il est très certain que si M. de Beaumont n’avait pas abandonné pendant dix-huit mois la cause des Sirven, qu’il avait entreprise, nous ne serions pas aujourd’hui dans la peine où nous sommes. Il ne lui fallait que quinze jours de travail pour achever son mémoire : il me l’avait promis. Ce mémoire lui aurait fait autant d’honneur que celui de M. de La Luzerne a pu lui donner 2. Ce fut dans l’espérance de voir paraître incessamment le factum des Sirven que l’on composa l’Avis au Public. C’est cet Avis au Public qui a valu aux Sirven les deux cent cinquante ducats que vous avez entre les mains, les cent écus du roi de Prusse, et quelques autres petits présents qui aideront cette famille infortunée. J’ai empêché, autant que je l’ai pu, que le petit avis entrât en France, et surtout à Paris ; mais plusieurs voyageurs y en ont apporté des exemplaires ; ainsi ce qui nous a servi d’un côté nous a extrêmement nui de l’autre.

Voilà le triste effet de la négligence de M. de Beaumont. Je vous prie de lui bien exposer le fait, et surtout de lui dire, ainsi qu’aux autres avocats, que s’il y a dans ce petit imprimé quelques traits contre la superstition de Toulouse, il n’y a rien contre la religion. L’auteur tout protestant qu’il est, ne s’est moqué que des reliques ridicules portées en procession par les Visigoths . Il n’a dit que ce que tous les gens sensés disent dans notre communion. Si ce petit ouvrage, fait pour les princes d’Allemagne, et non pour les bourgeois de Paris, révolte quelques avocats, ou si plutôt il leur fournit un prétexte de ne point signer la consultation de M. de Beaumont, c’est assurément un très grand malheur. Il n’y a que vous qui puissiez le réparer en leur faisant entendre raison, et les faisant rougir du dégoût qu’ils donnent à leurs confrères. Vous mettez le comble à toutes vos bonnes actions, en suivant avec chaleur cette affaire, qui sans vous échouerait entièrement. Ce dernier trait de votre vertu courageuse m’attache à vous plus que jamais.

Je voudrais bien savoir le nom de l'auteur du petit ouvrage sur les commissions 3, on dit qu'il est de M. Lambert, conseiller du Parlement, mais c'est ce dont je doute beaucoup 4

Adieu, mon cher ami ; il ne reste que la place de vous dire à quel point je vous chéris. »

1 Copie Beaumarchais-Kehl , suivie par l'édition de Kehl . Copie du XIXè siècle conforme à l'édition Correspondance littéraire . Le premier texte a été expurgé, le second semble complet et il est suivi ici ; voir lettre du 11 décembre 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2022/03/11/on-fera-une-partie-de-ce-qu-il-desire-c-est-a-dire-qu-on-exe-6370785.html

2 A la suite de la copie Beaumarchais-Kehl, l'édition Besterman omet et assurément qu'il aurait eu un honoraire plus fort que celui de M. de La Luzerne a pu lui donner . Il faut donc bien le restituer ici .

3Des commissions extraordinaires en matière criminelle, 1766, de Pierre-Louis Chaillou : https://books.google.fr/books?id=LW-F42e8rUsC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

4 Paragraphe omis dans l'édition de Kehl .

il est souvent contraint, obscur, insolent, hérissé de sophismes, et plein de contradictions

... Zemmour ? Mélenchon ? Dupont-Aignan ? Poutou ? Roussel ?  Jadot ? Lassalle ? Macron ?

Qui remporte la palme du plus mauvais, détestable  sur le fond ? et sur la forme ?

Amis téléspectateurs , notre purgatoire ne fait que continuer avec un degré de plus en plus désagréable , avec un seul recours salvateur dont il faut user sans remords: la zapette .

