03/08/2020
J’ai oublié tous mes maux, quand j’ai appris la libéralité du roi ; je me suis cru jeune et vigoureux
... Grand bien te fasse mon cher Voltaire, mais moi qui suis soumis à un président de la République , aucune illusion, je n'espère aucune libéralité et ne tiens ma jeunesse et vigueur qu'à mes propres moyens . Hasta luego !...
https://www.youtube.com/watch?v=kiRlJ4HuWGc&list=RDjt...
« A Etienne-Noël Damilaville
17è avril 1765 1
Je réponds à votre lettre du 10 . Si elle avait été du 11, vous auriez été dans un bel enthousiasme des trente-six mille livres accordées par le roi à notre famille Calas 2. Si le roi savait combien on le bénit dans les pays étrangers, il trouverait que jamais personne n’a mis son argent à un pareil intérêt. Jamais l’innocence n’a été mieux vengée ni plus honorée. Vous êtes assurément bien payé, mon cher frère, de toutes vos peines. Le généreux Élie doit être bien content . On regarde ici son mémoire comme un chef-d’œuvre . Il était impossible que les juges résistassent à la force de son éloquence. J’ai oublié tous mes maux, quand j’ai appris la libéralité du roi ; je me suis cru jeune et vigoureux, et j’imagine qu’à présent vous ne portez plus d’emplâtre au cou.
Ou je suis bien trompé, ou M. de Beaumont a dû voir l’arrêt du parlement de Toulouse à la suite de la sentence de Castres. Si cet arrêt ne s'y trouve pas nous allons écrire pour le faire venir . Élie va donc, une seconde fois, tirer la vertu du sein de l’opprobre et de l’infortune. Je vous prie de l’embrasser bien tendrement pour moi, et de lui dire qu’il a un autel dans mon cœur.
Vous ne m'avez point encore accusé la réception du paquet que M. Delahaye a dû vous remettre, il n'est donc point encore à Paris ? Et s'il y est, il faut donc qu'il soit arrivé quelque malheur . Ne pourriez-vous point aller chez lui ? Le paquet ne laisse pas d'être de quelque conséquence . J'ai exécuté ponctuellement tous les ordres que frère Archimède m'a donnés 3, et je fais des vœux pour que la Destruction paraisse incessamment . Toutes ces destructions-là sont l'édification des honnêtes gens . Combattez, anges de l’humanité, bonsoir mon cher frère . Écr. l’inf. »
1 L'édition de Kehl suivant la copie Beaumarchais suivie des éditions, amalgame cette lettre avec celle du 19 avril en le abrégeant l'une et l'autre et datant du 17 avril : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1765/Lettre_5990
2 Voir dans la lettre du 7-8 juin 1764 à Cramer , où V* évoque pour la première fois l'idée de ce dédommagement : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/07/14/quel-dedommagement-aura-la-famille%C2%A0.html
Voir aussi la lettre d'Elie de Beaumont du 11 avril 1765 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/07/28/vous-avez-de-bons-conseils-consultez-les-et-faites-ce-qu-ils-vous-diront.html
Le Journal encyclopédique du 15 avril 1765, page 171, dit que, dans les 36 000 livres, il y en eut 12 000 pour Mme veuve Calas, 6000 pour chacune des deux demoiselles Calas, 3000 pour le fils, et 3,000 pour la servante. Dupleix de Bacquencourt, maître des requêtes, rapporteur du procès, se rendit chez Mme Calas, et lui remit en outre une somme considérable en or. Cette dame pria le magistrat de vouloir bien lui dire à qui elle en avait l’obligation. « Je suis chargé, a-t-il répondu, madame, de vous demander comme grâce de ne point prendre la peine de vous en informer. »
3 D'Alembert, dans la lettre citée à propos de celle du 16 avril 1765 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/07/29/il-ne-tiendrait-qu-a-vous-de-dire-bientot-que-de-fous-j-ai-g-6254435.html
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02/08/2020
J'espère que vous réussirez dans toutes vos entreprises, et que votre bonheur sera désormais égal à vos infortunes passées
... https://www.youtube.com/watch?v=6dCmwGbEON4
« A Anne-Rose Calas
Vous concevez bien , madame, qu'elle a été ma joie en apprenant les bienfaits dont le roi soulage vos malheurs, et récompense votre vertu . J'espère que vous réussirez dans toutes vos entreprises, et que votre bonheur sera désormais égal à vos infortunes passées .
