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16/06/2020

régime vaut mieux qu’emplâtre

... Tant pour le corps de votre serviteur, que pour toutes les activités économiques du pays . La planche à billets va chauffer, on va voir de beaux cataplasmes de toutes monnaies . Reste à savoir si le malade s'en trouvera bien .Gallica BnF - Ça vous chatouille ou ça vous gratouille ?... | Facebook

Ça vous chatouille ou ça vous grattouille ?

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

20è mars 1765 1

Mon cher frère, je vous donne avis que je vous envoie par cette poste le mémoire des Sirven, accompagné d'une petite lettre . Je ne vous répéterai point dans celle-ci que vous êtes une âme divine ; cela s'en va sans dire .

Permettez que je glisse ici un petit mot pour l'ami Mariette .

M. Tronchin ne m'a point fait encore réponse sur votre consultation . J'imagine qu'il pense qu'il est fort égal qu'un emplâtre soit grand ou petit . Mais régime vaut mieux qu’emplâtre . Ménagez, je vous en conjure, une santé précieuse à ceux qui aiment la vertu, et qui détestent le fanatisme .

Quand vous verrez l'enchanteur Merlin faites-lui mes remerciements . Je viens de recevoir les Contes moraux de frère Marmontel 2. J'attends pour les lire que j'aie répondu à deux cents lettres, et que mon cœur soit un peu dégonflé de la joie inexprimable que m'ont donnée quarante maîtres des requêtes . »

1 L'édition de Kehl donne le seul dernier paragraphe joint avec la fin de la lettre du 23 mars 1765 ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/09/correspondance-annee-1765-partie-10.html

2 Sans doute la seconde édition contenant cinq nouveaux contes , au tome I Le Sylphe, au tome II Laurette, au tome III La Femme comme il y en a peu, L’Amitié à l'épreuve et Le Misanthrope corrigé .Voir : https://journals.openedition.org/feeries/413

et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1051592t/f29.image.texteImage

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Fran%C3%A7ois_Marmontel

15/06/2020

les maires heureusement réussissent mieux que les capitouls

...

 

« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville

[A Ferney] 20è mars 1765 1

Vous étiez donc à Paris, mon cher ami, quand le dernier acte de la tragédie des Calas a fini si heureusement ; la pièce est dans les règles ; c’est, à mon gré, le plus beau cinquième acte qui soit au théâtre. Toutes les pièces sont actuellement à l’honneur de la France : les maires 2 heureusement réussissent mieux que les capitouls. Le rôle d’Elie de Beaumont est bien beau.

On va donner pour petite pièce 3 la Destruction des jésuites. Je ne sais si M. d’Alembert en est l’auteur, et certainement, s’il ne veut pas l’être, il ne faut pas qu’il le soit. Mais il est venu chez nous, ce brave M. d’Alembert, et tous ceux qui ont eu le plaisir de l’entendre disent : le voilà, c’est lui ; cela est écrit comme il parle ; pour moi, je veux bien croire que ce n’est pas lui ; mais je voudrais bien savoir quel homme a pris son style, sa philosophie, sa gaieté, et qui partage avec lui l’héritage de Blaise Pascal, au jansénisme près.

Il me paraît, à l’analyse que vous me faites 4, que vous avez le nez fin . Je gagerais que vous avez raison dans tout ce que vous me dites. On dit que le temps est le seul bon juge ; mais le temps ne décide que d’après des gens comme vous.

Je sais bon gré au président Hénault de n’avoir point parlé de la minutie concernant les bourgeois de Calais. Il est bien clair qu’Édouard III n’avait nulle envie de les faire pendre, puisqu’il leur donna à tous de belles médailles d’or. Au reste, je suis très aise pour la France, et pour l’auteur, qui est mon ami, que le Siège de Calais ait un si grand succès ; et je souhaite que la pièce soit jouée aussi longtemps que le siège a duré.

Jean-Jacques Rousseau mérite un peu, à ce qu’on dit ici, l’aventure dont Édouard III semblait menacer les six bourgeois de Calais ; mais il ne mérite point les médailles d’or. Le prétendu philosophe ne joue que le rôle d’un brouillon et d’un délateur. Il a cru être Diogène, et à peine a-t-il l’honneur de ressembler à son chien. Il est en horreur ici.

On dit que messieurs du canton de Scheiwtz ont fait d’énormes insolences contre le roi 5.