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« A Charles Bordes

A Ferney , 15 Décembre 1766 1

Je vous suis très obligé, monsieur, des deux livres que vous voulez bien me confier, et que je vous rendrai très fidèlement dès que je les aurai consultés. J’espère les recevoir incessamment. L’abbé Coyer me jure qu’il n’est point l’auteur de la Lettre à Pansophe : c’est donc vous qui l’êtes ? Vous dites que ce n’est pas vous : c’est donc l’abbé Coyer ? Il n’y a certainement que l’un de vous deux qui puisse l’avoir écrite. Le troisième n’existe pas. De plus, vous étiez tous deux à Londres à peu près dans le temps que cette lettre parut. Il n’y a que vous deux qui puissiez connaître les Anglais dont on trouve les noms dans cette pièce. Le style en est parfaitement conforme à la profession de foi très plaisante que vous fîtes, il y a quelques années, entre les mains de Jean-Jacques 2.

Vous avez très grande raison d’avouer que ce Jean-Jacques a quelquefois de la chaleur dans ses déclamations, et qu’il est souvent contraint, obscur, insolent, hérissé de sophismes, et plein de contradictions. Si vous vouliez ajouter à cette confession générale, que vous vous êtes réjoui fort agréablement à ses dépens dans la Lettre à Pansophe, vous auriez une absolution plénière, sans être obligé ni à la pénitence ni au repentir, et vous seriez certainement sauvé chez tous les gens de goût.

Je ne trouve donc dans cette publication de la Lettre à Pansophe d’autre défaut, sinon qu’elle me met en contradiction avec moi-même comme Jean-Jacques. Je dis à M. Hume qu’il y a plus de sept ans, que je n’ai écrit à ce polisson, et cela est très vrai. La Lettre à Pansophe semble me convaincre du contraire. Vous m’avez toujours marqué de l’amitié ; je vous en demande instamment cette preuve. La Lettre à Pansophe vous fait honneur, et me ferait du tort. Vous avouez l’ode 3 que vous avez mise sous mon nom ; avouez donc aussi la prose 4, et croyez qu’en vers et en prose je connais tout votre mérite, et que je vous suis tendrement attaché. »

1 Voir lettre de Bordes du 9 décembre 1766 , et : https://fr.wikisource.org/wiki/Lettre_de_Voltaire_%C3%A0_Jean-Jacques_Pansophe

2 Voir : Discours sur les avantages des sciences et des arts prononcé dans l'assemblée publique de l'Académie des sciences et belles-lettres de Lyon, le 22 juin 1751. Avec la Réponse de Jean-J. Rousseau, citoyen de Genève (1752) : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k83791d.pdf

et : https://www.rousseauonline.ch/pdf/rousseauonline-0138.pdf

Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Borde

et Profession de foi philosophique, 1753 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k70706d.pdf

3 L’Ode sur la guerre. (Georges Avenel.)

Cette ode est de Borde. Le Journal encyclopédique du 1er août 1761, dans lequel on trouve cette ode, dit qu’elle a été attribuée à un « illustre auteur », qui la désavoue.

4 V* veut-il que Bordes assume la paternité de la Lettre au docteur Pansophe ? Ou qu'il lui écrive une lettre qui puisse donner l'impression que Bordes est l'auteur ? Sur la Lettre à Pansophe, voir lettre du 2 juin 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/08/27/puisque-l-ordre-seraphique-se-mele-d-assassiner-il-est-bon-d-6334139.html

14/03/2022

Tâchez que l’enfer où je suis se tourne au moins en purgatoire 

... Telle est la prière de chacun des  Ukrainiens qui, sans être des saints irréprochables, ne méritent vraiment pas d'être tués pour la satisfaction d'un Poutine dont la face me fait invinciblement évoquer une tête de goret ( en notant qu'un porc est plus expressif que ce fléau de l'humanité ) .

Vladimir Poutine La consolidation ou l'escalade | Les Echos

 

 

 

 

 

 

 

Ressources Éducatives Libres - data.abuledu.org | Les ressources libres du  projet AbulÉdu

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Confondant , non ?