Permettez-moi d'embrasser mesdemoiselles vos filles, monsieur votre fils et M. Lavaysse .
J'ai l'honneur d'être avec l'intérêt le plus vif, et le plus grand attendrissement, madame, votre très humble et très obéissant serviteur
V.
17è avril 1765 à Ferney. 1»
1 A son habitude, Mme Calas a porté le nom de V* et la date sur le manuscrit .
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01/08/2020
Il faut bien peu de chose aux grands de ce monde pour inspirer l’amour ou la haine
... https://www.youtube.com/watch?v=T02HJFNLaLQ
« A Etienne-Noël Damilaville
16è avril 1765
Il est donc enfin décidé, mon cher frère, que le roi daignera donner un dédommagement à notre veuve. Je vous assure qu’il aura l’intérêt de son argent en bénédictions. Un roi fait ce qu’il veut des cœurs : tous les protestants sont prêts à mourir pour son service. Il faut bien peu de chose aux grands de ce monde pour inspirer l’amour ou la haine. Je ne suis pas assez au fait des affaires pour décider sur la prise a partie ; mais si cette prise réussissait, ce serait un terrible coup. Je ne crois pas qu’il y en ait d’exemple depuis le massacre de Cabrières et de Mérindol ; mais cette cruelle affaire était bien d’un autre genre : il s’agissait de l’abus sanguinaire des ordres du roi, de dix-huit villages mis en cendres, et de huit à neuf mille sujets égorgés. Tantum religio potuit suadere malorum !1 Je m’unis à vous plus que jamais dans la sainte tolérance. Écr. l’inf. »
1 Tant la religion a pu inspirer de crimes , Lucrèce, De natura rerum, I, 101 ( voir : http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Lucrece/livre1a.htm ).
V* fait allusion à des évènements datant du règne de François Ier ; voir lettre du 20 avril 1765 à Dupont : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1765/Lettre_5994
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_M%C3%A9rindol
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31/07/2020
les liaisons avec les jeunes gens du bel air sont souvent dangereuses, quel vide on trouve dans leur société
... La période des vacances et les fréquentations fugaces sont bien faites pour confirmer ce constat voltairien . Sea, sex and sun ! Noyades, MST et coups de soleil !
« A Jean-François-Joseph de Toulongeon, comte de Champlitte 1
A Ferney, 16 avril 1765
M. le marquis de Villette, monsieur, m’ayant appris qu’il était votre parent, et que vous étiez instruit de toutes ses affaires, j’ai cru que vous me pardonneriez la liberté que je prends de vous écrire sur sa situation présente. Il m’a inspiré un véritable intérêt à tout ce qui le regarde. Il est aimable, plein d’esprit ; je lui crois le cœur excellent, et j’ai vu avec une satisfaction bien sensible qu’il respecte et qu’il aime monsieur son père autant qu’il le doit. Il est fait pour être sa consolation. Plus il sent les fautes dans lesquelles il peut être tombé, plus il sent aussi la nécessité et le plaisir honnête de les réparer. La bonté de son caractère m’a enhardi quelquefois à observer avec lui combien les liaisons avec les jeunes gens du bel air sont souvent dangereuses, quel vide on trouve dans leur société, et que nos parents sont nos véritables amis. C’est surtout la manière dont il m’a parlé de vous, monsieur, qui m’a déterminé à vous ouvrir mon cœur. Il m’a fait l’honneur de regarder mon petit ermitage comme sa maison, et quand nous le perdrons, il nous laissera bien des regrets. Je prévois qu’avant de retourner à Paris il passera quelque temps auprès de vous ; il en sera plus cher à monsieur son père, et méritera davantage son amitié. Ce sera vous, monsieur, à qui il devra cette réconciliation entière. Je voudrais pouvoir l’accompagner quand il ira vous voir ; mon âge et les maladies dont je suis accablé me priveront probablement de cet avantage ; mais ils ne me laissent pas moins sensible à votre mérite et aux bontés que vous m’avez toujours témoignées. C’est surtout de ces bontés que j’attends quelque indulgence de vous pour cette lettre. Il ne m’appartient pas sans doute d’animer votre sensibilité pour M. de Villette ; permettez-moi seulement de joindre la mienne à la vôtre, et de vous renouveler tous les sentiments avec lesquels j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
1 Ce destinataire a été identifié par sa parenté avec le marquis de Villette ( il est le mari d'Anne-Prospère, tante de de Villette ) , et par le fait que Champlitte est en Haute-Soône sur la route de Paris .
