04/09/2019
Vous avez trouvé le véritable secret qui est l'abstinence, mais c’est un secret dont vous n'usez pas avec la jeune dame que vous nous avez enlevée
... Un bon conseil n'est jamais de trop !
Coeur à coeur, corps à corps, pas dos à dos !
« A Claude-Ignace Pajot de Vaux, Conseiller maître
en la chambre des comptes de Dôle, Chevalier
de Saint-louis
à Lons-le-Saunier
Franche-Comté
16è juillet 1764 à Ferney
Monsieur,
Ma mauvaise santé m'a empêché de vous dire plus tôt combien je suis sensible à votre souvenir . Je ne le suis pas moins à votre bonheur et à celui que Mme de Vaux partage avec vous 1. Il me manque d'en être témoin ; je crois surtout qu'il sera durable . Vous savez combien Mme Denis s'y intéresse, et combien nous maudissons les montagnes qui nous séparent de vous .
Nous sommes très affligés de la maladie de monsieur votre frère . Nous nous flattons qu'elle n’aura pas de suite, et qu'il en est quitte à présent . Vous nous avez fait voir qu'on sait se guérir dans votre famille sans le secours des Tronchin . Vous avez trouvé le véritable secret qui est l'abstinence, mais c’est un secret dont vous n'usez pas avec la jeune dame que vous nous avez enlevée . Je lui présente mes respects, ainsi qu'à monsieur votre frère . J'ai l'honneur d'être avec les mêmes sentiments,
monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire . »
1 Mme de Vaux est née Marie-Jeanne Dupuits ; voir lettres à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/03/22/je-ne-croyais-pas-qu-il-l-eut-si-grosse-6138048.html
09:45 | Lien permanent | Commentaires (0)
il faut espérer que tout le monde arrangera ses affaires, puisque le roi de France arrange les siennes
... Encore faut-il que le "roi de France" soit exemplaire !
« A monsieur le professeur Pierre Pictet
Sur Saint-Jean près des Délices
16è juillet 1764 à Ferney
Je vous suis bien obligé, mon très cher voisin, des bonnes nouvelles que vous voulez bien me donner de Stutgard . Celles des receveurs ne sont pas si bonnes, mais il faut espérer que tout le monde arrangera ses affaires, puisque le roi de France arrange les siennes . Mille tendres respects, je vous en prie, à Mme Constant et à Mme Pictet quand vous lui écrirez . Tout Ferney vous embrasse de tout son cœur . »
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03/09/2019
il y a tant de fous dans le parti contraire qu’il faut bien qu’il y en ait chez nous
...Tous partis confondus doivent en être conscients à moins qu'ils aient assez de fous pour le nier mordicus .
Ci-dessous lettre dont j'ai fait une première mise en ligne le 16/7/2009 avec mise à jour des notes aujourd'hui
« A Jean Le Rond d’Alembert
Mon grand philosophe, et pour dire encore plus, mon aimable philosophe, vous ne pouvez me dire Simon dors-tu ? [le 9 juillet d’Alembert écrit : « je dirais …comme défunt le Christ à défunt Simon Pierre : Simon, dormis ? Il y a un siècle que je n’ai entendu parler de vous . »] ni Tu dors Brutus [référence à La Mort de César]; car assurément je ne me suis pas endormi, demandez plutôt à l’Inf…
Comment avez-vous pu imaginer que je fusse fâché que vous soyez de mon avis ?[d’Alembert a écrit : « Votre long silence m’a fait craindre un moment que vous ne fussiez mécontent de la liberté avec laquelle je vous ai dit mon avis sur le Corneille ,… vous auriez du multiplier les croquignoles et les références. »] Non, sans doute je n’ai pas été assez sévère sur les vaines déclamations, sur les raisonnements d’amour, sur le ton bourgeois qui avilit le ton sublime, sur la froideur des intrigues ; mais j’étais si ennuyé de tout cela que je n’ai songé qu’à m’en débarrasser au plus vite.