 

 

"A Philippe-Charles-François-Joseph de Pavée, marquis de Villevielle

14è Décembre 1766

J’ai reçu votre petit billet de Valence, mon cher marquis, et je vous écris à tout hasard à Valence. Je suis enchanté que vous vous confirmiez de plus en plus dans vos bons principes ; mais la maison du Seigneur est entourée d’ennemis, et il y a bien des indiscrets dans le temple. Vous souvenez-vous d’une réponse que je vous fis lorsque vous étiez à Nancy ? Je faisais vos compliments au brave confiseur qui vendait vos dragées , vous envoyâtes ma lettre à un de vos élus de Paris, et cet élu très indiscret m’a damné en faisant courir ma lettre. J’en ai reçu des reproches de la part des préposés aux confitures, et je crois le confiseur très embarrassé. Tâchez que l’enfer où je suis se tourne au moins en purgatoire : je ne crois pas en effet avoir fait des compliments à un confiseur que je ne connais pas. Mandez que cette lettre 1 n’est pas de moi, car assurément elle n’est pas de moi, et vous ne mentirez pas. Mandez que vous vous êtes trompé ; mandez que ce n’est pas assez d’avoir l’innocence de la colombe, et qu’il faut encore avoir la prudence du serpent 2. Marchez toujours dans les voies du juste ; distribuez la parole de Dieu, le pain des forts ; faites prospérer la moisson évangélique ; recevez ma bénédiction, et vivez dans l’union des fidèles. »

1Lettre au docteur Pansophe .

2 Évangile selon Matthieu , X, 16 : https://www.aelf.org/bible/Mt/10

13/03/2022

Voyez, monsieur, si vous pouvez et si vous voulez vous charger de cette grande négociation

... C'est d'actualité ... Que celui (ou celle ) qui le veut se mette en avant .

 

 

« A François-Louis-Henri Leriche

12 Décembre 1766, à Ferney

Je voudrais, monsieur, avoir l’honneur de vous envoyer quelques livres pour vos étrennes. Il faut que vous ayez la bonté de me mander comment je pourrai vous les faire parvenir avec sûreté. Je voudrais bien savoir aussi si les lettres qu’on adresse, du pays où je suis, en Lorraine, passent par la Franche-Comté.

Pourriez-vous encore me faire un[e] autre grâce ? Il y a dans votre ville un misérable ex-jésuite, nommé Nonnotte, qui, pour augmenter sa portion congrue, a fait un libelle en deux volumes. Je voudrais savoir quel cas on fait de sa personne et de son libelle. On dit que le père de ce prêtre est un boulanger ; cela est heureux : il aura le pain azyme pour rien, et il distribuera gratis le pain des forts. Il faut que frère Nonnotte soit bien ingrat d’écrire contre moi 1, dans le temps que je loge et nourris un de ses confrères ; mais, quand il s’agit de la sainte religion, l’ingratitude devient une vertu.

Je vous souhaite pour l’année prochaine la ruine de la superstition.

Vous connaissez sans doute à Dijon quelqu’un de vos confrères qui pense sagement. Vous pourriez me rendre un grand service en le priant de s’informer bien exactement quelle est la raison pour laquelle les ex-jésuites de Dijon ne voulurent point voir mon ex-jésuite de Ferney, quand il fit le voyage. Mon ex-jésuite s’appelle Adam. Il dit fort proprement la messe ; il a marié des filles dans ma paroisse, avec toute la grâce imaginable. Il avait le malheur d’être brouillé depuis longtemps avec les jésuites bourguignons quoiqu’il aime assez le vin. En un mot, ni le révérend père provincial, ni le révérend Père recteur, ni le révérend père préfet, enfin aucun ex-révérend cuistre ne voulut voir mon aumônier ; et, comme les jésuites disent toujours la vérité, je voudrais savoir s’ils lui ont refusé le salut parce qu’il dit la messe chez moi, ou si c’est une ancienne rancune de prêtre à prêtre.

Voyez, monsieur, si vous pouvez et si vous voulez vous charger de cette grande négociation. Elle m’aura procuré au moins le plaisir de m’entretenir avec un homme qui pense, ce qui n’est pas extrêmement commun. Je vous prie de compter sur les sentiments qui m’attachent véritablement à vous, etc. »

1 Nonotte a relevé les erreurs, surtout historiques de V*.

12/03/2022

Si le petit ouvrage pouvait être prêt mercredi, ce serait une très bonne affaire

...

 

« A Gabriel Cramer

[12 décembre 1766] 1

Monsieur Caro gagnera certainement le prix de la course aux jeux olympiques . Il devança hier deux carrosses qui coururent après lui . Il a risqué de se faire mal , et je serais bien fâché d'en être la cause .