Voir : https://gw.geneanet.org/garric?lang=fr&n=de+toulongeon&oc=0&p=jean+francois+joseph
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Champlitte
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30/07/2020
Si nous sommes encore sots et barbares, c’est aux instructeurs qu’il faut s’en prendre
... "L'année scolaire 2020-2021 sera caractérisée par le développement du sport et de la culture dans la vie de chaque élève. L'éducation physique et sportive ainsi que l'ensemble des disciplines artistiques seront au cœur de cette priorité."
Je n'invente rien, c'est officiel : https://www.education.gouv.fr/la-circulaire-de-rentree-20...
Avec ça, nos enfants sont bien lotis ! Costauds, agiles et bien dans leurs baskets, aussi cultivés que les champions de TLMVPSP et les 12 Coups de midi, nous aurions des adultes idéaux, et ainsi nous n'aurions plus jamais besoin d'avoir des Gisèle Halimi ni des Jacqueline Sauvage ?
Il serait bon qu'on n'oublie pas de rendre hommage à ces femmes, et qu'on enseigne pour quoi et contre quoi elles se sont battues , modèles de courage pour rendre notre monde meilleur . Mesdames, Voltaire est de votre côté .
Nos enfants en juillet 2021
« A Théophile Imarigeon Duvernet 1
Ferney, le 16 avril 1765
Je fais mon compliment, monsieur l’abbé, aux habitants de la ville de Vienne de vous avoir confié leur collège. Les jeunes gens de cette ville auront fait un grand pas vers la sagesse lorsqu’ils commenceront à rougir de l’atrocité de leurs ancêtres à l’égard du malheureux Servet. Il est très-important de leur apprendre de bonne heure que ce médecin espagnol, moitié théologien et moitié philosophe, avant d’être cuit à petit feu dans Genève, avait déjà été condamné à être brûlé vif à Vienne, au milieu du marché aux cochons. Il faut encore que ces jeunes gens sachent que Servet était l’ami et le médecin de l’archevêque et du premier magistrat de cette ville : ils devaient l’un et l’autre leur santé aux soins de Servet ; le fanatisme éteignit en eux tout sentiment d’amitié et de reconnaissance. Le prélat permit à son official, escorté d’un inquisiteur de la foi, de déclarer hérétique son médecin ; et le magistrat, escorté de quatre à cinq assesseurs aussi ignorants que lui, crut que, pour plaire à Dieu et pour édifier les bonnes femmes du Dauphiné, il devait en conscience faire brûler son ami Servet, déclaré hérétique par un inquisiteur de la foi.
Vous trouverez certainement dans la bibliothèque de votre collège une grande partie des matériaux qui vous seront devenus nécessaires pour l’histoire des révérends pères jésuites. Vous êtes très en état, monsieur, de bien faire cette histoire, et vous êtes sûr d’être lu, lors même qu’il n’y aurait plus au monde ni jésuites ni ennemis des jésuites. Vous rendrez un grand service aux hommes en leur faisant connaître des religieux qui les ont trompés, et qui les ont fait battre en les trompant.