Il se pourrait très bien faire que saint Crépin [sans doute l’Électeur palatin, duc des Deux-Ponts ; d’Alembert avait écrit : « …quand le roi de Prusse me demanda si, retournant en France, je m’arrêterais dans toutes ces petites cours borgnes (celles de « tous ces petits principaux d’Allemagne), je lui répondis que non, parce que « quand on vient voir Dieu, on ne se soucie guère de voir St Crespin ». Le mot est assez caractéristique du prestige qu'exerce alors encore la force victorieuse sur les intellectuels du temps alors même que Frédéric II vient d’humilier la France tout au long de la Guerre de Sept Ans .] prît à ses gages maître Aliboron ; il m’a su mauvais gré de ce que j’avais une fluxion sur les yeux qui m’empêchait d’aller chez lui. L’impératrice de Russie est plus honnête ; elle vous écrit des lettres charmantes, quoique vous ne soyez point allé la voir. C’est bien dommage qu’on ne puisse imprimer sa lettre, elle servirait à votre pays de modèle et de reproche.
Je souhaite de tout mon cœur qu’il reste des jésuites en France [d’Alembert avait écrit : « Voilà déjà des parlements qui concluent à garder les jésuites ; j’ai bien peur que ce ne sois enterrer le feu sous la cendre. » La compagnie de Jésus sera dissoute en novembre 1764 par édit du roi.]; tant qu’il y en aura, les jansénistes et eux s’égorgeront : les moutons, comme vous savez, respirent un peu quand les loups et les renards se déchirent. Le testament de Meslier devrait être dans la poche de tous les honnêtes gens. Un bon prêtre, plein de candeur, qui demande pardon à Dieu de s’être trompé, doit éclairer ceux qui se trompent.
J’ai ouï parler de ce petit abominable Dictionnaire [un exemplaire du Dictionnaire philosophique demandé par d’Alembert : « On m'a parlé […] d'un dictionnaire où beaucoup d'honnêtes fripons ont rudement sur les oreilles . […] Si vous en connaissez l'auteur, vous devriez bien lui dire de m'en faire tenir un par quelque voie sûre . Il peut être persuadé que j'en ferai bon usage. »]; c’est un ouvrage de Satan. Il est tout fait pour vous, quoique vous n’en ayez que faire. Soyez sûr que, si je peux le déterrer, vous en aurez votre provision. Heureusement, je n’ai nulle part à ce vilain ouvrage, j’en serais bien fâché ; je suis l’innocence même, et vous me rendrez bien justice dans l’occasion. Il faut que les frères s’aident les uns les autres. Votre petit écervelé de Jean-Jacques n’a fait qu’une bonne chose en sa vie, c’est son Vicaire savoyard, et ce vicaire l’a rendu malheureux pour le reste de ses jours. Le pauvre diable est pétri d’orgueil, d’envie, d’inconséquences, de contradictions et de misère. Il imprime que je suis le plus violent et le plus adroit de ses persécuteurs [référence à lettre de Rousseau à Duchesne du 28 mai et publiée « Lettre de M. Rousseau de Genève à M. X*** à Paris (1764) ; V* demandera si c’est à Duclos que cette lettre a été adressée]; il faudrait que je fusse aussi méchant qu’il est fou pour le persécuter. Il me prend donc pour maitre Omer ! Il s’imagine que je me suis vengé parce qu’il m’a offensé. Vous savez comme il m’écrivit, dans un de ses accès de folie, que je corrompais les mœurs de sa chère république, en donnant quelquefois des spectacles à Ferney qui est en France [17 juin 1760 : « vous avez perdu Genève pour le prix de l’asile que vous y avez reçu. » A cette époque le théâtre se donne encore à Tournay. Le 29 septembre, il écrit à Mme de Fontaine : « Le théâtre de Tournay sera désormais à Ferney. J’y vais construire une salle de spectacle… »]. Sa chère république donna depuis un décret de prise de corps contre sa personne ; mais comme je n’ai pas l’honneur d’être procureur général de la parvulissime [= la plus petite, sous entendu république, terme plus correct que le petitissime employé dans la lettre du 16 décembre 1762 à d'Argental], il me semble qu’il ne devrait pas s’en prendre à moi. J’ai peur, physiquement parlant, pour sa cervelle ; cela n’est pas trop à l’honneur de la philosophie ; mais il y a tant de fous dans le parti contraire qu’il faut bien qu’il y en ait chez nous. Voici une folie plus atroce. J’ai reçu une lettre anonyme de Toulouse, dans laquelle on soutient que tous les Calas étaient coupables, et qu’on ne peut se reprocher que de n’avoir pas roué la famille entière. Je crois que s’ils me tenaient, ils pourraient bien me faire payer pour les Calas. J’ai eu bon nez de toute façon de choisir mon camp sur la frontière ; mais il est triste d’être éloigné de vous, je le sens tous les jours ; Mme Denis partage mes regrets. Si vous êtes amoureux, restez à Paris ; si vous ne l’êtes pas, ayez le courage de venir nous voir, ce serait une action digne de vous.