Ces petits cantons-là sont un peu du quatorzième siècle. Je ne vous dis, mon cher ami, que des nouvelles de Suisse ; vous m’en donnez du séjour des agréments ; on ne peut donner que ce qu’on a. Ma petite chaumière de Ferney est tranquille au milieu de tous ces orages. Je bâtis sur le bord du tombeau, mais je jouis au moins du plaisir de faire pour madame Denis un château qui vaut mieux que les petits-cantons . Elle vous fait mille compliments. Buvez à ma santé, je vous en prie, avec Cicéron de Beaumont et Roscius Garick. Adieu ; ma tendre amitié ne finira qu’avec ma vie.

V. »

1 Le lieu d'envoi a été ajouté par Cideville sur le manuscrit .

2 Le maire de Calais, Eustache de Saint-Pierre, joue un rôle important dans Le Siège de Calais, tragédie de Du Belloy . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Eustache_de_Saint_Pierre

et https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k310182n

3 C'est-à-dire comme lever de rideau .

4 Dans une lettre du 13 mars 1765, Cideville analyse longuement la pièce de Du Belloy .

5 Le traité signé entre le canton de Schwyz et la France devant être renouvelé, les « Doux » étaient d'accord pour le renouvellement, les « Durs » s'y opposaient . Ces derniers l'emportèrent, la France prit des mesures de représailles, et le canton fut agité pendant plusieurs mois .Voir : https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/017204/2009-10-14/

14/06/2020

Ma foi les Français valent mieux que tous ces gens-là

... En toute modestie et réalisme [sic]. J'y ai bien réfléchi, la preuve :

https://mobile.agoravox.fr/local/cache-gd2/d9f4c8d01c08d2e40fb44718f3ce65fd.png

 

 

« A François de Chennevières, Premier

commis des bureaux de la guerre etc.

à Versailles

20è mars 1765 à Ferney

Vous avez assisté à deux belles pièces, mon cher confrère . Les Calas et la pièce de mon ami M. du Belloy réussissent également , et le tout à l'honneur de la France . Les pièces de Jean-Jacques Rousseau n'ont pas le même succès . Ce misérable a voulu mettre le trouble dans sa patrie , mais il n'en viendra pas à bout . Voilà un plaisant philosophe, il ne joue à présent que le rôle d'un brouillon et d'un délateur ; il est démasqué et abhorré .

Ma foi les Français valent mieux que tous ces gens-là . Vous avez à présent de la tranquillité, de l'argent et du plaisir, jouissez, messieurs . Tout vieux, tout malade que je suis, tout menacé d'être quinze-vingt, je sens vivement le mérite de ma patrie . La justification des Calas m'a fait verser des larmes de joie . Vive Élie de Beaumont ! Il a le feu du char de son bon patron 1. Si vous le revoyez, embrassez-le pour moi des deux côtés, et j'ose encore dire qu'il faut en faire autant à sa digne et charmante femme . Employez la même cérémonie avec la sœur du pot, de la part de Mme Denis et de la mienne .

V. »

1 Second livre des Rois, II, 11-12 : https://www.aelf.org/bible/2R/2

13/06/2020

Ce grand exemple rognera pour longtemps les griffes affreuses du fanatisme et fera taire sa voix infernale

... Longtemps , oui, mais comme on le sait les griffes repoussent .

Ce qu'a fait Voltaire est autrement plus important et difficile que ces guignoleries de déboulonnages de statues "symboles qui nous insultent" par des militants anti-racisme . 

Insultés par une statue ! Demandez aux pigeons ce qu'ils en pensent . Je n'oublie pas comment l'ennemi a transformé il n'y a pas si longtemps (Guerre de 39-45) nos statues de bronze en balles et obus contre nous, ce qui est, à mon humble avis, bien plus redoutable que  le  perchoir à moineaux originel . 

https://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/histoire/n...

Soit ! à bas les colonialistes et leurs représentations ! combien de bibliothèques à épurer, combien d'autodafés à prévoir ? Et pourquoi s'en prendre uniquement aux symboles français ? Ne vont-ils jamais à l'étranger où, je suis sûr, on peut trouver des symboles insultants à mettre à bas ? Il me semble que les "insultés" ne sont que des gugusses en mal de reconnaissance, de publicité, et de reconnaissance sur le net essentiellement .

File:Banania boîte métallique.jpg

Sur ce, je vais me préparer un Banania, avec le sourire du zouave tirailleur sénégalais que je fréquente en toute amitié et estime depuis bien longtemps .

 

 

 

« A Ami Camp

Ferney, 20 Mars 1765 1.

Il viendra dans quelque temps un jeune homme nommé M. de La Harpe, à qui je vous supplierai de vouloir bien donner pour moi quatre louis d’or pour l’aider à faire son voyage de Lyon à Genève. Je vous serai très obligé.