Un grand philosophe géomètre, qui daigne me mettre au nombre de ses amis, vient de publier un discours très-éloquent sur la destruction de ces religieux 2. Ce discours, plein de chaleur, de sel et de vérités, est une excellente préface à l’histoire que vous préparez. Vous devez sentir, monsieur, plus que personne, que la destruction de cette Société, dite de Jésus, est un grand bien qui s’opère en Europe. C’est une légion d’ennemis de moins que les gouvernements et la philosophie auront désormais à craindre et à combattre. Il est à désirer que les hommes de lettres qui les remplacent dans l’enseignement de la jeunesse aient autant de courage et de lumières que vous en avez pour faire le bien. On verra bientôt en France, en Espagne, en Portugal, une génération d’hommes très-instruits qui sentiront vivement combien il est affreux de se tourmenter pour des subtilités métaphysiques, et de faire un enfer anticipé de ce monde, qui ne devrait être, pendant le peu d’instants que nous nous y arrêtons, que le séjour des plaisirs et de la vertu. Si nous sommes encore sots et barbares, c’est aux instructeurs qu’il faut s’en prendre. Les études dans les collèges n’ont été jusqu’ici réglées que d’après les principes d’une théologie dogmatique ; et c’est de cette source empoisonnée que sont sorties tant de sectes qui, en l’honneur de Jésus-Christ, se sont chargées d’anathèmes, et qui, après s’être querellées grossièrement, ont employé des milliers de bourreaux pour s’exterminer, et ont fait, en s’exterminant, un vaste cimetière de l’Europe, tantôt pour les couleurs eucharistiques, et tantôt pour la grâce versatile.
Ce que vous me dites, monsieur, du nombre de ceux qui ne croient pas en Dieu est une vérité incontestable. Le temps où il y eut en Europe plus d’athées et plus de crimes de toutes les espèces est celui où l’on eut plus de théologiens et de persécuteurs, M. Charles Gouju 3 est entièrement de votre sentiment, et il s’en rapporte à votre prudence au sujet de la petite homélie qu’il adresse à ses frères sur la banqueroute des révérends pères jésuites, et sur l’athéisme des théologiens.
Je suis, etc. »
1 La lettre à laquelle répond V* n'est pas connue ; Théophile-Imarigeon Duvernet, né à Ambert en Auvergne, en 1734, mort en ou avant 1797, est auteur d’une Vie de Voltaire publiée pour la première fois en 1786, et dont la dernière édition est de 1797. Il avait été l’éditeur et le mutilateur des Lettres de M. de Voltaire à M. l’abbé Moussinot, son trésorier, 1781, in-8°. . Voir : https://books.google.fr/books?id=hUIgvFD5M7sC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false
et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9007035p/f2.image
2 Sur la destruction des jésuites, de d'Alembert .
3 A propos de la Lettre de Charles Gouju à ses frères par les révérends pères, 1761, voir la lettre à Thieriot du 14 septembre 1761 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/08/22/si-a-son-age-elle-joue-des-roles-de-petite-fille-on-peut-fai-5838720.html
et : https://fr.wikisource.org/wiki/Lettre_de_Charles_Gouju/%C3%89dition_Garnier
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29/07/2020
il ne tiendrait qu'à vous de dire bientôt : que de fous j'ai guéris !
... Ô Donald Trump, que de merveilles dont vous ornez et honorez le monde ! https://www.huffingtonpost.fr/entry/apres-setre-assagi-tr...
Trump a fait des émules
« A Jean Le Rond d'Alembert
16 avril [1765] 1
Mon cher appui de la raison, c'est bien la faute à frère Gabriel, s'il a lâché trois ou quatre exemplaires à des indiscrets ; mais , ou je me trompe fort, ou jamais Merlin n'aurait osé rien débiter sans une permission tacite ; et , malheureusement, pour avoir cette permission de débiter la raison, il faut s'adresser à des gens qui n'en ont point du tout . Si on en fait une édition furtive, alors Gabriel débitera la sienne . Fournissez-nous souvent de ces petits stylets mortels à poignée d'or enrichie de pierreries, l'inf sera percée par les plus belles armes du monde, et ne craignez point que Gabriel y perde .
Vous avez bien raison de citer les vers des Plaideurs : Que de fous !2 etc. ; mais il ne tiendrait qu'à vous de dire bientôt : que de fous j'ai guéris ! Tous les honnêtes gens commencent à entendre raison ; il est vrai qu'aucun d'eux ne veut être martyr, mais il y aura secrètement un très grand nombre de confesseurs, et c'est tout ce qu'il nous faut .