Mme Denis et moi vous embrassons le plus tendrement du monde.
Voltaire
16 de juillet 1764. »
21:04 | Lien permanent | Commentaires (0)
Il est irrité contre moi parce que je ne fais pas l'impossible
... dit Agnès Buzin à propos du Dr Pelloux, urgentiste qui est outré de voir le peu de moyens mis réellement en oeuvre sur le terrain, l'écart entre le discours et les faits .
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/09/02/agnes-b...
De même dit le royal marine Disney à propos du maire de Chamonix : https://www.20minutes.fr/insolite/2595191-20190903-britan...
Je fais des voeux pour que Voltaire ne soit pas irrité par mes faibles écrits !
« A Théodore Tronchin
à Genève
[vers le 15 juillet 1764] 1
Mon cher Esculape, j'ai recours à votre amitié . Voilà M. le duc de Lorges arrivé 2, et je devrais lui aller rendre mes devoirs . J'aurais dû me présenter aussi devant Mmes de Jaucourt et de Gourgues 3, mais vous savez mon cher Esculape à quel régime je suis assujetti . Je prends depuis dix 4 ans de votre marmelade quatre fois par semaine . Elle m'a conservé la vie . Mais c’est à des conditions bien gênantes et bien dures . Je ne peux sortir et ma faiblesse qui augmente tous les jours me rend incapable des devoirs comme des plaisirs . J'oppose quelquefois un peu de gaieté au triste état dans lequel je languis, mais je n'en souffre pas moins . On a persuadé à Mgr l’Électeur palatin que je jouissais d'une bonne santé et il croit que je fais le malade pour ne pas aller chez lui . Il est irrité contre moi parce que je ne fais pas l'impossible . Je vous conjure mon cher ami de me rendre justice et de vouloir bien m' excuser auprès de M. le duc de Lorges et auprès des personnes à qui je m'interdis le bonheur de faire ma cour . Comptez que soixante et onze ans avec une santé très faible exigent la retraite . Je compte sur votre bonté que je vous supplie de me continuer.
V. »
1 L'édition Tronchin B. est quelque peu incomplète ; la date est donné ici en fonction de l'arrivée du duc de Lorges .
2 Louis de Durfort-Duras, duc de Lorges est arrivé à Genève le 9 juillet, ou peu auparavant .
3 Olive-Claire de Lamoignon, femme du président Armand-Guillaume-François de Gourgues, marquis de Vayre .
4 Mot ajouté au dessus de la ligne .
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02/09/2019
Est-il vrai que monsieur le contrôleur-général rembourse quatre millions ... il faut s’instruire un peu des affaires publiques
... On peut rêver !
Est-ce que le monde est sérieux ? ... https://www.youtube.com/watch?v=IQ8OmLVn-f8
« A Etienne-Noël Damilaville
13è juillet 1764 1
Mon cher frère, quoique je sois absorbé dans des in-folio dont le nom seul fait trembler, je n’oublie pourtant pas Corneille. Il y a un jeune auteur qui a fait la Jeune Indienne ; il s’appelle, je crois, M. de Chamfort. Il y a un M. du Clairon, auteur de Cromwell. Il me semble que quiconque travaille pour le théâtre a droit à un Corneille : il faut que les disciples aient notre maître devant les yeux. Je vous supplie donc de vouloir bien avertir Duchesne , demeurant au temple du dégoût, d’envoyer prendre chez vous deux exemplaires pour ces deux messieurs . Vous ferez, je crois, une très bonne œuvre.