Je vous avoue que je n’ai de ma vie goûté une joie plus pure qu’en embrassant le petit Calas 2, qui est à Genève, lorsque nous reçûmes en même temps la nouvelle de la plus ample justice qu’on ait encore faite en France à l’innocence opprimée. Ce grand exemple rognera pour longtemps les griffes affreuses du fanatisme et fera taire sa voix infernale.

Je viens de consommer la rétrocession des Délices, et je mets l’argent qui en revient à bâtir deux ailes au château de Ferney et à faire quelques embellissements. Vous m’avouerez qu’à mon âge il est plus convenable d’augmenter et d’orner Ferney, que j’ai donné à ma nièce, que de dépenser cet argent aux Délices, qui ne lui appartiendront pas. »

1 L'édition Gaullieur la donne en trois lettres plus ou moins mal datées et adressées ; l'édition Cayrol donne Jean-Robert Tronchin , de Lyon, comme destinataire .

2 Donat Calas .

12/06/2020

Ils ne savent pas qu’il faut séparer toute espèce de religion de toute espèce de gouvernement ; que la religion ne doit pas plus être une affaire d’État que la manière de faire la cuisine

... Nom de dieu, c'est foutrement vrai !

 

 

« A Élie Bertrand, Premier pasteur de

l’Église française, membre de plusieurs

académies etc.

à Berne

A Ferney 19è mars 1765

Mon cher philosophe, vous n’êtes point de ces philosophes insensibles qui cherchent froidement des vérités ; votre philosophie est tendre et compatissante. On a été très bien informé à Berne du jugement souverain en faveur des Calas ; mais j’ai reconnu à certains traits votre amitié pour moi. Vous avez trouvé le secret d’augmenter la joie pure que cet heureux événement m’a fait ressentir. Je ne sais point encore si le roi a accordé une pension à la veuve et aux enfants, et s’ils exigeront des dépens, dommages et intérêts de  ce scélérat de David qui se meurt. Le public sera bientôt instruit sur ces articles comme sur le reste. Voilà un événement qui semblerait devoir faire espérer une tolérance universelle ; cependant on ne l’obtiendra pas sitôt ; les hommes ne sont pas encore assez sages. Ils ne savent pas qu’il faut séparer toute espèce de religion de toute espèce de gouvernement ; que la religion ne doit pas plus être une affaire d’État que la manière de faire la cuisine 1 ; qu’il doit être permis de prier Dieu à sa mode, comme de manger suivant son goût ; et que, pourvu qu’on soit soumis aux lois, l’estomac et la conscience doivent avoir une liberté entière. Cela viendra un jour, mais je mourrai avec la douleur de n’avoir pas vu cet heureux temps.

Je vous embrasse avec la plus vive tendresse.

Vre. »

1 Allusion au thème de la « cusine » développé dans le « Catéchisme du Japonais », article paru dasn l'édition Varberg, 1764, du Dictionnaire philosophique . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-dictionnaire-philosophique-c-comme-catechisme-du-japonais-112595632.html

11/06/2020

en faveur du prétendu médecin des âmes de qui l'âme n'est qu’une vieille malade

...

 

CONSULTATIONS | Le club des médecins blogueurs

Ce n'est plus de la fiction  pour bien des addicts du petit écran .

 

 

« A Charles Michel, marquis du Plessis-Villette

[vers le 18 mai 1765] 1

Les bontés de monsieur de Villette le séduisent trop en faveur du prétendu médecin des âmes de qui l'âme n'est qu’une vieille malade, mais qui trouve dans celle de monsieur de Villette une santé fleurie . Il prend la liberté de se mettre aux pieds de Mme la comtesse d'Azi et de la remercier de ses générosités pour les Calas . Le neveu pense aussi noblement que la tante , elle est suppliée d’agréer le profond respect de V. »

1 D'après une copie du XIXè siècle ; le copiste travaillant sur l'original note que celui-ci est de la main de Wagnière , sauf la dernière phrase à partir de elle est suppliée … qui est de celle de V*.

10/06/2020

Il y a longtemps que que n'ai goûté une joie si pure

... Je ne pourrai le dire que lorsque je vous reverrai chère Mam'zelle Wagnière .

DSCF7422.JPG

 

 

« A Théodore Tronchin

[vers le 18 mars 1765]

Mon cher Esculape, voici une lettre de mon philosophe Damilaville . Si vous avez la bonté et le temps de faire un petit mot de réponse, je vous supplierai de me l'adresser . Félicitons-nous tous deux de vivre dans un siècle où il se trouve cinquante maîtres des requêtes qui députent au roi pour le supplier d'abolir à jamais la fête dans laquelle la ville de Toulouse remercie Dieu d'avoir égorgé autrefois trois ou quatre mille de leurs frères . Il y a longtemps que que n'ai goûté une joie si pure . »