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26/08/2019

Cet acte m'est absolument nécessaire pour établir des confins qu'on dispute

... Le G7-G8 au Pays Basque établira-t-il un acte pour que les grands systèmes écologiques soient un bien commun mondial que des états ne doivent pas détériorer ni détruire pour des raisons bassement pécuniaires ?

 

 

« A François Tronchin

Conseiller d’État

rue des Chaudronniers

à Genève

4è juillet [1764]

Je suis bien honteux, mon cher ami, de vous importuner pour une bagatelle aussi légère que celle des bois de Ferney . Voici la lettre de M. le ministre Sarasin 1, vous y verrez l'article qu'il a copié sur le livre du cadastre et que je vous ai envoyé ; cet article du cadastre est sous le nom de Desprost, et monsieur le commissaire général l'y trouvera sûrement . Je vous demande encore en grâce de m'en faire avoir une copie vidimée et légalisée, qui puisse faire foi en justice à Gex . Cet acte m'est absolument nécessaire pour établir des confins qu'on dispute .

S'il y avait quelque autre enseignement dans le cadastre qui pût marquer les dimensions de quelques pièces confinant aux bois du seigneur de Ferney, la grâce que je vous demande serait complète ; mais la copie que je vous demande de l'article du bois Tavel sera toujours beaucoup pour maman et pour moi . Nous vous présentons l'un et l'autre nos tendres remerciements .

Quand vous aurez ordonné qu'on embellisse la terrasse de nos Délices j'y ferai un voyage uniquement pour avoir la plaisir de vous embrasser . »

1 Cette lettre de Jean Sarasin relative à des délimitations de bois est conservée ; voir lettre du 30 juin 1764 à François Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/08/19/il-n-y-a-point-de-bagatelle-en-amitie-6170753.html

25/08/2019

vous adoucissez vos souffrances par la lecture. C’est en effet une grande ressource ; mais ce n’en est une que pour les bons esprits, qui sont en très petit nombre

... Hélas !

 

« A Anne-Marie Cholier, baronne de Verna

3 juillet 1764, au château de Ferney 1

Madame,

La conformité de votre état au mien est une nouvelle raison qui devait m’engager à répondre plus tôt à la lettre dont vous m’avez honoré ; et c’est précisément ce qui m’en a empêché. Une fluxion sur les yeux, qui se joint à tous mes maux, m’ôte la liberté d’écrire ; mais votre lettre est bien capable de me faire penser. Je vois que vous adoucissez vos souffrances par la lecture. C’est en effet une grande ressource ; mais ce n’en est une que pour les bons esprits, qui sont en très petit nombre. Bien peu de dames cherchent à s’instruire ; c’est un grand avantage que vous avez sur elles. Mes ouvrages ne sont pas dignes assurément de l’honneur que vous leur faites ; mais vous y suppléez en pensant de vous-même les choses que je n’ai pas dites. Je ne fais que mettre sur la voie ; je présente des esquisses, et vous achevez dans votre esprit ce que je n’ai fait qu’ébaucher.

Il y a des vérités qu’on ose à peine faire entrevoir au public, mais que des personnes comme vous saisissent tout d’un coup, et qu’elles développent. Je souhaite, madame, que ces vérités, qui ne sont faites que pour les philosophes, vous soient de quelque consolation. La philosophie est le plus grand des remèdes, c’est la santé de l’âme ; et il paraît que si votre corps souffre, votre âme se porte très bien. Vous ne trouverez point, madame, que ma philosophie soit rebutante, elle est même quelquefois un peu trop gaie. Dans ce dernier cas, j’ai besoin de votre indulgence.

Vous me faites bien regretter, madame, d’avoir si peu profité du temps que vous êtes venue passer à Genève. Vous aviez malheureusement alors plus besoin de M. Tronchin que de moi. Si jamais vous croyez en avoir besoin encore, daignez, madame, ne prendre d’autre maison que la mienne. J’ai l’honneur d’être, avec bien du respect, etc. »

1 L'original signé est passé à la vente du baron Dauphin de Verna à Lyon le 4 novembre 1895 . La destinataire , à Grenoble, est la femme de François Dauphin, baron de Verna . Voir : https://gw.geneanet.org/ellorer?lang=en&pz=marine&nz=rerolle&p=anne+marie&n=de+cholier+de+cibeins

et : https://gw.geneanet.org/ellorer?lang=en&pz=marine&nz=rerolle&p=francois&n=dauphin+de+verna

24/08/2019

j’ai trouvé que la liberté valait encore mieux que la santé

...