C'est aujourd'hui l'escalade 2 ; lundi la tenue des états généraux ; par conséquent, on n'enverra chercher que mercredi les ballots . On prie M. Caro d'en faire deux, l'un de sept exemplaires et l'un de huit, un troisième de vingt Pucelle avec L’Avis au public .

Si d'ailleurs il y a quelques Philosophe ignorant il me ferait plaisir de m'en donner .

Si le petit ouvrage pouvait être prêt mercredi, ce serait une très bonne affaire . Les querelles des citoyens ne doivent pas empêcher les natifs de gagner de l'argent . »

1 La date est donnée par la référence à l'escalade .

2 Sur cette fête genevoise fêtée le 12 décembre, voir : https://www.geneve.ch/fr/faire-geneve/decouvrir-geneve-qu...#

11/03/2022

on fera une partie de ce qu'il désire, c'est-à-dire qu'on exécutera ses ordres, et qu'on ne lui donnera point d'argent

... C'est exactement le contraire que font l'UE et les USA pour l'Ukraine :  https://www.20minutes.fr/monde/3251003-20220311-guerre-uk...

Est-ce la meilleure option ?

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

[vers le 11 décembre 1766] 1

Mon cher Wagnière a prêté cinquante louis, qui font toute sa fortune, à un correspondant de l'enchanteur Merlin, qui lui a donné deux billets de Merlin de vingt cinq louis chacun ; le premier payable au mois de juillet de cette année, et le second au mois de janvier 1767 . Je vous prie très instamment de préparer Merlin à payer cette dette sans aucune difficulté . Il serait triste que Wagnière eût à de repentir d'avoir fait plaisir . Je sais que Merlin doit de l'argent aux Cramer ; mais Wagnière doit passer devant tout le monde . Vous ne reconnaissez point sa main dans cette lettre que je dicte, il est actuellement occupé à transcrire la tragédie que l'on doit vous montrer . M. d'Argental n'en a qu'une copie très conforme 2 et très barbouillée ; je l'ai prié de la jeter au feu, en attendant la véritable .

Je vous ai mandé, je crois, que j'avais écrit à M. de Courteilles .

La petite affaire de M. de Lamberta avec M. Boursier est en train ; on fera une partie de ce qu'il désire, c'est-à-dire qu'on exécutera ses ordres, et qu'on ne lui donnera point d'argent . En attendant, je vous prie de lui avancer les cent écus dont vous serez remboursé . »

1 L'édition Correspondance littéraire, comme la copie du XIXè siècle, amalgame cette lettre avec celle du 15 décembre 1766 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/03/correspondance-annee-1766-partie-53.html

2 Apparemment, cela signifie non corrigée .

On envoie sa besogne dans son premier enthousiasme, le plus tôt qu’on peut ; ensuite on rabote, on lime, on polit, et on met plus de temps à revoir qu’à faire

... C'est bien vu, c'est tout à fait ce qui se passe à chaque projet de loi en France ; la folie des amendements de l'opposition serait risible si elle n'était pas tragique par les retards produits . Un certain crétinisme ou plus exactement un crétinisme certain semble bien le moteur de ces râleurs par principe . A leur décharge, les législateurs sont trop souvent brouillons . A l'heure où la guerre est proche, réfléchir et faire juste du premier coup est vital .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

Jeudi, 11è décembre 1766, à onze heures du matin

Cette honnête femme 1 vient d’arriver, et vous croyez bien qu’au nom de mes anges elle n’a pas été mal reçue. Nous avons sur-le-champ envoyé chercher à Genève son petit équipage de voyage ; nous l’avons tirée de l’hôtellerie la plus chère de l’Europe  où elle aurait été ruinée ; nous la logerons et nous aurons bien soin d’elle, jusqu’à ce qu’elle ait gagné son procès, et assurément elle le gagnera. Nous lui fournirons une voiture pour la reconduire en sûreté jusqu’à Dijon. Ce qui nous est recommandé par nos anges n’est-il pas sacré ? Je la reconduirais moi-même, si je pouvais sortir de mon appartement, dont il y a environ un an que je n’ai bougé.