Est-il vrai que monsieur le contrôleur-général rembourse quatre millions d’effets royaux ? Cela n’a guère de rapport à Corneille ; mais il faut s’instruire un peu des affaires publiques. Je ne sais rien de nouveau ; je moissonne mes champs, et quelques vérités éparses dans de mauvais livres . Ce sont de vieux arsenaux dans lesquels je trouve des armes rouillées, qui ne laisseront pas d’être aiguisées, et dont je tâcherai de me servir avec toute la discrétion possible. Je gémis toujours de n’être pas aidé par aucun de nos frères ; cela fait saigner le cœur. Vous seul me consolez et m’encouragez.
Ecr. l’inf. »
1 L'édition de Kehl y mêle une autre lettre ; voir note de la lettre du 9 juillet 1764 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/08/29/en-rassemblant-certains-points-de-l-histoire-on-peut-demeler-les-veritables.html
08:58 | Lien permanent | Commentaires (0)
01/09/2019
J'ai recours à votre probité et à vos lumières
... aimerait dire le Parlement britannique à Boris Johnson qui est, à la vérité, très démunis de ces deux qualités . Honni soit qui mal y pense , God save the queen !
« A François-Louis Jeanmaire
Au château de Ferney en Bourgogne
par Genève 12 juillet [1764]
Je vous prie très instamment monsieur de vouloir bien me mander où en sont les affaires de Mgr le duc de Virtemberg dans la partie que vous régissez 1. Vous savez que j'ai une rente de 28 124 livres de France établie sur Horbourg et Riquewihr, mais monseigneur le duc ayant emprunté depuis peu sur ces terres il est à craindre que ces nouveaux créanciers ne soient préférés et qu'ils ne vous aient fait signifier leur contrat . C'est sur quoi je vous supplie de me donner vos instructions . J'ai recours à votre probité et à vos lumières étant parfaitement
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
gentilhomme ordinaire de la chambre
du roi »
20:15 | Lien permanent | Commentaires (0)
pour prévenir tout abus, lui faire signifier défense de payer à d’autres qu’à moi
... dit chaque retraité futur au gouvernement, chacun prêchant pour sa pomme .
https://actu.orange.fr/politique/reforme-des-retraites-de...
Le manque de confiance des Français n'est pas une découverte récente, ce cher Georges Brassens l'a déjà décrit , ô tristes sires qui par ailleurs gobent tout ce que leur disent Tweeter et Facebook and Co :
https://www.youtube.com/watch?v=2983kJvYG4E
« A Sébastien Dupont, Avocat
au Conseil souverain d'Alsace
à Colmar
A Ferney par Genève , 12 juillet [1764] 1
On a recours à ses amis dans l’occasion. Je commence, mon cher philosophe, à recouvrer la vue. Ma fluxion sur les yeux est tombée sur la gorge, et la première chose que j’aie lue de mes yeux dans les nouvelles publiques, c’est que M. le duc de Virtemberg a quitté ses États, que ses affaires sont dérangées, tous les paiements arrêtés. La seconde, c’est que le duc a emprunté beaucoup d’argent sur la terre de Horbourg et de Riquewihr, qui fournissaient jusqu’à présent au paiement d’une rente de 28 000 mille livres que j’ai sur lui, rente qui compose la meilleure partie de mon bien.
Je n’ai d’autres titres qu’une promesse de passer contrat, signée de la main du duc. Je crois même que je vous laissai en partant de Colmar un double de cette promesse. Si vous avez ce double, je vous prie de le faire homologuer 2 au conseil souverain d’Alsace, et de la faire signifier au receveur de Horbourg et de Riquewihr.
Ne pouvez-vous pas même, pour prévenir tout abus, lui faire signifier défense de payer à d’autres qu’à moi, en attendant la signification de la promesse du duc valant contrat ? C’est ce que j’ignore, et ce que je ne propose qu’en cas que votre jurisprudence le permette.
Si vous n’avez pas ce double, mandez-moi, je vous prie, si je dois vous envoyer l’original, ou si je peux 3 me contenter d’envoyer une copie légalisée.
Il est probable, mon cher ami, qu’on est instruit à Colmar de tout ce qui regarde cette affaire. Ayez la bonté de me dire ce que vous en savez, et aimez votre vieil ami
V. »
1 Contreseing « Isac Souchay » ; mentions « de Genève f[ran]co Colmar » et « Franco ».
2 Faire confirmer par des juges et enregistrer au greffe (Furetière).
3 V* a d'abord répété dois .
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