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

1er juillet 1764 à Ferney

Je passe ma vie à me tromper, madame ; mais aussi il y a des moments où vous n’avez pas raison en tout. Vous me dites que je ne veux pas voir Mme de Jaucourt 1. Je serai assurément charmé si je peux l’attirer chez moi ; mais je suis à deux grandes lieues d’elle ; je ne sors point, et je ne peux sortir. Ma nièce est allée la voir, et madame de Jaucourt ne lui a point rendu sa visite. Tout cela s’arrangera comme on pourra, ainsi que toutes les bagatelles de ce monde. Un autre reproche que vous me faites, c’est que je me suis vanté d’être votre confrère, et que je ne le suis pas tout à fait 2. Voici mon état . J’ai des fluxions sur les yeux qui m’ont ôté l’usage de la vue des mois entiers ; elles se promènent quelquefois dans les oreilles, et alors je vois, mais je suis sourd ; elles tombent sur la gorge, et je deviens muet. Voilà un plaisant état pour courir après une jeune femme, à deux lieues de ma retraite ! Les Parisiennes vont chez Esculape Tronchin comme on va aux eaux de Forges  mais l’air des Alpes fait plus de mal que Tronchin ne fait de bien. Il faut un corps d’Hercule pour vivre ici ; mais j’y suis libre, et j’ai trouvé que la liberté valait encore mieux que la santé. M’y voilà établi, je m’y suis fait une famille, je ne me transplanterai point ; je mourrai, comme Abraham, dans le coin de terre que j’ai achetée, et ce sera ma seule ressemblance avec le père des croyants.

Vous avez vu, madame, par ma dernière lettre 3, que le caractère de Jean-Jacques est aussi inconséquent que ses ouvrages. J’espère que Mme la duchesse de Luxembourg me rendra la justice de croire que je ne hais point un homme qu’elle protège, et que je suis bien loin de persécuter un homme si à plaindre. Il n’a même été persécuté que pour des sentiments qui sont les miens, et je serais une âme bien noire et bien sotte de vouloir avilir une philosophie que j’aime, et de faire punir un homme accusé précisément des choses qu’on m’impute.

J’aime mieux vous parler de Corneille que de Rousseau ; j’avoue encore que j’aime mille fois mieux Racine. Faites-vous relire les pièces de ce dernier, si vous ne les savez pas par cœur ; et vous verrez si, après avoir entendu dix vers, vous n’aurez pas une forte passion de continuer. Dites-moi si au contraire le dégoût ne vous saisit pas à tout moment quand on vous lit Corneille ? Trouvez-vous chez lui des personnages qui soient dans la nature, excepté Rodrigue et Chimène, qui ne sont pas de lui ?

Cette Cornélie, tant vantée autrefois 4, n’est-elle pas, en cent endroits, une diseuse de galimatias, et une faiseuse de rodomontades ? Il y a des vers heureux dans Corneille, des vers pleins de force, tels que Rotrou en faisait avant lui, et même plus nerveux que ceux de Rotrou ; il y a du raisonner 5; mais en vérité il y a bien rarement de la pitié et de la terreur, qui sont l’âme de la vraie tragédie. Enfin quelle foule de mauvais vers, d’expressions ridicules et basses 6, de pensées alambiquées et retournées, comme vous dites, en trois ou quatre façons également mauvaises ! Corneille a des éclairs dans une nuit profonde ; et ces éclairs furent un beau jour pour une nation composée alors de petits-maîtres grossiers, et de pédants plus grossiers encore, qui voulaient sortir de la barbarie.