Je n’ai point encore le mémoire pour les Sirven, cette toile de Pénélope qu’on me fait attendre depuis deux ans ; mais j’espère, mes anges, que vous l’aurez ce mois-ci, et que vous en serez satisfaits. Le canevas que je vis l’année passée promettait un excellent ouvrage. Damilaville, qui pense fortement et qui aide un peu notre avocat, me répond que ce mémoire fera un très grand effet. C’est alors que nous vous demanderons que vous embouchiez la trompette du jugement dernier pour effrayer la calomnie et l’injustice.

Un petit mot encore, je vous prie, des Scythes. On envoie sa besogne dans son premier enthousiasme, le plus tôt qu’on peut ; ensuite on rabote, on lime, on polit, et on met plus de temps à revoir qu’à faire. Je n’ai pas cessé un moment de travailler, et je vous avoue que je trouve cette pièce très neuve et très intéressante, écrite d’un bout à l’autre avec ce style de vérité qui est celui de la nature et qui dédaigne tous les ornements étrangers. Souvenez-vous que celle-là fera du bien aux comédiens, quand ils auront des acteurs et des actrices ; je vous en donne ma parole d’honneur .

Je suis dans le secret de La Harpe ; mais je ne lui dis pas mon secret. J’ai quelque honte de faire une tragédie à mon âge et de devenir l’émule de mon disciple. Cependant il faudra bien qu’à la fin je me confie à lui, comme il se confie à moi. Je lui rends toutes les sévérités dont vous m’accablez, je ne lui passe rien, et j’espère qu’à Pâques il vous donnera une tragédie très bonne. Vous voyez que je ne suis pas inutile au tripot, quoique je m’occupe quelquefois de choses plus sérieuses.

Avez-vous vu la pièce de M. de Chabanon 2 ? Je voudrais que tout le monde fît des tragédies, comme le père Lemoine voulait que tout le monde dît la messe.

Mon Dieu, que nous allons parler de vous avec votre ambassadrice !

Toute ma petite famille est à vos pieds.

Je vous envoie la lettre de M. Jeannel, que je reçois dans le moment . M. le duc de Praslin verra que la personne entre les mains de laquelle le paquet est tombé ne le rendra point, et qu’il fait cas de l’ouvrage. Il est ridicule d’ailleurs, que ce petit livre ne soit pas plus connu ; il ne peut faire que du bien.

Je fais mes compliments à Lejeune ; mais comme il orthographie très mal mon nom, je le prie de ne l’écrire jamais, ni de le prononcer, et surtout quand il écrira à Mme sa femme. Il faut être discret sur les affaires de famille, sans quoi il me serait absolument impossible de lui rendre service. »

1Cette « honnête femme », épouse du libraire parisien Lejeune est en réalité venue en Suisse pour organiser une opération de contrebande de livres prohibés ; elle se fait passer à cet effet pour la femme d'un domestique des d'Argental qui lui accordaient cette couverture . Voir lettre du 23 décembre 1766 à d'Argental : « Cette femme que vous m'avez recommandée fait un petit commerce de livres avec les libraires de Paris .[...] Les commis ont visité ses malles, ils y ont trouvé des imprimés, ils ont saisi les malles, la voiture, les chevaux .  […] Elle a pris la fuite […]. On ne sait où elle est [...]», et lettre du 27 décembre 1766 à d'Argental : « Elle m'a dit qu'elle est la sœur de ce célèbre capitaine Thurot qui est mort si glorieusement au service du roi . Quelle destinée pour la sœur d'un si brave homme ! ».

Voir la remarquable chronique de cet événement : « Voltaire contrebandier » : http://www.leschroniquesdemichelb.com/2010/10/voltaire-contrebandier-1ere-partie.html

et : http://www.leschroniquesdemichelb.com/2010/10/voltaire-contrebandier-2eme-partie.html

et : http://www.leschroniquesdemichelb.com/2010/10/voltaire-contrebandier-3eme-partie_07.html

et : http://www.leschroniquesdemichelb.com/2010/10/voltaire-contrebandier-4eme-partie.html