Jean-Jacques , dont vous me parlez, fait un peu de tort à la bonne cause ; jamais les Pères de l’Église ne se sont contredits autant que lui . Son esprit est faux, et son cœur est celui d'un malhonnête homme ; cependant il a encore des appuis . Je lui pardonnerais tous ses torts envers moi , s'il se mettait à pulvériser, par un bon ouvrage, les prêtres de Baal qui le persécutent . J'avoue que sa main n'est pas digne de soutenir notre arche ; mais
Qu’importe de quel bras Dieu daigne se servir !3
Frère Helvétius réussira sans doute auprès de Frédéric ; s'il pouvait partir de là quelques traits qui secondassent les vôtres, ce serait une bonne affaire .
Adieu, mon cher maître et mon cher frère ; je m'affaiblis beaucoup, et je compte aller bientôt dans le sein d'Abraham qui n'était, comme dit l'Alcoran, ni juif ni chrétien. »
1 V* répond à une lettre du 9 avril 1765 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_(d%E2%80%99Alembert)/Correspondance_avec_Voltaire/059
2 « Que de fous ! Je ne fus jamais à telle fête », vers des Plaideurs de Racine cité par d'Alembert à la fin de sa lettre .
3 Zaïre, II, 1 : vers 452 http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/VOLTAIRE_ZAIRE.xml#A2
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mais je pense qu'il est bien difficile d'exiger de lui une promesse en forme
... Lui, qui ?
Tout politique au pouvoir actuellement et qui doit répondre aux attentes de soixante millions d'individus sans compter les chats et les petits cochons .
« A Jacob Tronchin
[avril 1765] 1
La Fontaine a fait assurément bien de l'honneur à ces cent nouvelles du coin de la rue 2. C'est là tirer de l'or du fumier . Je vous remercie monsieur de m'avoir fait connaître la source où il a puisé quelquefois .
Je ne manquerai pas assurément à la première occasion que j'aurai de faire souvenir M. le duc de Choiseul de ses bontés, et des espérances qu'il nous a données , mais je pense qu'il est bien difficile d'exiger de lui une promesse en forme . Il est d'ailleurs si affligé à présent de l'inexécution de tous ses ordres à la Cayenne que ces moments-ci ne sont pas mollia fandi tempora 3. Mille tendres respects .
V. »
1L'édition Tronchin est limitée à un court extrait non daté ; Droz date de février 1758et donne François Tronchin comme destinataire ; Delattre suggère Jacob Tronchin et place la lettre en avril-mai 1765 .
Elle se situe à la suite d'un lettre de Choiseul du 3 avril 1765 : « Il est vrai que j'ai eu du chagrin pour ma colonie de Cayenne ; des sots, des fripons, et pis que cela des ignorants qui croyaient en savoir beaucoup, m'ont entraîné dans de fausse démarches ; je suis corrigé, ce n'est pas une matière aisée à traiter que celle de colonies ; j'apprends tous les jours que je suis plus ignorant que je ne croyais la veille ; à force d'application, j'arriverai au bien , à ce que j'espère […] L'histoire du canton de Schvitz fait plus d'honneur à ce canton qu'il ne mérite ; nous n'avions d'eux que soixante-seize hommes à notre service ; ils reviennent tous successivement, le canton reviendra aussi, et , s'il ne revient pas , nous aurons ses hommes et il n'aura pas nos pensions . M. de Villette a de l'esprit, mais cet esprit est renfermé dans une mauvaise tête ; si cependant il avait un bon cœur, il n'y aurait rien de perdu […] je donnerai volontiers mon consentement à tout ce que son père demandera pour lui . Vivez heureux, tranquille, ma chère marmotte, ne vous embarrassez ni des jésuites, ni des parlements[…] . »
2 Les Cent nouvelles nouvelles , dont La Fontaine s'est inspiré dans quelques contes ? Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cent_nouvelles_nouvelles
et : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86000684/f5.image
3 Les occasions favorables pour parler ; d'après L'Enéide, IV, 293-294 , de Virgile ; voir : http://bcs.fltr.ucl.ac.be/Virg/V04-173-295.html
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