Je n’ai commencé ce fatras que pour marier mademoiselle Corneille ; c’est peut-être la seule occasion où les préjugés aient été bons à quelque chose. Je ne me passionne point pour Racine. Que m’importe sa personne ? Je n’ai vécu ni avec lui ni avec Corneille. Je ne vais point chercher de quelle mine sort un diamant que j’achète ; je regarde à son poids, à sa grosseur, à son brillant, à ses taches. Enfin je ne puis ni sentir qu’avec mon goût, ni juger qu’avec mon jugement. Racine m’enchante, et Corneille m’ennuie. Je vous avouerai même que je n’ai jamais lu ni ne lirai jamais une douzaine de ses pièces, que, grâce au ciel, je n’ai point commentées.

Ah ! madame, quand vous voudrez avoir du plaisir, faites-vous relire Racine par quelqu’un qui soit digne de le lire ; mais, pour le bien goûter, rappelez-vous vos belles années ; car Montaigne a dit :  crois-tu qu’un malade rechigné goûte beaucoup les chansons d’Anacréon et de Sapho (1)7 ?  Je vous ai trop parlé de vers . Une autre fois je vous parlerai philosophie. Mille tendres respects.

V. »

 

 

1 – « Pensez-vous que les vers de Catulle ou de Sapho rient à un vieillard avaricieux et rechigné ? » (Montaigne, livre II, chap. XII.)

 

 

1 Le 25 juin 1764 Mme Du Deffand écrit : « Vous êtes bien récalcitrant de refuser de voir Mme de Jaucourt, la petite-fille de Mme Harenc, la meilleure de mes amies, qui m'avait priée d'obtenir cette faveur […] Oh vous la verrez j'en suis sûre, vous ne voudriez pas que je vous eusse sollicité en vain ; elle a assez d'esprit pour être charmée par vous, et sûrement assez de vanité pour se faire un grand honneur de vous avoir vu . »

2 « A propos il y a ce qu'on dit dans votre dernière lettre deux lignes de votre main . Voilà donc comme vous êtes aveugle ; je suis ravie que vous ne soyez point mon confrère, et qu'aucune lumière ne vous soit refusée […] « 

4 Dans Le Jeune Pompée ou le Triumvirat.

5Sur cet infinitif employé comme nom, voir la lettre du 14 mars 1762 à Thibouville où le même mot raisonner est employé aussi à propos des tragédies de Corneille  :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/02/24/les-anges-ni-vous-ni-moi-ne-connaissaient-la-piece-il-y-a-qu-5914624.html

6 Les « expressions ridicules et basses » que V* relève dans les pièces de Corneille sont presque toujours des archaïsmes ; V* ne semble pas se rendre compte de l'évolution très sensible de la langue, et spécialement de la langue tragique, entre les années 1640-50 et les années 1670-80.

7 Rappel des Essais, II, 12 , cités très approximativement : « Pensez-vous que les vers de Catulle ou de Sapho rient à un vieillard avaritieux et rechigné comme à un jeune homme vigoreux et ardent ? » https://fr.wikisource.org/wiki/Essais/Livre_II/Chapitre_12

23/08/2019

Tirez à la courte paille

... Et trouvez enfin qui sera candidat à la mairie de Paris , et qu'on n'en parle plus .

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« A monsieur Gabriel

ou Philippe Cramer

ou madame Cramer

la mère, ou madame

Cramer Delon

[1764 ?]

Comment se porte toute la famille ? Il nous faut absolument un Cramer à dîner . Tirez à la courte paille . »

22/08/2019

Je ne connais point d'invention plus utile aux beaux-arts que la gravure, qui multiplie les copies des peintures et procure du plaisir aux Russes comme aux Indiens

...Résultat de recherche d'images pour "vernet gravure le bas"

On me signale qu'il existe un moyen moderne d'arriver à ce résultat : la photographie . Merci pour le renseignement .

 

« A Jacques-Philippe Le Bas 1

[vers 1764]2

Monsieur, j'ai reçu votre dernier chef-d’œuvre, et je n'ai pu me lasser d'y admirer cette multitude de figures et la beauté de l'ensemble . Si les tableaux de Vernet restent en France, vos estampes les font passer dans les quatre parties du monde . Je ne connais point d'invention plus utile aux beaux-arts que la gravure, qui multiplie les copies des peintures et procure du plaisir aux Russes comme aux Indiens .

J’ai dans ma retraite toujours entendu parler avec succès de votre gloire ; votre estampe me fait regretter de n'être à portée de voir le tableau . Agréez la reconnaissance de votre très humble serviteur, etc. »

2 Il semble à peu près certain que V* accuse réception d'une ou plusieurs des gravures de la série des Ports de France, d'après Vernet, dont l’essentiel fut publié entre 1760 et 1767 (http://www.kapandji-morhange.com/html/fiche.jsp?id=812034...   ) . La date proposée pour cette lettre est donc conjecturale et très approximative .

21/08/2019

il n'a qu'à parler

... pour que le monde soit pollué par une nouvelle trumperie ; la plus récente (je ne dis pas la dernière, ce qui serait trop optimiste ) ânerie de mister Trump Donald étant l'annulation de son voyage au Danemark qui ressemble plus à un caprice de môme qu'à une décision présidentielle : https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/vente-du-groenland-donald-trump-annule-son-voyage-au-danemark-vexe-par-le-manque-d-interet-de-la-premiere-ministre-danoise-pour-sa-proposition_3584577.html . Il n'y a pas que la glace qui fond au Groenland, la cervelle du président des States est encore en plus mauvais état depuis bien longtemps .

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"Je suis le maître du monde ..." , figure de proue de l'USS Titanic-Trump

 

 

« A Gabriel Cramer

[juin-juillet 1764 ?]

Quand monsieur Cramer voudra quelques tomes de Corneille il n'a qu'à parler .

Il est prié de vouloir bien aussi envoyer trois exemplaires complets des neuf volumes en feuilles chez Jacoby, on lui sera très obligé. »

ne voulant pas me brouiller avec le Saint-Office

... qui n'a de saint que le nom, fils aîné de la détestable Inquisition, père de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi qui sévit de nos jours, je reste sourd à  tout ce beau monde ensoutané : engagez-vous, rengagez-vous qu'ils disent !

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Plus fort qu'Astérix et Obélix réunis : Voltaire , ma potion magique .

 

 

« A Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais

[1764] 1

[Dit qu'il n'a pas répondu plus tôt à la lettre de Beaumarchais, à Bayonne, préférant attendre que son correspondant fût de retour à Versailles, de peur de lui créer des difficultés avec le Saint-Office.]

1 Beaumarchais, écrivant le 24 décembre 1764 de Madrid au duc de La Vallière, décrit la bibliothèque de l'Escurial , en disant : « Une des choses qui m'a le plus frappé dans ce très magnifique couvent, c'est la condamnation des livres de presque tous nos philosophes moderne qui est affichée publiquement auprès du chœur des moines . Les ouvrages proscrits y sont nommés ainsi que leurs auteurs, et par prédilection votre ami Voltaire, dont on ne condamne pas seulement les ouvrages qu'il a faits, mais encore ceux qu'il fera par la suite, ne pouvant sortir que du mal d'une plume aussi abominable . Je lui avais écrit de Bayonne pour lui envoyer la commission de M. le duc de Laval et la vôtre, monsieur le duc . Il est resté trois mois sans me répondre et m'a enfin écrit à mon adresse de Versailles, me comptant bien de retour, dit-il, et ne voulant pas me brouiller avec le Saint-Office en m'envoyant ici une lettre de lui ; mais elle m'y est parvenue sans accident . »Extrait de Beaumarchais et son temps, de Louis Léonard de Loménie ; voir page 502 et suiv. : https://books.google.fr/books?id=_TkBAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

C'est peut-être à la même lettre de V* que se réfère Beaumarchais dans une lettre à son père, non exactement datée (sans doute 1764-1765), où il lui dit : « J'ai reçu la lettre de M. de Voltaire ; il me complimente en riant sur mes trente-deux dents, ma philosophie gaillarde et mon âge . Sa lettre est très bonne, mais la mienne exigeait tellement cette réponse que je crois que je l'eusse faite moi-même . Il désire quelques détails sur le pays où je suis . » Extrait de Beaumarchais et son temps ; voir page 152 et suiv. : https://books.google.fr/books?id=_TkBAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

On ne sait que peu de choses de la correspondance entre Beaumarchais et V*, qui, curieusement , n'a laissé aucune trace matérielle .